17 décembre 1213

Saint Jean de Matha

Né le 23 juin 1160 à Faucon-​de-​Barcelonnette, et mort le 17 décembre 1213 à Rome.

St Jean de Matha naquit vers 1160 [1] à Faucon, près de Barcelonette. Sa mère, Marthe de Marseille, le consa­cra à Dieu dès sa naissance.

Envoyé étu­dier à Aix par Euphémius, son père, baron de Faucon, il visi­tait l’hôpital le ven­dre­di, et par ailleurs rever­sait aux pauvres ce qu’il rece­vait de ses parents pour ses dis­trac­tions légitimes.

Puis notre gavot[2] vécut en ermite, avec l’accord de son père, près de Faucon. Visité par trop d’amis, il obtient de son père d’aller étu­dier la théo­lo­gie à Paris où il reçut le doc­to­rat et com­men­ça à ensei­gner en tant que laïc, ce qui indi­gna le cler­gé. C’est pour­quoi il accep­ta d’être ordon­né prêtre le 28 jan­vier 1193[3].

Au cours de sa pre­mière Messe, à laquelle assis­tait Maurice de Sully[4], évêque de Paris, il eut une vision du Seigneur sou­te­nant de ses mains deux hommes enchaî­nés par les che­villes, l’un noir et dis­gra­cié, l’autre blanc et pâle ; Jean se réso­lut à sau­ver les chré­tiens cap­tifs des mahométans.

Avant d’exécuter sa réso­lu­tion, il vou­lut vivre une pro­fonde retraite ; sur un signe divin, il trou­va l’ermitage où saint Félix de Valois vivait depuis plu­sieurs années, dans la Brie.

Jean s’ouvrit à Félix de son songe, et Félix s’associa au vœu de fon­der un Ordre afin de déli­vrer les chrétiens.

Avertis en songe par trois fois, ils par­tirent pour Rome, vers la fin de 1197, afin de rece­voir du pape la recon­nais­sance de leur fon­da­tion. Innocent III, élu pape le 8 jan­vier 1198, les accueillit et pres­cri­vit un jeûne et des prières pour éclai­rer la ques­tion. Le nou­vel évêque de Paris et l’Abbé de St-​Victor de Paris rédi­gèrent la règle du nou­vel ins­ti­tut que le pape approu­va par une bulle en 1198, pour lequel il nom­ma Jean pre­mier Ministre Général. Le pape impo­sa au nou­vel Ordre le nom de Frères de l’Ordre de la Très Sainte Trinité[5]. Le pape impo­sa que l’habit reli­gieux fût blanc avec une croix rouge et bleue sur la poi­trine, d’où le sur­nom de Frères Rouges que l’on don­ne­ra en Angleterre aux Trinitaires. Le pape dit aux deux fon­da­teurs : « Votre voca­tion vous asso­cie à la mis­sion rédemp­trice du Sauveur, et par consé­quent aux humi­lia­tions et aux dou­leurs du Calvaire ; l’habit que je vous donne vous le rap­pel­le­ra sans cesse. Blanc, il vous dira la pure­té de cœur et d’intention que vous devez tou­jours avoir ; azur, la péni­tence et la mor­ti­fi­ca­tion dans laquelle vous devez vivre ; rouge, que votre cha­ri­té doit être ardente et votre dévoue­ment sans bornes.[6] » Ils eurent de nom­breux dis­ciples qui per­mirent la fon­da­tion de plu­sieurs monas­tères notam­ment en France où Philippe II Auguste les agréa. On don­na aux Trinitaires de France le sur­nom de Mathurins, parce que leur prieu­ré pari­sien se trou­vait aux abords d’une cha­pelle St-​Mathurin. Le pape, quant à lui fit don de l’église et de l’hospice de St-​Thomas, sur le Mont Cœlius.

St Jean de Matha envoya des reli­gieux accom­pa­gner les comtes de Flandre et de Blois, et d’autres sei­gneurs croi­sés, en par­tance pour la Palestine. Les reli­gieux ins­trui­saient les sol­dats, soi­gnaient les malades, et, en terre maho­mé­tane, tâchaient de rache­ter des captifs.

En 1201, Innocent III écri­vit une lettre au roi du Maroc recom­man­dant deux Trinitaires envoyés en ce pays pour libé­rer des cap­tifs. Le roi per­mit aux deux reli­gieux de rache­ter cent-​quatre-​vingt-​six chré­tiens asservis.

En 1202, saint Jean de Matha alla à Tunis où il en déli­vra plus de cent-dix.

Il se ren­dit ensuite en Provence où il recueillit tant de fonds qu’il libè­re­ra un grand nombre de chré­tiens pri­son­niers des Maures d’Espagne et y éri­ge­ra de nom­breux hospices.

En 1210, saint Jean de Matha rejoint Tunis où il exhorte les chré­tiens dans les chaînes à sup­por­ter leurs maux pour l’Amour de Dieu et à pré­fé­rer mou­rir plu­tôt que de renon­cer à leur Foi. Y ayant rache­té cent-​vingt chré­tiens asser­vis, il les embar­qua pour l’Europe. Mais les maho­mé­tans irri­tés par le zèle du saint ôtèrent le gou­ver­nail et déchi­rèrent les voiles du vais­seau… Saint Jean pria le Ciel de prendre la conduite du vais­seau, puis ayant ten­du les man­teaux de ses com­pa­gnons en forme de voiles, il s’agenouilla sur le tillac, le cru­ci­fix à la main, psal­mo­diant durant tout le tra­jet. Il fut exau­cé : le bateau arri­va à Ostie en peu de jours !

De là, se sen­tant décli­ner, il alla à Rome où il finit ses jours, non sans y avoir prê­ché la péni­tence et pro­cu­rer des œuvres de misé­ri­corde. Il ame­na ain­si de nom­breux pécheurs à la Miséricorde divine, non sans s’être main­te­nu dans l’austérité.

Le 4 novembre 1212, saint Félix de Valois décé­da dans la Brie à la Maison-​Mère de Cerfroid, âgé de quatre-​vingt-​cinq ans et sept mois, tan­dis que saint Jean de Matha décé­da à Rome le 7, 17 ou 21 décembre 1213, en la fête de saint Lazare. Le corps de saint Jean de Matha repo­sa d’abord dans un tom­beau de marbre blanc de l’église St-​Thomas de Rome tenue par les Trinitaires jusqu’à la fin du XIVe siècle ; l’église sera ensuite aban­don­née et la sépul­ture du saint négli­gée jusqu’à ce qu’après le décès d’Innocent X (7.1.1655)[7], sans per­mis­sion, deux Trinitaires espa­gnols, secon­dés par le pro­cu­reur de leur Ordre, eurent sous­trait les reliques de leur fon­da­teur pour les pla­cer dans le couvent des Trinitaires déchaus­sés de Madrid.

Jean de Matha était véné­ré comme saint dans l’Ordre Trinitaire qui se basait sur une pré­ten­due et introu­vable bulle du pape Urbain IV en 1262. En 1679, le Bienheureux pape Innocent XI trans­fé­re­ra sa fête au 8 février ; ce n’est qu’en 1694 que le pape Innocent XII lui appro­pria une cano­ni­sa­tion équi­pol­lente [8]. Le pape Benoît XIV, au milieu du XVIIIe siècle, enver­ra au couvent madri­lène le tom­beau originel.

Le Père Xavier de Fourvières com­po­sa ce can­tique provençal :

San Jan de Mato
Tu sies encuei
E nos­tro glo­ri
E nostre orgueil
Faucoun en fes­to
Pèr la San Jan
Te vegué neisse
L’a set cens an.

Paul VI a relé­gué sa fête aux seuls calen­driers locaux en 1969.

L’Ordre Trinitaire don­na douze papes à l’Eglise !

Abbé L. Serres-Ponthieu

Notes de bas de page
  1. Certains le fai­sant décé­der à 61 ans, il serait né en 1252… Il est né un 23 juin.[]
  2. Sobriquet par lequel les Provençaux de la côte appellent ceux des hau­teurs.[]
  3. Histoire des saints t6 /​L’Ordre des Trinitaires, Roseline Grimaldi-​Hierholtz, Fayard , 1994.[]
  4. Ca1120-1160–11.9.1196.[]
  5. On note l’incompréhension des maho­mé­tans envers les Chrétiens qui adorent trois Personnes en Dieu., Dom Schuster p.261 note le regain de cette dévo­tion.[]
  6. La Vénérable Servante de Dieu Anne-​Marie Taïgi, Téqui, 1935, p.32.[]
  7. Liber sacra­men­to­rum, tome 6, p.260, Dom Schuster. Vromant 1930. Alexandre VII ne sera élu que 7 avril.[]
  8. Canonisation qui dis­pense de la pro­cé­dure habi­tuelle en rai­son de tra­di­tions convain­cantes. C’est selon ce mode que François a cano­ni­sé le Bx Pierre Favre, autre prêtre alpin, le 17 décembre 2013… pile 800 ans après le décès de S. Jean de Matha ![]