Sermon de Mgr Lefebvre – Vigile de Noël – Ordination sacerdotale – 24 décembre 1978

Mes chers chers frères,
Mes bien chers amis,

En cette vigile de Noël, com­ment ne pas pen­ser à la très Sainte Vierge Marie ? Si Jésus nous est don­né, si le Rédempteur de nos âmes est venu par­mi nous, c’est bien grâce à la Vierge Marie ; c’est grâce à son Fiat.

C’est pour­quoi nous vou­drions aujourd’hui, chers amis qui allez être ordon­nés dans quelques ins­tants par la grâce du Bon Dieu, essayer de vous mon­trer com­ment Marie est votre Mère, d’une manière toute par­ti­cu­lière, car entre Marie et le prêtre il y a une affi­ni­té profonde.

En effet, Marie a été choi­sie pour être la Mère du Prêtre, du Prêtre par excel­lence, Mère du Pontife suprême. Et pour cela, elle a été choi­sie entre toutes les femmes. Benedicta tu in mulie­ri­bus : « Vous êtes bénie entre toutes les femmes ». Ave Maria gra­tia ple­na, dit l’ange quand il vint la saluer : « Salut Marie, vous êtes pleine de grâce ».

Si Marie est pleine de grâce au moment où l’ange vient la saluer, c’est que Dieu l’a choi­sie, choi­sie tout par­ti­cu­liè­re­ment. Avec quel soin Jésus a pré­pa­ré l’âme de sa Mère. Avec quel soin, il l’a com­blée de bénédictions.

Et Marie craint, lorsqu’elle entend la parole de l’ange, de ne pas gar­der sa vir­gi­ni­té. Eh bien, non, Dieu a tout pré­vu. Marie demeu­re­ra vierge et elle sera mère, mère de Jésus. Et parce qu’elle est la mère de Jésus, elle demeu­re­ra vierge. Grande leçon pour vous, mes chers amis.

Vous aus­si, vous êtes choi­sis : Non vos me ele­gis­tis, sed ego ele­gi vos : « Ce n’est pas vous qui m’avez choi­si, mais c’est moi qui vous ai choi­sis », dit Notre Seigneur à ses apôtres (Jn 15,16).

Ego ele­gi vos,et fruc­tum affe­ra­tis : et fruc­tus ves­ter maneat : « Pour que vous por­tiez du fruit et que votre fruit demeure » (Jn 15,16).

Oui, vous avez été choi­sis pour por­ter un fruit aus­si et quel sera ce fruit ? Notre Seigneur Jésus-​Christ. C’est Lui aus­si que vous allez por­ter comme la Vierge Marie. Et c’est pour cela que vous devez tout par­ti­cu­liè­re­ment aimer la ver­tu de chas­te­té, la ver­tu de pureté.

Et parce que la très Sainte Vierge a été choi­sie, elle a chan­té la gran­deur du Bon Dieu : Magnificat ani­ma mea Dominum.

Et vous aus­si, mes bien chers amis, je suis sûr que dans vos cœurs, lorsque vous aurez reçu l’onction sacer­do­tale et la grâce du sacer­doce par l’imposition de la main de l’évêque, des paroles de la consé­cra­tion qu’il vous pro­non­ce­ra, vous chan­te­rez la gloire du Bon Dieu : Magnificat ani­ma mea Dominum.

Qui fecit mihi magna qui potens est : « il a fait de grandes choses en moi. Celui qui est tout-puissant ».

Esurientes imple­vit bonis. Esurientes ! Pauvre, vous devez être pauvre. Si vous vou­lez être riche vous devez être pauvre ; vous devez être dans l’indigence, dans le désir des biens éter­nels. Ce sont ceux qui sont les pauvres qui devien­dront les riches, riches de biens spirituels.

Et divi­tis dimi­sit inanes. Les riches, au contraire, il les ren­voie sans rien, les mains vides.

Mais non, vos cœurs sont bien dis­po­sés, vos cœurs sont ouverts et – je l’espère – déta­chés pro­fon­dé­ment des choses de ce monde, afin de vous rem­plir de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Afin que, comme la Vierge Marie, votre âme soit toute dis­po­sée à rece­voir l’Esprit Saint.

Et vir­tus Altissimi obum­bra­bit tibi (Le 1,35) : « Et la ver­tu du Très-​Haut vien­dra sur vous ».

Et en effet, l’évêque va appe­ler sur vous les dons du Saint-​Esprit. Voilà les affi­ni­tés que vous aurez avec la Vierge Marie.

Sans doute, l’Église, la théo­lo­gie, nous apprennent que la Vierge Marie n’est pas prêtre. En effet, elle n’assistait pas à la Sainte Cène, lorsque Notre Seigneur a consa­cré ses prêtres. Mais elle est la Mère du Prêtre. Et elle a une autre affi­ni­té avec le Prêtre, car elle a pré­pa­ré la Victime, la Victime de l’autel, la Victime qui va être atta­chée à la Croix.

Elle L’a pré­pa­rée pen­dant toute sa vie. Elle L’a nour­rie ; elle L’a éle­vée ; elle L’a sui­vie. On peut presque dire qu’elle L’a conduite jusqu’à la Croix, jusqu’à l’autel de la Croix.

Et vous, mes chers amis, vous aus­si vous devez pré­pa­rer la vic­time. Vous mon­te­rez à l’autel et vous pré­pa­re­rez la vic­time et par les paroles que vous pro­non­ce­rez à la Consécration, vous ferez des­cendre la vic­time sur l’autel. Et Elle sera là comme Elle était sur la Croix, dans un sacri­fice non san­glant, mais dans un sacri­fice exac­te­ment le même.

Et la Vierge Marie sera pré­sente lorsque vous pro­non­ce­rez ces paroles ; pré­sente comme elle l’était auprès de la Croix.

Alors, deman­dez à la très Sainte Vierge Marie, de mettre en vous les dis­po­si­tions qu’elle avait, car elle a offert la Victime. Elle L’a offerte au Temple ; elle L’a offerte lorsqu’elle était auprès de son Divin Fils, au pied de la Croix, non pas comme prêtre – encore une fois – mais comme mère, comme mère de Jésus – Co-​Rédemptrice – mère de tous ceux qui allaient par­ti­ci­per à la Rédemption.

Et ce sera là votre rôle et le grand désir que vous devez avoir dans vos cœurs, de don­ner Jésus au monde, comme la Vierge Marie L’a don­né pour la rédemp­tion des péchés du monde.

Vous conti­nuez l’œuvre de la Rédemption de Notre Seigneur, en don­nant Jésus aux âmes. Après avoir pro­non­cé les paroles de la Consécration qui réa­lisent le Sacrifice et en même temps réa­lisent cette seconde réa­li­té mys­tique et si belle, réa­lisent le sacre­ment de l’Eucharistie. Et ce sacre­ment de l’Eucharistie sera fait pré­ci­sé­ment pour que vous-​mêmes vous par­ti­ci­piez à l’état de vic­time de Notre Seigneur en com­mu­niant, mais aus­si que vous fas­siez par­ti­ci­per à cet état de vic­time, tous les fidèles qui vien­draient vous deman­der Jésus, deman­der Notre Seigneur Jésus-​Christ pour être – eux aus­si – des vic­times et par­ti­ci­per à la Rédemption de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Comme la grâce du prêtre est grande. Et comme vous devez prier la Vierge Marie, prier Notre Seigneur Jésus-​Christ de mettre en vous toutes les dis­po­si­tions néces­saires à faire – de vous – de bons et saints Prêtres.

Plus que jamais le monde a besoin de ces prêtres. Les fidèles vous attendent ; les fidèles ont soif, soif de l’Eucharistie, soif de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Allez-​vous les trom­per ? Allez-​vous les abandonner ?

Les enfants ont deman­dé du pain et ils n’ont trou­vé per­sonne pour le rompre. Mais vous, vous serez là pour rompre le pain de l’Eucharistie et le don­ner à ceux qui le demandent, le vrai pain de l’Eucharistie : Notre Seigneur Jésus-Christ.

Voilà ce que nous sou­hai­tons pour vous. Voilà ce que vous avez pré­pa­ré pen­dant des années au sémi­naire. Voilà quel était votre idéal. À la fois, vous arri­vez au but, mais aus­si vous com­men­cez, vous allez com­men­cer main­te­nant une nou­velle vie : la vie du prêtre.

Et vous deman­de­rez à la très Sainte Vierge Marie d’être votre mère ; d’être aus­si la mère du prêtre que vous êtes, puisque vous êtes par la grâce du sacer­doce, rat­ta­chés inti­me­ment à Notre Seigneur Jésus-​Christ Prêtre, Marie devient votre mère par le fait même. Vous ne pou­vez plus être prêtre, sans être encore davan­tage fils de Marie.

Alors nous allons prier tous ensemble, n’est-ce pas mes bien chers frères, pen­dant cette céré­mo­nie si tou­chante et si émouvante.

C’est cer­tai­ne­ment dans toute la litur­gie de l’Église, une des céré­mo­nies les plus belles et les plus expres­sives de la vie de l’Église : Faire des prêtres. Que serions-​nous sans prêtres ? Et par consé­quent, si l’Église conti­nue à don­ner des prêtres, c’est que l’Église est encore vivante. C’est que l’Église veut conti­nuer son œuvre de rédemp­tion, œuvre de rédemp­tion que Notre Seigneur lui a confiée.

Alors, ren­dons grâce à Dieu qui nous donne encore des prêtres et deman­dons que ces prêtres soient de vrais fils de Marie.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.