Synode sur la famille – Mgr Paglia : le changement est en route et on ne revient pas en arrière, par Giacomo Galeazzi

Note de la rédac­tion de La Porte Latine :
il est bien enten­du que les com­men­taires repris dans la presse exté­rieure à la FSSPX
ne sont en aucun cas une quel­conque adhé­sion à ce qui y est écrit par ailleurs.

Au Synode sur la famille, les résis­tances sur la com­mu­nion aux divor­cés rema­riés et les unions de fait « n’ont pas modi­fié un che­min qui a déjà com­men­cé », assure l’ar­che­vêque Vincenzo Paglia [1]. « Le man­dat de François a été res­pec­té : accueillir et sor­tir»», affirme le ministre de la Famille du Vatican. Par Giacomo Galeazzi – Cité du Vatican, le 22 octobre 2014

- Giacomo Galeazzi – Au Synode, a‑t-​on vu émer­ger une par­tie d’une hié­rar­chie qui s’op­pose à l’œuvre de renou­veau François ?

- Mgr Vincenzo Paglia – « Je vou­drais d’a­bord pré­ci­ser une chose. L’Eglise, avec le Synode, a pris la res­pon­sa­bi­li­té de réflé­chir sur la situa­tion dif­fi­cile que tra­versent les familles dans le monde. Il est impor­tant de sai­sir cette pers­pec­tives pour com­prendre les enjeux et donc aus­si la fran­chise et l’im­por­tance du débat. J’aimerais que dans toutes les autres ins­ti­tu­tions poli­tiques, sociales, éco­no­miques, on fasse ce que nous avons fait au Synode. Face au mare mag­num des pro­blèmes, il était évident qu’un débat arti­cu­lé et éga­le­ment ani­mé allait s’en­ga­ger. Vous par­lez d’une cer­taine oppo­si­tion au renou­veau vou­lu par le pape François. Le pape lui-​même a mis en garde contre deux ten­ta­tions, celle de se retran­cher en défense sur des posi­tions auto­ré­fé­ren­tielles, et l’autre du buo­nisme super­fi­ciel. Le Synode a été convo­qué pour entendre la situa­tion des familles réelles d’au­jourd’­hui et pour venir à leur ren­contre de manière pas­sion­née, et cer­tai­ne­ment pas ren­fro­gnée. Ce n’é­tait pas et ce ne devait pas être une simple répé­ti­tion de la doc­trine. François demande une Eglise qui se met en che­min pour accueillir tout le monde et recueillir ceux qui en ont besoin. Jésus le pre­mier – a dit le Pape François – nous donne l’exemple. L’assemblée syno­dale – même avec toutes ses limites – a essayé de se jeter au cœur des pro­blèmes des gens, des familles, s’in­ter­ro­geant sur com­ment répondre. A mon avis, il est encore néces­saire de conti­nuer à écou­ter et de cher­cher des réponses. Le texte final – même avec les len­teurs qu’il témoigne – a cepen­dant ouvert le che­min qui doit main­te­nant se pour­suivre dans les dio­cèses jus­qu’au Synode ordi­naire de l’an­née pro­chaine. Nous ne pou­vons pas nous enfer­mer dans un fort qui se retranche dans la rigi­di­té des pré­ceptes ».

- Les nou­veau­tés ont-​elles été freinées ?

- « Je le répète, le che­min a com­men­cé. François se tient devant nous tous et nous ouvre la voie. Même si quelque chose n’a pas fonc­tion­né comme il le devait, il a pour­sui­vi sa mis­sion de pas­teur uni­ver­sel. Nous pour­rions dire – avec une méta­phore auto­mo­bile – que dans la fran­chise de la dis­cus­sion les pis­tons du moteur ne se sont pas tous dépla­cés en har­mo­nie. La voi­ture du synode a donc eu quelques secousses. Mais le résul­tat est que la voi­ture a quand même conti­nué à rou­ler, elle est sor­ti des stands et elle est sur la route. Pas sur un cir­cuit fer­mé et pro­té­gé, mais sur les routes du monde, celles par­cou­rues par le Bon Samaritain qui, à la dif­fé­rence du prêtre et le lévite, n’a pas pas­sé son che­min, mais s’est arrê­té et a char­gé sur sa mon­ture le bles­sé, c’est à dire les innom­brables familles bles­sées. Il est indis­pen­sable de se lais­ser bles­ser. C’est par là que passe la vois syno­dale que nous devons devons par­cou­rir cette année. Et non seule­ment les évêques, les 191 du synode, mais tout le monde, y com­pris les familles chré­tiennes. Je sou­haite que dans toutes les par­ties du monde, il y ait une sorte de réveil, de débat, de dis­cus­sion, d’aides pour les familles. Si ini­tia­le­ment il y a eut un ques­tion­naire, et ensuite un Synode extra­or­di­naire, j’es­père que com­mence aujourd’­hui une action plus directe pour trou­ver des voies et des solu­tions opératives.

- Donc, il faut évi­ter la logique de l’affrontement ?

- « Absolument. Cela ne signi­fie pas que les débats devraient être revus à la baisse, au contraire, je vou­drais que montent la pré­oc­cu­pa­tion et l’en­ga­ge­ment. C’est ce que j’ai l’in­ten­tion d’ai­der aus­si comme Président du Conseil Pontifical pour la Famille. Notre tra­vail de pas­teurs – je vou­drais dire de tous, y com­pris les familles – est de sor­tir des sacris­ties et des murs des églises pour aller à la ren­contre des per­sonnes en chair et en os. Ne per­dons pas de temps à sau­ve­gar­der les posi­tions abs­traites. Nous sommes appe­lés à la « salus ani­mum » plu­tôt qu’à la « salus prin­ci­pio­rum ». Nous devons sor­tir dans les rues avec l’Évangile et avec cette « sym­pa­thie immense » pour l’homme dont par­lait le bien­heu­reux Paul VI.

- Mais n’y a‑t-​il pas un retard culturel ?

- « Je dirais qu’il y a un retard à la fois cultu­rel et spi­ri­tuel, un retard dans la com­pré­hen­sion pas­sion­née des autres. L’individualisme ram­pant menace de créer une socié­té de soli­taires. Le Synode, en pro­po­sant à nou­veau la famille comme moteur de la socié­té, demande à cha­cun de redé­cou­vrir la force cultu­relle de cette parole qui est au début de la Bible : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul » . Cette parole est main­te­nant en dan­ger par le culte de l’e­go. L’ami Giuseppe De Rita parle d”«egolatrie », un culte sur l’au­tel duquel on sacri­fie tout, même les affec­tions les plus chères. Redécouvrir la dimen­sion « fami­liale » de la vie, c’est aider la socié­té à être plus ferme et plus forte, moins « liquide » et plus soli­daire. Tous, sans excep­tion, nous avons besoin d’un amour plus robuste, plus géné­reux, qui nous fasse étendre les bras, qui nous fasse ouvrir notre cœur. Sur la croix, Jésus ne se regarde pas lui-​même, il ne pleure pas sur lui-​même et sur ses propres pro­blèmes. Il regarde son jeune dis­ciple et sa vieille mère, il regarde cha­cun de nous. Les jeunes sont sans espoir et les adultes endur­cis par la vie ».

Entretien recueilli par Giacomo Galeazzi

Sources : Vatican Insider/​Giacomo Galeazzi/​Benoit-​et-​moi/​LPL

Notes de bas de page
  1. Note de LPL : Le 26 juin 2012, Benoît XVI l’é­lève à la digni­té d’ar­che­vêque et le nomme Président du Conseil Pontifical pour la Famille. Très proche de l’as­so­cia­tion Hommes et reli­gions de la Communauté de Sant’Egidio qui orga­nise des ren­contres œcu­mé­niques et inter-​religieuses. Le 9 sep­tembre 2014 il est nom­mé par le pape François : Père syno­dal pour la troi­sième assem­blée géné­rale extra­or­di­naire du synode des évêques sur la famille se dérou­lant du 5 au 19 octobre en qua­li­té de Président du Conseil Pontifical pour la Famille.[]