Sermon de Mgr Fellay à St-​Nicolas le 7 novembre 2010 – « Le rêve de Dakar »

Dimanche 7 novembre 2010, en l’é­glise Saint-​Nicolas du Chardonnet à Paris, messe pon­ti­fi­cale de la solen­ni­té du Cœur Immaculé de Marie, en l’hon­neur du qua­ran­tième anni­ver­saire de la fon­da­tion par Mgr Lefebvre de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X

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Version écrite

Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

Mes bien chers fidèles,

C’est sous le patro­nage du Cœur Immaculé de Marie que nous avons cette bien bien grande joie de célé­brer ce double anni­ver­saire des 40 ans de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X.

Nous avons vou­lu nous pla­cer sous ce patro­nage parce que – en tout cas pour nous c’est évident – cette époque, cette époque de l’his­toire est pré­si­dée par Marie. Nous disons évident pour nous, car exté­rieu­re­ment on a peut-​être de la peine à voir cet élé­ment pour­tant bien bien clair à Fatima où Notre-​Dame, au nom du ciel, vient pré­sen­ter, deman­der aux hommes, au nom de Dieu, que les hommes veuillent bien pas­ser par le Cœur Immaculé de Marie pour aller à Dieu, pour faire leur salut. Dévotion que Dieu veut intro­duire dans le monde. Et à cette occa­sion c’est ce sur quoi beau­coup insistent lors­qu’on parle de Fatima. La Très Sainte Vierge décrit ce qui va, ce qui peut, pour­rait se pas­ser dans le siècle, peut-​être les décen­nies, les siècles – je ne sais pas trop, je ne sais pas com­bien de temps cela dure – ce qui se passe sur la terre, très clai­re­ment. Elle dit que la paix des nations a été remise dans ses mains et donc c’est vrai­ment elle qui pré­side à cette époque, une époque jus­qu’i­ci très dure, dif­fi­cile, et c’est ce côté dif­fi­cile, ce côté de tri­bu­la­tions, qui touche le monde entier, toute la socié­té, et aus­si, mal­heu­reu­se­ment, très for­te­ment l’Eglise. Cette pers­pec­tive sombre fait rele­ver d’au­tant plus les mer­veilles du Bon Dieu que nous célé­brons aujourd’­hui dans cet anni­ver­saire. Si Notre-​Dame pou­vait dire « Celui qui est puis­sant, le Tout-​Puissant a fait en moi des mer­veilles », faci­le­ment nous pou­vons nous attri­buer cette parole en regar­dant cette œuvre de la Fraternité vrai­ment digne, digne d’é­mer­veille­ment, d’admiration.

Ce qui à d’autre époque aurait été, devrait être consi­dé­ré comme tout sim­ple­ment nor­mal : une socié­té de prêtres qui se vouent à la for­ma­tion des prêtres, qui essaient de pro­pa­ger, défendre la Foi catho­lique comme l’Eglise l’a tou­jours fait ; rien n’est plus nor­mal dans l’Eglise mili­tante ! Et aujourd’­hui, parce que nous fai­sons ce qui est le plus nor­mal, le plus simple, sans aucune exal­ta­tion, ori­gi­na­li­té, sim­ple­ment faire ce qu’a tou­jours fait l’Eglise, devient aujourd’­hui quelque chose de mons­trueux, éton­nant, comme si on était sur une autre pla­nète ; et l’on n’est pas seule­ment des étran­gers, on est pire que des mar­gi­naux, on est des sou­vent pes­ti­fé­rés, et qu’est-​ce qu’on n’a pas pu dire sur cette Fraternité. Et pour­tant qu’est-​ce qu’elle fait si ce n’est ce qu’a tou­jours fait l’Eglise. Et de voir au milieu, au milieu de cette débâcle, déca­dence qui touche tout, voir cette œuvre qui résiste à cette démo­li­tion, qui non seule­ment résiste, tient bon, mais se déve­loppe. Cette chose a été faite par le Bon Dieu. Et il y a donc de quoi remercier.

Mais si nous remer­cions le Bon Dieu, remer­cions aus­si tout spé­cia­le­ment pour cette âme qu’Il a sus­ci­tée pour fon­der cette œuvre, pour la conduire : Monseigneur Lefebvre. Si nous sommes là, si nous pou­vons fêter ces 40 ans, c’est parce qu’il y a eu un Monseigneur Lefebvre. On pour­rait faci­le­ment dire que la Fraternité c’est un héri­tage et à plus d’un sens ; c’est un tré­sor, le tré­sor de l’Eglise qui a été trans­mis. Monseigneur Lefebvre insis­tait pour que sur sa tombe soient ins­crites ces paroles : « J’ai trans­mis ce que j’ai reçu ». C’est tout. J’ai trans­mis. Mais ce qu’il a trans­mis c’est le bien com­mun de l’Eglise, c’est exac­te­ment ce que Dieu a confié à Son Eglise. C’est ce que doit faire tout évêque. Pourquoi les autres ne l’ont-​ils pas fait ? Nous n’a­vons pas cette réponse. Mais nous voyons que Monseigneur l’a fait. Nous voyons que Monseigneur l’a fait tout sim­ple­ment dans un acte simple, mais en sachant ce qu’il fai­sait. Il lui a été don­né une grâce par­ti­cu­lière et quand on regarde autour on voit que peu ont vu cette grâce dans l’Eglise, de com­prendre ce qu’il se pas­sait, d’en voir les causes, ni d’en voir les remèdes.

De cela on pour­rait par­ler d’une mis­sion de Monseigneur. Monseigneur n’en a pra­ti­que­ment jamais par­lé. Tout à la fin de sa vie, en remet­tant un petit livre, Itinéraire spi­ri­tuel, il nous a dit que c’é­tait son tes­ta­ment. Et là, tout au début, sont cou­chées des lignes très inté­res­santes où il nous dit : « Si l’Esprit-​Saint me per­met de rédi­ger ces lignes avant de me rap­pe­ler, il me per­met­tra de réa­li­ser le rêve qu’il m’a­vait fait entre­voir dans la cathé­drale de Dakar. » Il n’en avait jamais par­lé. Un évêque qui rêve dans sa cathé­drale, tout de suite on se dit que peut-​être il fau­dra don­ner un autre nom que le nom de rêve à ce qu’il voit à ce moment-​là. « Le rêve qu’il lui avait fait entre­voir » : donc c’est avant le Concile. Il voit la dégra­da­tion de l’Eglise, la dégra­da­tion du Sacerdoce catho­lique. Il voit ce qu’il appelle l’u­nique solu­tion pour res­tau­rer l’Eglise, pas seule­ment le Sacerdoce, mais l’Eglise ; une per­cep­tion de ce qu’il y a une crise ter­rible qui touche toute l’Eglise et dans son cœur, per­cep­tion qu’il n’y a qu’un seul moyen pour res­tau­rer ces choses. Et là il a sa pre­mière phrase (elle est éton­nante) : « rédi­ger ces lignes c’est donc déjà réa­li­ser le rêve ». Ce rêve, vous le com­pre­nez bien, mes bien chers frères, il s’a­git de cette œuvre qu’on appelle la Fraternité, le renou­veau du Sacerdoce par la for­ma­tion des prêtres comme l’Eglise l’a tou­jours fait, défense, pro­pa­ga­tion de la Foi, pro­cla­ma­tion de la Foi catho­lique comme l’Eglise l’a tou­jours ensei­gné. C’est son œuvre. Monseigneur nous dit : « Si je rédige ces lignes il me per­met­tra de réa­li­ser ce rêve ». Ce n’est pas un lapsus.

Un peu plus loin dans cette pré­face on com­prend. Il nous dira que cet unique, unique remède, ce n’est pas seule­ment for­mer des prêtres, pas seule­ment trans­mettre la Foi, il y a un élé­ment sup­plé­men­taire, néces­saire pour cette res­tau­ra­tion : c’est trans­mettre un esprit. Et l’on com­prend que ce livre veut nous trans­mettre cet esprit. Cet esprit ce n’est autre que l’es­prit sacer­do­tal qui est aus­si l’es­prit chré­tien qu’il trouve expri­mé dans la grande prière (c’est ain­si qu’il l’ap­pe­lait), la grande prière de Notre Seigneur Jésus-​Christ qui est son sacri­fice sur la croix. Il insis­te­ra en disant : « Toute ma vie j’ai été han­té du désir de trans­mettre cet esprit de sanc­ti­fi­ca­tion des prêtres et, encore une fois, qui est l’es­prit chré­tien. » C’est le même, il n’y a qu’un seul esprit. C’est là qu’il faut com­prendre, mes bien chers frères, quelque chose de très impor­tant pour nous, pour nous qui vou­lons être tra­di­tio­na­listes, tra­di­tion­nels, conser­ver toute cette tra­di­tion de l’Eglise, il nous faut com­prendre que le simple fait de conser­ver la Foi et même de la pro­fes­ser, le simple fait de tra­vailler à avoir des prêtres et bien cela ne suf­fit pas encore. Si l’on fai­sait tout cela on édi­fie­rait certes à l’é­di­fice. Cet édi­fice doit être vivant, il doit avoir une âme, il doit avoir un esprit.

Pour com­prendre cela regar­dons la messe. Prenons la messe et com­ment l’Eglise veut que nous assis­tions à cette messe. Saint Thomas va reprendre l’ex­pres­sion de saint Augustin qui est très forte et qui dit tout cela. Nous savons bien que la messe et bien c’est le sacri­fice de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Le Concile de Trente nous enseigne qu’il y a iden­ti­té, tout sim­ple­ment iden­ti­té entre le sacri­fice de Notre Seigneur Jésus-​Christ sur la croix, sur l’au­tel de la croix, et le sacri­fice de la messe renou­ve­lé tous les jours par toute la terre à cause des péchés quo­ti­diens. Identique, et donc dire la messe, c’est le sacri­fice de Notre Seigneur par­fai­te­ment vrai ; la seule dis­tinc­tion, dif­fé­rence entre les deux c’est que le mode du sacri­fice à l’au­tel, chez nous, main­te­nant, ici, à la messe est non san­glant. Notre Seigneur ne peut plus souf­frir, il ne peut plus mou­rir, mais il peut encore offrir sa vie, vie qui lui est ôtée dans cette expres­sion de mort signi­fiée dans la double consé­cra­tion lorsque le sang est sépa­ré du corps, le voi­là mort, c’est un état de mort. Et le Seigneur, tout par un mode sacra­men­tel, répète cet état de mort bien qu’il ne puisse plus mou­rir et offre encore et de nou­veau ce sacri­fice de sa vie pour nos péchés.

Et la messe, c’est encore quelque chose de plus. Le prêtre, lors­qu’il se tourne vers vous à l’Offertoire il vous dit : « Priez, mes bien chers frères, afin que mon sacri­fice qui est aus­si le vôtre et votre sacri­fice soient agréables à Dieu ». A ce moment-​là, très clai­re­ment, mani­fes­te­ment, ce sacri­fice dont il parle ce ne sont pas ses œuvres per­son­nelles, les petits sacri­fices qu’il peut essai­mer pen­dant la jour­née, ce dont il parle c’est de la messe, cette messe dont nous disons que c’est le sacri­fice de Notre Seigneur, il ose l’ap­pe­ler mon sacri­fice et aus­si le vôtre, votre sacri­fice. Cette petite phrase de saint Augustin que nous annon­cions c’est celle-​ci : « Tout sacri­fice visible est le signe sacré d’un sacri­fice invi­sible ». Toute la litur­gie est dans l’ordre du signe. Cette litur­gie qui est déjà exté­rieu­re­ment, qui repré­sente dans tous ses gestes un sacri­fice indique quelque chose de plus pro­fond, de caché. Ce qu’on voit ce sont pré­ci­sé­ment les paroles consé­cra­toires, et à ce moment-​là se pro­duit d’une manière invi­sible un autre sacri­fice qui est l’es­sen­tiel puisque c’est ce vers quoi ce qui est indi­qué par le signe exté­rieur et c’est pré­ci­sé­ment le sacri­fice de Notre Seigneur qui offre sa vie. Mais si nous pou­vons et devons dire que c’est aus­si notre sacri­fice il faut que cette parole soit aus­si vraie pour nous, mes bien chers frères. Cette litur­gie, cette messe qui est un sacri­fice, c’est un signe sacré d’un sacri­fice invisible.

Assister à la messe, y par­ti­ci­per c’est faire sien le sacri­fice de Notre Seigneur, c’est deve­nir un avec tous ses renon­ce­ments. Vouloir assis­ter à la messe sans vou­loir y appor­ter notre part c’est un men­songe, c’est faire men­tir le signe exté­rieur. Nous sommes là, à la messe, et bien cela a un sens extrê­me­ment pro­fond. Il faut que nous soyons un avec Notre Seigneur. Notre Seigneur n’a pas fait sim­ple­ment un sacri­fice pour nous, il veut nous y asso­cier ; celui qui nous a rache­tés sans nous, nous dit saint Augustin (« Celui qui t’a rache­té sans toi ne te sau­ve­ra pas sans toi »).

Le pro­tes­tant consi­dère que Notre Seigneur a tout fait, tout est en ordre, c’est réglé, il a payé, il a posé le prix du péché, nous sommes tous sau­vés, alle­luia ! Il n’en est pas ain­si. C’est vrai que Notre Seigneur y a mis le prix, mais il nous a faits libres et il exige la sou­mis­sion de notre intel­li­gence et de notre volon­té à son plan et si nous ne vou­lons pas nous sou­mettre à ses com­man­de­ments et bien ce sacri­fice de Notre Seigneur devient inutile. Pie XII de nous dire que la meilleure manière d’as­sis­ter à la messe c’est d’y aller en embras­sant toutes les inten­tions de Notre Seigneur Jésus-​Christ lors­qu’il monte au Calvaire. Nous savons, nous savons, c’est la Foi qui nous le dit, qu’il n’y a rien de plus pré­cieux sur la terre que la messe. Nous savons qu’il y a là la source de toutes les grâces. Tout ce que nous rece­vons de bien, mes bien chers frères, nous le rece­vons sur la cou­lée de l’au­tel. Notre Seigneur a vrai­ment, non seule­ment expié tous nos péchés, mais il a vrai­ment, vrai­ment méri­té tout le bien que nous fai­sons, tout, que ce soit la plus petite des pen­sées, le plus grand des actes héroïques, tout a été méri­té par Notre Seigneur et tout nous est don­né à tra­vers les galons des sacre­ments, et grâce et parce que ce sacri­fice est renou­ve­lé à l’au­tel. Il faut donc que ce contact à l’au­tel, ce contact à la messe soit sérieux, mes bien chers frères. Ce sont les moments – il ne fait abso­lu­ment aucun doute – les moments les plus pré­cieux de toute notre vie que ceux que nous pas­sons à la messe. Il n’y a pas d’ins­tants plus bénis que ceux-​là. Il faut en vivre. Notre Seigneur appelle le moment de son sacri­fice son heure, son heure.

Et bien pour nous c’est la même chose : la messe c’est notre heure. Si on prend les choses d’une manière seule­ment super­fi­cielle, si on fait atten­tion à toute cette beau­té, et c’est déjà pas mal, c’est déjà magni­fique, et bien, mes bien chers frères, cela ne suf­fit pas. Si nous res­tons à l’ex­té­rieur, nous res­tons dans le dan­ger de périr, dans le dan­ger de voir tout s’é­crou­ler à nou­veau comme cela s’est fait au moment du Concile. Avant le Concile ils avaient tout, ils avaient la Foi, ils avaient la messe, et tout s’est écrou­lé comme un châ­teau de cartes. Et nous rece­vons de Monseigneur Lefèbvre très très clai­re­ment cette com­pré­hen­sion que si nous vou­lons que les choses s’a­mé­liorent il n’y a pas trente six moyens : c’est la sain­te­té, il n’y en pas d’autre. Cette sain­te­té nous la pui­sons à l’au­tel, au cœur même de l’Eglise, au cœur même de notre religion.

De rece­voir ce tes­ta­ment c’est une grâce, mes bien chers frères, grâce extra­or­di­naire. Je crois que nous ne le com­pren­drons qu’au ciel. Au moins vivons-​en aujourd’­hui, tra­vaillons à remettre cet esprit tout d’a­bord en nous. Nous vivons dans une époque où vrai­ment de tous les côtés tout est fait pour éli­mi­ner cet esprit de Jésus qui est l’es­prit de la croix. Quand on regarde saint Paul qui dit : « Je n’ai vou­lu savoir qu’une seule chose c’est Jésus et Jésus cru­ci­fié » et lors­qu’il dit : « Je prêche » il nous dit : je prêche Jésus, Jésus cru­ci­fié. Et l’Eglise, pen­dant des siècles, et bien par­tout, a vou­lu mettre le cru­ci­fié, par­tout la croix avec Notre Seigneur cloué sur cette croix, Notre Seigneur dans sa Passion, dans sa mort, car c’est de cette mort que vient la vie et la vie éter­nelle. Et l’Eglise a eu cette com­pré­hen­sion et l’a trans­mise pen­dant tous les siècles. On peut dire : si vous vou­lez être sau­vés il faut vous col­ler à cette croix.

Le Bon Dieu vous donne chaque jour votre ration quo­ti­dienne de croix, unissez-​les à Notre Seigneur. C’est une des choses les plus pré­cieuses qu’Il vous donne, ces choses qui nous dimi­nuent, ces choses par les­quelles à nos yeux nous deve­nons moins, peut-​être même plus rien, peut-​être même à charge aux autres, c’est ce que nous per­ce­vons, c’est ce qui conduit tant et tant d’âmes au déses­poir, alors que Notre Seigneur nous dit et sur­tout par saint Paul : « C’est quand je suis faible que je suis fort ; j’ou­blie tout en Celui qui me for­ti­fie ». Cet esprit, cet esprit de Notre Seigneur nous dit que, quand l’âme n’en peut plus, pen­sons aux malades, pen­sons à tous ceux qui sont dému­nis ; mais ce sont les tré­sors de l’Eglise, ce sont les piles ato­miques de l’Eglise, ce sont ceux qui peuvent le plus pour le salut des âmes. Dites-​le aux malades. Notre Seigneur compte sur eux. L’Eglise c’est ce qu’on appelle le Corps mys­tique c’est-​à-​dire cet ensemble d’âmes qui sont unies à Notre Seigneur. Et com­ment Notre Seigneur conti­nue dans son Eglise sa mis­sion, sa mis­sion qui est de sau­ver les âmes ? Il la conti­nue par son sacri­fice, il la conti­nue en assu­mant, en vivant dans les âmes qui sont main­te­nant à lui, et en pre­nant, en fai­sant siennes ce qui se passe dans ces âmes, en par­ti­cu­lier leurs souf­frances qui deviennent les siennes.

C’est ce que peut dire saint Paul : « J’accomplis en moi ce qui manque, ce qui fait défaut à la Passion du Christ, pour son Corps mys­tique, pour l’Eglise ». Il ne manque rien à Notre Seigneur évi­dem­ment et néan­moins saint Paul pour­ra dire qu’il accom­plit en lui dans ses souf­frances, voi­là, ce qui manque à la Passion du Christ. ? Cette sagesse n’est évi­dem­ment pas celle des hommes. Aujourd’hui on ne veut plus par­ler de la souf­france, tout cela on le met de côté, même le regard sur le cru­ci­fix, le cru­ci­fié, on essaie de l’en­le­ver. Regardez ce qu’on fait dans les églises modernes : on a des­cen­du Notre Seigneur de la croix, on y laisse ce voile de la résur­rec­tion, il est res­sus­ci­té, alle­luia ! Tout va bien ! Ce n’est pas ce que l’Eglise nous enseigne. Cette asso­cia­tion, cette union aux souf­frances de Notre Seigneur il ne faut pas en avoir peur. Notre Seigneur nous donne chaque jour cette ration. Voyez bien vous-​mêmes, cer­tains jours c’est plus dur ; d’une manière habi­tuelle ce n’est pas si dur que ça. Et pour­tant, unir ses petites contra­dic­tions de chaque jour, faire son devoir d’é­tat dans cet esprit, dans l’u­nion à Notre Seigneur, ça change tout, ça change le monde ! Regardez un saint Curé d’Ars, regar­dez tous ces saints, qu’est-​ce qu’ils ont fait de tel­le­ment spé­cial dans leur vie ? Extérieurement, pour les gens du monde, qu’est-​ce qu’ils voient ? Rien de spé­cial. Regardez sainte Thérèse de l’Enfant-​Jésus, même dans son couvent les sœurs à côté d’elle ne voyaient rien de spé­cial. Et pour­tant il s’y trou­vait cet esprit, cet esprit qu’on appelle la Charité, l’u­nion à Dieu, l’u­nion à Notre Seigneur. Cette union se fait par­ti­cu­liè­re­ment dans la prière, d’où cette expres­sion un peu sur­pre­nante de Monseigneur qui parle de la grande prière de Notre Seigneur lors­qu’il parle de sa Passion. L’âme chré­tienne est for­cé­ment une âme d’o­rai­son, une âme qui soigne cette rela­tion si mer­veilleuse, si extra­or­di­naire avec son Seigneur et son Dieu. Qu’est-​ce que nous avons de plus beau sur la terre que cette rela­tion avec Dieu ? Dites-​moi. Ce n’est pas le pré­lude du ciel ? Tout cela est tel­le­ment beau ; c’est caché aux hommes mais cela est à notre dis­po­si­tion, en fait c’est à dis­po­si­tion, c’est le bien com­mun de l’Eglise catholique.

Si nous vou­lons encore fêter 50 ans, 60, 100 ans – je ne sais pas – de la Fraternité, mes bien chers frères, cela ne sera pos­sible qu’à une condi­tion : c’est de conser­ver bien évi­dem­ment ces choses qui sont néces­saires, qui sont les tré­sors de l’Eglise, qui sont la Foi, la pro­cla­ma­tion de la Foi, la défense de la Foi, qui sont son Sacerdoce, qui sont son sacri­fice, et aus­si, et en plus, et par-​dessus tout, et avec le reste, abso­lu­ment néces­saire, conser­ver cet esprit chré­tien, l’es­prit de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Demandons en ce jour, deman­dons à notre cher véné­ré fon­da­teur, deman­dons à Notre-​Dame, au Cœur Immaculé cet esprit qui ani­mait son fils, cet esprit du chré­tien, cet esprit qui fait voir les choses d’une manière dif­fé­rente que les hommes (tout ce qui se passe autour de nous on le voit bien dif­fé­rem­ment quand on se place sous le regard de Dieu), mais pas seule­ment pour voir mais sur­tout pour agir, pour faire régner Notre Seigneur, pour le remettre par­tout, pour rega­gner ce ter­rain per­du. Avec Dieu tout est pos­sible, avec la Grâce tout est pos­sible. Nous n’a­vons jamais le droit de déses­pé­rer même si les situa­tions (situa­tion du monde, de l’Eglise) sont mau­vaises, tristes, à pleu­rer, nous n’a­vons pas le droit, pas le droit de déses­pé­rer, jamais. Dieu est au-​dessus, Dieu est plus fort. Et sa Grâce à qui répond cha­cun à sa place, selon le rôle, selon la mis­sion que Dieu attend de nous, chacun !

Prions pour les prêtres, prions pour ceux qui répondent devant Dieu de nos âmes, pour les évêques, pour le pape, pour que plus que tout autre, eux soient ani­més de cet esprit, esprit de Notre Seigneur Jésus-​Christ, esprit de l’Eglise, esprit chré­tien, pour notre salut, pour la gloire de Dieu.

Ainsi soit-​il.

Au Nom du Père et du Fils et du Saint Esprit

† Bernard Fellay

FSSPX Premier conseiller général

De natio­na­li­té Suisse, il est né le 12 avril 1958 et a été sacré évêque par Mgr Lefebvre le 30 juin 1988. Mgr Bernard Fellay a exer­cé deux man­dats comme Supérieur Général de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X pour un total de 24 ans de supé­rio­rat de 1994 à 2018. Il est actuel­le­ment Premier Conseiller Général de la FSSPX.