Peut-​on assister à la nouvelle messe ?

On ne peut ni célé­brer la messe de Paul VI, ni y assis­ter. C’est ce que pensent les prêtres de la Fraternité Saint-​Pie X , d’autres com­mu­nau­tés, et de nom­breux fidèles.

Cette affir­ma­tion paraît dure. Beaucoup la refusent. Soit ils prennent fran­che­ment la défense du Novus Ordo Missæ, soit, à tout le moins, ils nous disent : « Vos blâmes sur la nou­velle messe sont exces­sifs. La célé­brer, ou y assis­ter, n’est pas défen­du. » En par­ti­cu­lier, on entend les objec­tions sui­vantes :

1. Les défauts de la messe de Paul VI sont réels : elle est donc impar­faite. Mais ils ne sont pas tels qu’on puisse la dire illé­gi­time. En un mot, elle est moins bonne que le rit tra­di­tion­nel, mais pas pour autant mauvaise.

2. Il y a des cir­cons­tances dans les­quelles la messe de Paul VI est bien dite, par exemple quand elle est célé­brée en latin, dos au peuple, par un prêtre pieux et sérieux, avec la pre­mière Prière eucha­ris­tique. Dans ces cas, y assis­ter (ou la célé­brer) n’est pas inter­dit, et même au contraire.

3. La messe selon le rit de Paul VI a été dite chaque jour par les papes Paul VI, Jean- Paul II et Benoît XVI ; par les car­di­naux Burke et Sarah. Soeur Lucie, qui a vu la sainte Vierge, y a assis­té, et de nom­breux saints reli­gieux et saintes reli­gieuses. Il n’est du coup pas rai­son­nable de sou­te­nir qu’on ne peut ni la célé­brer ni y assister !

4. En pro­mul­guant ce rit de la messe, le pape Paul VI a fait, pour l’Église, une loi de la célé­brer et d’y assis­ter selon ce rit ; cette loi oblige. Or, le pape ne peut pas se trom­per quand il pro­mulgue une loi pour l’Église entière : en effet, il est alors infaillible. Donc, la messe de Paul VI est bonne.

Avant de répondre à cha­cune de ces objec­tions, expli­quons pour­quoi nous consi­dé­rons qu’on ne peut ni célé­brer, ni assis­ter acti­ve­ment à la messe de Paul VI, que ce soit le dimanche ou en semaine. La rai­son de fond peut être résu­mée ainsi :

(A) On ne peut pas célé­brer la messe selon un rit non catho­lique, ni y assister.

(B) Or la messe de Paul VI est un rit non catho­lique.

© Donc on ne peut pas célé­brer la messe de Paul VI, ni y assister.

La pre­mière consi­dé­ra­tion (A) rap­pelle sim­ple­ment qu’il n’est pas licite de par­ti­ci­per à un rit non catho­lique (canon 1258). Par exemple, si l’on se trouve le dimanche dans un pays où il n’y a pas de messe catho­lique, il n’est pas pour autant per­mis d’aller prier à une messe ortho­doxe, ou a for­tio­ri dans le cadre d’un culte protestant.

La deuxième affir­ma­tion (B) est plus abrupte. On la prouve ain­si : tout rit de la messe qui, bien qu’ayant été approu­vé par le Saint-​Siège, est à la fois indigne du culte divin et de la réité­ra­tion sacra­men­telle du sacri­fice de la Croix, et qui est davan­tage né­faste que pro­fi­table à ceux qui le célèbrent ou y assistent, est un rit non catho­lique. Or le rit de Paul VI, bien qu’il ait été approu­vé par le Saint-​Siège, est indigne du culte et de la repré­sen­ta­tion sacra­men­telle du Calvaire, et davan­tage néfaste que pro­fi­table aux âmes. Par consé­quent, il ne mérite pas l’appellation de catholique.

Mais com­ment, pré­ci­sé­ment, parvient-​on à la convic­tion de cette indi­gni­té et de ce dan­ger pour les âmes qu’il repré­sente ? Par les argu­ments qui ont été expo­sés dans diverses études (livres et revues), et dont la plu­part sont rap­pe­lés dans ce dossier.

Notons qu’on ne peut pas dire que cette messe soit inva­lide en soi (bien qu’elle puisse l’être ici et là). Elle est une vraie messe, parce que la matière du sacre­ment (pain et vin) et les paroles pro­non­cées sur cette matière (Ceci est mon corps…) sont celles que Jésus-​Christ a ins­ti­tuées. Le cœur (la sub­stance) de la messe, à savoir la consé­cra­tion, n’est donc, de soi, pas absent de ce rit. Toutefois, ce n’est pas une messe catho­lique, ce qui la rend illi­cite. Car ce qui entoure le cœur de la messe n’est pas digne du culte catho­lique et consti­tue plus un dan­ger qu’un pro­fit pour les âmes.

En outre, les défauts de ce rit sont plus sou­vent des manques (par exemple la raré­fac­tion du rap­pel du sacri­fice) que des affir­ma­tions fri­sant l’hérésie ou des gestes irré­vé­ren­cieux. Chacun de ces défauts (par exemple la réduc­tion du nombre de génu­flexions, la par­ti­ci­pa­tion mal com­prise des fidèles) ne suf­fit pas à se détour­ner de la messe de Paul VI. Mais c’est l’ensemble, l’ordre géné­ral (plus exac­te­ment le désordre, appe­lé en théo­lo­gie pri­va­tion), le tout com­po­sé de ces divers man­que­ments qui mène, hélas, à juger qu’elle « s’éloigne, dans l’ensemble comme dans le détail, de la théo­lo­gie catho­lique du sacri­fice de la messe ». Il y a du sacré ici et là dans ce rit, mais pas suf­fi­sam­ment pour faire que l’ensemble soit sacré ; il y a des prières et des gestes qui conviennent au sacri­fice rédemp­teur, mais pas suf­fi­sam­ment pour que le rit soit digne du sacri­fice ; il y a des bien­faits à en attendre pour la pié­té des fidèles, mais ce rit est plus pro­pice à leur faire du mal que du bien. Du reste, l’état des croyances et de la pié­té chez les catho­liques aujourd’hui, est un indice de tout cela.

Il reste à répondre aux objec­tions pré­sen­tées plus haut.

1. Une fois que l’on a consta­té l’ensemble des défauts de cette messe, faut-​il en conclure qu’elle est seule­ment impar­faite, ou plu­tôt qu’elle est illi­cite ? À ce stade il y a une appré­cia­tion à poser. La véri­té, c’est que les défauts sont tels qu’ils la rendent illi­cite. Toutefois, du fait qu’elle vient du pape lui-​même, et qu’elle est célé­brée par­tout depuis des dizaines d’années, il n’y a rien d’étonnant à ce que beau­coup de catho­liques hésitent à se ran­ger à cette appré­cia­tion. Ce sont donc d’abord l’autorité de Rome et l’habitude d’as­sister à cette messe qui empêchent de nom­breux catho­liques de juger ce rit comme il faut. De ce fait, il serait absurde d’être rigou­reux envers ceux qui ne par­tagent pas le point de vue de la Fraternité.

2. Le fait que cette messe puisse être dite tan­tôt « sérieu­se­ment », tan­tôt cahin-​caha, est déjà un grave défaut. Quoi qu’il en soit, même célé­brée par un prêtre fervent, cette messe garde ses dif­for­mi­tés intrin­sèques. Il y a dans ce cas une dis­pro­por­tion entre la qua­li­té du célé­brant et le rit qu’il célèbre, comme une mau­vaise pièce de théâtre que joue­rait un bon acteur.

3. Il est éton­nant et à peine croyable qu’un rit pas vrai­ment catho­lique soit célé­bré par les papes, les évêques, et que de saintes per­sonnes y assistent, c’est vrai. Mais rien, dans la consti­tu­tion de l’Église, ne garan­tit que ce soit impos­sible. Du reste, il est aus­si éton­nant, et à peine croyable, que dans l’Église il y ait eu Dignitatis humanæ, les réunions d’Assise et Amoris læti­tia, qui sont des faits.

4. Le pape, lorsqu’il pro­mulgue une loi litur­gique pour l’Église uni­ver­selle, est infaillible. Or la pro­mul­ga­tion de cette messe a les appa­rences d’une loi litur­gique pour l’Église. Cette qua­trième objec­tion est donc sérieuse. On y a répon­du, à la suite du cano­niste l’abbé Raymond Dulac, que mal­gré les appa­rences il n’y a pas eu de véri­table pro­mul­ga­tion. Certains (l’abbé Anthony Cekada, par exemple) ont ten­té de réfu­ter l’argumentation de l’abbé Dulac, en sou­te­nant que Paul VI a vou­lu vrai­ment obli­ger les prêtres à célé­brer selon le nou­veau rit, ce qui reve­nait à inter­dire le rit tra­di­tion­nel. Mais leur réfu­ta­tion a pris du plomb dans l’aile depuis le motu pro­prio Summorum pon­ti­fi­cum, puisque Benoît XVI y a confir­mé que Paul VI n’avait jamais inter­dit le rit traditionnel.

Abbé Philippe Toulza, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X

Sources : Fideliter n° 237 de mai-​juin 2017