Sermon de Mgr Lefebvre – Sitientes – Sous-​diaconat – Ordres mineurs – 23 mars 1985

Mes bien chers amis,
Mes bien chers frères,

À l’occasion de cette belle céré­mo­nie d’ordination aux der­niers ordres mineurs et au sous-​diaconat, il est tou­jours bon de se rap­pe­ler les prin­cipes fon­da­men­taux que nous enseigne l’Église au sujet du sacerdoce.

Les ordres que vous allez rece­voir, font par­tie de ce sacre­ment de l’ordre ins­ti­tué par Notre Seigneur Jésus-​Christ. Ordre signi­fie une hié­rar­chie, soit dans les choses, soit dans les personnes.

Si on le prend dans son sens large, éten­du, cela peut s’étendre par exemple à l’Église. L’Église est un ordre, parce que l’Église est essen­tiel­le­ment inégale dans ses membres. Elle com­prend en effet les clercs et les laïques. Donc une hié­rar­chie à l’intérieur de l’Église, hié­rar­chie essen­tielle à l’Église. Chose qui mal­heu­reu­se­ment aujourd’hui dans le nou­veau Droit canon n’apparaît plus, dans la défi­ni­tion de l’Église.

Mais l’ordre s’applique plus par­ti­cu­liè­re­ment à la hié­rar­chie du sacer­doce, par­mi les clercs. Car en effet, il y a toute une gra­da­tion depuis l’épiscopat jusqu’à celui qui vient de rece­voir la ton­sure, qui devient clerc au moment où il reçoit la ton­sure. Il y a tout cet ensemble d’ordinations qui sont hié­rar­chi­sées : l’épiscopat, le pres­by­té­rat, le dia­co­nat, le sous-​diaconat, les ordres mineurs, forment véri­ta­ble­ment une hiérarchie.

En quoi consiste par­ti­cu­liè­re­ment cette hié­rar­chie ? C’est dans la par­ti­ci­pa­tion au sacer­doce de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Grande chose vrai­ment, si 1’on y réflé­chit ; si l’on y pense tant soit peu : par­ti­ci­per au sacer­doce de Notre Seigneur Jésus-​Christ qui est LE Prêtre, le Prêtre par excel­lence, le Prêtre éternel.

Comment nous, pauvres créa­tures, pauvres pécheurs, nous pou­vons être faits par­ti­ci­pant au sacer­doce de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Eh oui ! Et ce sacer­doce se mani­feste par­ti­cu­liè­re­ment dans trois pou­voirs. Le pou­voir d’enseigner docen­di, le pou­voir de sanc­ti­fier sanc­ti­fi­can­di et le pou­voir de gou­ver­ner regen­di.

Docendi, sanc­ti­fi­can­di, regen­di. Voilà en quoi consiste par­ti­cu­liè­re­ment le pou­voir sacer­do­tal de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Et nous par­ti­ci­pons d’une manière gra­duée pré­ci­sé­ment, d’une manière hié­rar­chique à tous ces pou­voirs de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Mais il est évident que par­mi ces pou­voirs, celui qui est essen­tiel, celui qui est le but des autres, c’est le pou­voir sanc­ti­fi­can­di, le pou­voir de sanc­ti­fier. Car, en défi­ni­tive, c’est pour cela que Notre Seigneur Jésus-​Christ est venu ici-​bas et qu’il a mani­fes­té son Sacerdoce et qu’il nous fait par­ti­ci­per à son sacer­doce, c’est pour sanc­ti­fier. C’est-à-dire divi­ni­ser les âmes par une com­mu­ni­ca­tion don­née par les sacre­ments à sa propre vie.

Donc le pou­voir d’enseigner et le pou­voir de conduire les âmes est un pou­voir qui est des­ti­nés à la sanc­ti­fi­ca­tion des âmes.

Et dans cette sanc­ti­fi­ca­tion des âmes, il est évident que le centre, le cœur de cette sanc­ti­fi­ca­tion passe par la Sainte Eucharistie. La Sainte Eucharistie est le centre des sacre­ments que Notre Seigneur Jésus-​Christ a ins­ti­tués et Il a ins­ti­tué la Sainte Eucharistie dans son Sacrifice. Désormais le Sacrifice et le sacre­ment de l’Eucharistie sont unis indissolublement.

C’est en offrant son Sacrifice que l’on consti­tue le sacre­ment. Ce sont les mêmes paroles que nous pro­non­çons sur la Sainte Eucharistie qui consti­tuent à la fois le Sacrifice de Notre Seigneur, la ré-​actuation du Sacrifice de Notre Seigneur et en même temps ce sacre­ment extra­or­di­naire, admi­rable, mys­té­rieux, divin, de la Présence de Notre Seigneur Jésus-​Christ dans l’Eucharistie, pour nous être don­né en nourriture.

Voilà en défi­ni­tive le cœur, ce qui est l’essence même de l’Ordre, de l’ordination, le but de l’ordination, c’est le Sacrifice de la messe. C’est bien ce que dit le concile de Trente. Le but du sacer­doce c’est : conse­cran­di, offer­ran­di, minis­tran­di : consa­crer, offrir, administrer.

Consacrer l’Eucharistie, faire venir Dieu, Jésus, sur nos autels, l’offrir avec nous, de nou­veau à Dieu, à son Père pour le salut des âmes et, minis­tran­di, don­ner aux âmes le Corps de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Quelle chose admi­rable. Quelle chose simple à la fois, mais com­bien sublime.

Alors, vous mes bien chers amis, qui dans quelques ins­tants allez rece­voir ces ordi­na­tions, vous allez par­ti­ci­per, dans votre mesure, dans la mesure pré­vue par la Sainte Église.

Évidemment on fait une dis­tinc­tion entre les ordres majeurs, les ordres mineurs et même dans les ordres majeurs, on fait une dis­tinc­tion entre l’épiscopat, le pres­by­té­rat, le dia­co­nat et le sous-diaconat.

Il semble, et c’est l’opinion la plus com­mune par­mi les théo­lo­giens ; que les sacre­ments qui ont été ins­ti­tués direc­te­ment par Notre Seigneur, sont l’épiscopat, le pres­by­té­rat, le dia­co­nat et que les autres degrés de l’ordre ont été ins­ti­tués par l’Église. Mais si l’on consulte le doc­teur de l’Église qu’est saint Thomas d’Aquin, pour lui, expli­ci­te­ment, Notre Seigneur a ins­ti­tué le sacre­ment de l’ordre dans ses trois degrés prin­ci­paux : épis­co­pat, pres­by­té­rat et dia­co­nat, mais impli­ci­te­ment, Il a aus­si consti­tué tous ces ordres qui sont actuel­le­ment, ou qui étaient du moins depuis tou­jours dans la Sainte Église.

Ainsi donc, vous par­ti­ci­pez d’une manière toute par­ti­cu­lière à cette grâce du sacre­ment de l’ordre.

Et cette gra­da­tion est en rap­port rela­tif à la par­ti­ci­pa­tion que vous avez : par­ti­ci­pa­tion active, à la réa­li­sa­tion de l’Eucharistie.

Et c’est par­ti­cu­liè­re­ment, comme le dit saint Thomas, à par­tir de l’acolytat, que cela se mani­feste davan­tage. Acolytes, vous por­tez la matière du sacre­ment à l’autel. C’est déjà une par­ti­ci­pa­tion. On dira une petite par­ti­ci­pa­tion, mais il n’y a pas de petite par­ti­ci­pa­tion dans l’Eucharistie. Le seul fait d’approcher de l’autel, le seul fait de por­ter à l’autel ce qui va être trans­for­mé dans le Sang de Notre Seigneur et dans le Corps de Notre Seigneur, est une chose extraordinaire.

Il n’y a pas de petite par­ti­ci­pa­tion. Quelle que par­ti­ci­pa­tion que ce soit à l’Eucharistie, c’est une grâce qui dépasse évi­dem­ment nos pos­si­bi­li­tés, notre dignité.

Et puis l’acolyte est en même temps lumière. Il porte le chan­de­lier. Car de même que par ces sacre­ments, par ces ordres, on par­ti­cipe à la réa­li­sa­tion de l’Eucharistie, ces pou­voirs qui sont don­nés sur l’Eucharistie, donnent cor­ré­la­ti­ve­ment un pou­voir sur le Corps mys­tique de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Pas seule­ment sur son Corps phy­sique, mais sur son Corps mys­tique et par consé­quent c’est le rôle aus­si des aco­lytes d’être la lumière, non seule­ment pour eux, mais pour tous les autres. Ce que dit d’ailleurs le rituel, les paroles que 1’évêque va pro­non­cer dans quelques ins­tants sur vous :

Ut et vos, et alios, et Dei Ecclesiam, illu­mi­ne­tis.

Voilà le but pour lequel vous por­tez la lumière : pour que vous, que les autres et que l’Église du Christ soient illu­mi­nés, illu­mi­nés par votre exemple, par l’exemple de vos ver­tus ; par l’exemple de votre foi, que vous soyez une lumière dans le monde.

Voilà ce que l’évêque au cours de toutes ces orai­sons répé­te­ra à votre sujet. Alors gar­dez cela dans votre cœur. Prenez la réso­lu­tion d’être vrai­ment une lumière, une lumière qui éclaire le monde, lumière de foi, lumière de la sain­te­té. Lumière qui com­mu­nique la lumière de l’Évangile par­tout où vous serez.

Quant au Sous-​Diacre, eh bien, son pou­voir a trait aux objets sacrés, aux vases sacrés, aux linges sacrés qui vont déjà appro­cher et ser­vir, pour rece­voir le Corps de Notre Seigneur. On voit déjà la pro­gres­sion. Ce n’est plus seule­ment l’acolyte qui vient por­ter les burettes dans les­quelles se trouvent le vin et l’eau qui vont être trans­for­més dans le Sang et le Corps de Notre Seigneur, mais c’est déjà l’apport des vases sacrés qui vont rece­voir le Corps de Notre Seigneur. Les linges sacrés qui revêtent l’autel, qui ont une si belle signi­fi­ca­tion, l’évêque dit cela dans une longue pré­face, dans une longue orai­son, dans une longue instruction.

Et alors pour­quoi recevez-​vous ces pou­voirs qui vous approchent de l’autel et de l’Eucharistie ? Vous les rece­vez aus­si pour édi­fier la Sainte Église. Et c’est pour­quoi l’évêque vous remet­tra le Livre des Épîtres. Désormais vous avez un pou­voir sur le Corps mys­tique, pou­voir d’enseigner : Potestas docen­di. Et c’est là un rôle très impor­tant que de pou­voir ensei­gner le peuple fidèle, lui mon­trer la voie tra­cée par Notre Seigneur, la voie de la foi, la voie de la ver­tu ; la voie de la sanctification.

Méditez ces choses, mes chers amis, et préparez-​vous dans votre cœur à rece­voir ces grâces par­ti­cu­lières. Et vous le savez, cette digni­té que vous allez avoir et par­ti­cu­liè­re­ment pour les sous-​diacres, a des exi­gences. Et pré­ci­sé­ment aujourd’hui même, vous allez faire un pas déci­sif, dans lequel se trouve une signi­fi­ca­tion toute par­ti­cu­lière. Signification que vous vous déta­chez des choses de ce monde, pour vous don­ner tota­le­ment à Notre Seigneur Jésus-​Christ dans le céli­bat, dans la consé­cra­tion de vos âmes, de vos corps, à Notre Seigneur Jésus-​Christ. Désormais vous pour­rez dire : « Je suis tout à Jésus ». Pour être tout entier à son Sacrifice. Pour par­ti­ci­per plus inti­me­ment à son Sacrifice, pour être aus­si davan­tage à tous ses inté­rêts, aux inté­rêts de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Intérêts qui sont la sanc­ti­fi­ca­tion des âmes, la gloire de Dieu et la louange de Dieu… Et aus­si la sanc­ti­fi­ca­tion des âmes, être tout entier à cette conti­nua­tion de l’œuvre de la Rédemption de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Quel bel idéal. Quelle grâce, mes chers amis, quand on y songe, quelle grâce extra­or­di­naire vous allez rece­voir aujourd’hui, qui vous pré­pare déjà davan­tage au sacerdoce.

Et en ter­mi­nant, comme d’habitude, jetons un regard sur la Vierge Marie. La Vierge Marie a don­né Jésus au monde. Et pour qu’elle donne Jésus au monde, il fal­lut qu’elle res­ta vierge. C’est incon­ce­vable que Dieu vienne en son sein alors qu’elle ne reste pas vierge. De même pour vous, il devient incon­ce­vable que vous fas­siez des­cendre Jésus sur l’autel, sans être déta­ché de toutes les choses de ce monde.

Alors, imi­tons le Cœur de la Vierge Marie, deman­dons à la Vierge Marie, de gar­der cette chas­te­té, de gar­der cette vir­gi­ni­té qui nous unit vrai­ment à Notre Seigneur Jésus-​Christ, d’une manière plus intime, car Dieu est Esprit : Neque nubent, neque ducent uxores (Lc 20,35) : Ils ne se marie­ront plus et n’épouseront plus de femmes.

Au Ciel, il n’y a plus que Jésus et que les âmes, les âmes unies à leur corps glo­rieux sans doute, mais comme le dit le Seigneur, « il n’y a plus de mariage au Ciel ». Il n’y a plus que l’union du Corps mys­tique à Notre Seigneur Jésus-​Christ et de toutes les âmes à Notre Seigneur.

Eh bien le Bon Dieu vous demande déjà ici-​bas, de res­sem­bler à ce que vous serez dans le Ciel plus tard. Remerciez le Bon Dieu de cette grâce qui vous est don­né et pro­met­tez du fond de votre cœur à Notre Seigneur Jésus-​Christ d’essayer d’imiter notre bonne Mère du Ciel, par votre chas­te­té, par votre pure­té et ain­si d’être aus­si une lumière et un sou­tien pour ceux qui sont dans les liens du mariage. Ceux qui sont dans les liens du mariage, ont besoin de notre exemple de la chas­te­té. Le jour où il n’y aurait plus de prêtres chastes, de prêtres qui gar­de­raient le céli­bat, le mariage aus­si serait atteint.

L’exemple de la chas­te­té des prêtres, du céli­bat des prêtres est un grand exemple et un grand encou­ra­ge­ment pour les per­sonnes qui sont dans le mariage et qui, elles aus­si, doivent accom­plir les com­man­de­ments de Dieu dans le mariage. Ce n’est pas tou­jours simple et ce n’est pas tou­jours facile.

Alors le modèle des prêtres les aide dans les cir­cons­tances dif­fi­ciles, à com­prendre qu’il faut savoir aus­si faire péni­tence, savoir se sacri­fier, pour accom­plir la loi du Bon Dieu et pour imi­ter notre bonne Mère du Ciel

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.