La communion spirituelle

L’union à Dieu est le cœur de la vie chré­tienne car l’œuvre de la sanc­ti­fi­ca­tion est prin­ci­pa­le­ment l’œuvre de Dieu dans notre âme. Notre-​Seigneur l’a dit et répé­té : « Sans Moi, vous ne pou­vez rien faire » (Jean, XV, 5). Nous ne pou­vons en effet por­ter aucun fruit si nous ne sommes pas unis à Notre-​Seigneur, de même qu’un sar­ment ne peut por­ter aucune grappe de rai­sins s’il n’est rat­ta­ché au cep de vigne. La vie chré­tienne est essen­tiel­le­ment une vie d’u­nion à Dieu.

Or par­mi tous les moyens que Dieu nous a don­nés pour accroître cette union, le plus grand et le plus effi­cace, à n’en pas dou­ter, est la sainte com­mu­nion. Plusieurs cita­tions tirées du dis­cours du pain de vie sou­lignent cette grande véri­té avec une force sans égal : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en Moi et Moi en lui » (Jean, VI, 57) ; « De même que le Père qui est vivant m’a envoyé et que je vis par le Père, ain­si celui qui me mange vivra aus­si par Moi » (Jean, VI, 58). Peut-​on ima­gi­ner union plus intime et plus pénétrante ?

De l’ex­cel­lence de la com­mu­nion découlent les mul­tiples recom­man­da­tions des auteurs spi­ri­tuels en faveur de la com­mu­nion fré­quente, et ce depuis tou­jours. Ainsi saint Augustin recom­man­dait à ses fidèles de rece­voir sou­vent la Sainte Eucharistie, et même chaque jour : « C’est votre pain quo­ti­dien : recevez-​le chaque jour pour qu’il vous pro­fite chaque jour » (Saint Augustin, ser­mon 28). C’est chaque jour en effet que nous avons besoin de ce remède mer­veilleux, inven­té par la Bonté infi­nie pour effa­cer en nos âmes les consé­quences du péché et nous faire vivre tou­jours plus de la vie même de Dieu. On ne sau­rait trop dire quel pro­fit notre âme tire de cette union quo­ti­dienne à la Victime divine offerte sur nos autels. Que ceux qui ont la pos­si­bi­li­té de se rendre ain­si chaque jour à la messe en remer­cient la Providence, et sur­tout qu’ils en pro­fitent. Quelle dom­mage ce serait que de res­ter l’âme assoif­fée lorsque l’on est à por­tée de la fon­taine de vie !

Mais il arrive qu’il ne soit pas pos­sible de venir à la cha­pelle pour com­mu­nier sacra­men­tel­le­ment. Cela peut venir de la dis­tance ou du devoir d’état qui empêche de venir chaque jour. Cela peut même être une cir­cons­tance telle que la messe du dimanche devienne impos­sible, comme par exemple pour ceux qui sont atteints par la mala­die. Face à l’impossibilité de com­mu­nier sacra­men­tel­le­ment, il existe un moyen tout simple pour par­ti­ci­per aux effets de ce divin sacre­ment : la com­mu­nion spi­ri­tuelle. Voici ce qu’en écrit saint François de Sales : « Mais quand vous ne pour­rez pas avoir ce bien de com­mu­nier réel­le­ment à la sainte messe, com­mu­niez au moins de cœur et d’esprit, vous unis­sant par un ardent désir à cette chair vivi­fiante du Sauveur » (Introduction à la vie dévote, 2° par­tie, chap. 21).

Pour mieux cer­ner le fon­de­ment théo­lo­gique de cette pra­tique si recom­man­dable, il faut voir que l’u­nion à Dieu dans la sainte Eucharistie est double : elle est à la fois phy­sique et spi­ri­tuelle. L’union sacra­men­telle se fait par la récep­tion de Notre-​Seigneur réel­le­ment pré­sent, en chair et en os. Son Corps, son Sang, son Ame et sa Divinité sont réel­le­ment pré­sents comme dans un taber­nacle. Le fidèle se rele­vant de la Sainte Table est comme un ciboire, por­tant en lui-​même son Seigneur et son Dieu.

De cette pre­mière union découle l’u­nion spi­ri­tuelle de l’âme avec Dieu, comme un effet découle de sa cause. Cette com­pé­né­tra­tion de Notre-​Seigneur et de sa créa­ture est un mys­tère inson­dable, véri­table mer­veille de la Bonté de Dieu. Rappelons la parole de Notre-​Seigneur citée plus haut : « Celui qui mange ma Chair et boit mon Sang demeure en Moi et Moi en lui ». L’âme, ain­si unie spi­ri­tuel­le­ment à son Dieu, voit se res­ser­rer les liens de cha­ri­té qui l’u­nissent à Notre-​Seigneur. Les attaches au péché se dénouent, la volon­té est affer­mie dans le bien. C’est l’ac­com­plis­se­ment par­fait de la pro­messe de Notre-​Seigneur : « Celui qui me mange vivra par Moi ». De plus, cette pré­sence si intime et si sanc­ti­fiante de Notre-​Seigneur n’est pas pas­sa­gère. Contrairement à la pré­sence réelle et sacra­men­telle de Jésus qui ne dure qu’autant que durent les espèces eucha­ris­tiques, l’u­nion spi­ri­tuelle de l’âme avec son Dieu se pro­longe sans limite de temps, et chaque nou­velle com­mu­nion la ravive, l’aug­mente et renou­velle ses effets merveilleux.

La com­mu­nion eucha­ris­tique opère en nous cette double union sacra­men­telle et spi­ri­tuelle, et ce par la force même du sacre­ment. La com­mu­nion spi­ri­tuelle, quant à elle, opère dans notre âme l’u­nion spi­ri­tuelle avec Dieu sans pas­ser par l’union sacra­men­telle. Concrètement, ce que l’on appelle com­mu­nion spi­ri­tuelle, c’est tout sim­ple­ment l’acte de désir de s’u­nir à Jésus-​Eucharistie. Ainsi l’ex­pose le dic­tion­naire de théo­lo­gie catho­lique citant le Concile de Trente : « Communier spi­ri­tuel­le­ment, c’est s’u­nir à Jésus-​Christ pré­sent dans l’Eucharistie, non pas en le rece­vant sacra­men­tel­le­ment, mais par un désir pro­cé­dant d’une foi ani­mée par la cha­ri­té. » (Concile de Trente, ses­sion 13, c. 8). En effet, Dieu n’est pas lié par ses sacre­ments : lors­qu’un acte sacra­men­tel est impos­sible, un désir effi­cace peut y sup­pléer. Le sacre­ment est un signe sen­sible qui pro­duit la grâce. Le désir effi­cace atteint la grâce sacra­men­telle sans pas­ser par le signe. Formellement, c’est donc le désir actuel de com­mu­nier – ou de s’u­nir à Jésus-​Eucharistie – qui consti­tue la com­mu­nion spi­ri­tuelle.
La pra­tique de cet exer­cice est fort simple.

Avant la com­mu­nion : on se pré­pare comme on se pré­pa­re­rait à la com­mu­nion sacra­men­telle. En par­ti­cu­lier, c’est en ami qu’il faut rece­voir Notre-​Seigneur. Il faut donc ban­nir de notre âme le péché et l’oc­ca­sion du péché. L’Église fait réci­ter le Confiteor avant la com­mu­nion sacra­men­telle : la même prière peut être réci­tée avec grand pro­fit avant la com­mu­nion spi­ri­tuelle. Si l’on a eu le mal­heur de perdre la grâce, il faut aupa­ra­vant faire un acte de contri­tion le plus par­fait pos­sible. Il est à noter que contrai­re­ment à la com­mu­nion sacra­men­telle, pour la com­mu­nion spi­ri­tuelle la confes­sion n’est pas abso­lu­ment requise, la contri­tion par­faite jointe au désir de se confes­ser au plus vite suffit.

Pendant la com­mu­nion : on récite un acte de désir. Il existe pour cela de nom­breuses prières fort bien com­po­sées (voir la prière de saint Alphonse de Liguori en encart), et l’on peut aus­si prier de l’a­bon­dance du cœur, disant à Dieu com­bien nous vou­lons nous unir à Lui.

Après la com­mu­nion : l’âme com­blée remer­cie son Seigneur de sa visite et fait action de grâce comme on fait habi­tuel­le­ment après la com­mu­nion sacramentelle.

Voici en peu de mots la pra­tique de la com­mu­nion spi­ri­tuelle, exer­cice si sanc­ti­fiant et si facile que l’on se demande com­ment il se fait qu’il soit si igno­ré. Rien ne vient en limi­ter la fré­quence et l’on peut très bien com­mu­nier spi­ri­tuel­le­ment plu­sieurs fois dans la même jour­née. A chaque fois, l’union spi­ri­tuelle avec Dieu fait gran­dir en nous la Charité et ranime notre fer­veur au ser­vice de Dieu. Dieu nous veut saint et sa Providence nous en donne tou­jours des moyens. Dans l’im­pos­si­bi­li­té de com­mu­nier sacra­men­tel­le­ment, le fidèle dési­reux de s’u­nir à son Dieu peut lui ouvrir son âme spi­ri­tuel­le­ment et par­ti­ci­per ain­si aux effets mer­veilleux de la sainte com­mu­nion : « Celui qui mange ma Chair et boit mon Sang demeure en Moi et Moi en Lui, et je le res­sus­ci­te­rai au der­nier jour ».

Abbé Benoît Storez, prieu­ré de Vendée (85)

Prière pour la communion spirituelle (Saint Alphonse de Liguori)

Mon Jésus, je crois à votre pré­sence dans le Très Saint Sacrement. Je vous aime plus que toute chose et je désire que vous veniez dans mon âme. Je ne puis main­te­nant vous rece­voir sacra­men­tel­le­ment dans mon Cœur : venez‑y au moins spi­ri­tuel­le­ment. Je vous embrasse comme si vous étiez déjà venu, et je m’u­nis à vous tout entier. Ne per­met­tez pas que j’aie jamais le mal­heur de me sépa­rer de vous.

Sources : Spes Unica n°33/​La Porte Latine du 12 mars 2020