Pie XII

260ᵉ pape ; de 1939 à 1958

28 octobre 1955

Discours Nel dare

Allocution aux propriétaires de salle de cinéma

Table des matières

Rome, près Saint Pierre, le 28 octobre 1955

Aux repré­sen­tants des l’u­nion inter­na­tio­nale des exploi­tants de salles ciné­ma­to­gra­phiques ain­si que la fédé­ra­tion inter­na­tio­nale des dis­tri­bu­teurs de films

Audience du 28 octobre 1955

Revenant donc sur ce sujet en cette nou­velle ren­contre avec les repré­sen­tants du « monde du ciné­ma », Nous Vous pro­po­sons de conti­nuer les consi­dé­ra­tions déjà expo­sées, parce que Nous sommes per­sua­dés de son impor­tance, dont Nous avons déjà ample­ment mon­tré les motifs. Devant les graves pro­blèmes qui accablent l’é­poque pré­sente et qui cer­tai­ne­ment sol­li­citent Nos soins les plus empres­sés, celui du ciné­ma pour­rait appa­raître à cer­tains comme un objet secon­daire, qui ne méri­te­rait pas l’at­ten­tion par­ti­cu­lière que Nous lui consa­crons. Certes le ciné­ma, étant de sa nature un art et une dis­trac­tion, devrait, semble-​t-​il, res­ter pour ain­si dire en marge de la vie, tout en obéis­sant bien enten­du aux lois com­munes qui règlent les acti­vi­tés humaines ordi­naires ; mais puis­qu’en fait, il est deve­nu pour la géné­ra­tion pré­sente un pro­blème spi­ri­tuel et moral d’une immense por­tée, il ne peut être négli­gé par ceux qui ont à cœur le sort de la meilleure part de l’homme et son ave­nir. Il ne peut sur­tout pas être négli­gé par l’Eglise et ses Pasteurs, à la vigi­lance des­quels aucune ques­tion morale ne doit se sous­traire, spé­cia­le­ment si elle se réper­cute avec des consé­quences incal­cu­lables sur d’in­nom­brables âmes ; ni non plus par tous les gens hon­nêtes et sou­cieux du bien com­mun, qui sont jus­te­ment convain­cus que tout pro­blème humain, grand ou petit, s’en­ra­cine dans un obs­cur­cis­se­ment de l’es­prit et qu’il se résout conve­na­ble­ment une fois que l’es­prit est éclairé.

Ce sera peut-​être la honte de notre époque que beau­coup d’hommes, sur­tout s’ils n’ont pas été soli­de­ment for­més, se laissent ame­ner par les fic­tions artis­tiques et les vaines ombres d’un écran à don­ner une direc­tion déter­mi­née à leur vie pri­vée et publique ; tou­te­fois ce fait ne cesse pas d’être impor­tant et digne d’être consi­dé­ré avec un sérieux pro­por­tion­né à ses effets. S’il sur­ve­nait demain une déca­dence spi­ri­tuelle et cultu­relle dont la liber­té indis­ci­pli­née des films par­ta­ge­rait la res­pon­sa­bi­li­té, quel reproche n’adresserait-​on pas à la sagesse des hommes d’au­jourd’­hui qui ne sur­ent pas diri­ger un ins­tru­ment aus­si apte à édu­quer et à éle­ver les âmes mais qui per­mirent au contraire qu’il se chan­geât en véhi­cule du mal !

Cette confiance que Nous entre­te­nons envers le ciné­ma, comme ins­tru­ment effi­cace et posi­tif d’é­lé­va­tion, d’é­du­ca­tion et d’a­mé­lio­ra­tion, Nous pousse à exhor­ter ses arti­sans et pro­duc­teurs pour qu’ils déploient tous leurs efforts en vue de l’af­fran­chir non seule­ment de la déca­dence artis­tique mais sur­tout de la com­pli­ci­té de la dépra­va­tion, et à leur pré­sen­ter au contraire les régions lim­pides du film idéal.

De celui-​ci Nous avons déjà expo­sé les carac­tères propres mais seule­ment sous le pre­mier des trois aspects qu’il offre à l’exa­men, c’est-​à-​dire par rap­port au sujet, I’homme auquel le film idéal est présenté.

Maintenant pas­sons à l’ex­pli­ca­tion du second point :

Le film idéal considéré par rapport à l’objet, ou à son contenu

Afin qu’en trai­tant du film idéal quant à son conte­nu, on n’ait pas à se perdre en exi­gences sans fon­dament mais pour en sai­sir au contraire les élé­ments essen­tiels, il importe de se rap­pe­ler la réflexion expo­sée aupa­ra­vant sur le noyau abso­lu que ren­ferme la rela­ti­vi­té de l’i­déal, c’est-​à-​dire l’être propre du film, sa bon­té spé­ci­fique, son mérite propre. Il est oppor­tun à cet effet de rap­pe­ler la notion d’i­déal : ce à quoi, non seule­ment rien ne manque de ce qu’il doit avoir, mais qui le pos­sède d’une manière par­faite. Puisque le film concerne l’homme, il sera idéal dans son conte­nu s’il satis­fait d’une manière par­faite et har­mo­nieuse aux exi­gences pri­mor­diales et essen­tielles de l’homme lui-​même. Il y en a fon­da­men­ta­le­ment trois : la véri­té, la bon­té, la beau­té, les­quelles consti­tuent comme des dif­frac­tions, à tra­vers le prisme de la connais­sance, du règne illi­mi­té de l’être qui s’é­tend en dehors de l’homme dans lequel elles réa­lisent une par­ti­ci­pa­tion tou­jours plus large à l’être meme. Il est vrai que, dans les cas par­ti­cu­liers, celui qui s’emploie moyen­nant l’art ou la culture, à faire par­ti­ci­per l’homme à ce règne, s’a­per­çoit à la fin qu’il a étan­ché bien peu sa soif insa­tiable ; tou­te­fois il lui reste le mérite d’a­voir su détour­ner à son avan­tage quelque ruis­seau de la plé­ni­tude ori­gi­nelle du vrai, du bien, du beau, dans la mesure du pos­sible et sans conta­mi­na­tions ; il a conci­lié, en d’autres termes, la rela­ti­vi­té de l’i­déal avec son concept abso­lu. Maintenant, le film peut-​il être un véhi­cule conve­nable de cette triade dans l’âme du spec­ta­teur ? peut-​il en être un inter­mé­diaire excellent et, dans les limites de ses propres méthodes, par­fait ? La réponse doit être affir­ma­tive bien qu’elle ne se véri­fie pas tou­jours, même dans le cas d’un film clas­sé comme bon, mais qui reste en dehors des régions idéales à cause de l’ab­sence de l’un ou l’autre de ces élé­ments ou de leur harmonie.

Il est clair que le conte­nu, ou le choix de l’ar­gu­ment, sus­cep­tible de reflé­ter le plus fidè­le­ment pos­sible la réa­li­té bonne et belle, est d’une impor­tance fon­da­men­tale dans la créa­tion du film idéal ; mais les spé­cia­listes recon­naissent éga­le­ment que ce choix n’est pas tou­jours pos­sible parce qu’il n’est pas rare que sur­gissent des obs­tacles de carac­tère tout pra­tique qui arrêtent les artistes sur le seuil de l’i­déal, comme par exemple l’im­pos­si­bi­li­té intrin­sèque de repré­sen­ter visi­ble­ment cer­taines véri­tés, bon­tés, ou beau­tés. Le film ne peut pré­su­mer ni ne doit se ris­quer à affron­ter des sujets qui échappent au domaine de l’ob­jec­tif, qui ne peuvent se tra­duire en images, parce que rebelles à toute inter­pré­ta­tion scé­nique, pour des motifs tant tech­niques qu’ar­tis­tiques, ou pour d’autres motifs comme par exemple des rai­sons de tact social et natu­rel, de res­pect et de pié­té, ou même de pru­dence et de sûre­té pour les vies humaines. Cependant, mal­gré ces limi­ta­tions, les unes intrin­sèques et d’autres pra­tiques, le choix des sujets reste ample et riche, fruc­tueux et attrayant quel que puisse être l’élé­ment de cette triade qui pré­do­mine dans chaque film.

Film d’enseignement

Pour en par­ler en par­ti­cu­lier, Nous cite­rons d’a­bord le film qui se pro­pose l’en­sei­gne­ment dont l’in­té­rêt prin­ci­pal est consti­tué par la véri­té, en tant qu’elle accroît les connais­sances du spec­ta­teur. Il y a sans aucun doute, dans ce domaine, un idéal qu’on peut atteindre et dont les normes peuvent se résu­mer ain­si : ce qu’il offre en connais­sances, en illus­tra­tion, en appro­fon­dis­se­ment, doit être exact, clai­re­ment intel­li­gible, pré­sen­té avec une méthode didac­tique par­faite et sous une forme artis­tique de valeur.

Les films de pur ensei­gne­ment sont rela­ti­ve­ment rares ; le plus sou­vent, peut-​être par égard aux degrés divers de pré­pa­ra­tion du public, au lieu d’ap­pro­fon­dir le sujet, ils l’ef­fleurent en se limi­tant à don­ner les idées substantielles.

Et pour­tant si l’on tient compte de la soif de culture que le public mani­feste et dont sou­vent on regrette l’ab­sence, cette espèce de film, pour­vu qu’il soit réa­li­sé avec une per­fec­tion idéale, serait bien accueilli par­tout tan­dis que, déve­lop­pé et éten­du comme il faut, il tour­ne­rait à l’a­van­tage du pro­grès culturel.

La confir­ma­tion est four­nie par la pro­duc­tion assez fré­quente et l’heu­reux suc­cès de films basés sur les sciences natu­relles, dont cer­tains méritent le titre de films idéals.

La nature, en effet, telle qu’elle s’offre au regard de l’ob­ser­va­teur atten­tif, mani­feste des richesses inépui­sables de bien et de beau­té qui reflètent avec une sin­cé­ri­té trans­pa­rente l’in­fi­nie sur­abon­dance de la per­fec­tion et de la beau­té de son Créateur.

Le film peut mois­son­ner à pleines mains dans son triple royaume et per­cou­rir, grâce aux moyens tech­niques dont il dis­pose, les routes har­mo­nieuses de la Création, ouvertes par les sciences phy­siques et bio­lo­giques, tant dans l’im­men­si­té des cieux que dans les replis cachés du microcosme.

On n’as­siste pas sans un fris­son d’é­mer­veille­ment aux films qui trans­portent dans des mondes incon­nus et par­fois insoup­çon­nés qu’au­cun autre moyen ne pour­rait, mieux que le ciné­ma, repré­sen­ter d’une manière aus­si vivante. Tantôt la majes­té des mon­tagnes colos­sales enchante et sub­jugue, tan­tôt c’est l’ir­ré­sis­tible fureur des tem­pêtes de l’o­céan, la soli­tude des gla­ciers polaires, l’im­men­si­té des forêts vierges, la tris­tesse des sables déser­tiques, le charme des fleurs, la trans­pa­rence des eaux, l’é­lan des cas­cades, l’é­lé­gance des aurores boréales : toutes ces images, repro­duites avec fidé­li­té et illus­trées par de sobres com­men­taires par­lés et musi­caux, s’im­priment dans l’âme comme celles d’un voyage. Le dérou­le­ment de la vie offre encore un sujet plus grand d’é­ton­ne­ment et d’ins­truc­tion dans ces films – ils ne manquent pas non plus – qui dévoilent les secrets du règne ani­mal et sont l’œuvre d’au­teurs et de pro­duc­teurs expé­ri­men­tés, réa­li­sés après des jours et des mois exté­nuants d’at­tente et d’ob­ser­va­tion, pas­sés dans des condi­tions incom­modes dans les forêts et les déserts inhos­pi­ta­liers, sur les fleuves et dans les pro­fon­deurs marines. Quel témoi­gnage de la richesse et de la mul­ti­pli­ci­té de la nature offrent de pareils films, capables autant que d’autres de cal­mer, de récréer, de for­ti­fier l’esprit !

D’autres films aus­si agréables et ins­truc­tifs, peuvent scru­ter l’homme lui-​même : sa struc­ture orga­nique, son com­por­te­ment fonc­tion­nel, les pro­ces­sus thé­ra­peu­tiques et chi­rur­gi­caux uti­li­sés pour lui rendre la san­té pré­sentent des sujets de grand intérêt.

Si l’on passe ensuite aux œuvres de l’homme, il ne manque pas de sujets propres à une éla­bo­ra­tion artis­tique et aptes à répandre la culture sur une large échelle. On appelle jus­te­ment films de culture ceux qui décrivent les diverses races, les moeurs, le folk­lore, les civi­li­sa­tions, et plus en détail, les façons de tra­vailler, les sys­tèmes agri­coles, les routes du tra­fic ter­restre, mari­time et aérien, les voies de com­mu­ni­ca­tion, les types d’ha­bi­ta­tion et de rési­dence aux dif­fé­rents âges, sai­sis par l’ob­jec­tif aux dif­fé­rents stades de leur déve­lop­pe­ment, qui part de la cabane pri­mi­tive de feuillage, pour abou­tir aux demeures nobles, aux monu­ments archi­tec­to­niques, aux har­dis gratte-​ciel des cités modernes.

Ces indi­ca­tions suf­fisent à démon­trer que le film ins­truc­tif, pour­vu qu’il soit trai­té avec la mesure exacte de don­nées scien­ti­fiques, pré­sen­té sous un jour neuf et ani­mé par un souffle artis­tique sin­cère, suf­fi­sant pour écar­ter l’i­dée d’un ensei­gne­ment rigou­reu­se­ment sco­laire, peut aisé­ment par son conte­nu, offrir au spec­ta­teur tout ce qu’il attend en ce genre d’un film idéal.

Film d’action

L’entreprise s’a­vère bien plus dif­fi­cile dans le film d’ac­tion, celui qui entend repré­sen­ter et inter­pré­ter la vie et la conduite des hommes, leurs pas­sions, leurs aspi­ra­tions et leurs luttes.
Dans ce genre de sujets, le film idéal n’est pas une chose de tous les jours ; et cepen­dant de tels films sont, par leur nombre, de loin les plus com­muns. Ce fait démontre que ce genre de films est spé­cia­le­ment deman­dé et appré­cié du public, et prouve en même temps, les dif­fi­cul­tés sérieuses qu’offre la réa­li­sa­tion d’un film idéal.

Nous avons déjà expo­sé, en par­lant de l’im­por­tance du ciné­ma et en étu­diant la chose du point de vue du spec­ta­teur, en quoi consiste l’at­trait du film d’ac­tion, quelles influences il exerce sur l’âme et à quelles réac­tions psy­cho­lo­giques il donne lieu. Les mêmes réflexions reviennent main­te­nant à l’exa­men, mais consi­dé­rées dans leurs causes, dont la pre­mière est assu­ré­ment le conte­nu ou la matière que l’on choi­sit de traiter.

Or pré­ci­sé­ment dans le choix du conte­nu com­mencent les dif­fi­cul­tés pour l’au­teur ou le pro­duc­teur conscien­cieux qui se pro­pose le film d’ac­tion idéal ; d’autres sur­viennent ensuite, de la confi­gu­ra­tion et de la déli­mi­ta­tion, spé­cia­le­ment aux moments les plus impor­tants, de la matière même ; d’autres encore, qui ne sont pas tou­jours sur­mon­tables, de la dis­po­ni­bi­li­té d’ac­teurs qui soient aptes à don­ner une expres­sion humai­ne­ment et esthé­ti­que­ment par­faite à l’ob­jet choi­si d’avance.

Toute matière sus­cep­tible d’être repré­sen­tée peut-​elle donc être accep­tée par qui se pro­pose le film idéal ? On a déjà indi­qué quelques motifs d’ex­clu­sion fon­dés sur des consi­dé­ra­tions morales, sociales, humaines, qui restreignent néces­sai­re­ment la liber­té de choi­sir sans discrimination.

Deux ques­tions par­ti­cu­lières méritent cepen­dant d’être consi­dé­rées avec un soin spécial

Film à sujet religieux.

La pre­mière est : dans les films d’ac­tion est-​il per­mis de prendre comme matière des sujets religieux ?

Il faut répondre qu’on ne voit pas pour­quoi ces sujets devraient être exclus géné­ra­le­ment et en prin­cipe, d’au­tant plus que l’ex­pé­rience ten­tée dans ce domaine a déjà don­né de bons résul­tats pour des films de conte­nu stric­te­ment religieux.

Mais, quand le thème n’est pas expres­sé­ment tel, le film idéal d’ac­tion ne devrait pas igno­rer l’élé­ment reli­gieux. On a noté en effet que même des films mora­le­ment irré­pré­hen­sibles peuvent tou­te­fois faire du tort spi­ri­tuel­le­ment s’ils offrent au spec­ta­teur un monde dans lequel aucune allu­sion n’est faite à Dieu et aux hommes qui croient en Lui et Le vénèrent, un monde dans lequel les per­sonnes vivent comme si Dieu n’exis­tait pas. Il ne manque pas d’exemples de tels films, réa­li­sés dans le but de repré­sen­ter les diverses formes de reli­gio­si­té, soit en les met­tant en relief dans des actions réelles, soit en jouant des scènes spé­ciales à cette inten­tion.
En tout cas, qu’il s’a­gisse de films à but ins­truc­tif ou que l’on veuille offrir au spec­ta­teur la vue dra­ma­tique du contraste entre deux vies orien­tées reli­gieu­se­ment en des direc­tions dif­fé­rentes, il y faut une finesse et une pro­fon­deur de sen­ti­ment reli­gieux beau­coup plus grandes pour ne pas bles­ser et pro­fa­ner ce que les hommes consi­dèrent comme sacré (même si les pen­sées et les sen­ti­ments qui les animent sont errones).

Les mêmes pré­cau­tions et les mêmes limi­ta­tions s’im­posent pour les films his­to­riques qui traitent d’hommes et d’événements qui furent au centre d’op­po­si­tions reli­gieuses non com­plè­te­ment cal­mées : là, ce qui est requis en pre­mier lieu, c’est la véri­té ; celle-​ci tou­te­fois doit savoir se conci­lier avec la cha­ri­té, afin que l’une ne tourne pas au désa­van­tage de l’autre.

Le film dans la représentation du mal

La seconde ques­tion concer­nant le conte­nu du film idéal d’ac­tion regarde la repré­sen­ta­tion du mal : est-​il per­mis de choi­sir, et avec quelles pré­cau­tions doit-​on trai­ter le mal et le scan­dale, qui, sans aucun doute, occupent une place très impor­tante dans la vie de l’homme ? Assurément celle-​ci ne pour­rait se com­prendre, au moins dans les conflits de grande impor­tance, si on fer­mait les yeux sur les fautes qui en sont sou­vent la cause. L’orgueil, l’am­bi­tion déme­su­rée, la soif du pou­voir, le désir avide des richesses, l’in­fi­dé­li­té, les injus­tices, les moeurs dis­so­lues, sont mal­heu­reu­se­ment les traits du visage et des actions de bien des gens, et courent par­tout, hélas, à tra­vers l’his­toire. Mais une chose est de connaître les maux en deman­dant à la phi­lo­so­phie et à la reli­gion d’en don­ner l’ex­pli­ca­tion et les remèdes ; autre chose d’en faire un objet de spec­tacle et de dis­trac­tion. Or bien des gens trouvent un charme presque irré­sis­tible à don­ner au mal une forme artis­tique, à décrire son effi­ca­ci­té et son dérou­le­ment, ses voies mani­festes ou cachées, avec les conflits qu’il engendre ou à tra­vers les­quels il se fraie son che­min. On dirait que beau­coup ne sau­raient pui­ser l’ins­pi­ra­tion ailleurs que dans le royaume du mal, ne fût-​ce que comme fond de tableau pour le bien, comme une ombre sur laquelle la lumière res­sort plus net­te­ment. A cette atti­tude d’âme de nom­breux artistes cor­res­pond dans les spec­ta­teurs une dis­po­si­tion ana­logue dont Nous avons déjà par­lé. Un film idéal peut-​il prendre une telle matière comme objet ? Les plus grands poètes et les plus grands écri­vains de tous les temps et de tous les pays se sont occu­pés de cette ques­tion âpre et dif­fi­cile, et ils le feront encore à l’avenir.

Il est natu­rel de don­ner une réponse néga­tive à une telle demande lorsque la per­ver­si­té et le mal sont pré­sen­tés pour eux-​mêmes ; si ce mal repré­sen­té est approu­vé, au moins de fait ; s’il est décrit sous des formes pro­vo­cantes, insi­dieuses, cor­rup­trices ; s’il est mon­tré à ceux qui ne sont pas en état de le domi­ner et de lui résis­ter. Mais quand il n’y a aucun de ces motifs d’ex­clu­sion ; quand le conflit avec le mal, et même sa vic­toire tem­po­raire, sert par rap­port à tout l’en­semble à faire com­prendre plus pro­fon­dé­ment la vie, sa bonne direc­tion, le contrôle de sa propre conduite, à éclai­rer et conso­li­der le juge­ment et l’ac­tion ; alors une telle matière peut être choi­sie et mêlée, comme conte­nu par­tiel, à l’en­semble de l’ac­tion. Le film est à juger selon le cri­tère qui doit régir toute œuvre artis­tique ana­logue : la nou­velle, le drame, la tra­gé­die, et toute œuvre lit­té­raire. Même les Livres Saints de l’Ancìen et du Nouveau Testament, en tant que miroir fidèle de la vie réelle, ren­ferment des nar­ra­tions du mal, de son action et de son influence dans la vie des par­ti­cu­liers, comme dans celle des races et des peuples.
Eux aus­si laissent péné­trer le regard dans le monde intime, sou­vent tumul­tueux, des hommes d’a­lors ; ils racontent leurs chutes, leur relè­ve­ment ou leur fin. Tout en étant rigou­reu­se­ment his­to­rique, la nar­ra­tion a sou­vent l’al­lure des drames les plus forts, les cou­leurs sombres de la tra­gé­die. Le lec­teur est frap­pé de l’art sin­gu­lier et de la viva­ci­té des des­crip­tions, qui, même du simple point de vue psy­cho­lo­gique, sont des chefs-​d’œuvre incom­pa­rables. Il suf­fit de rap­pe­ler les noms : Judas Caïphe, Pilate, Pierre, Saül. Ou bien à l’é­poque des Patriarches : l’his­toire de Jacob, les aven­tures de Joseph en Egypte dans la mai­son de Putiphar dans les livres des Rois : I’élection, la répro­ba­tion, la fin tra­gique du roi Saül ; ou bien la chute de David et son repen­tir ; la rébel­lion et la mort d’Absalon ; et d’autres évé­ne­ments innom­brables.
Là le mal et la faute ne sont pas dis­si­mu­lés par des voiles trom­peurs, mais racon­tés comme ils arri­vèrent en réa­li­té. Cependant même cette por­tion du monde conta­mi­né par la faute est enve­lop­pée d’une atmo­sphère d’hon­nê­te­té et de pure­té répan­due par celui qui, tout en res­tant fidèle à l’his­toire, n’exalte ni ne jus­ti­fie aucu­ne­ment la per­ver­si­té mais incite de façon évi­dente à la condam­ner ; de la sorte la véri­té sans apprêt ne sus­cite pas d’im­pul­sions ou de pas­sions désor­don­nées, au moins chez les per­sonnes mûres.

Au contraire : le lec­teur sérieux devient plus réflé­chi, plus clair­voyant ; son esprit, se repliant sur lui-​même, est ame­né à se dire : « Veille à ne pas être toi aus­si induit en ten­ta­tion » (cf. Gal. 6, 1); « si tu te tiens debout, veille à ne pas tom­ber » (cf. I Cor. 1O, 12).

De telles conclu­sions ne sont pas sug­gé­rées seule­ment par la Sainte Ecriture, mais elles sont aus­si le patri­moine de la sagesse antique et le fruit d’une amère expé­rience.
Admettons donc que le film idéal lui-​même puisse repré­sen­ter le mal : faute et chute, mais qu’il le fasse dans un but sérieux et sous des formes conve­nables, en sorte que sa vision aide à appro­fon­dir la connais­sance de la vie et des hommes, à amé­lio­rer et à éle­ver l’esprit.

Que le film idéal fuie donc toute forme d’a­po­lo­gie et encore plus d’a­po­théose du mal, et qu’il mani­feste sa répro­ba­tion dans tout le cours de la repré­sen­ta­tion, et non pas seule­ment dans la conclu­sion, qui arri­ve­rait sou­vent trop tard, après que le spec­ta­teur est déjà allé­ché et bou­le­ver­sé par les exci­ta­tions mauvaises.

Telles sont les consi­dé­ra­tions que Nous vou­lions vous expo­ser sur le film idéal en rela­tion avec son objet, c’est-​à-​dire avec son conte­nu. Il ne Nous reste main­te­nant qu’à ajou­ter une brève parole sur le film idéal dans son rap­port à la communauté.

Le film idéal, vu et considéré par rapport à la communauté

Quand, au début de cet expo­sé, Nous notions qu’en peu d’an­nées le ciné­ma a mar­qué en quelque sorte notre siècle, Nous affir­mions impli­ci­te­ment des rap­ports entre lui et la com­mu­nau­té. De la vaste influence qu’il exerce sur elle et sur le bien com­mun Nous avons tiré de solides argu­ments pour affir­mer l’im­por­tance du film et le devoir qu’a la col­lec­ti­vi­té de veiller sur ses qua­li­tés morales.

Il est temps main­te­nant de consi­dé­rer ses rap­ports avec la com­mu­nau­té elle-​même, en ce qu’il a et peut avoir de posi­tif, ou, comme on dit, de construc­tif, confor­mé­ment à Notre des­sein, qui est de ne pas sou­le­ver d’ac­cu­sa­tions sté­riles, mais de pous­ser le ciné­ma à se faire tou­jours davan­tage un ins­tru­ment effi­cace du bien com­mun. Quest-​ce qu’un film idéal peut offrir de pré­cieux, et même de très pré­cieux à la famille, à l’Etat, à l’Eglise ?

a) à la famille

Dans la divi­sion du sujet Nous don­nons la pre­mière place à la famille, entre autres parce qu’elle est sou­vent appe­lée à prendre part aux repré­sen­ta­tions ciné­ma­to­gra­phiques, dont mal­heu­reu­se­ment sa haute et sainte digni­té ne sort pas tou­jours indemne.
La famille fut, est et demeu­re­ra la source et l’o­ri­gine du genre humain et de l’homme. Chef-​d’œuvre de la sagesse suprême et de la bon­té du Créateur, elle a reçu de lui sa consti­tu­tion, ses pré­ro­ga­tives, ses devoirs, qui lui apla­nissent la voie pour atteindre ses propres fins supé­rieures. Fondée sur l’a­mour et pour l’a­mour, la famille peut et doit être pour ses membres, conjoints, parents, enfants, leur petit monde, le refuge, I’oasis, le para­dis ter­restre, dans la mesure où cela est pos­sible ici-​bas. Ainsi sera-​t-​elle réel­le­ment, si on la laisse être telle que le Créateur l’a vou­lue et que le Sauveur l’a confir­mée et sanctifiée.

Cependant, bien plus que par le pas­sé, la déso­rien­ta­tion actuelle des esprits, ain­si que les trop fré­quents scan­dales, ont ame­né bien des gens à dépré­cier les immenses tré­sors de bien que la famille peut dis­pen­ser ; c’est pour­quoi ses éloges sont faci­le­ment accueillis avec un sou­rire mêlé de scep­ti­cisme et d’ironie.

Ce serait une recherche utile que d’exa­mi­ner dans quelle mesure cer­tains films ont concou­ru à répandre une telle men­ta­li­té, ou s’ils s’a­daptent ser­vi­le­ment à celle i pour en satis­faire les dési­rs, au moins par la fic­tion. Il est cer­tai­ne­ment déplo­rable que cer­tains films se fassent écho de l’i­ro­nie et du scep­ti­cisme envers l’ins­ti­tu­tion tra­di­tion­nelle de la famille, en exal­tant ses réa­li­tés cor­rom­pues, et sur­tout en atta­quant par des moque­ries sub­tiles et fri­voles la digni­té des époux et des parents.

Mais quel autre bien humain res­te­rait à l’homme sur la terre si se trou­vait détruite la famille telle qu’elle a été ordon­née par le Créateur ? C’est donc un devoir éle­vé et déli­cat que de rendre aux hommes l’es­time et la confiance en elle.

Le film, qui mani­feste chaque jour un si grand inté­rêt et une si grande effi­ca­ci­té à ce sujet, devrait s’ad­ju­ger cet office et le rem­plir en mon­trant et en répan­dant la notion natu­rel­le­ment droite et humai­ne­ment noble de la famille, en décri­vant le bon­heur des conjoints, des parents et des enfants, I’avantage d’être étroi­te­ment unis par le lien des affec­tions dans le repos et dans la lutte, dans la joie et dans le sacrifice.

On peut obte­nir tout cela sans beau­coup de paroles, mais par des images appro­priées et en pré­sen­tant des épi­sodes attrayants : tan­tôt d’un homme doué d’un carac­tère solide, qui fait ce qu’il doit, qui ose et lutte, qui sait aus­si sup­por­ter et attendre, agir viri­le­ment et fer­me­ment, et en même temps main­te­nir et mani­fes­ter une fidé­li­té inébran­lable, un sin­cère amour conju­gal, une constante sol­li­ci­tude de père;–ou bien d’une femme dans le sens le plus noble et le plus digne de la parole, épouse et mère de conduite irré­pré­hen­sible, à l’es­prit ouvert, experte dans la famille et au dehors, et tou­te­fois dévouée à sa mai­son et à sa vie intime, parce qu’elle sait y trou­ver son bonheur;–ailleurs, de fils res­pec­tueux envers leurs parents, ardents pour leurs idéals et pour­sui­vant sérieu­se­ment les meilleurs, tou­jours frais et enjoués, mais en même temps ser­viables, géné­reux et intrépides.

Un film d’ac­tion qui tra­duise tout cela dans une intrigue inté­res­sante et vivante, sous une forme artis­tique par­faite, qu’il n’est pas impos­sible aux spé­cia­listes d’ob­te­nir, serait, en ce qui regarde le bien de la com­mu­nau­té, un film idéal au sens plein et réel du mot.

b) à l’Etat

Que l’on exa­mine main­te­nant briè­ve­ment le film idéal par rap­port à l’Etat. Il est bon de s’en­tendre sur le sens de cette expres­sion et de pré­ci­ser qu’il s’a­git ici d’é­ta­blir de quelle manière un film qui s’oc­cupe plus ou moins expres­sé­ment de matières concer­nant la com­mu­nau­té poli­tique peut concou­rir au bien de celle-ci.

C’est pour­quoi Nous lais­sons de côté dans Nos consi­dé­ra­tions les films dits poli­tiques, de par­tis, de classe et autres sem­blables, qui servent dans un but de pro­pa­gande ou même de lutte à une poli­tique déter­mi­née ou à un par­ti, à une classe, à un sys­tème. Au fond de toutes ces choses il existe l’ins­ti­tu­tion natu­relle de l’Etat, dont la notion se dis­tingue des formes variées qui l’ex­priment dans son déve­lop­pe­ment concret, formes qui vont et viennent, qui changent, qui de temps en temps se répètent dans le cours de l’his­toire, avec les modi­fi­ca­tions et les adap­ta­tions ame­nées par les condi­tions nou­velles. L’Etat est au contraire quelque chose de stable et de néces­saire dans son noyau essen­tiel et natu­rel, qui demeure mal­gré les vicis­si­tudes de ses formes concrètes et chan­geantes. C’est ce noyau, qui est un bien en soi mais aus­si une source de biens pour chaque membre de la com­mu­nau­té, que Nous consi­dé­rons actuel­le­ment.
L’Etat a une ori­gine natu­relle non moins que la famille ; cela signi­fie que dans son « noyau » il consti­tue une ins­ti­tu­tion vou­lue et don­née par le Créateur ; cela vaut aus­si pour ses élé­ments essen­tiels, tels que le pou­voir et l’au­to­ri­té qui émanent de la nature et de Dieu. Par la nature en effet, et donc par son Auteur, I’homme est pous­sé à s’u­nir en socié­té, à col­la­bo­rer en vue d’une inté­gra­tion mutuelle par l’é­change réci­proque de ser­vices et de biens, à se dis­po­ser orga­ni­que­ment en un corps, selon la diver­si­té des dis­po­si­tions et des actions des par­ti­cu­liers, à tendre au but com­mun, qui consiste dans la créa­tion et la conser­va­tion du vrai bien géné­ral par le concours des acti­vi­tés particulières.

Les hommes doivent donc recon­naître, accep­ter, res­pec­ter l’Etat, I’autorité de l’Etat, le droit de l’Etat à pré­si­der au bien tem­po­rel com­mun, comme à sa fin spé­ci­fique. Or, étant don­né que la désor­ga­ni­sa­tion des esprits engendre dans ce domaine aus­si de fré­quentes attaches ou répu­gnances affec­tives, il sera tou­jours bon de rame­ner les esprits à conso­li­der les vraies bases de la vie en société.

Le ciné­ma peut rendre là aus­si un grand ser­vice, bien que ce ne soit pas le pre­mier et le plus impor­tant de ses offices. Toutefois, avec l’ef­fi­cace qui lui est propre, son action peut inter­ve­nir de manière oppor­tune pour répri­mer des ten­dances dis­sol­vantes, rap­pe­ler l’at­ten­tion sur les bonnes choses tom­bées en désué­tude, faire appré­cier ce qui a été mal esti­mé. On pour­ra obte­nir ce résul­tat quand, dans un film d’ac­tion, on doit tou­cher à des ins­ti­tu­tions ou à des acti­vi­tés de l’Etat telles que sont les mesures de la légis­la­tion, de l’ad­mi­nis­tra­tion, de la jus­tice, en les repré­sen­tant posi­ti­ve­ment comme la nature les a déter­mi­nées et selon leurs propres normes.

En employant les res­sources artis­tiques dont ne manquent pas les auteurs et les pro­duc­teurs de valeur, et sans s’ar­rê­ter à des ins­truc­tions théo­riques, ils pour­ront aisé­ment mon­trer et rap­pe­ler à la conscience des spec­ta­teurs ce qui est pro­fi­table à tous, ce qui pro­tège vrai­ment, ce qui aide dans la com­mu­nau­té de l’Etat, le pour­quoi de l’ac­tion ou de l’o­mis­sion de la part des Autorités. N’avons-​Nous pas suf­fi­sam­ment indi­qué com­bien le ciné­ma bien fait des­cend en pro­fon­deur et plie les esprits à ce qu’il veut ? Eh bien ! une action comme celle que Nous avons décrite apai­se­rait et cal­me­rait les esprits, dimi­nue­rait les sen­ti­ments égoïstes et dom­ma­geables à la com­mu­nau­té, répan­drait un sens mieux fon­dé de col­la­bo­ra­tion et des idées plus larges pour pas­ser par des­sus des erreurs inévi­tables et mal­heu­reu­se­ment par­fois irré­pa­rables, dans l’in­té­rêt du bien public.

Ainsi le ciné­ma, sans abdi­quer son propre carac­tère et en subir de dom­mage peut rem­plir son rôle à l’a­van­tage de la com­mu­nau­té, ren­for­cer le sens de la fidé­li­té à l’Etat et pro­mou­voir le pro­grès. Un film de ce genre serait bien éloi­gné des films poli­tiques de par­ti et de classe ou même d’un pays déter­mi­né ; ce serait sim­ple­ment le film de tous, parce qu’il conser­ve­rait le noyau essen­tiel de tout Etat.

On ne pour­rait consi­dé­rer comme ache­vé l’ex­po­sé que Nous fai­sons sur le film idéal par rap­port à la com­mu­nau­té si Nous n’a­jou­tions une parole sur ses rela­tions avec l’Eglise.

c) à l’Eglise

L’Eglise du Christ, à la dif­fé­rence de la famille et de l’Etat, ne tire pas son ori­gine de la nature ; elle s’ap­puie sur la fon­da­tion posi­tive du Rédempteur, qui a dépo­sé en elle sa véri­té et sa grâce, afin qu’elle soit pour les hommes lumière et force dans le che­min de cette terre vers la patrie céleste.

Une réa­li­té de ce genre, qui com­prend tout un monde spi­ri­tuel et sur­na­tu­rel, échappe dans sa tota­li­té à la repré­sen­ta­tion artis­tique, car elle trans­cende les pos­si­bi­li­tés mêmes des moyens expres­sifs de l’homme. Il sera tou­te­fois suf­fi­sant de la connaître sub­stan­tiel­le­ment pour lui assu­rer le res­pect et la véné­ra­tion dont elle est digne. Si le film doit–et cela arrive souvent–s’occuper d’é­vé­ne­ments dans les­quels le sujet de l’Eglise entre en ligne de compte de manière plus ou moins impor­tante et éten­due, il devra le faire avec véri­té et en connais­sance de cause, avec un tact reli­gieux, de la sim­pli­ci­té, de la digni­té. Du reste, Nous avons déjà expo­sé Notre pen­sée lorsque Nous avons trai­té en géné­ral du choix des sujets reli­gieux. Nous ajou­tons main­te­nant une seule sug­ges­tion : si un film, spé­cia­le­ment un film d’ac­tion, veut etre fidèle à l’i­déal en ce qui regarde l’Eglise du Christ, il doit, en plus de la forme artis­tique par­faite, être conçu et exé­cu­té de manière à ins­pi­rer au spec­ta­teur com­pré­hen­sion, res­pect et dévo­tion envers l’Eglise, et à ses fils, joie, amour et comme un saint orgueil de lui appartenir.

Il n’est pas exclu que des rai­sons his­to­riques, des exi­gences de com­po­si­tion ou sim­ple­ment un sobre réa­lisme rendent néces­saire de pré­sen­ter des défi­ciences et des défauts de per­sonnes ecclé­sias­tiques, dans leur carac­tère et peut-​être même dans l’exer­cice de leur office ; en ce cas tou­te­fois, qu’il soit bien clair pour le spec­ta­teur qu’il y a une dis­tinc­tion entre ins­ti­tu­tion et per­sonne, entre per­sonne et office. En par­ti­cu­lier, pour le catho­lique, le film qui réa­li­se­ra l’i­déal du film reli­gieux sera celui dans lequel l’Eglise appa­raî­tra rayon­nante de l’au­réole de « Sancta Mater Ecclesia » : Sainte et Mère, dans laquelle il a confiance, à laquelle il adhère, dans laquelle il vit, de laquelle son âme et son être intime tirent l’hu­maine per­fec­tion et les richesses éternelles.

Voici, Messieurs, ce que Nous vou­lions vous dire au sujet du ciné­ma, auquel vous consa­crez votre acti­vi­té, vos talents, votre tra­vail quo­ti­dien. Nous vou­drions main­te­nant conclure les consi­dé­ra­tions que Nous venons de faire sur l’im­por­tance du ciné­ma et sur son idéal en vous confiant Notre sen­ti­ment intime. Tandis que Nous vous par­lions, au regard de Notre esprit étaient pré­sentes les immenses foules d’hommes, de femmes, de jeunes gens, d’en­fants, aux­quels le film s’a­dresse chaque jour avec son lan­gage puis­sant, et Nous recueil­lions avec ten­dresse et une anxié­té pater­nelle leurs dési­rs et leurs attentes. La majo­ri­té d’entre eux, qui sont au fond de leur esprit sains et bons, ne demandent pas autre chose au film qu’un reflet du vrai, du bien, du beau ; en un mot un rayon de Dieu. Ecoutez leur voix vous aus­si, et répon­dez à leur attente pro­fonde, afin que l’i­mage de Dieu, impri­mée dans leurs âmes, brille tou­jours nette dans les pen­sées, les sen­ti­ments et les œuvres ins­pi­rées par votre art.

C’est par ce sou­hait, qui veut être aus­si une nou­velle assu­rance de l’es­time et de l’in­té­rêt que Nous por­tons à votre œuvre, que Nous invo­quons sur vous les faveurs célestes, en gage des­quelles Nous vous accor­dons de grand cœur Notre pater­nelle Bénédiction Apostolique.

PIUS PP. XII

21 juin 1955
Allocution aux représentants du monde du cinéma
  • Pie XII