Pie XII

260ᵉ pape ; de 1939 à 1958

12 mars 1948

Motu proprio Primo Feliciter

Action de Grâces suite à la promulgation de la Constitution apostolique Provida Mater Ecclesia

Donné à Rome, près Saint-​Pierre, le 12 du mois de mars de l’an 1948

Une année s’est heu­reu­se­ment écou­lée depuis la pro­mul­ga­tion de Notre Constitution apos­to­lique Provida Mater Ecclesia et au spec­tacle de la mul­ti­tude de tant d’âmes cachées « avec le Christ en Dieu » [1] qui dans le siècle aspirent à la sain­te­té et « de grand cœur et de bon gré » [2], consacrent joyeu­se­ment toute leur vie à Dieu dans les nou­veaux Instituts sécu­liers, Nous ne pou­vons Nous empê­cher de rendre grâce à la divine Bonté d’a­voir sus­ci­té cette nou­velle pha­lange, venue ren­for­cer l’ar­mée de ceux qui pra­tiquent les conseils évan­gé­liques au milieu du monde, comme aus­si d’a­voir accor­dé une aide puis­sante, qui en nos temps trou­blés et mal­heu­reux for­ti­fie pro­vi­den­tiel­le­ment l’a­pos­to­lat catholique.

2. L’Esprit Saint, qui res­taure et renou­velle constam­ment [3] la face de la terre déso­lée et rava­gée chaque jour par tant et de si grands maux, a appe­lé à lui, par une grâce insigne et spé­ciale, un grand nombre de fils et de filles bien-​aimés que Nous bénis­sons affec­tueu­se­ment dans le Seigneur, afin que, réunis et orga­ni­sés dans des Instituts sécu­liers, ils soient, pour le monde fade et téné­breux dont ils ne sont pas [4] et au milieu duquel cepen­dant ils doivent demeu­rer, en ver­tu d’une dis­po­si­tion divine, le sel qui ne fait pas défaut et qui, renou­ve­lé par l’ef­fet de la voca­tion, ne s’af­fa­dit pas [5]; la lumière qui brille par­mi les ténèbres du monde lui-​même et qui ne s’é­teint pas [6]; le modeste, mais effi­cace ferment, qui agis­sant par­tout et tou­jours et mêlé à toutes les classes de citoyens, des plus infimes aux plus éle­vées, s’ef­force de les atteindre et de les impré­gner toutes et cha­cune, par l’exemple et de toutes façons, jus­qu’à infor­mer de telle sorte la masse tout entière qu’elle soit toute levée et trans­for­mée dans le Christ. [7]

3. Afin que, pour la conso­lante effu­sion de cet Esprit de Jésus-​Christ [8], tant d’Instituts, sur­gis par­tout, soient effi­ca­ce­ment diri­gés d’a­près les pres­crip­tions de la Constitution apos­to­lique Provida Mater Ecclesia, et pro­duisent très abon­dam­ment ces excel­lents fruits de Sainteté qu’on espère d’eux ; afin, aus­si, que fer­me­ment et sage­ment orga­ni­sés comme une armée [9], ils soient à même de lut­ter for­te­ment dans les œuvres par­ti­cu­lières et com­munes de l’a­pos­to­lat, confir­mant avec une grande joie la Constitution apos­to­lique pré­ci­tée, après mûre déli­bé­ra­tion, par Motu pro­prio, en toute connais­sance de cause, et en ver­tu de la plé­ni­tude du pou­voir apos­to­lique, Nous décla­rons, décré­tons et éta­blis­sons ce qui suit :

4. I. – Les Sociétés, ou asso­cia­tions de clercs ou de laïcs, pra­ti­quant la per­fec­tion chré­tienne dans le siècle, et parais­sant pos­sé­der, d’une façon cer­taine et com­plète, les élé­ments et rem­plir les condi­tions qu’exige la Constitution apos­to­lique Provida Mater Ecclesia, ne doivent ni ne peuvent être lais­sées arbi­trai­re­ment, sous n’im­porte quel pré­texte, par­mi les Associations com­munes de fidèles (canons 684–725), mais il faut obli­ga­toi­re­ment les ame­ner et les éle­ver à la nature et à la forme propre d’Instituts sécu­liers qui répondent par­fai­te­ment à leur carac­tère et à leur besoins.

5. II. – Dans cette élé­va­tion des Associations de fidèles à la forme supé­rieure d’Instituts sécu­liers (cf. no. 1) et dans l’or­ga­ni­sa­tion aus­si bien géné­rale que par­ti­cu­lière de tous les Instituts, il faut constam­ment avoir devant les yeux que le carac­tère propre et spé­cial des Instituts, c’est-​à-​dire le carac­tère sécu­lier, en qui se trouve toute leur rai­son d’être, doit paraître en toutes choses. On ne doit rien retran­cher à la par­faite pro­fes­sion de la per­fec­tion chré­tienne, basée soli­de­ment sur les conseils évan­gé­liques et véri­ta­ble­ment reli­gieuse quant à sa sub­stance, mais cette per­fec­tion doit être réa­li­sée et pro­fes­sée dans le siècle ; en consé­quence, il faut l’a­dap­ter à la vie sécu­lière dans toutes les choses licites et com­pa­tibles avec les obli­ga­tions et les œuvres de cette même perfection.

6. La vie tout entière des membres des Instituts sécu­liers consa­crée à Dieu par le fait de pro­fes­ser la per­fec­tion, doit être conver­tie en apos­to­lat ; apos­to­lat qui (ins­pi­ré) par la pure­té d’in­ten­tion, l’u­nion intime avec Dieu, une cou­ra­geuse abné­ga­tion et un géné­reux oubli de soi-​même, doit être exer­cé constam­ment et sain­te­ment de telle sorte qu’il révèle l’es­prit inté­rieur qui l’a­nime, autant qu’il le nour­rit et le renou­velle sans cesse. Cet apos­to­lat, qui embrasse toute la vie, se mani­feste sans cesse de manière si pro­fonde et si sin­cère dans ces Instituts, qu’a­vec l’aide et l’ins­pi­ra­tion de la divine Providence, la soif des âmes et le zèle paraissent non seule­ment avoir heu­reu­se­ment four­ni l’oc­ca­sion de cette consé­cra­tion de la vie, mais encore avoir impo­sé pour une bonne part (à ces Instituts) leur manière d’être et leur forme. Ainsi, de façon éton­nante, la fin spé­ci­fique semble avoir exi­gé et créé la fin géné­rique. Cet apos­to­lat des Instituts sécu­liers doit être fidè­le­ment exer­cé non seule­ment dans le siècle, mais aus­si pour ain­si dire par le moyen du siècle, et par consé­quent par des pro­fes­sions, des acti­vi­tés, des formes, dans des lieux, des cir­cons­tances répon­dant à cette condi­tion séculière.

7. III. – Les pres­crip­tions concer­nant la dis­ci­pline cano­nique de l’é­tat reli­gieux ne conviennent pas aux Instituts sécu­liers et, en géné­ral, la légis­la­tion rela­tive aux reli­gieux ne doit pas et ne peut, aux termes de la Constitution apos­to­lique Provida Mater Ecclesia (art. 2. § 1), leur être appli­quée. Par contre, les dis­po­si­tions qu’on trouve dans les Instituts, cadrant har­mo­nieu­se­ment avec leur carac­tère sécu­lier, peuvent être conser­vées, à la condi­tion qu’elles ne portent aucu­ne­ment atteinte à la consé­cra­tion par­faite de la vie tout entière et qu’elles s’ac­cordent avec la Constitution Provida Mater Ecclesia.

8. IV. – La consti­tu­tion hié­rar­chique inter­dio­cé­saine et uni­ver­selle, à la façon d’un corps orga­nique, peut être appli­quée aux Instituts sécu­liers (id. art. 9), et cette appli­ca­tion doit, sans aucun doute, leur confé­rer une vigueur inté­rieure, une influence plus grande, plus effi­cace, et de la sta­bi­li­té. Cependant, dans l’or­ga­ni­sa­tion qui doit être adap­tée à chaque Institut, il faut tenir compte de la nature de la fin pour­sui­vie par l’Institut, de son des­sein d’ex­pan­sion plus ou moins grande, de son évo­lu­tion et de son degré de matu­ri­té, des cir­cons­tances dans les­quelles il se trouve et d’autres élé­ments du même genre. IL ne faut pas reje­ter ni mépri­ser les formes d’Instituts qui sont éta­blies en confé­dé­ra­tion et qui veulent conser­ver et favo­ri­ser modé­ré­ment le carac­tère local dans chaque nation, région, dio­cèse, à la condi­tion qu’il soit légi­time et impré­gné du sens de la catho­li­ci­té de l’Église.

9. V. – Les Instituts sécu­liers dont les membres, quoique vivant dans le monde, en rai­son cepen­dant de la totale consé­cra­tion à Dieu et aux âmes qu’ils pro­fessent avec l’ap­pro­ba­tion de l’Église et en rai­son de l’or­ga­ni­sa­tion hié­rar­chique inter­dio­cé­saine et uni­ver­selle qu’ils peuvent avoir à des degrés divers, sont à bon droit, en ver­tu de la Constitution apos­to­lique Provida Mater Ecclesia, clas­sés par­mi les états de per­fec­tion juri­di­que­ment orga­ni­sés et recon­nus par l’Église elle-​même. C’est donc à des­sein que ces Instituts ont été rat­ta­chés et confiés à la com­pé­tence et aux soins de la Sacrée Congrégation qui a la charge et la garde des états publics de per­fec­tion. En consé­quence, tout en sau­ve­gar­dant tou­jours, d’a­près la teneur des canons et les pres­crip­tions expresses (art. 4, §§ 1 et 2) de la Constitution apos­to­lique Provida Mater Ecclesia, les droits de la Sacrée Congrégation du Concile sur les pieuses soda­li­tés et les pieuses unions de fidèles (can. 250, § 2) ceux de la Sacrée Congrégation de la Propagande concer­nant les Sociétés ecclé­sias­tiques et Séminaires des­ti­nés au ser­vice des Missions (can. 252, § 3), Nous avons décré­té que toutes les Sociétés de tous les pays – même pour­vues de l’ap­pro­ba­tion épis­co­pale ou même pon­ti­fi­cale, – recon­nues comme réunis­sant les élé­ments et les condi­tions requises pour les Instituts sécu­liers, soient obli­ga­toi­re­ment et tout de suite éta­blies sous cette nou­velle forme, en confor­mi­té des normes énon­cées ci-​dessus (cf. no. 1), et, afin de sau­ve­gar­der l’u­ni­té de direc­tion, qu’elles soient rat­ta­chées et confiées à la seule Sacrée Congrégation des Religieux, au sein de laquelle a été consti­tué un office spé­cial char­gé des Instituts séculiers.

10. VI. – Nous recom­man­dons pater­nel­le­ment aux diri­geants et assis­tants de l’Action catho­lique et des autres Associations de fidèles, dans le giron mater­nel des­quelles sont for­més à une vie inté­gra­le­ment chré­tienne et en même temps ini­tiés à la pra­tique de l’a­pos­to­lat de si nom­breux jeunes gens d’é­lite qui, invi­tés par une voca­tion céleste, aspirent à une plus haute per­fec­tion, soit dans les Religions et Sociétés de vie com­mune, soit même dans les Instituts sécu­liers, de pro­mou­voir géné­reu­se­ment ce genre de saintes voca­tions ; comme aus­si de prê­ter assis­tance non seule­ment aux Religieux et aux Sociétés reli­gieuses, mais encore à ces Instituts véri­ta­ble­ment pro­vi­den­tiels, et, tout en sau­ve­gar­dant leur propre dis­ci­pline inté­rieure, d’u­ti­li­ser leur concours.

11. En ver­tu de Notre auto­ri­té, Nous confions la fidèle exé­cu­tion de toutes ces choses, que Nous déci­dons par Motu pro­prio, à la Sacrée Congrégation des Religieux et autres Sacrées Congrégations men­tion­nées ci-​dessus, aux Ordinaires des lieux et aux direc­teurs de Sociétés que cela regarde, dans la mesure où elles concernent cha­cun d’eux.

Quant aux pres­crip­tions que Nous édic­tons, par Motu pro­prio, dans les pré­sentes lettres, Nous ordon­nons qu’elles soient tou­jours fermes et valides, non­obs­tant toutes choses contraires.

Donné à Rome, près Saint-​Pierre, le 12 du mois de mars de l’an 1948, au début de la dixième année de Notre Pontificat.

PIE XII, Pape.

Notes de bas de page
  1. Col III, 3.[]
  2. II Mac, 1–3.[]
  3. Ps CIII, 30.[]
  4. Jn, XV, 19.[]
  5. Mt, V, 13 ; Mc, IX, 49 ; Lc, XIV, 34.[]
  6. Jn, IX, 5 ; I, 5 ; VIII, 12 ; Ep, V, 8.[]
  7. Mt, XIII, 33 ; 1Co, V, 6 ; Ga, V, 9.[]
  8. Rm, VIII, 9.[]
  9. Ct, VI, 3.[]