26 mai 1154

Saint Lambert de Vence

Lambert Péloguin naquit d’une famille noble en 1084 dans le bourg de Bauduen au bord du Verdon au lac de Sainte-​Croix, alors dans le dio­cèse de Riez, mais depuis dans celui de Fréjus-​Toulon [1]. Sa mère mou­rut dans les dou­leurs de l’enfantement, et l’on employa le fer pour extraire l’enfant. Il en fut si affli­gé dans la suite, qu’il ne ces­sa d’expier ce qui lui sem­blait un crime par des larmes et des œuvres d’une dure pénitence.

Son édu­ca­tion fut confiée, dès l’âge de douze ans, à l’abbaye de Lérins sous les abba­tiats d’Aldebert II, Pons et Pierre 1er, et il devint moine à l’âge de seize ans. Il se conci­lia leur bien­veillance et leur admi­ra­tion par un natu­rel excellent et enclin à toutes les ver­tus. Il aimait le silence et la soli­tude, et ne sor­tait de sa cel­lule que lorsque l’obéissance l’y for­çait. Il devint savant sans ces­ser d’être humble.

Les fidèles de Vence le choi­sirent pour suc­cé­der à leur évêque, Pierre 1er d’Opio, décé­dé en 1114 ; il fut sacré mal­gré sa résis­tance. Dès lors, il est occu­pé à ins­truire son peuple et à l’édifier par son exemple. Il res­taure la cathé­drale de sa cité épis­co­pale, la Cathédrale de la Nativité-​de-​Marie de Vence. Il réforme le cha­pitre cathé­dral et impose la vie en com­mun selon la règle de Saint-​Augustin aux chanoines.

Il aurait sou­te­nu des serfs contre les féo­daux. Pour assu­rer leur affran­chis­se­ment, Lambert pré­co­nise, du haut de la chaire, l’ins­tal­la­tion de mou­lins à eau. Pour sou­la­ger les che­vaux, il recom­mande le col­lier d’é­paule à la place du col­lier de cou.

A plu­sieurs reprises il paci­fie sei­gneurs et évêques des Alpes-​Maritimes, son auto­ri­té étant accep­tée par tous. Il fonde à Vence le pre­mier hôpi­tal des­ti­né au soin des pauvres.

Il envoya à Bauduen des reliques de saint Véran pour qui il avait une grande dévo­tion. Il vécut dans la digni­té épis­co­pale avec une sim­pli­ci­té toute monas­tique. La mai­greur de son visage annon­çait la conti­nui­té de ses jeûnes. Son amour pour la prière était si grand, qu’il réci­ta chaque jour, pen­dant les trente der­nières années de sa vie, le psau­tier tout entier, avant de prendre aucune nourriture.

Confiants en son pou­voir auprès de Dieu, les malades venaient à lui, deman­dant ses prières, et le sol­li­ci­tant de les bénir, assu­rés d’obtenir par son inter­ces­sion leur guérison.

Un Vendredi Saint, comme on por­tait à boire aux clercs, il deman­da de l’eau. On lui en pré­sen­ta ; et il fit des­sus le signe de la Croix, comme c’était son habi­tude. Aussitôt elle fut chan­gée en vin. L’ayant goû­té et ayant recon­nu que c’était du vin, il fit des reproches au domes­tique qui l’avait ser­vi, et lui com­man­da à nou­veau de lui appor­ter de l’eau. Mais pour la seconde fois, sa béné­dic­tion la chan­gea en vin. Il ne vou­lait pas croire qu’on lui eût vrai­ment ser­vi de l’eau, et pour évi­ter toute super­che­rie, il en fit pui­ser dans un vase, où, en sa pré­sence, on rem­plit son verre. Au signe de la Sainte Trinité, cette eau fut encore trans­for­mée en vin. Reconnaissant l’effet de l’action divine, il en but, ren­dant gloire à Dieu, et en fit boire à ses clercs ; plu­sieurs, dit son his­to­rien, vivent encore et témoignent du miracle.

Pendant sa der­nière mala­die, il ne ces­sait de prier. Des villes et des châ­teaux voi­sins un grand concours se fit auprès de lui, car tous l’aimaient et vou­laient le voir encore une fois, se recom­man­der à lui, et pro­fi­ter de son cré­dit auprès de Dieu. Une femme, qui demeu­rait loin de Vence, et qui était aveugle depuis cinq ans, rêva qu’elle était en pré­sence du Saint, qu’il lui impo­sait les mains et lui ren­dait la vue. Réveillée, elle se hâta de recou­rir au méde­cin que le Ciel lui avait mon­tré. Elle le pria de la bénir, et sai­sis­sant sa main elle la bai­sa ; à l’instant elle fut guérie.

Comme il appro­chait de la mort, il enten­dit du bruit dans l’église. Il en deman­da la cause, et on lui répon­dit que c’étaient les pré­po­sés aux funé­railles, qui taillaient la pierre et pré­pa­raient son tom­beau. Il vou­lut alors qu’on le condui­sît pour le voir, et il le bénit lui-​même du signe de la Croix. Ensuite il retour­na se cou­cher et se repo­sa un moment ; puis, en pré­sence de Pierre, évêque d’Antibes, et d’Arnaud, évêque de Nice, de son cler­gé et de son peuple, il fit la dis­po­si­tion de ce qui lui appartenait.

Quelqu’un lui deman­dant com­ment il se sen­tait, il répon­dit : « Je vais bien, et je crois voir bien­tôt les biens du Seigneur, dans la terre des vivants ». Ce furent ses der­nières paroles ; il ren­dit son âme à Dieu le 26 mai 1154 [2], et fut enter­ré dans sa cathé­drale par les deux évêques. Son décès fut accom­pa­gné de miracles. Sa tombe dans la cathé­drale porte l’ins­crip­tion sui­vante : « Qu’il soit dit à celui qui ne le sait pas que l’é­vêque qui repose ici s’ap­pe­lait Lambert, qu’il a appor­té de nom­breux bien­faits pen­dant cha­cune des qua­rante années où il gou­ver­na ce siège, il ne s’est jamais lais­sé éle­ver par les choses flat­teuses ni cour­ber par les choses pénibles. Que la source de la pié­té lui enlève tous ses péchés et que luise pour lui la lumière du per­pé­tuel repos. »

La ville de Vence pos­sède encore les reliques de saint Lambert, dont une par­tie est conser­vée dans un buste de bronze doré.

La Vie de saint Lambert [3] a été écrite par un de ses contem­po­rains, témoin de ce qu’il raconte, ou l’ayant appris d’autres témoins. Il relate, entre autres miracles accom­plis à son tom­beau, qu’au jour anni­ver­saire de son enter­re­ment, il cou­la de sa tombe une eau abon­dante, qui fut recueillie, et qui fut un remède effi­cace contre toute sorte de maux.

Sa mai­son natale à Bauduen fut trans­for­mée en chapelle.

Saint Lambert est invo­qué au cours des voyages, selon le dic­ton : « vouoles béure dins lou désert, trovà sous­ta dins l’arberc, pre­ga Lambert » : « Si tu veux boire dans le désert, trou­ver refuge en alpage, prie Lambert ».

A Nice, l’anse St-​Lambert tire son nom d’une cha­pelle St-​Lambert qui était sise dans les for­ti­fi­ca­tions du châ­teau près de la tour Bellanda. Une autre cha­pelle dédiée à St-​Lambert se trou­vait dans le quar­tier éponyme.

Une Chapelle St-​Lambert se trouve aus­si près de Vidauban.

Abbé L. Serres-Ponthieu

Notes de bas de page
  1. Le dio­cèse de Fréjus l’honore du rite de 3ème classe depuis le code de rubriques de 1962.[]
  2. Anastase IV étant pape, Frédéric Ier Barberousse empe­reur, et Louis VII roi de France. St Lambert fut rem­pla­cé à Vence par Raimond, 1er évêque du nom.[]
  3. L’original exis­tait dans les archives de la cathé­drale de Vence ; Barral l’a édi­té, dans la Chronologie de Lérins, T. I, p. 180.[]