Sermon de Mgr Lefebvre – Jubilé sacerdotal du R. P. Le Boulch – 4 mars 1984

Mes bien chers frères,

Avant d’adresser mes vœux au cher Père Le Boulch, je vou­drais recom­man­der à vos prières, l’âme de Madame Maret qui vient de décé­der juste avant cette messe. Nous n’oublions pas qu’elle nous a don­né trois de ses fils pour la Fraternité, dont deux sont déjà prêtres et un est sémi­na­riste, ici à Écône. Il est bien juste que nous ayons pour elle, une pen­sée par­ti­cu­lière au cours de cette céré­mo­nie pour que le Bon Dieu accueille sa sainte Âme auprès de lui. Nous ne dou­tons pas que par la prière de ses enfants et de toute sa famille et de tous ceux qui l’ont connue et esti­mée, eh bien le Bon Dieu l’accueille dans son Paradis.

Nous pré­sen­tons nos condo­léances à sa famille et nous les assu­rons de notre res­pec­tueuse sympathie.

Et nous voi­ci réunis aujourd’hui pour fêter les cin­quante années de sacer­doce, du cher Père Le Boulch. C’est pour nous, bien cher Père, une grande joie pour tous ceux qui sont pré­sents ici, d’unir nos prières, d’unir nos actions de grâces aux vôtres, au cours de cette Sainte Messe.

Action de grâces pour les bien­faits que vous-​même avez reçus au cours de ces cin­quante années et même avant, car le sacer­doce se pré­pare et se pré­pare par des grâces par­ti­cu­lières et pour les grâces que vous avez – avec le secours de Dieu – dis­tri­buées, don­nées en abon­dance au cours de votre vie sacer­do­tale. C’est pour­quoi aujourd’hui, bien volon­tiers, nous unis­sons notre prière au cours de ce Saint Sacrifice de la messe, qui sera par­ti­cu­liè­re­ment un Sacrifice d’action de grâces.

Je vou­drais rap­pe­ler rapi­de­ment, quelques dates de ces bien­faits dont le Bon Dieu vous a com­blé. Et d’abord la pré­pa­ra­tion de votre sacer­doce. Né le 16 mars 1910, d’une famille tout à fait chré­tienne, pro­fon­dé­ment chré­tienne comme en avait en ce temps la Bretagne – pays pro­fon­dé­ment fidèle à la foi catho­lique – et famille chré­tienne s’il en est une, puisque sur les sept enfants que le Bon Dieu a don­né à vos parents, quatre se sont consa­crés d’une manière toute par­ti­cu­lière au Bon Dieu ; deux prêtres et deux religieuses.

Et puis vos parents vous ont confié à des ins­ti­tu­tions qui aus­si de ce temps étaient pro­fon­dé­ment chré­tiennes et qui auraient bien eu garde de détour­ner de la voca­tion les enfants qui en avaient une, au contraire qui la favo­ri­saient. Vous disiez vous-​même que dans ces ins­ti­tu­tions chré­tiennes, là où vous avait fait vos études pri­maires et secon­daires, il y avait un très grand nombre de prêtres et que bien sou­vent plus de la moi­tié de la classe de phi­lo­so­phie s’en allait dans les cou­vents, dans les monas­tères, dans le cler­gé sécu­lier. C’était vrai­ment une époque chré­tienne et Dieu sait si nous en sommes loin maintenant.

Et puis, le 30 août 1926, la voca­tion monas­tique vous appe­lant d’une manière toute par­ti­cu­lière, vous êtes allé vous pré­sen­ter au monas­tère de Kerbénéat. Et sans doute le Père Abbé vous a répé­té cette parole de saint Benoît : Si reve­ra que­ris Deum : Si vrai­ment vous cher­chez Dieu, alors entrez, venez, soyez le bienvenu.

Eh oui, vous cher­chiez Dieu. Et on Le trou­vait dans le monas­tère à cette époque. On Le trou­vait. La pré­sence de Dieu était telle que rien que l’ambiance du monas­tère res­pi­rait cette pré­sence de Dieu. Et à plus forte rai­son lorsque l’on entrait dans ces cloîtres, ces magni­fiques abba­tiales, Dieu était pré­sent partout.

Et puis, l’année sui­vante, en 1927, le 19 mars, jour de saint Joseph – car on vous a don­né le nom de Joseph puisque vous êtes né peu avant sa fête – le 19 mars vous pre­niez l’habit monastique.

Et l’année sui­vante, le 21 mars – encore le mois de mars – vous fai­siez votre pro­fes­sion. Et puis des années d’études ont pré­pa­ré votre sacer­doce : année de phi­lo­so­phie, année de théo­lo­gie et c’est ain­si que vous êtes arri­vé le 17 mars 1934, à rece­voir l’onction sacer­do­tale, sûre­ment dans la joie d’être désor­mais mar­qué, consa­cré, par ce carac­tère sacer­do­tal qui vous per­met­tait de faire des­cendre Notre Seigneur, sur les saints Autels.

Et vous avez pas­sé de longues années dans les monas­tères. Mais le Bon Dieu vous appe­lait aus­si à une vie par­ti­cu­lière qui est aus­si une source de grâces pour vous. Car, quelques années après, en 1938, le Père Abbé vous deman­dait d’aller prê­cher, d’être comme ces mis­sion­naires, ces moines qui, au début, ont évan­gé­li­sé le monde. Eh bien le Père Abbé vous a deman­dé aus­si d’aller répondre à l’appel des prêtres de paroisses, de répondre à l’appel des congré­ga­tions de reli­gieux, de reli­gieuses, pour des retraites, des mis­sions. Et alors vous êtes par­ti par obéis­sance et vous avez prê­ché pen­dant de nom­breuses années depuis 1938 jusqu’à 1970. Vous n’avez ces­sé de prê­cher, de faire du bien, de diri­ger les âmes, de les confes­ser, œuvre vrai­ment apos­to­lique. Et puis sont venus les temps des épreuves.

Hæc est hora ves­tra et potes­tas tene­bra­rum (Lc 22,53) : C’est vrai­ment l’heure des ténèbres, disait Notre Seigneur avant sa Passion. C’est main­te­nant l’heure de la puis­sance des ténèbres. Eh oui, vous vous êtes trou­vé comme beau­coup d’âmes devant ce dilemme : Demeurer dans mon monas­tère, demeu­rer dans ce milieu qui est en train de chan­ger et m’enlever tout ce qu’il y a de plus cher à mon âme de reli­gieux, de prêtre, ou partir.

Eh bien vous avez pré­fé­ré la fidé­li­té, fidé­li­té à Dieu, fidé­li­té à l’Église, fidé­li­té au Saint Sacrifice de la messe. Vous avez pré­fé­ré par­tir. Car votre monas­tère ne res­pi­rait plus la pré­sence de Dieu, ne res­pi­rait plus ce silence. Beaucoup de moines aban­don­naient la vie monas­tique. L’autel était chan­gé ; la litur­gie en langue ver­na­cu­laire, que sais-​je ! Non, ce n’était plus le monas­tère que vous aviez trou­vé lorsque vous êtes ren­tré en 1926.

Alors, la dou­leur dans l’âme, vous avez deman­dé à votre Père Abbé, de l’abbaye de Landevenec, puisque c’était à Landevenec que vous étiez à ce moment-​là, vous avez deman­dé à votre Père Abbé, de vous lais­ser par­tir, de vous don­ner quelque temps de réflexion.

Et au cours de ces années de réflexion, eh bien, après avoir pas­sé quelque temps à l’abbaye de Jouques, puis à Grasse chez les sœurs domi­ni­caines – nous avons eu l’occasion de cor­res­pondre – vous avez bien vou­lu venir ici à Écône. Et vous avez trou­vé là la mai­son de la fidé­li­té, de la fidé­li­té à Dieu, de la fidé­li­té à l’Église, de la fidé­li­té au Saint Sacrifice de la messe et aux sacre­ments, à la dévo­tion telle que le Bon Dieu l’a ensei­gnée, telle que l’Église nous l’a enseignée.

Et voi­là que depuis 1975 vous êtes par­mi nous. Une année à Albano et en 1976 à Écône et depuis ce temps-​là, vous dis­pen­sez votre pré­di­ca­tion aus­si aux jeunes sémi­na­ristes, dont beau­coup sont déjà prêtres et dont quelques-​uns vous entourent aujourd’hui. Mais ils vous entourent tous cer­tai­ne­ment de loin, comme c’est aujourd’hui dimanche, il leur était dif­fi­cile d’être pré­sents ; mais je ne doute pas que de loin ils ont le cœur à Écône et leurs prières aus­si, pour rendre grâces avec vous au Bon Dieu, de tout le bien que vous avez pu faire déjà dans ce sémi­naire d’Écône et que vous avez pu leur faire. Voilà cher Père Le Boulch, un léger aper­çu de toutes les grâces que le Bon Dieu vous a données.

Ô certes, vous auriez pu le faire beau­coup mieux vous-​même, ici à ce micro, mais enfin je résu­me­rai tout de même quelques points par­ti­cu­liers qui mani­festent la bon­té de Dieu envers vous.

D’abord le don de la vie monas­tique, qui vous a pré­pa­ré admi­ra­ble­ment au sacer­doce – comme je le disais tout à l’heure – ce don de la pré­sence de Dieu. Je crois que c’est cela qui marque la vie monas­tique : Dieu est pré­sent par­tout. Et c’est pour­quoi on trouve ce silence. Mais non pas un silence de mort, un silence de vie. Il semble que l’Esprit de Dieu se trouve par­tout, que le res­pect dont les moines entourent les per­sonnes consa­crées à Dieu, les choses consa­crées à Dieu, les lieux consa­crés à Dieu, tout res­pire le sacré, tout res­pire le divin. Alors on est ému par cette pré­sence de Dieu dans l’attitude des moines, dans leur dis­cré­tion, dans leur humi­li­té et dans leur silence, dans leurs prières ; tout fait pen­ser à Dieu. Dieu est vrai­ment pré­sent. Et c’est ce que vous avez cher­ché, bien cher Père, dans ces abbayes de Kerbénéat et de Landevenec.

Mais la grande grâce (que vous avez reçue), c’est la grâce du sacer­doce. Il est bien cer­tain que l’Église n’a pas esti­mé qu’il y avait deux familles – ô bien unies dans l’Église – mais il y a les deux familles : (une) famille de laïques et (une) famille de clercs. Pourquoi cette dis­tinc­tion ? Mais parce que ceux qui sont clercs et se pré­parent néces­sai­re­ment pour le sacer­doce, ceux qui sont mar­qués par consé­quent, du sacer­doce, forment une famille par­ti­cu­lière. C’est une grâce insigne, extra­or­di­naire, inef­fable, dont nous ne sommes pas dignes.

C’est bien pour cela que c’est Dieu qui nous a choi­sis. Ce n’est pas nous qui nous sommes pré­sen­tés pour dire que nous étions aptes à rem­plir cette fonc­tion du sacer­doce ; mais c’est Dieu qui nous a appelés :

Non vos me ele­gis ; sed ego ele­gi vos (Jn 15,16) : « Ce n’est pas vous qui m’avez choi­si, mais c’est moi qui vous ai choi­sis ». Oui, c’est le Bon Dieu qui nous a choi­sis. C’est Dieu qui vous a choi­sis, mes chers amis. C’est pour­quoi vous êtes ici, élus par le Bon Dieu pour deve­nir prêtres, prêtres de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Ce n’est pas une petite chose. Car on est prêtre d’abord pour chan­ter la gloire de Dieu, la gloire de Dieu par le Saint Sacrifice de la messe. C’est la pre­mière fin du Sacrifice de la messe, la fin latreu­tique. C’est-à-dire la fin qui chante la gloire du Bon Dieu et la fin eucha­ris­tique qui rend grâce à Dieu. Voilà ce que c’est que le Saint Sacrifice de la messe. Voilà ce qu’est la vie du prêtre. Elle s’élève d’abord dans le Ciel. Le prêtre est l’homme de la Maison de Dieu.

Beati qui habi­tant in domo Domini : Bienheureux ceux qui habitent dans la demeure du Seigneur. Eh oui, les prêtres sont faits pour habi­ter dans la mai­son du Seigneur et implo­rer la grâce de Dieu.

Car nous ne devons pas oublier – c’est peut-​être un petit détail théo­lo­gique, mais qu’il est bon de savoir, de se rap­pe­ler – à l’occasion jus­te­ment de cette fête du sacer­doce et au moment où pré­ci­sé­ment dans la Sainte Église, on veut faire dis­pa­raître cette dis­tinc­tion entre les laïques et les clercs.

Le nou­veau Droit canon est une entre­prise pour faire dis­pa­raître la dis­tinc­tion dans l’Église, des laïques et des clercs. C’est une chose qui est abso­lu­ment contraire à l’institution de l’Église, abso­lu­ment contraire à la volon­té de Notre Seigneur et à la tra­di­tion de l’Église tout entière. Et ceci est exces­si­ve­ment grave.

Luther a réus­si à laï­ci­ser le sacer­doce. Il a vou­lu laï­ci­ser le sacer­doce, eh bien si l’on conti­nue sur ce même che­min dans l’Église, on laï­ci­se­ra le sacer­doce. Eh bien non ! Ce serait une des­truc­tion fon­da­men­tale de l’Église.

Pourquoi le sacre­ment de l’ordre ? Le sacre­ment de l’ordre est fait pré­ci­sé­ment pour don­ner ce carac­tère par­ti­cu­lier, spé­cial, à ceux qui sont choi­sis pour offrir le Saint Sacrifice de la messe. Les laïques qui pro­noncent les paroles de la Consécration, n’accomplissent pas la pré­sence de Notre Seigneur.

Il n’y a rien qui change dans le pain et le vin, si c’est un laïque qui pro­nonce les paroles. Si c’est un prêtre, le miracle s’accomplit, ce miracle extra­or­di­naire de la Présence de Jésus par­mi nous. Miracle extra­or­di­naire de Jésus se don­nant à nous en nour­ri­ture et nous per­met­tant de L’adorer en Vérité.

Voila ce qu’est le prêtre. Et le prêtre – comme je vous le disais – a cette par­ti­cu­la­ri­té qu’il par­ti­cipe à la grâce d’union de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Car, en effet, il y a deux grâces par­ti­cu­lières en Notre Seigneur Jésus-​Christ, la grâce de l’union hypo­sta­tique, voyez-​vous. Dieu Lui-​même a pris en charge un corps et une âme comme les nôtres. Il n’a pas vou­lu de per­sonne inter­po­sée. Pour nous il y a une per­sonne inter­po­sée. Il nous conduit aus­si. C’est Lui qui est notre Maître ; c’est Lui qui nous a créés ; nous ne sommes rien sans Lui. Mais il y a notre per­sonne, notre per­son­na­li­té, qui com­mande notre âme et notre corps. Pour son Corps et son Âme, c’est Lui-​même, Dieu Lui-​même qui a vou­lu prendre en charge cette âme et ce corps.

Par consé­quent, tout ce que fai­sait cette Âme et ce Corps était une œuvre de Dieu, était divin. C’est Dieu Lui-​même qui l’accomplissait et cela par la grâce d’union. Il y a eu une union entre Dieu et cette nature humaine, chose incroyable. Mais le Bon Dieu peut évi­dem­ment faire direc­te­ment ce qu’il peut faire par inter­mé­diaire. Celui qui a créé les hommes. Il peut aus­si bien être res­pon­sable des actes d’une nature humaine, d’une âme et d’un corps, que de l’être par inter­mé­diaire en lais­sant la liber­té et la res­pon­sa­bi­li­té à une autre personne.

C’est la pre­mière grâce de Notre Seigneur. Or, par cette grâce de l’union à Dieu, cette nature humaine, cet homme par consé­quent, car Dieu se fai­sait homme : Et Verbum caro fac­tum est, cet homme deve­nait auto­ma­ti­que­ment, néces­sai­re­ment, essen­tiel­le­ment notre Sauveur.

Eh oui. Il deve­nait notre Sauveur, parce qu’il nous fal­lait un Sauveur et le seul sau­veur qui pou­vait être agréable à Dieu, c’était pré­ci­sé­ment son Fils. Le Fils de Dieu pre­nant un corps et une âme sem­blables aux nôtres, pour nous rache­ter ; Il deve­nait essen­tiel­le­ment notre Sauveur, Il deve­nait le Prêtre aus­si, essen­tiel­le­ment média­teur. Le prêtre, c’est le média­teur entre Dieu et les hommes. Il deve­nait ce Médiateur auto­ma­ti­que­ment. Il n’y a pas d’autres média­teurs. Les autres média­teurs, le sont en fonc­tion de ce Médiateur essen­tiel qu’est Notre Seigneur. Tous les autres sont en dépen­dance de ce Médiateur. Il est le Sauveur, le Médiateur, le Prêtre et le Roi.

Trois qua­li­tés que Notre Seigneur, que cette Personne que les apôtres ont vu cir­cu­ler dans les rues de Jérusalem, avec laquelle ils ont vécu, cette Personne était néces­sai­re­ment le Sauveur, le Prêtre et le Roi. Et cela par cette grâce d’union.

Ensuite de cette grâce s’est répan­due dans l’Âme de Jésus et dans son Corps, la grâce sanc­ti­fiante, une grâce sanc­ti­fiante extra­or­di­naire, puisque nous en par­ti­ci­pons tous. Toutes les grâces que nous pou­vons rece­voir, viennent de cette grâce essen­tielle, de la grâce sanc­ti­fiante de Notre Seigneur Jésus-​Christ. C’est une fon­taine d’une abon­dance infi­nie. Et cette grâce sanc­ti­fiante don­nait la vision béa­ti­fique à l’âme de Jésus.

Pendant qu’il était au milieu des apôtres, à Nazareth enfant, dans le sein de la Vierge Marie, Jésus avait la vision béa­ti­fique dans son âme, chose merveilleuse.

Eh bien, c’est de cette grâce que nous rece­vons les grâces du bap­tême et toutes les grâces des sacre­ments. Mais la grâce de l’ordre, voyez-​vous, est une par­ti­ci­pa­tion au sacer­doce de Notre Seigneur Jésus-​Christ et, par consé­quent, une par­ti­ci­pa­tion à cette grâce d’union, de l’union hypo­sta­tique, grâce insigne, incroyable, qui nous fait par­ti­ci­per d’une manière beau­coup plus pro­fonde encore à l’Être de Jésus Lui-​même. Le prêtre a été fait comme cela ; c’est Lui qui l’a déci­dé et c’est Lui qui l’a fait le Jeudi Saint à la sainte Cène.

Alors, vou­loir dire que le prêtre n’est autre chose qu’un laïc ; vou­loir le réduire à l’état de laïc, c’est une abo­mi­na­tion. Les fidèles ont besoin du prêtre. Les laïcs ont besoin du prêtre. Ils ont besoin de cet 598

homme qui est inter­mé­diaire, qui est média­teur entre le Ciel et eux et qui leur donne Jésus-​Christ, qui leur donne Notre Seigneur. Non pas en sou­ve­nir de Notre Seigneur, non pas seule­ment (pour) faire mémoire de Notre Seigneur, non pas un repas mémo­rial, un repas sou­ve­nir, mais leur don­ner vrai­ment Notre Seigneur Jésus-​Christ, dans son Être, dans son Corps, dans son Âme, dans son Sang, dans sa Divinité.

Si les fidèles viennent dans une église et ne savent pas s’ils reçoivent vrai­ment Notre Seigneur Jésus-​Christ, à quoi bon venir dans une église ? Bien au contraire, s’ils savent que le prêtre a ce carac­tère sacer­do­tal qui lui per­met de faire des­cendre Notre Seigneur dans les espèces eucha­ris­tiques, alors ils sont sûrs de rece­voir dans la com­mu­nion, Jésus, dans leur âme et dans leur cœur.

Voilà ce qu’est le prêtre. Alors, les laïques ont le droit d’avoir des prêtres parce que Dieu l’a vou­lu ; on n’a pas le droit de détruire le sacer­doce. Détruire le sacer­doce, c’est détruire l’Église ; c’est fer­mer le che­min du Ciel.

C’est pour­quoi nous sommes heu­reux aujourd’hui de fêter le sacer­doce dans la per­sonne du cher Père Le Boulch : cin­quante années de sacer­doce, cin­quante années de prê­trise, cin­quante années de messes, cin­quante années de confes­sions, de sacre­ments don­nés, de grâces répandues.

Et enfin, nous féli­ci­tons éga­le­ment le cher Père Le Boulch d’avoir été au cours de son sacer­doce, d’avoir été mis­sion­naire. C’est éga­le­ment une grande grâce d’être mis­sion­naire, por­ter l’Évangile, por­ter la parole de Dieu, por­ter la grâce de Dieu au loin, à toutes les âmes qui en ont besoin.

Et enfin, je ter­mi­ne­rai sur ceci, cher Père Le Boulch, par le fait que vous êtes venu à Écône – comme je l’ai dit tout à l’heure – vous avez vou­lu mani­fes­ter votre fidélité :

Euge serve bone, et fide­lis, quia super pau­ca fuis­ti fide­lis, super mul­ta te consti­tuant, intra in gau­dium Domini tui (Mt 25,21) : « Ô bon et fidèle ser­vi­teur, parce que vous avez été fidèle en peu de choses, je vous éta­bli­rai sur beau­coup d’autres : entrez dans la joie de votre Seigneur ».

Eh oui, cher Père Le Boulch, vous avez été un ser­vi­teur fidèle et vous l’êtes, et vous avez vou­lu l’être, et parce que vous avez cette fidé­li­té, le Bon Dieu vous fera entrer dans sa joie.

C’est un exemple pour tous les jeunes sémi­na­ristes qui sont ici, qui se pré­parent au sacer­doce. Soyons fidèles, mes chers amis, fidèles à Dieu, fidèles à l’Église, fidèles au Saint Sacrifice de la messe, fidèles à la très Sainte Vierge Marie, fidèles à tout ce que Jésus nous a don­né, à tout ce que le Bon Dieu nous a donné.

C’est sa cha­ri­té qui nous a don­né cela. C’est son Esprit Saint qui a répan­du ses grâces par­mi nous. Allons-​nous les refu­ser ? Allons-​nous aban­don­ner ? Allons-​nous faire un repas sou­ve­nir ? Allons-​nous ensei­gner un caté­chisme qui n’enseigne plus la doc­trine chré­tienne ? Allons-​nous lire une Bible qui n’est plus la parole de Dieu ?

Non, nous serons per­sé­cu­tés, nous serons pour­sui­vis, eh bien com­bien d’autres avant nous ont don­né leur sang, pour gar­der la foi, ont don­né leur sang pour la fidé­li­té ? N’est-ce pas d’ailleurs, mon cher Père, la devise de la Bretagne : Potius mori quam cedere : Plutôt mou­rir que tra­hir. Eh bien nous répé­te­rons cela avec vous et avec toute la Bretagne : Potius mori quam cedere : Plutôt mou­rir que de trahir.

Et nous deman­de­rons à la très Sainte Vierge, la Virgo fide­lis, de nous gar­der dans cette fidélité.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.