Sermon de Mgr Lefebvre – Fête de la Sainte Famille – Saint Marcel – 16 janvier 1983

Mes bien chers frères,
Mes bien chers amis,

Par une coïn­ci­dence pro­vi­den­tielle, nous fêtons aujourd’hui la solen­ni­té de la Sainte Famille et la fête de saint Marcel puisque vous vou­lez prier aujourd’hui, mon saint Patron saint Marcel.

Je dis une coïn­ci­dence pro­vi­den­tielle, parce que n’est-il pas vrai qu’il y a un lien pro­fond, vou­lu par Dieu cer­tai­ne­ment, entre la sain­te­té des enfants et la sain­te­té de la Sainte Famille.

N’est-ce pas d’une manière géné­rale dans l’histoire des saints, on se rend compte que cette voca­tion à la sain­te­té a d’abord pris nais­sance dans la famille. Et Dieu lui-​même n’a‑t-il pas vou­lu choi­sir une sainte Famille pour venir ici-bas ?

Il aurait pu venir d’une autre manière. Mais Il a vou­lu mani­fes­ter son estime, son atta­che­ment à cette ins­ti­tu­tion qu’Il a tant hono­rée, hono­rée dès le début de la Création, hono­rée éga­le­ment au cours de sa vie publique puisque le pre­mier miracle qu’il a accom­pli, c’était le miracle des noces de Cana, sanc­ti­fiant ain­si la famille. L’Église nous dit que c’est en ce jour des noces de Cana, que Notre Seigneur a ins­ti­tué le sacre­ment de mariage. Non seule­ment Notre Seigneur a vou­lu ins­ti­tuer le mariage, mais Il a vou­lu le sanc­ti­fier par une grâce par­ti­cu­lière, par un sacrement.

Cela nous montre l’estime que Dieu Lui-​même a de la sainte Famille. Famille, faite, ins­ti­tuée par une grâce par­ti­cu­lière, par un sacre­ment par­ti­cu­lier pour pro­duire des saints, sinon des saints au sens où nous l’entendons habi­tuel­le­ment dans l’Église, des saints qui mani­festent par l’exercice des ver­tus héroïques une sain­te­té par­ti­cu­lière qui est ensuite cano­ni­sée par l’Église. Il ne s’agit pas seule­ment de cela. Il s’agit de for­mer des saints, c’est-à-dire des élus du Ciel.

Et nous pou­vons aujourd’hui plus que jamais consta­ter la néces­si­té de ces saintes Familles. Et si nous consta­tons cette néces­si­té, nous consta­tons aus­si que jamais comme aujourd’hui le sanc­tuaire de la famille, la sain­te­té de la famille n’a été aus­si bat­tue en brèche.

Comme c’est une ins­ti­tu­tion fon­da­men­tale, vou­lue par Dieu, par des lois natu­relles et puis ensuite sanc­ti­fiée par la grâce du sacre­ment, donc une ins­ti­tu­tion chré­tienne, une ins­ti­tu­tion de Notre Seigneur Jésus-​Christ, les enne­mis de l’Église s’acharnent après cette institution.

De même qu’ils le font pour toutes les lois natu­relles, les lois natu­relles de la socié­té civile, les lois natu­relles de la per­sonne humaine. Ils détruisent toutes les lois. Parce qu’ils ne veulent pas que règne la volon­té de Dieu sur la terre.

Ils veulent que règne leur volon­té et donc ils s’attachent à détruire tout ce qui est un effet de la bon­té de Dieu, tout ce qui est un effet de la volon­té de Dieu. Et s’il y a quelque chose dans l’humanité qui a été vou­lu par Dieu, c’est bien l’institution de la famille.

Vous-​mêmes, mes chers amis, pour la plu­part d’entre vous, grâce à Dieu, vous êtes nés dans des familles pro­fon­dé­ment chré­tiennes. Sans doute le Bon Dieu peut don­ner des grâces par­ti­cu­lières et don­ner des grâces de conver­sion à ses élus, même s’il ne vivent pas dans une famille chré­tienne. C’est le cas de cer­tains d’entre vous. Vous devez remer­cier le Bon Dieu de vous avoir choi­si de cette manière. Mais on peut dire que d’une manière géné­rale, les voca­tions reli­gieuses, les voca­tions sacer­do­tales naissent dans les familles nom­breuses, dans les familles chré­tiennes, c’est nor­mal, c’est natu­rel, c’est ce que le Bon Dieu a voulu.

Or, voyez comme aujourd’hui les enne­mis de l’Église se liguent contre cette ins­ti­tu­tion. Tout est fait pour détruire ce lien qui unit les époux. Tout est fait pour leur faci­li­ter la sépa­ra­tion, le divorce. On cite des chiffres consi­dé­rables. Dans tous les pays – soi-​disant chré­tiens – le nombre de divorces qui aug­mente par­tout. Et par cette dif­fu­sion du divorce, par cette faci­li­té du divorce, on en arrive aus­si à faci­li­ter les unions libres, de gens qui ne sont même pas unis dans les liens du mariage.

Non seule­ment on détruit le lien du mariage, avec une faci­li­té incroyable, mais on s’attaque à la sain­te­té du mariage. Tout ce qui est pro­duit main­te­nant comme images et qui se répand, soit par la télé­vi­sion, soit par les ciné­mas, soit par les moyens de com­mu­ni­ca­tion sociale, sont tous pour dégra­der le mariage. C’est un fait dou­lou­reux, un fait consi­dé­rable qu’à notre époque tout est fait pour détruire cette magni­fique ins­ti­tu­tion que le Bon Dieu a fait pour nous sanctifier.

Et non seule­ment les enne­mis de l’Église s’attaquent à la sain­te­té du mariage, mais ils s’attaquent même à la famille par cette mul­ti­pli­ci­té des avor­te­ments. C’est une chose affreuse répan­due d’une manière abo­mi­nable, dans les pays chré­tiens. On s’émeut lorsque l’on tra­duit en jus­tice quelqu’un qui a com­mis un crime, mais on ne s’émeut pas sur le meurtre et l’assassinat de ces cen­taines de mil­liers d’enfants (tués) par an, des mil­lions dans le monde.

Et il faut le dire. Non seule­ment aujourd’hui les enne­mis de l’Église s’attaquent à la famille, mais ce venin du libé­ra­lisme et de l’œcuménisme qui a péné­tré à l’intérieur de l’Église, a éga­le­ment atta­qué la famille, a eu éga­le­ment des consé­quences déplo­rables pour les familles chrétiennes.

Cette faci­li­té avec laquelle on a accor­dé aux prêtres de se marier est un mépris du lien qui liait le prêtre avec Dieu, lien de chas­te­té qu’il avait pro­mis au moment de son sous-​diaconat. On com­prend que des époux ensuite, n’ont plus une estime véri­table du lien qui les unit puisque le prêtre a solen­nel­le­ment pro­mis de res­ter atta­ché à Dieu et à l’Église, dans la chas­te­té pour toute sa vie, à son lien, détruit si facilement.

Sans doute le lien n’est pas le même, théo­lo­gi­que­ment par­lant, mais ce lien était très grave. Et autre­fois il était qua­si­ment impos­sible pour un prêtre de rece­voir l’autorisation de l’Église pour contrac­ter un mariage.

Non seule­ment on a faci­li­té le mariage des prêtres – scan­dale géné­ral pour les fidèles, pour toute l’Église – mais on a favo­ri­sé les mariages mixtes entre catho­liques et pro­tes­tants. Or, on sait bien qu’ils n’ont pas la même foi. On sait bien que les pro­tes­tants acceptent le divorce. L’Église a tou­jours été très pru­dente dans cette matière et a tou­jours décon­seillé les mariages mixtes. Dans toute la mesure du pos­sible, elle les décon­seillait. Elle les tolé­rait. Maintenant on les recommande.

Et puis nous consta­tons encore un autre fait. Les consta­ta­tions de nul­li­té de mariage qui autre­fois étaient réser­vées à Rome et qui étaient étu­diées avec atten­tion lon­gue­ment, car il est grave de pro­non­cer qu’un mariage est nul.

Aujourd’hui en lais­sant l’autorisation aux curies épis­co­pales de pro­non­cer la nul­li­té du mariage, on s’aperçoit que ces consta­ta­tions de nul­li­té se mul­ti­plient à un rythme invrai­sem­blable, incroyable. Des dizaines et des dizaines de mil­liers de consta­ta­tions de mariages nuls. Dans cer­tains dio­cèses, en par­ti­cu­lier en Amérique du Nord, il suf­fit de se pré­sen­ter à l’évêché et de prou­ver qu’il y a incom­pa­ti­bi­li­té d’humeur entre les époux, pour qu’on estime que le mariage était nul.

Alors, les per­sonnes se trouvent main­te­nant dans des situa­tions inouïes et ce sont vos confrères, mes chers amis, qui sont prêtres là-​bas aux États-​Unis, qui me fai­saient part de ces choses. Des familles très unies, des parents très unis, ayant trois, quatre enfants fai­saient consta­ter la nul­li­té de leur mariage, fai­saient un autre mariage chré­tien, catho­lique, à l’église catho­lique, aban­don­nant les enfants alors qu’ils avaient eu un mariage selon toutes les vrai­sem­blances, tout a fait valide.

Qu’est-ce que doit faire le prêtre dans ça cas ? Est-​ce que vrai­ment il doit recon­naître cette nul­li­té des mariages ? Cela crée des pro­blèmes invrai­sem­blables. Nous allons nous trou­ver dans quelque temps devant des situa­tions inextricables.

Faut-​il don­ner les sacre­ments à ces gens qui se sont sépa­rés pour un motif futile, sous pré­texte qu’allant à la curie épis­co­pale, celui qui est char­gé de faire les constats de nul­li­té des mariages leur a signi­fié que leur mariage était nul ?. On en arri­ve­ra à faci­li­ter la sépa­ra­tion comme l’État le fait pour les divorces. Tout cela crée vrai­ment une situa­tion à l’intérieur de l’Église, vrai­ment dou­lou­reuse, pénible.

Sans pen­ser aux consé­quences pour les enfants. On ne peut plus s’étonner que tant d’enfants, même dans les familles chré­tiennes, sombrent dans la drogue et vont quel­que­fois jusqu’au sui­cide. Ce sont des jeunes qui se sui­cident. Ce ne sont pas des per­sonnes âgées. Tout cela, consé­quences de cette situa­tion du mariage qui est abso­lu­ment détruit.

Devant cette situa­tion, mes bien chers frères, mes bien chers amis, nous devons pré­ci­sé­ment main­te­nir les bonnes tra­di­tions de l’Église et c’est une grande conso­la­tion pour nous, lorsque nous avons l’occasion de prendre contact avec les groupes tra­di­tion­nels, de voir ces bonnes familles chré­tiennes, nom­breuses, qui accom­plissent la volon­té du Bon Dieu dans le mariage. C’est là une grande conso­la­tion pour nous et un grand exemple qui montre et qui jus­ti­fie notre atti­tude, qui jus­ti­fie notre atta­che­ment à la Tradition.

Parce que dans la mesure où les chré­tiens, les catho­liques, aban­donnent la Tradition, ils deviennent pro­tes­tants ; ils prennent les idées pro­tes­tantes et par le fait même n’ont plus l’estime du mariage que doivent avoir les catho­liques. Et eux aus­si par consé­quent, concourent à cette ruine géné­rale de la famille chré­tienne. Or, sans familles chré­tiennes, où va l’Église ?

Encore une fois, la famille chré­tienne est pour faire des saints, pour faire des élus du Ciel. Et c’est par­mi ces enfants que germent les voca­tions, qui sont le témoi­gnage de la sain­te­té de l’Église. En ce jour de la solen­ni­té de la Sainte Famille, deman­dons à Notre Seigneur, deman­dons à la très Sainte Vierge Marie, deman­dons à saint Joseph de sanc­ti­fier les familles.

Et pour vous, mes chers amis, lorsque vous serez char­gés plus tard de minis­tère auprès des jeunes, auprès des fian­cés, auprès de ceux qui vivent dans le mariage chré­tien, com­bien vous devez avoir une grande estime et faire com­prendre à ceux qui sont dans ces liens du mariage, la grande grâce que le Bon Dieu leur donne.

Saint Paul a magni­fié le mariage chré­tien – et par le fait même condam­né – c’est ce que nous disaient les lec­tures de notre bré­viaire au sujet de la Sainte Famille – saint Paul a condam­né ces per­sonnes qui diraient que le mariage était une inven­tion du démon et que ceux qui étaient dans les liens du mariage étaient tous en état de péché mortel.

Il a condam­né cela. Et nous, nous ne devons pas non plus avoir quel­que­fois cette ten­dance de ceux qui disent : « Ceux qui vivent dans le milieu sécu­lier se perdent ! » Avec la grâce que le Bon Dieu a don­née à ceux qui sont dans les liens du mariage, s’ils réa­lisent vrai­ment la volon­té du Bon Dieu, avec la grâce du bap­tême, de la confir­ma­tion, avec toutes les grâces des sacre­ments qui leur sont don­nées, ces âmes peuvent et doivent se sanctifier.

Et com­bien se sanc­ti­fient. Combien de saintes per­sonnes se sanc­ti­fient dans les liens du mariage. Pensez par exemple à sainte Monique, la mère de saint Augustin. Saint Augustin dit bien : « c’est à ma mère que je dois ma conver­sion ». Et com­bien pour­raient en dire autant. C’est à ma mère, c’est à mon père, que je dois d’être ce que je suis, d’avoir la foi, d’avoir la foi catho­lique, d’être sur le che­min du Ciel, avec la grâce du Bon Dieu.

Alors ayons une grande estime de la famille chré­tienne. Communiquons cette estime, que le Bon Dieu a vou­lue, que le Bon Dieu Lui-​même nous a signi­fiée. Communiquons cette estime à tous ceux qui sont dans les liens du mariage, afin de réno­ver la socié­té chré­tienne. C’est par les familles chré­tiennes que l’on réno­ve­ra la société.

Demandons encore à la Sainte Famille, de répandre ses grâces sur nos familles et de faire en sorte que tous ceux que nous aimons, que nous connais­sons et qui sont dans les liens du mariage com­prennent ces choses pour leur plus grand bien à eux et sur­tout pour le plus grand bien de leurs enfants.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.