LAB de l’école Saint-​benard de Courbevoie (92) – Mai 2010

Lettre aux parents, amis et bienfaiteurs


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Editorial de l’abbé Bernard de Lacoste

Confidences à un jeune homme

- Monsieur l’abbé, bien que plon­gé dans mes révi­sions du bac­ca­lau­réat, je vou­drais avoir votre avis sur un sujet bien dif­fé­rent. Je sens naître en mon coeur des sen­ti­ments à l’égard d’une jeune fille. J’ai l’occasion de la ren­con­trer une fois par semaine. Elle me semble sérieuse et mon com­por­te­ment à son égard est pur et irré­pré­hen­sible. Mais comme je n’ai que 18 ans et qu’elle n’est pas plus âgée, je me demande si je ne suis pas un peu jeune pour lui décla­rer mon amour.

- Je constate d’abord avec joie que vous ne crai­gnez pas de m’exposer votre inter­ro­ga­tion en toute fran­chise. C’est le signe de vos bonnes dis­po­si­tions. Lorsqu’on n’ose s’ouvrir ni à ses parents, ni à un prêtre, c’est mau­vais signe. Le démon aime dis­si­mu­ler son œuvre dans les ténèbres. Celui qui veut cacher à tout prix son com­por­te­ment et ses sen­ti­ments sui­vra inévi­ta­ble­ment un che­min qui n’est pas celui de Dieu. Avant de vous don­ner mon avis sur votre situa­tion, je vou­drais vous don­ner quelques principes.

Vous savez com­bien le véri­table amour humain dépasse en noblesse l’amour bes­tial que notre monde étale sous nos yeux par son inci­ta­tion à la débauche. Vous com­pre­nez la dis­tance infi­nie qui sépare l’instinct natu­rel des ani­maux pour se repro­duire, et la démarche intel­li­gente et libre d’un jeune homme et d’une jeune fille qui dési­rent se marier. Vous n’ignorez pas non plus que, pour une chré­tienne, aimer un jeune homme, c’est sur­tout l’aimer avec cha­ri­té, vou­loir son bien et sa sanctification.

Vous savez aus­si que, lorsque des époux s’unissent devant Dieu, c’est d’abord pour avoir des enfants. Dès lors, l’amour que vous éprou­vez ne peut pas être dis­so­cié de la pers­pec­tive du mariage et de sa fina­li­té première.

Ces bases étant posées, ana­ly­sez votre situa­tion avec luci­di­té : êtes-​vous aujourd’hui suf­fi­sam­ment mûr pour envi­sa­ger sérieu­se­ment un mariage et pour son­ger à fon­der un foyer ? Vous sen­tez très bien vous-​même com­bien vous en êtes loin. Sur le plan psy­cho­lo­gique, vous n’êtes pas encore un adulte. C’est en vous appli­quant à votre devoir d’état et en vous dévouant dans une œuvre que vous quit­te­rez l’adolescence.

Sur le plan moral, avant d’entretenir une rela­tion pro­fonde avec une jeune fille, vous devez tra­vailler à être pur avec vous-​même. Si vous ne par­ve­nez pas à domi­ner vos ins­tincts, votre amour sera char­nel. Mais ce qui est char­nel est super­fi­ciel et pas­sa­ger. Il est impos­sible de fon­der un foyer chré­tien sur de telles bases. Et ne croyez pas que la mul­ti­pli­ca­tion des fré­quen­ta­tions amé­lio­re­ra la qua­li­té de votre amour. Au contraire, vous êtes fra­gile et vul­né­rable. Combien de jeunes gens doivent confes­ser : « Vous aviez rai­son, mon­sieur l’abbé. Je ne vou­lais pas le croire. Cela a com­men­cé en toute inno­cence, mais main­te­nant… ». Par la suite, vous ris­quez de la quit­ter, si ce n’est pas elle qui rompt la pre­mière, et votre coeur aura besoin de s’épancher auprès d’une nou­velle petite amie. Les amours si pré­coces ne durent guère, parce que votre âge n’est pas celui de la sta­bi­li­té mais de l’évolution pro­gres­sive vers l’état d’adulte. A vou­loir brû­ler les étapes, vous ris­quez de ne jamais atteindre le terme.

Vous devez deve­nir un homme. Pour cela, il vous faut la com­pa­gnie viri­li­sante de gar­çons de votre âge. La jeune fille, elle, doit deve­nir une femme. Elle n’y par­vien­dra qu’au milieu de jeunes filles. Lorsque tous deux, vous serez deve­nus ce que vous devez être selon les plans de Dieu, une homme et une femme accom­plis, alors seule­ment vous pour­rez et vous devrez vous enga­ger pour la vie. Devancer ce moment est pré­ju­di­ciable pour vous comme pour elle, car c’est tout l’être qui pâtit d’un amour trop précoce.

L’amour, dans le coeur de l’homme, n’est pas inépui­sable. On peut le com­pa­rer à une impor­tante somme d’argent. L’un la gas­pille­ra petit-​à-​petit, l’autre la fera fruc­ti­fier à l’abri des ten­ta­tions. De la même façon, cer­tains gar­çons dila­pident leur amour en menue mon­naie, pour satis­faire leurs dési­rs. Qu’ils ne s’étonnent pas d’être, demain, inca­pable d’aimer vrai­ment. D’autres réservent leur amour pour la jeune fille qui devien­dra un jour la mère de leurs enfants. Imitez-​les. Pensez à l’heure où vous pour­rez, au pied de l’autel, lui offrir un coeur et un corps purs, qui n’ont pas ser­vi à satis­faire de vul­gaires pas­sions. Vous pour­rez alors dire à votre fian­cée : « Tu es l’unique à qui je donne tout mon amour. J’ai réser­vé mon coeur pour toi. C’est à toi que je veux consa­crer ma vie pour tou­jours, afin que nous ser­vions Dieu ensemble ». Si elle peut répondre la même chose, vous construi­rez ensemble un foyer qui défie­ra les tem­pêtes de la vie et des passions.

Quant à votre situa­tion, vous êtes en train de pas­ser votre bac et des études de trois ou cinq ans vous attendent. Pour l’instant, vous n’avez donc rien de stable à offrir à cette jeune fille. Je crains que l’affection crois­sante que vous éprou­vez ne vous trouble et vous empêche de vous livrer sérieu­se­ment à votre devoir d’état.

Et puis, avez-​vous sérieu­se­ment réflé­chi à la ques­tion de la voca­tion ? Ce n’est pas parce que vous êtes atti­ré par les jeunes filles que Dieu ne vous appelle pas à une vie encore plus belle et plus noble que la vie conju­gale. Il arrive que des gar­çons de votre âge sou­haitent se don­ner tota­le­ment à Dieu. Brusquement, après les grandes vacances, ils changent d’avis : « J’ai bien réflé­chi, et je pense fina­le­ment que ma voie est de fon­der un foyer ». Alors le prêtre leur demande « Comment s’appelle-t-elle ? » Interloqués, gênés, ils indiquent le pré­nom d’une char­mante jeune fille. Ils ont tro­qué l’amour qu’ils vou­laient témoi­gner au Christ contre une amou­rette légère. Imprudemment, ils ont expo­sé leur cœur. Et leur manque de réflexion et de géné­ro­si­té prive désor­mais Notre-​Seigneur d’un auxi­liaire pré­cieux pour le salut des âmes.

Alors, je ne dois pas lui dire que je l’aime ?

- Si vous n’avez rien dit à cette jeune fille, soyez capable de faire bar­rage à votre besoin d’aimer, non pour détruire cette source qui jaillit en vous, mais pour en accu­mu­ler les éner­gies et les répandre plus tard sur votre foyer, si telle est votre voca­tion. Il vous sera dur peut-​être, au milieu de vos amis qui jouent avec l’amour, de ne pas les imi­ter. Mais l’avenir vous don­ne­ra rai­son. Le jour venu, vous offri­rez à une jeune fille, non pas un cœur usé à force d’avoir pas­sé entre beau­coup de mains, mais un cœur sain et généreux.

Si vous avez déjà dit votre amour à cette jeune fille, com­pre­nez que vous avez été trop vite en besogne, que ce n’est pas là encore le véri­table amour. Demandez-​vous même si vous n’avez pas agi en égoïste, cher­chant cette jeune fille pour votre propre satis­fac­tion. Demandez-​vous si c’est le cœur éclai­ré par la rai­son qui a par­lé, et non pas plu­tôt l’attrait pure­ment phy­sique que vous n’avez pas su domi­ner. La petite sainte Thérèse écri­vait : « L’amour se nour­rit de sacri­fices ; plus l’âme se refuse de satis­fac­tions natu­relles, plus sa ten­dresse devient forte et désintéressée ».

J’en pro­fite pour vous mettre en garde contre cer­taines jeunes filles qui, par manque d’éducation ou par malice, ont per­du le sens de la digni­té fémi­nine et de la pudeur. Elles connaissent la fai­blesse des jeunes gens et s’emploient à les faire tom­ber dans leurs filets par leurs paroles, leur tenue ves­ti­men­taire ou leur com­por­te­ment. Soyez vigi­lant et réagis­sez fer­me­ment. Qu’elles en soient conscientes ou non, ces femmes conduisent les hommes en enfer.

Pour conclure, vous êtes trop jeune pour entre­te­nir sérieu­se­ment ces fré­quen­ta­tions. Or, c’est toute votre vie future qui est ici en jeu, et je ne vou­drais pas que vous soyez mal­heu­reuse. Il arrive fré­quem­ment de nos jours que, après 5, 10 ou 20 ans de mariage, les époux ne s’aiment plus du tout. L’amour du jour de leur mariage était pour­tant bien réel. Que s’est-il donc pas­sé ? Leur amour était trop exclu­si­ve­ment sen­sible, fon­dé sur l’attrait du cœur et du charme phy­sique. Il n’était pas suf­fi­sam­ment enra­ci­né dans la cha­ri­té, laquelle est don de soi et sacri­fice. Or les sen­ti­ments sont pas­sa­gers. Seule la ver­tu est stable. Regardez ces innom­brables divorces qui causent un tord irré­pa­rable aux enfants et détruisent notre socié­té : ils sont le signe que l’amour a dis­pa­ru de la plu­part des foyers. Pourquoi ? Parce que l’idéal du mariage, à peine entre­vu, a été déna­tu­ré et avi­li. Les jeunes y ont vu un moyen de satis­faire égoïs­te­ment leurs pas­sions en se lais­sant aller à la sen­sua­li­té. Ils avaient peut-​être l’intention de se don­ner l’un à l’autre pour tou­jours, mais peut-​on être fidèle dans les grandes choses si l’on est infi­dèle dans les petites ? Ils avaient peut-​être entre­vu la gran­deur de leurs res­pon­sa­bi­li­tés le jour de leur mariage, mais peut-​on se sacri­fier pour sa famille lorsqu’on ignore la beau­té du sacrifice ?

Quelle tris­tesse de voir ces exis­tences bri­sées à cause d’une jeu­nesse pas­sée dans la légèreté !

C’est l’enseignement du pape Pie XI :

« Le fon­de­ment d’un mariage heu­reux et la ruine d’un mariage mal­heu­reux se pré­parent déjà dans les âmes des jeunes gens dès le temps de l’enfance et de la jeu­nesse. Car ceux qui, avant le mariage, se cher­chaient égoïs­te­ment en toute chose, qui s’abandonnaient à leurs convoi­tises, il est à craindre qu’ils ne res­tent, dans le mariage, pareils à ce qu’ils étaient avant le mariage ; qu’ils ne doivent aus­si récol­ter ce qu’ils auront semé : la tris­tesse au foyer domes­tique, les larmes, le mépris mutuel, les luttes, les més­in­tel­li­gences, le mépris de la vie commune ».

Je vous conseille donc, cher Pierre, de ne pas livrer trop tôt votre cœur. Placez-​le en lieu sûr, sous le regard de la Vierge Marie, loin du souffle cor­ro­sif des pas­sions. Nourrissez-​le du Pain des anges, la sainte Eucharistie. Fortifiez-​le par l’assistance au saint Sacrifice de la messe, source de tout véri­table amour. Affermissez-​le par l’esprit de renon­ce­ment. Utilisez le temps dont vous dis­po­sez pour vous dévouer à l’égard du pro­chain .Acceptez des res­pon­sa­bi­li­tés impor­tantes : elles vous pré­pa­re­ront à votre charge de chef de famille. Enfin, priez pour votre future épouse. Alors, dans quelques années, si telle est votre voca­tion, votre cœur sera prêt à aimer inten­sé­ment et à rendre heu­reux celle qui sera la mère de vos enfants.

Abbé Bernard de Lacoste, Directeur

FSSPX

M. l’ab­bé Bernard de Lacoste est direc­teur du Séminaire International Saint Pie X d’Écône (Suisse). Il est éga­le­ment le direc­teur du Courrier de Rome.