Pie XII

260ᵉ pape ; de 1939 à 1958

22 juillet 1942

Discours aux jeunes époux

Un grand mystère divin se cache dans la modeste condition de « serviteur »

Table des matières

Les époux doivent consi­dé­rer à la lumière de la jus­tice chré­tienne et de la cha­ri­té leurs rela­tions avec les per­sonnes atta­chées au ser­vice de leur mai­son. En cette audience du 22 juillet le Saint-​Père entre­prend d’illustrer ce point impor­tant des rap­ports sociaux et il pour­sui­vra son expo­sé les 5 et 19 août :

I. – Patrons et domestiques.

Cette mai­son du Père com­mun des fidèles où vous êtes réunis, chers jeunes époux, est une mai­son de foi. La col­line où elle s’élève, ses murs, ses tableaux, ses sou­ve­nirs, son his­toire vous parlent de foi ; et c’est la foi qui vous a ins­pi­rés de venir ici, c’est la foi qui vous y a conduits. C’est dans la foi du Christ que vous avez scel­lé votre union ; c’est dans la foi du Christ que vous êtes venus auprès de Nous, non pas dans la simple pen­sée d’accomplir un acte de pié­té filiale, mais aus­si dans l’espoir que Notre parole vous éclai­re­ra sur la route de vos nou­velles obli­ga­tions et que le secours de Notre béné­dic­tion vous don­ne­ra la force d’en por­ter digne­ment les charges. Parmi les nom­breuses res­pon­sa­bi­li­tés qui vous incombent dans la vie conju­gale et fami­liale, il y en a plu­sieurs que Nous avons déjà exa­mi­nées et expo­sées, et d’autres le seront plus tard. Ce que Nous avons dit aux jeunes époux qui vous ont pré­cé­dés à ces audiences, Nous vou­drions vous exhor­ter à le médi­ter en esprit de foi et de confiance ; et Nous vous exhor­tons de même à lire ce que Nous dirons, s’il plaît à Dieu, à ceux qui vien­dront après vous. Pour aujourd’hui, Nous avons l’intention de vous entre­te­nir d’un sujet trop sou­vent mécon­nu de notre temps, mais qu’il est impor­tant et néces­saire de consi­dé­rer en lui-​même et dans ses conséquences.

La rapide évolution sociale a pénétré jusque dans les foyers.

Vous êtes jeunes, vous appar­te­nez plus au pré­sent et à l’avenir qu’au pas­sé : c’est là le pri­vi­lège, la fier­té des jeunes. Vous contem­plez le pré­sent, mais l’histoire avant vous a fait bien du che­min. Depuis plus d’un siècle, les condi­tions et les rela­tions sociales ont chan­gé et se sont trans­for­mées avec une rapi­di­té tou­jours crois­sante : le retour pério­dique des guerres et des bou­le­ver­se­ments uni­ver­sels en a pré­ci­pi­té l’évolution, et cette évo­lu­tion a péné­tré jusque dans les foyers. D’une part, il est plus rare de ren­con­trer des familles qui ont un nombre consi­dé­rable de per­sonnes à leur ser­vice ; d’autre part, les familles que la néces­si­té contraint de recou­rir au tra­vail d’autrui se sont mul­ti­pliées. Sans vou­loir par­ler des mai­sons nobles et aisées, vous voyez bien des mères de famille que leurs occu­pa­tions retiennent une grande par­tie du jour loin de leur foyer et qui sont obli­gées de solli­citer, au moins pour quelques heures, le ser­vice et la vigi­lance d’autrui.

Ne méprisons pas la condition de serviteur puisqu’envers Dieu c’est la condition du Christ et notre vie à tous.

N’allez pas croire, bien-​aimés fils et filles, que la nature humaine doive consi­dé­rer ces tra­vaux au ser­vice d’autrui comme une vie d’humiliations et de mépris. Il se cache dans la modeste condi­tion de ser­vi­teur un grand mys­tère divin. Dieu est le sou­ve­rain et unique maître de l’univers : nous sommes tous ses ser­vi­teurs, sans en excep­ter Jésus-​Christ. En effet, « bien qu’il fût dans la condi­tion de Dieu, il s’est anéan­ti lui-​même en pre­nant la condi­tion d’esclave, en se ren­dant sem­blable aux hommes, et recon­nu pour homme par tout ce qui a paru de lui ; il s’est abais­sé lui-​même, se fai­sant obéis­sant jus­qu’à la mort et à la mort de la croix. C’est pour­quoi Dieu l’a sou­verainement éle­vé et lui a don­né un nom qui est au-​dessus de tout nom et qui est notre salut » (Philip., ii, 7 et ss. ; Actes iv, 12). Aussi le Christ n’a‑t-il pas hési­té à affir­mer que le Fils de l’homme n’est pas venu pour être ser­vi, mais pour ser­vir (Matth., xx, 28). Ne voyez-​vous pas en lui la sublime réa­li­sa­tion de cette parole que « celui qui s’humilie sera exal­té » ? Mais pour­quoi donc ? Parce que ser­vir Dieu, c’est régner, et que la vie, c’est de le connaître. Con­naître, aimer et ser­vir Dieu, n’est-ce point là, comme l’enseigne le caté­chisme, le but de toute notre vie ? Nous sommes tous des servi­teurs de Dieu. Nous-​même Nous ne sommes dans cette haute charge que le ser­vus ser­vo­rum Dei, le ser­vi­teur des ser­vi­teurs de Dieu. Et vous, à votre foyer domes­tique, vous ser­vez Dieu par la pro­pa­ga­tion du genre humain, par la pro­pa­ga­tion des enfants de Dieu, et votre ser­vice va même jusqu’à l’héroïsme de la mater­ni­té. On sert Dieu, on sert le Christ, on sert la reli­gion, on sert la patrie, on sert les supé­rieurs, on sert les infé­rieurs, on sert le pro­chain. Nous sommes tous les ser­vi­teurs de la Providence, qui dirige et ordonne dans le gou­ver­ne­ment du monde toute chose à sa divine gloire, même le mal ici-​bas qui bou­le­verse l’homme, les peuples et les nations. Qu’est-ce que le monde, sinon le champ où sur tous ses tra­vailleurs, ser­vi­teurs obéis­sants ou rebelles, Dieu fait briller son soleil et des­cendre sa pluie ? (cf. Matth., v, 45). Qu’est-ce que l’Eglise, sinon la mai­son de Dieu où, selon l’expression de saint Paul, « vous n’êtes plus des étran­gers ni des hôtes de pas­sage, mais des conci­toyens des saints et des fami­liers de Dieu », et domes­ti­ci Dei ? (Eph., ii, 19).

La famille chré­tienne est une image de l’Eglise, un sanc­tuaire domes­tique. Les enfants y vivent avec leurs parents, les domes­tiques et ser­vantes avec les enfants, mais dans une situa­tion spé­ciale envers leurs patrons et patronnes. Par l’origine et par le sang, ils ne sont certes pas de la famille ; ils ne le sont point non plus par une adop­tion légale pro­pre­ment dite ; on peut tou­te­fois consi­dé­rer comme une sorte d’adoption leur admis­sion dans la même mai­son pour vivre sous le même toit et deve­nir les conti­nuels témoins de l’inti­mité fami­liale. Mais la vie d’un domes­tique ou d’une ser­vante chré­tienne n’a‑t-elle pas, dans un foyer chré­tien, sa modeste et dis­crète beau­té ? Cette vie même, il est vrai, est deve­nue plu­tôt rare, mais elle n’est pas entiè­re­ment dis­pa­rue de l’histoire et de notre temps. Il est donc oppor­tun de vous la signa­ler, afin que vous appre­niez à l’admirer et à l’aimer et que s’éveille ain­si en votre cœur le noble désir de la faire refleu­rir dans la société.

Ce n’est plus la dure condition des esclaves de l’antiquité, car la dis­tinction entre patrons et domestiques s’adoucit.

Il n’est pas dans Notre inten­tion d’évoquer la dure his­toire des esclaves de l’antiquité. Il suf­fit de rap­pe­ler, croyons-​Nous, que dans l’empire romain lui-​même – mal­gré les adou­cis­se­ments que la légis­lation et le sens pra­tique de ce grand peuple avaient au cours des âges intro­duits dans les mœurs publiques – la condi­tion et la vie des esclaves étaient sou­vent bien misé­rables. Dans la lit­té­ra­ture de cette époque résonne encore comme un écho la voix irri­tée des matrones et les lamen­ta­tions de leurs esclaves. On connaît l’épisode de l’élégante dame qui, pour une seule boucle trop har­die, frappe du nerf de bœuf la mal­heu­reuse Psecas qui lui arran­geait les che­veux1. On connaît aus­si l’épisode de Lallagé : pour une seule boucle – unus de toto pec­ca­ve­rat orbe coma­rum anu­lus – pour une pauvre petite boucle que ren­dait dis­gra­cieuse une épingle mal fixée, elle frap­pa du miroir qui lui révé­lait ce défaut la coif­feuse Plecusa, laquelle en mou­rut2. Si la colère de la femme païenne fut plus tard adou­cie, c’est avant tout l’œuvre du chris­tia­nisme, qui a pour Chef et pour Maître un Dieu doux et humble de cœur.

Seulement la dis­tinc­tion entre patrons et ser­vi­teurs n’a pas dis­paru de la socié­té fami­liale. Entrant pour la pre­mière fois en ser­vice – et sou­vent cette prise de contact avec une vie nou­velle revê­tait une impor­tance par­ti­cu­lière – ces jeunes gens, ces jeunes filles, qui n’étaient encore par­fois que des ado­les­cents, appar­te­naient peut-​être à une famille pay­sanne nom­breuse, hon­nête, esti­mée dans sa région. Ils avaient vu dans le domaine pater­nel des domes­tiques et des ser­vantes res­pec­tueux et res­pec­tés aider leurs parents dans des tra­vaux encore trop pénibles pour leur âge. En atten­dant, on avait jugé bon de les envoyer en ville et de les y mettre en ser­vice : il y gagne­raient leur vie, ce milieu élar­gi­rait leur hori­zon, leur vie s’ouvrirait à un ave­nir plus favo­rable, à une situa­tion meilleure. Le cœur gros et inquiet, quit­tant leur mai­son, leur paroisse, ils ont écou­té les conseils et les admo­ni­tions pleines de sagesse et de foi de leurs parents ; on leur a recom­man­dé la fidé­li­té à Dieu et à leurs maîtres. Et ils sont venus chez ces patrons, en com­pa­gnie par­fois de leur père ou de leur mère, qui délé­guaient en quelque sorte à ces maîtres une part de leur propre auto­ri­té et de leur sol­li­ci­tude pater­nelle ou maternelle.

Cet accueil d’adolescents, de jeunes gens, dans une nou­velle famille, n’est-ce pas, ain­si que Nous l’avons déjà dit, une sorte d’adoption ? Mais quelle res­pon­sa­bi­li­té assument les patrons à qui un père ou une mère viennent confier leur enfant ! C’est une res­ponsabilité qui engage leur conscience devant Dieu et devant les hommes et qui leur impose l’obligation de conci­lier une auto­ri­té pater­nelle douce et pleine de sol­li­ci­tude avec une fer­me­té suf­fi­sante pour main­te­nir, comme il convient, ces « domes­tiques » dans l’attitude et dans l’esprit par­ti­cu­liers à leur condition.

La sollicitude du centurion de l’Evangile pour son serviteur.

Est-​il chose plus émou­vante que la scène du ser­vi­teur malade du cen­tu­rion, rela­tée dans l’Evangile ? Un cen­tu­rion avait un ser­vi­teur malade et sur le point de mou­rir, un ser­vi­teur très cher. Ayant enten­du par­ler de Jésus, il lui envoie des anciens pour le prier de venir gué­rir son ser­vi­teur. Jésus s’en va donc avec eux. Mais alors qu’il n’était déjà plus éloi­gné de la mai­son, le cen­tu­rion lui envoie dire par des amis : « Seigneur, ne vous déran­gez point, je ne suis pas digne que vous entriez sous mon toit. Mais dites seule­ment une parole et mon ser­vi­teur sera gué­ri. » Et en effet, à leur retour chez le cen­tu­rion, ils trou­vèrent le ser­vi­teur gué­ri (cf. Luc, vii, 2 et ss.). Admirez la sol­li­ci­tude du cen­tu­rion pour son ser­vi­teur, mais admi­rez sur­tout l’amour du Christ, qui console tous ceux qui recourent à lui dans la peine et dans l’angoisse.

Si un païen nous donne un si bel exemple, quels lumi­neux modè­les ne nous four­ni­rait pas l’histoire des familles chré­tiennes ! Parcourez-​en les pages, et vous ver­rez au cours des siècles, plus fré­quemment que vous ne pen­sez, la maî­tresse de mai­son accueillir la petite ser­vante inex­pé­ri­men­tée, mal­adroite, hési­tante et rude, avec une sol­li­ci­tude toute mater­nelle, comme si c’était sa propre fille ; vous la ver­rez l’aider, la déve­lop­per, l’affiner et l’éclairer, sans tou­cher en rien à cette sim­pli­ci­té, à cette ingé­nio­si­té, à cette inno­cence qui font toute la grâce d’une enfant qui vient de la cam­pagne et qui fran­chit le seuil d’une famille aisée de la ville. Vous ver­rez le soir cette enfant répondre avec les autres aux prières que récite le père de famille ; vous la ver­rez, dans sa timi­di­té, tout émue au sou­ve­nir des prières que les siens adressent à Dieu à la même heure dans son village.

Quand l’esprit chrétien des serviteurs répond à la vie chrétienne des familles

Lorsque, dans un dévoue­ment à toute épreuve, l’esprit chré­tien des ser­vi­teurs cor­res­pond à l’esprit chré­tien des patrons, c’est un spec­tacle à ravir les anges. En cette mutuelle atti­tude chré­tienne, la foi élève le patron sans abais­ser le ser­vi­teur : elle les met sur le même pied devant Dieu, en cette com­mu­nion ‑d’esprit que mani­feste le soin de cha­cun à rem­plir ses devoirs propres. Rien qu’à voir, non seule­ment dans les pièces les plus fré­quen­tées, mais jusque dans les der­nières chambres de ser­vice, briller toute chose, rien qu’à voir l’ordre et la pro­pre­té la plus soi­gneuse mar­quer d’un cachet de noblesse les plus obs­curs recoins que per­sonne ne dis­tingue, mais qui n’en font pas moins par­tie de la mai­son, on se repré­sente avec quelle amou­reuse atten­tion la ser­vante accom­plit son humble et pénible tra­vail, sa tâche mono­tone, tous les jours la même, et reprise tous les jours avec la même ardeur, car c’est le propre de son labeur de recom­men­cer à chaque fois que le jour se lève. Vingt fois peut-​être inter­rom­pue dans son tra­vail, vingt fois appe­lée, elle cour­ra à la porte pour l’ouvrir et pour accueillir tout le monde avec le même empres­se­ment, la même défé­rence, le même res­pect, prête à ren­trer dans l’ombre, sereine et joyeuse, et à pour­suivre sa tâche avec une tran­quille fier­té et un zèle assi­du. Regardez-​la, et vous ver­rez res­plen­dir en ses ver­tus les ver­tus de ses maîtres. Est-​ce que par hasard la ver­tu n’aurait point, elle aus­si, sa splen­deur ? Cette jeune fille, cette ser­vante, qui retrouve et goûte dans la paix d’une bonne famille chré­tienne le par­fum d’un sanc­tuaire domes­tique, se sen­ti­ra à son tour puis­sam­ment encou­ra­gée au bien par l’affectueuse bien­veillance qui l’entoure, et les années ne feront que déve­lop­per et ren­for­cer son dévoue­ment et atta­che­ment à ses maîtres et à leur maison.

… il en naît une mutuelle affection qui devient avec l’âge une sorte de parenté.

Qu’il est beau de voir plus tard ces domes­tiques et ces ser­vantes qui ont gran­di au foyer de leurs patrons, pro­di­guer leurs soins et leur res­pec­tueuse ten­dresse aux ber­ceaux qui viennent égayer la mai­son ! Alors, la sol­li­ci­tude et la bien­veillance des patrons devien­nent de la confiance envers le domes­tique et la ser­vante qui exercent sur les enfants, sans jamais en abu­ser, sans jamais se dépar­tir d’une dis­crète réserve, la sur­veillance qu’on leur a confiée. Et ces enfants une fois deve­nus des ado­les­cents, deve­nus des hommes, vous les trou­verez pleins de recon­nais­sance et d’égards pour ces domes­tiques âgés et che­nus qui ont déjà été au ser­vice des aïeuls et des parents et qui ont vu naître une ou deux générations.

Elles s’envolent, les années : patrons et ser­vi­teurs vieillissent, les rides sillonnent les fronts, les che­veux tombent ou blan­chissent, les épaules se voûtent, et voi­ci l’âge des infir­mi­tés et des épreuves. Il semble alors qu’entre patrons et ser­vi­teurs les liens se res­serrent tou­jours davan­tage et que le ser­vice se change en une sorte d’amitié, comme entre deux voya­geurs fati­gués qui s’appuient l’un sur l’autre afin de pour­suivre leur marche ensemble sur le che­min de la vie.

Nous-​même gar­dons le sou­ve­nir de plu­sieurs exemples de ce genre que Nous avons connus ou dont Nous avons eu l’occasion de lire le récit, et il ne vous déplai­ra peut-​être pas que Nous en évo­quions l’un ou l’autre. Une ser­vante qui avait été durant cin­quante ans au ser­vice de la même famille et qui voyait ses patrons tom­bés dans l’indigence, esti­ma que sa longue fidé­li­té lui avait confé­ré non pas des droits, mais des devoirs de paren­té, et elle leur offrit, sans accep­ter en retour aucune garan­tie, toute son épargne pour les tirer d’embarras. Une autre ser­vante, qui avait éga­le­ment à son actif un demi-​siècle de ser­vices, réso­lut de n’être plus à charge à une famille dure­ment éprou­vée par la guerre : elle se dévoua entiè­re­ment au ser­vice de « Madame » deve­nue pauvre et malade ; et lorsque mou­rut sa maî­tresse, elle vou­lut pour sa patronne d’hier un monu­ment funé­raire digne de la for­tune per­due et elle don­na à cette fin la somme qu’elle avait reçue d’une socié­té de bienfaisance((Discours de L. Madelin à l’Académie Française, 17 décembre 1936.)).

Cette union peut atteindre l’héroïque charité d’un martyre commun.

Des exemples plus hauts encore, des exemples où res­plen­dit avec la cha­ri­té chré­tienne l’union des patrons et des ser­vi­teurs dans la confes­sion de la foi, dans le mar­tyre, vous en trou­ve­rez dans l’his­toire des pre­miers siècles du chris­tia­nisme. Voici Agathodore, domes­tique de saint Papilus et de sa sœur Agathonica, mar­ty­ri­sés ensem­ble à Pergame((Cf. Acta Sanct. Mart. Rom., 1940, pp. 136–137.)). Voici, à Alexandrie, le vieillard saint Julien que l’infirmité empêche de mar­cher et qui se fait por­ter au tri­bu­nal par deux ser­vi­teurs ; si l’un d’eux mal­heu­reu­se­ment renia sa foi, l’autre, Enus, fut l’héroïque com­pa­gnon de son maître dans les tour­ments du mar­tyre((Idem, ibid., p. 78.)). Voici les illustres mar­tyres de Carthage, Vibia Perpétue et sa ser­vante Félicité : expo­sées toutes deux aux bêtes, toutes deux griè­ve­ment bles­sées, elles mou­rurent ensemble d’un coup de poi­gnard à la gorge, vic­times pour le Christ((Idem, ibid., p. 86.)). Nous ne pou­vons non plus pas­ser sous silence l’héroïque ser­vante Blandine, morte durant la per­sé­cu­tion de Lyon en 177 : alors que sa patronne crai­gnait que cette tendre et frêle enfant fût inca­pable de per­sévérer dans la confes­sion de la foi chré­tienne, Blandine non seule­ment sup­por­ta avec joie les plus cruels sup­plices, mais exhor­ta et encou­ra­gea à la constance dans la foi le jeune Ponticus, âgé de 15 ans3.

Les guerres, les révo­lu­tions, les pri­va­tions mettent aujourd’hui sous nos yeux des héros et des héroïnes non moins admi­rables de foi et de cha­ri­té. Si ces nobles héroïsmes se sont faits plus rares, il faut qu’ils revivent. Priez, veillez, tra­vaillez ; faites de votre mai­son un foyer où ceux qui entrent et qui vous offrent leurs ser­vices res­pirent et boivent l’air le plus pur. Votre œuvre alors res­plen­di­ra comme le joyau d’un dia­dème, dans la res­tau­ra­tion de la socié­té chré­tienne, dans cette socié­té où l’apôtre Paul nous dit qu’il n’y a plus, sous le nom de patrons et de ser­vi­teurs, que la sainte et immense famille des enfants de Dieu (cf. Gal., iii, 26–28).

Afin que vous adres­siez à Dieu d’humbles prières pour l’accom­plissement d’une œuvre aus­si méri­toire et que vous lui pré­sen­tiez vos vœux avec la convic­tion qu’il n’y a que lui qui vous puisse éclai­rer et gui­der, Nous vous don­nons, chers jeunes époux, de toute l’affec­tion de Notre cœur la Bénédiction apostolique.

Source : Documents Pontificaux de S. S. Pie XII, Édition Saint-​Augustin Saint-​Maurice. – D’après le texte ita­lien de Discorsi e Radiomessaggi, t. IV, p. 151 ; cf. la tra­duc­tion fran­çaise des Discours aux jeunes époux, t. II, p. 189.

  1. Juvénal, Satires, VI, 486 et ss. []
  2. Martial, Epigrammes, II, 66. []
  3. Idem, ibid., p. 220 ; Eusèbe, Hist., 1. V, chap. 1–3. []
18 mars 1942
La collaboration des époux qui se réalise dans l'esprit, dans la volonté et dans l'action
  • Pie XII