François

266e pape ; élu le 13 mars 2013

27 novembre 2017

Discours

Précision sur deux récents Motu proprio : Mitis Iudex Dominus Iesus et Mitis et misericors Iesus, sur les procès matrimoniaux

Chers frères et sœurs,

Je suis heu­reux de vous ren­con­trer au terme de ce cours de for­ma­tion pour les membres du cler­gé et les laïcs, orga­ni­sé par le tri­bu­nal apos­to­lique de la Rote Romaine sur le thème : « Le nou­veau pro­cès matri­mo­nial et la pro­cé­dure Super Rato ». Je remer­cie le Doyen, Mgr Pinto, pour les paroles qu’il m’a adres­sées. Le cours qui s’est dérou­lé ici à Rome, comme ceux qui se tiennent dans d’autres dio­cèses, sont des ini­tia­tives locales louables que j’encourage, car ils contri­buent à une connais­sance oppor­tune et un échange d’expériences à divers niveaux de l’Eglise concer­nant d’importantes pro­cé­dures canoniques.

Il est néces­saire, en par­ti­cu­lier, de réser­ver une grande atten­tion et une ana­lyse adé­quate aux deux récents Motu pro­prio : Mitis Iudex Dominus Iesus et Mitis et mise­ri­cors Iesus, afin que soient appli­quées les nou­velles pro­cé­dures qui y sont indi­quées. Ces deux mesures sont issues d’un contexte syno­dal, sont l’expression d’une méthode syno­dale, sont l’aboutissement d’un sérieux che­mi­ne­ment syno­dal. Face aux ques­tions les plus épi­neuses concer­nant la mis­sion évan­gé­li­sa­trice et le salut des âmes, il est impor­tant que l’Eglise retrouve de plus en plus le prin­cipe syno­dal de la pre­mière com­mu­nau­té de Jérusalem, là où Pierre avec les autres apôtres et avec toute la com­mu­nau­té, sous l’action de l’Esprit Saint, cher­chaient à agir selon le com­man­de­ment du Seigneur Jésus.

Ceci a été fait aus­si dans les assem­blées syno­dales sur la famille, où, dans un esprit de com­mu­nion et de fra­ter­ni­té, les repré­sen­tants des épis­co­pats du monde entier se sont réunis en assem­blée pour écou­ter la voix de la com­mu­nau­té, pour dis­cu­ter, réflé­chir et accom­plir un tra­vail de dis­cer­ne­ment. Le synode avait pour fina­li­té de pro­mou­voir et défendre la famille et le mariage chré­tien pour le plus grand bien des époux fidèles au pacte célé­bré en Jésus Christ. Il devait aus­si étu­dier la situa­tion et le déve­lop­pe­ment de la famille dans le monde d’aujourd’hui, la pré­pa­ra­tion au mariage, les moyens de secou­rir tous ceux qui souffrent à cause de l’échec de leur mariage, l’éducation des enfants, et autres questions.

De retour dans vos com­mu­nau­tés, efforcez-​vous d’être des mis­sion­naires et des témoins de cet esprit syno­dal qui est à leur ori­gine, et de la conso­la­tion pas­to­rale qui est le but de cette nou­velle règle matri­mo­niale, pour cor­ro­bo­rer la foi du saint peuple de Dieu par la cha­ri­té. Que l’esprit syno­dal et la conso­la­tion pas­to­rale deviennent une forme de votre action dans l’Eglise, spé­cia­le­ment dans un domaine aus­si déli­cat que celui de la famille à la recherche de la véri­té sur l’état conju­gal des époux. Que, par cette atti­tude, cha­cun de vous soit un loyal col­la­bo­ra­teur de son évêque, auquel ces nou­velles normes recon­naissent un rôle déter­mi­nant, sur­tout dans les pro­cé­dures courtes, à par­tir du moment où celui-​ci est le « juge né » de l’Eglise particulière.

Dans votre ser­vice, vous êtes appe­lés à être proches de la soli­tude et de la souf­france des fidèles qui attendent de la jus­tice ecclé­siale une aide com­pé­tente et fac­tuelle pour pou­voir retrou­ver la paix de leurs consciences et la volon­té de Dieu sur la réad­mis­sion à l’Eucharistie. D’où la néces­si­té et la valeur du cours auquel vous avez par­ti­ci­pé – et j’espère qu’il y en aura d’autres –, pour favo­ri­ser une juste approche de la ques­tion et une étude de plus en plus large et sérieuse du nou­veau pro­cès matri­mo­nial. Celui-​ci est l’expression d’une Eglise en mesure d’accueillir et soi­gner, qui, à dif­fé­rents égards, est bles­sé par la vie et, en même temps, un rap­pel à l’engagement pour la défense de la sacra­li­té des liens du mariage.

Pour rendre l’application de la nou­velle loi sur le pro­cès matri­mo­nial cause et motif de salut et paix pour le grand nombre de fidèles bles­sés dans leur situa­tion matri­mo­niale, j’ai déci­dé – cette tâche me reve­nant en tant qu’évêque de Rome et suc­ces­seur de Pierre – de pré­ci­ser, deux ans après sa pro­mul­ga­tion, cer­tains aspects fon­da­men­taux des deux Motu pro­prio, en par­ti­cu­lier sur la figure de l’évêque dio­cé­sain comme juge per­son­nel et unique dans les pro­cé­dures de courte durée.

Depuis tou­jours l’évêque dio­cé­sain est Iudex unum et idem cum Vicario iudi­cia­li ; mais puisque tel prin­cipe est inter­pré­té d’une manière qui exclue l’exercice per­son­nel de l’évêque dio­cé­sain délé­guant pra­ti­que­ment tout aux tri­bu­naux, voi­ci ce que j’estime déter­mi­nant et exclu­sif dans l’exercice per­son­nel de l’évêque dio­cé­sain juge :

  1. L’évêque dio­cé­sain étant don­né sa tache pas­to­rale est juge per­son­nel et unique dans les pro­cé­dures brèves.
  2. Donc la figure de l’évêque dio­cé­sain juge est l’architrave, le prin­cipe consti­tu­tif et l’élément dis­cri­mi­nant de toute la pro­cé­dure brève, ins­ti­tuée par les deux Motu proprio.
  3. Dans la pro­cé­dure brève sont deman­dées, ad vali­di­ta­tem, deux condi­tions indis­so­ciables : l’épiscopat et être chef d’une com­mu­nau­té dio­cé­saine de fidèles (cf. can 381 § 2). S’il manque une des deux condi­tions, la dite pro­cé­dure ne peut avoir lieu. L’instance doit être jugée selon la pro­cé­dure ordinaire.
  4. La com­pé­tence exclu­sive et per­son­nelle de l’évêque dio­cé­sain, qui figure dans les cri­tères fon­da­men­taux d’une pro­cé­dure brève, fait direc­te­ment réfé­rence à l’ecclésiologie du concile Vatican II, qui nous rap­pelle que seul l’évêque a déjà, dans la consé­cra­tion, la plé­ni­tude de toute l’autorité qui est ad actum expe­di­ta, à tra­vers la mis­sio canonica.
  5. La pro­cé­dure brève n’est pas une option que l’évêque dio­cé­sain peut choi­sir mais une obli­ga­tion qui vient de sa consé­cra­tion et de la mis­sio reçue. Il a la com­pé­tence exclu­sive dans les trois phases de la pro­cé­dure brève :

– l’instance doit tou­jours être adres­sée à l’évêque diocésain ;

– l’instruction, comme j’ai déjà dit dans le dis­cours du 12 mars de l’année der­nière au cours à la Rote romaine, l’évêque doit la conduire « tou­jours assis­té par le vicaire judi­ciaire ou par un autre ins­truc­teur, qui peut être un laïc, par l’assesseur, et tou­jours en pré­sence du défen­seur des liens ». Si l’évêque était dépour­vu de membres du cler­gé ou de laïcs cano­nistes, la cha­ri­té, qui carac­té­rise le tra­vail épis­co­pal, un évêque proche de lui pour­ra lui venir en aide le temps qu’il fau­dra. Par ailleurs je rap­pelle que la pro­cé­dure brève doit se conclure habi­tuel­le­ment en une seule séance, en deman­dant comme condi­tion indis­pen­sable l’absolue évi­dence des faits prou­vant la pré­su­mée nul­li­té du conjoint, en plus du consen­te­ment des deux époux.

– la déci­sion à pro­non­cer coram Domino, revient tou­jours et seule­ment à l’évêque diocésain.

  1. Confier toute la pro­cé­dure brève au tri­bu­nal inter­dio­cé­sain (du vici­niore comme de plu­sieurs dio­cèses) por­te­rait à déna­tu­rer et réduire la figure de l‘évêque père, chef et juge de ses fidèles à un simple signa­taire de la sentence.
  2. La misé­ri­corde, un des cri­tères fon­da­men­taux qui garan­tissent la salus, demande que l’évêque active au plus vite la pro­cé­dure brève ; au cas où il ne s’estimait pas prêt pour l’activer, il doit ren­voyer la cause au pro­cès ordi­naire, lequel devra être conduit avec la sol­li­ci­tude qu’il se doit.
  3. La proxi­mi­té et la gra­tui­té, comme je l’ai réaf­fir­mé à diverses reprises, sont les deux perles dont les pauvres ont besoin, ces pauvres que l’Eglise doit aimer plus que tout.
  4. Quant à la com­pé­tence à rece­voir l’appel contre la sen­tence affir­ma­tive dans la pro­cé­dure brève, du métro­po­li­tain ou de l’évêque indi­qué dans le nou­veau can. 1687, on pré­cise que la nou­velle loi a confé­ré au doyen de la Rote une nou­velle potes­tas deci­den­di et donc consti­tu­tive sur le rejet ou l’admission de l’appel.

Pour conclure, je vou­drais redire avec clar­té que ceci se fait sans deman­der la per­mis­sion ou l’autorisation à une autre ins­ti­tu­tion ou à la Signature apostolique.

Chers frères et sœurs, je vous sou­haite bonne chance pour cette étude et pour le ser­vice ecclé­sial de cha­cun de vous. Que le Seigneur vous bénisse et la Vierge Marie vous pro­tège. Et s’il vous plait, n’oubliez pas de prier pour moi. Merci.

Francicus