Pie XII

260ᵉ pape ; de 1939 à 1958

26 juin 1940

Discours aux jeunes époux

La consécration au Sacré-Cœur établira la paix

Donné à Rome, près Saint-​Pierre, le 26 juin 1940

Nous pour­rions aujourd’­hui, chers jeunes époux, pro­po­ser à votre contem­pla­tion la gra­cieuse image que l’Eglise offrait avant-​hier à la pié­té de ses fidèles : un enfant, Jean-​Baptiste, fruit mira­cu­leux d’une union res­tée long­temps sté­rile, et dont la nais­sance s’ac­com­pa­gna de pro­diges tels que les amis de la famille et les voi­sins se deman­daient avec stu­pé­fac­tion : « Que sera donc cet enfant ? » (Lc 1, 66).

Nous pour­rions aus­si Nous age­nouiller avec vous au tom­beau des Princes des apôtres, dont l’Eglise célé­bre­ra dans trois jours la fête solen­nelle, et réveiller pour vous l’é­cho des sages leçons que saint Pierre dans sa pre­mière lettre (III, 1–7) et saint Paul dans son épître aux Ephésiens (V, 22–33) don­naient aux fidèles de leur temps.

Mais par­mi les agi­ta­tions de notre époque, l’a­ve­nir de votre jeune foyer vous cause peut-​être des sou­cis, et Nous pré­fé­rons vous adres­ser quelques paroles d’en­cou­ra­ge­ment, comme naguère à d’autres jeunes époux. Nous pré­fé­rons vous dire : « Chers fils et filles, tournez-​vous vers le Sacré-​Cœur de Jésus, consacrez-​vous plei­ne­ment à lui et vous vivrez dans la séré­ni­té de la confiance. »

Il n’y a pas de doute que si l’on veut trou­ver une solu­tion durable à la crise actuelle, il fau­dra rebâ­tir la socié­té sur des fon­de­ments moins fra­giles, c’est-​à-​dire plus conformes à la source pre­mière de toute vraie civi­li­sa­tion, la morale du Christ. Il est non moins cer­tain que pour y par­ve­nir il fau­dra avant tout rechris­tia­ni­ser les familles, dont beau­coup ont oublié la mise en pra­tique de l’Evangile, la cha­ri­té qu’elle exige et la paix qu’elle apporte.

La famille est le prin­cipe de la socié­té. De même que le corps humain se com­pose de cel­lules vivantes qui ne sont pas sim­ple­ment jux­ta­po­sées, mais consti­tuent par leur rela­tions intimes et per­ma­nentes un tout orga­nique, ain­si la socié­té est for­mée, non point d’un conglo­mé­rat d’in­di­vi­dus qui appa­raissent un ins­tant pour dis­pa­raître ensuite, mais de la com­mu­nau­té éco­no­mique et de la soli­da­ri­té morale des familles, qui, trans­met­tant de géné­ra­tion en géné­ra­tion le pré­cieux héri­tage du même idéal, de la même civi­li­sa­tion et de la même foi reli­gieuse, assurent ain­si la cohé­sion et la conti­nui­té des liens sociaux. Saint Augustin le notait il y a quinze siècles, lors­qu’il écri­vait que la famille doit être l’élé­ment ini­tial et pour ain­si dire une cel­lule – par­ti­cu­la – de la cité. Et comme toute par­tie est ordon­née à la fin et à l’in­té­gri­té du tout, il en dédui­sait que la paix domes­tique entre ceux qui com­mandent et ceux qui obéissent tourne à la concorde des citoyens1. Ceux-​là le savent bien, qui, pour chas­ser Dieu de la socié­té et la jeter dans le désordre, s’ef­forcent d’ô­ter à la famille le res­pect et le sou­ve­nir même des lois de Dieu, exal­tant le divorce et l’u­nion libre, met­tant des entraves à la tâche pro­vi­den­tielle des parents envers leurs enfants, ins­pi­rant aux époux la peur des fatigues maté­rielles et des res­pon­sa­bi­li­tés morales qu’en­traîne le poids glo­rieux d’une nom­breuse famille. C’est contre de tels périls que Nous dési­rons vous pré­mu­nir en vous recom­man­dant de vous consa­crer au Cœur de Jésus.

Ce qui a man­qué, ce qui manque au monde pour vivre dans la paix, c’est l’es­prit de renon­ce­ment évan­gé­lique ; et cet esprit manque parce que l’af­fai­blis­se­ment de l’es­prit de foi déve­loppe l’é­goïsme, ruine de la féli­ci­té com­mune. De la foi jaillissent : la crainte de Dieu et la pié­té, qui rendent les hommes paci­fiques ; l’a­mour du tra­vail, qui conduit à l’ac­crois­se­ment des richesses même maté­rielles ; l’é­qui­té, qui en règle et assure la juste répar­ti­tion ; la cha­ri­té, assi­due à répa­rer les inévi­tables brèches que les pas­sions humaines ouvrent dans le prin­cipe de la justice.

Toutes ces ver­tus sup­posent l’es­prit de sacri­fice que l’Evangile impose aux chré­tiens : « Si quel­qu’un veut venir à ma suite, qu’il renonce à soi-​même » (Mt 16, 24). Dans les rela­tions sociales et inter­na­tio­nales, la cupi­di­té des indi­vi­dus et des nations ne pour­ra jamais s’ac­cor­der avec le bien-​être de tous. « D’où viennent les guerres et les luttes par­mi vous ? demande l’a­pôtre saint Jacques (Jc 4, 1). N’est-​ce pas de vos pas­sions qui com­battent dans vos membres ? »

Pour retrou­ver la paix, les hommes doivent donc réap­prendre ce que leur prêchent depuis de longs siècles le Christ et son Eglise : le sacri­fice des aspi­ra­tions et des dési­rs incom­pa­tibles avec les droits d’au­trui ou avec l’in­té­rêt com­mun. Voilà où conduit la voie douce et sûre de la dévo­tion au Sacré-Cœur.

Tout d’a­bord, l’i­mage du Cœur divin entou­ré de flammes, cou­ron­né d’é­pines et ouvert par la lance, rap­pelle jus­qu’où Jésus a aimé les hommes et s’est sacri­fié pour eux, c’est-​à-​dire, selon sa propre expres­sion, « jus­qu’à s’é­pui­ser et se consu­mer ». En outre, la plainte du Sauveur tou­chant les infi­dé­li­tés et les ingra­ti­tudes des hommes imprime à cette dévo­tion un carac­tère essen­tiel de dévo­tion expia­trice. Double aspect mer­veilleu­se­ment mis en relief par Notre grand pré­dé­ces­seur Pie XI dans son ency­clique Miserentissimus Redemptor et dans la col­lecte de la messe du Sacré-​Cœur, où il est dit qu’il faut joindre à l’hom­mage de notre pié­té, devo­tum pie­ta­tis nos­trae obse­quium, une digne satis­fac­tion pour nos fautes, dignae satis­fac­tio­nis offi­cium. Ce double élé­ment donne à la dévo­tion au Sacré-​Cœur une par­ti­cu­lière puis­sance à réta­blir l’ordre lésé, donc à pré­pa­rer et à pro­mou­voir le retour de la paix. La grande œuvre du Christ, ou, pour par­ler comme saint Paul (II Co 5, 19), l’œuvre que Dieu accom­plis­sait en lui, était de récon­ci­lier le monde avec le Père, Deus erat in Christo mun­dum recon­ci­lians sibi, et le sang dont le Cœur de Jésus cru­ci­fié ver­sa les der­nières gouttes, est le sceau de la nou­velle alliance (I Co 11, 25) qui renoue entre Dieu et l’homme les liens d’a­mour qu’a­vait rom­pus le péché originel.

Faites donc de ce Cœur le Roi de votre foyer, et vous y éta­bli­rez du même coup la paix. Et cela d’au­tant plus qu’il a renou­ve­lé et spé­ci­fié les béné­dic­tions de son Père céleste aux familles, par la pro­messe de faire régner la paix dans celles qui se consa­cre­raient à lui.

Si seule­ment tous les hommes enten­daient cette invi­ta­tion et ces pro­messes ! Deux de Nos pré­dé­ces­seurs, Léon XIII et Pie XI, Pères com­muns de la chré­tien­té et guides ins­pi­rés du genre humain sur cette terre, ont bien consa­cré solen­nel­le­ment le genre humain au Cœur de Jésus ; mais que d’âmes ignorent encore, que d’âmes méprisent la source de grâce qui leur a été ouverte et qui leur reste d’un accès si facile ! Ah ! ne soyez point du nombre de ces insen­sés ou de ces négli­gents qui refusent au Roi d’a­mour la porte de leur foyer, de leur cité, de leur nation, et qui retardent ain­si le jour où le monde retrou­ve­ra la paix et la vraie féli­ci­té ! Fermeriez-​vous votre fenêtre, si venait s’y pré­sen­ter à vous, comme à Noé dans l’arche, la colombe avec le rameau d’o­li­vier ? Or, ce que pro­met et apporte le Sacré-​Cœur, c’est plus qu’un sym­bole : c’est la réa­li­té même de la paix. Jésus ne vous demande que le don sin­cère de votre cœur : voi­là la vraie consé­cra­tion. Ayez le cou­rage de la faire, et vous sau­rez par expé­rience que Dieu ne se laisse jamais vaincre en générosité.

Quelles que soient, aujourd’­hui ou demain, les dif­fi­cul­tés qui vous entourent, vous n’é­prou­ve­rez plus ces peurs et ces tris­tesses qui mènent au décou­ra­ge­ment. Se décou­ra­ger, c’est man­quer de cœur ; or, à la place d’un faible cœur humain, vous aurez un cœur conforme à celui de Dieu même. Vous ver­rez alors se réa­li­ser pour votre famille et votre patrie, pour la chré­tien­té, pour l’hu­ma­ni­té entière, la pro­messe du Seigneur au pro­phète Jérémie : « Je leur don­ne­rai un cœur pour me connaître… ; ils seront mon peuple et je serai leur Dieu, car ils revien­dront à moi de tout leur cœur » (Jr 24, 7).

PIE XII, Pape.

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