La dévotion au Sacré-Cœur

Réfléchissons à cette dévo­tion : elle per­met d’aimer Dieu en retour, mais aus­si de répa­rer l’ingratitude de beau­coup trop d’âmes.

Une nuit, un prêtre de notre Fraternité fut appe­lé par télé­phone dans un « bidons-​ville » d’Amérique latine, pour don­ner les der­niers sacre­ments à un mou­rant. Après avoir admi­nis­tré cet homme qui n’était point de ses fidèles habi­tuels, notre con­frère cher­cha à savoir qui lui avait télé­pho­né. Il lui fut ré­pondu que … per­sonne ne l’avait appe­lé. Mais le mou­rant ajou­ta sim­ple­ment : « Je vous atten­dais. Je savais qu’un prêtre vien­drait, car j’ai fait les neuf pre­miers ven­dre­dis du mois en l’honneur du Sacré Cœur. » Au 17° siècle, Notre Seigneur dit en effet dit à Sainte Marguerite- Marie Alacoque : Je pro­mets, dans l’excessive misé­ri­corde de mon cœur, d’accorder à tous ceux qui com­mu­nie­ront neuf pre­miers ven­dre­dis du mois consé­cu­tifs, la grâce de la péni­tence finale, ne mou­rant point dans ma dis­grâce et sans rece­voir les sacre­ments, mon divin cœur se ren­dant leur asile as­suré au der­nier moment((Rappelons, les 11 autres pro­messes faites par Notre Seigneur à ceux qui auront une vraie dévo­tion à son di­vin Cœur : « 1. Je leur don­ne­rai toutes les grâces néces­saires dans leur état ; 2. Je met­trai la paix dans leur famille ; 3. Je les conso­le­rai dans toutes leurs peines ; 4. Je serai leur refuge assu­ré, pen­dant la vie, et sur­tout à la mort ; 5. Je répan­drai d’abondantes béné­dic­tions sur leurs entre­prises ; 6. Les pécheurs trou­ve­ront dans mon Cœur la source et l’océan infi­ni de la misé­ri­corde ; 7. Les âmes tièdes devien­dront fer­ventes ; 8. Les âmes fer­ventes s’élèveront à une grande per­fec­tion ; 9. Je béni­rai même les mai­sons où l’image de mon Cœur sera expo­sée et hono­rée ; 10. Je donne­rai aux prêtres le talent de tou­cher les cœurs les plus endur­cis ; 11. Les per­sonnes qui pro­pa­ge­ront cette dévo­tion auront leur nom ins­crit dans mon Cœur, et il n’en sera jamais effacé. »)).

Le Sacré Cœur, que nous prions tout spé­cia­le­ment au mois de juin, est le signe de la cha­ri­té de Notre Seigneur Jésus- Christ ; cha­ri­té pour son Père d’abord, cha­ri­té pour les âmes ensuite. Dans le pre­mier cas, il est donc aus­si un signe de dou­leur et de tris­tesse pour les pé­chés contre Dieu. Dans le deu­xième, il est un signe de miséri­corde et de com­pas­sion. Saint Jean résume cette idée : Et nous, nous avons cru à la cha­ri­té (1 Jn 4, 16). Ce ver­set, choi­si par Mgr Lefebvre comme devise épisco­pale, rap­pelle que nous devons croire à l’amour de Dieu, de Notre Seigneur, pour l’homme. Mais les hommes aiment-​ils Dieu en retour ? Malheureuse­ment trop peu. Toujours à Sainte Marguerite-​Marie, Notre Sei­gneur disait voi­ci quatre siècles : Voilà ce cœur qui a tant aimé les hommes, qu’il n’a rien épar­gné, jusqu’à s’épuiser et se consu­mer pour leur témoi­gner son amour ; et pour reconnais­sance, je ne reçois de la plu­part que des ingra­ti­tudes. Notre Sei­gneur affirme aus­si dans l’Évan­gile : Si vous m’aimez, gar­dez mes com­man­de­ments (Jn 14, 15). Combien aiment Dieu de la sorte ? Combien res­pectent les com­man­de­ments ? Combien par exemple sanc­ti­fient chaque di­manche le jour du Seigneur ? En France, les pra­ti­quants ne repré­sentent aujourd’hui que 1,8% de la population.

On com­prend en quoi va consis­ter une dévo­tion au Sacré Cœur : Dieu nous aime ? La dé­votion au Sacré Cœur nous le fait aimer en retour. Les hommes sont-​ils ingrats ? La dévo­tion consis­te­ra à l’aimer beau­coup pour répa­rer, conso­ler, com­pen­ser. Le pape Pie XI, dans son ency­clique Miserentissimus Redemptor du 8 mai 1928 sur le Sacré Cœur, écrit : La créa­ture doit offrir, à l’égard de l’amour incréé, une com­pen­sa­tion pour l’indiffé­rence, l’oubli, les offenses, les outrages, les injures qu’il subit : c’est ce qu’on appelle couram­ment le devoir de répa­ra­tion. Le pape dit que cette conso­la­tion est mys­té­rieuse mais bien réelle. Et il cite les paroles de l’Écriture que l’on met sur les lèvres de Notre Seigneur : J’ai espé­ré ce­lui qui s’affligerait avec moi et il n’est point venu, celui qui me conso­le­rait et je ne l’ai point trou­vé (Ps 68, 21).

Pour répa­rer concrè­te­ment l’ingratitude des hommes en­vers le Sacré Cœur, le pape rap­pelle la dévo­tion des pre­miers ven­dre­dis du mois, qui consiste à faire une com­mu­nion répara­trice. Sainte Marguerite-​Marie explique : Mon Divin Sauveur me com­man­da de com­mu­nier tous les pre­miers ven­dre­dis de chaque mois, afin de répa­rer, autant qu’il m’est pos­sible, les outrages qu’il a reçus pen­dant le mois, dans le Très Saint Sa­crement. La sainte expé­ri­men­ta sou­vent elle-​même la puis­sance de la com­mu­nion répa­ra­trice pour flé­chir le Sacré Cœur de Jésus. Dans le but de faire une telle com­mu­nion, il est bon de se confes­ser, huit jours avant ou huit jours après ce pre­mier vendredi.

Toujours dans ce but de ré­parer, nous pou­vons aus­si assis­ter à l’Heure Sainte devant le Saint Sacrement expo­sé. Notre Seigneur a dit à ses apôtres, au jar­din des Oliviers : Ainsi, vous n’avez pas pu veiller une heure avec moi ? (Mt 26, 40) Que notre pré­sence devant l’autel per­mette de répondre par l’affir­mative.

Pour conso­ler le Sacré Cœur, on pour­ra encore s’éver­tuer à pra­ti­quer la cha­ri­té frater­nelle, sur laquelle s’est éten­du Notre Seigneur. Un de nos évêques, lors d’un ser­mon, avait beau­coup insis­té sur ce point, disant que la pra­tique de cette ver­tu était indis­pen­sable pour tenir dans la crise que tra­verse l’Église.

Enfin, un grand moyen de conso­ler Notre Seigneur se trouve dans l’intronisation du Sacré Cœur dans les familles. Le Père Matéo, de la congréga­tion des Sacrés Cœurs de Jésus et de Marie, à qui l’on doit cette pra­tique, déclare : On peut affir­mer, en toute véri­té, qu’en op­position à la cam­pagne d’apos­tasie sociale, l’intronisation est un véri­table acte de répa­ra­tion. Il a eu la per­mis­sion de dévelop­per cette dévo­tion de Saint Pie X, au tout début du XXe siècle, qui lui a dit : Je ne le vous per­mets pas… je vous le com­mande ! Je vous ordonne de don­ner votre vie pour cette œuvre de salut social.

L’intronisation dans les fa­milles est une recon­nais­sance, offi­cielle et sociale, que le roi de la famille est le Sacré Cœur. Cette recon­nais­sance est ren­due sen­sible par l’installation solen­nelle de l’image du Sacré Cœur à la place d’honneur. Elle est aus­si ren­due durable par un acte de consé­cra­tion de la famille au Sacré Cœur. Le fait de faire pré­sider le Sacré Cœur dans la salle prin­ci­pale per­met de répa­rer les outrages faits à sa royau­té. Notre Seigneur est chas­sé de par­tout ? Une famille qui pro­cède à l’intronisation lui dit : « Entrez Seigneur ; nous vou­lons, nous, que vous régniez ici. »

Une telle famille ne doit-​elle pas craindre, néan­moins, les visites des incroyants ? Le Père Matéo répond : Osons, comme les méchants, et mieux qu’eux, crier et mani­fes­ter nos convic­tions. Veut-​on fuir son regard ? Ça n’est pas un sym­bole que l’on repousse, mais la per­sonne du Maître. Et le père Matéo de dire que le Sacré Cœur n’est pas un « meuble » de famille mais un « membre » à part entière. Introniser le Sacré Cœur, c’est en effet accueillir un véri­table hôte, un roi, un ami, un confi­dent. Non pas, com­mente en­core le père Matéo, qu’on puisse assi­mi­ler l’image du Sacré Cœur à une hos­tie consa­crée, mais l’intronisation bien com­prise appor­te­ra avec elle des grâces spé­ciales de pré­sence de Dieu et de vie chré­tienne avec Jésus, par Jésus, sous le regard de Jésus.

Le père recom­mande de vivre sous le regard du Sacré Cœur, car ce que l’on ne ferait pas sous son regard n’est pas à faire. Il insiste aus­si pour que l’on prie en famille devant son image : Il y a le taber­nacle eu­charistique, il faut le taber­nacle fami­lial. S’il vous faut un Dieu à louer dans un temple, il vous faut aus­si un Dieu à prier dans vos demeures. Et quels sont les fruits escomp­tés de l’intronisa­tion ? Le père Matéo n’hésite pas à dire : J’ai vu les mon­tagnes mar­cher, les impies les plus révol­tés et les plus fana­tiques ter­ras­sés comme saint Paul sur le che­min de Damas. C’est à ce point que je disais au Saint-​Père : Très Saint-​Père, j’ai per­du la foi dans les mi­racles, car pour croire, il ne faut pas voir. Mais des miracles (dus à l’intronisation) j’en vois tous les jours. Comme miracle, on peut citer la gué­ri­son sou­daine du Père Matéo lui-​même, qui souf­frait d’une grave lésion au cœur. Le méde­cin lui décla­ra que sa lésion était mor­telle, qu’il avait encore deux mois à vivre. Il se ren­dit à Paray-​le-​Monial pour obte­nir la grâce d’une bonne mort ; il en revint com­plètement guéri !

Pour en savoir plus sur cette dévo­tion, on lira avec pro­fit la revue Marchons droit n°149, L’intronisation du Sacré Cœur dans les familles, par mon­sieur l’abbé Delagneau. Notre confrère écrit : Que pou­vons-​nous faire en ces temps où le divin Roi est chas­sé de par­tout, exi­lé ? Nous devons nous pla­cer spé­cia­le­ment sous son sceptre et le conso­ler par une vie chré­tienne exem­plaire, une répa­ra­tion habi­tuelle de tous ces outrages, et une supplica­tion auprès du Père éter­nel pour que chaque homme, chaque fa­mille de notre pays et les autori­tés de ce royaume hier très chré­tien, se remettent sous la hou­lette du Roi des rois. [.] Envi­sagez donc cette intro­ni­sa­tion, non pas comme une dévo­tion pri­vée, mais bien plus comme un enga­ge­ment dans le com­bat sur­naturel pour le règne de Notre Seigneur, en com­men­çant par votre foyer. »

Réfléchissons à cette dévo­tion : elle per­met d’aimer Dieu en retour, mais aus­si de répa­rer l’ingratitude de beau­coup trop d’âmes.

Source : Lou Pescadou n° 211