La foi

C’est incon­tour­nable, et aucune autre solu­tion n’a jamais été trou­vée : il faut pra­ti­quer. C’est le seul moyen de la com­prendre, de la par­ler et d’en décou­vrir les sub­ti­li­tés. Vous l’aurez bien com­pris, c’est d’une langue étran­gère dont il s’agit, et la maî­tri­ser avec aisance ne peut s’acquérir autre­ment, au risque de mal s’exprimer ou tout sim­ple­ment de ne pou­voir com­mu­ni­quer. Et son appren­tis­sage ne se fait qu’à force de se fami­lia­ri­ser avec son voca­bu­laire, sa gram­maire, son accent, et ses charmes. Tout comme la ver­tu de foi, qui après avoir été infu­sée dans notre âme par Dieu doit croître pour illu­mi­ner tou­jours davan­tage notre intel­li­gence, pour diri­ger ensuite notre volon­té. Fides ex audi­tu, se plaît à dire saint Paul, nous enjoi­gnant d’ouvrir nos oreilles à cette parole divine que l’on reçoit des suc­ces­seurs des Apôtres.

Nécessité de la vertu de foi

Il s’agit pour nous de rece­voir la foi, de la com­prendre, et de la mettre en pra­tique. Alors pour­quoi n’en serait-​il pas de même que pour l’apprentissage d’une langue étran­gère, pour lequelles nous savons mettre toutes nos éner­gies quand il s’agit d’y trou­ver un inté­rêt maté­riel ? Sans la foi, il est impos­sible de plaire à Dieu, et finale-​ment faute de lui plaire, nous ne par­ta­ge­rons pas son bon­heur pour lequel nous avons été créés et auquel la foi nous donne déjà en par­tie accès.La ver­tu théo­lo­gale de foi est un juge­ment que nous por­tons sur Dieu Lui-​même. Grâce à une connais­sance cer­ti­fiée par une auto­ri­té, on juge de l’existence de Dieu, ce Dieu qui est Trinité. Dieu est objet et motif de la foi. La dif­fi­cul­té se mesure à la hau­teur de l’objet de connais­sance : nous attei­gnons réel­le­ment Dieu tel qu’Il est, mais dans l’obscurité, en énigme. C’est comme entendre une conver­sa­tion de loin, sans voir ceux qui conversent. Voyons si nous pou­vons tendre l’oreille, pour connaître plus dis­tinc­te­ment ce qu’il se dit. Comment procéder ?

Faire croître notre foi

Tout d’abord, le don de la foi est une lumière qui a pour pre­mier office d’éclairer l’esprit, de l’élever pour le mettre au niveau de son objet, ce qui se fait par l’intermédiaire des articles de foi. Et de quoi sont faits ces articles ? de mots réunis dans l’ordre logique d’une phrase. Ces mots ne sont pas inven­tés, ils sont pui­sés dans le don­né révé­lé par Dieu et trans­mis par la Tradition. Pour com­prendre ces articles, il faut en connaître le voca­bu­laire, celui que l’on trouve dans la Sainte Écriture, Parole de Dieu révé­lée aux hommes pour leur ins­truc­tion et leur sanc­ti­fi­ca­tion. La meilleure façon consiste à fré­quen­ter sou­vent notre Bible, nous impré­gner des Évangiles, des Psaumes : nous y décou­vri­rons le plan de Dieu, son amour pour la créa­ture. Voilà notre livre de voca­bu­laire pour apprendre cette langue qui nous est peu familière.Apprendre du voca­bu­laire sans la gram­maire ni la syn­taxe ne per­met pas de construire des phrases et par là d’exprimer nos idées. C’est ce que serait la Bible sans le Magistère de l’Église qui a pour rôle d’interpréter et d’ordonner en articles les mys­tères qui sont pro­po­sés à notre croyance. Cette gram­maire, ce sont les règles d’interprétation pour lier les mots entre eux. On la trouve dans les déci­sions dog­ma­tiques, les ency­cliques, les décrets que l’Église sous la motion du Saint-​Esprit pro­mulgue de telle sorte que notre foi reste adé­quate à la réa­li­té que nous pro­fes­sons. Tout cela est résu­mé dans le caté­chisme. Petite gram­maire de poche. C’est l’erreur des pro­tes­tants de nier le rôle de l’Église pour gui­der notre foi et la pré­ser­ver de toute erreur. Chacun per­son­nel­le­ment est cen­sé don­ner un sens aux paroles de l’Écriture. Et de même que dans la gram­maire il y a des excep­tions qui n’invalident pas la règle, l’Église mani­feste les règles de droit divin et éclaire ces excep­tions. En veut-​on un exemple ? le cin­quième com­man­de­ment : tu ne tue­ras pas. Or l’Église ne s’est jamais oppo­sée à la peine de mort des meur­triers, ou au droit du sol­dat de défendre sa patrie au prix de la vie de son enne­mi. Y‑a-​t-​il contra­dic­tion ? non pas le moins du monde, mais l’Église expli­cite une véri­té impli­cite : tu ne tue­ras pas, sous-​entendu l’innocent, celui qui a le droit de conser­ver la vie. Il est néces­saire d’avoir une auto­ri­té en mesure (parce que divine) de pré­ci­ser le sens des mots et leur por­tée, tout comme l’Académie fran­çaise a été ins­ti­tuée pour faire auto­ri­té dans le domaine de la langue. Pour pal­lier l’évolution séman­tique d’une langue, l’Église a fixé son lan­gage dans la langue latine pour lui assu­rer toute la sta­bi­li­té que requiert l’objet même de notre foi : Dieu immuable.

Professer notre foi

Une langue étran­gère s’exprime, se parle. Et la par­ler sans le bon accent pro­voque ou le ridi­cule ou l’incompréhension. Tout comme notre foi qui s’exprime, tant de façon pri­vée que de façon publique, soit pour com­mu­ni­quer, soit pour l’approfondir. Cette expres­sion de la foi trouve son achè­ve­ment dans la prière, d’abord publique, litur­gique : celle de l’Église elle-​même. Là elle engage sa pru­dence et sa pro­messe d’efficacité. Parmi toutes ses prières, celle qui est au som­met c’est le Saint Sacrifice de la Messe au cours duquel est renou­ve­lé le Sacrifice du Calvaire. Les lec­tures de la Sainte Écriture se trouvent comme enche­vê­trées dans cet écrin qui leur donne tout leur sens. On ne peut com­prendre les pro­phé­ties de l’Ancien Testament sans recon­naître Notre-​Seigneur, on ne peut mettre en pra­tique les conseils évan­gé­liques sans la grâce qui découle de la croix. Tout est lié, et on peut dire en cela que la foi est une, bien qu’elle nous soit pré­sen­tée sous forme d’articles en rai­son d’une dif­fi­cul­té spé­ciale. C’est pré­ci­sé­ment ce que nous pré­sente le Credo, qui est l’achèvement com­plet de ce que l’on connaît par la foi. On ne trouve aucune révé­la­tion plus com­plète. Il n’y a pas d’au-delà, sinon la vision, celle-​là même qui exclut la foi. Et la prière publique doit être sous-​tendue par notre dévo­tion per­son­nelle. Celle-​ci est elle-​même nour­rie par des auteurs spi­ri­tuels sûrs. Saint Pie X rap­pe­lait que la dévo­tion mariale doit être fon­dée sur le dogme, pari­ter pour les dévo­tions des autres saints. Cela nous prémuni-​ra de tom­ber dans la sen­si­bi­li­té moder­niste qui en fai­sant du sen­ti­ment reli­gieux le motif de la foi, nous empêche d’atteindre objec­ti­ve­ment Dieu, puisque nous nous en construi­sons un selon notre guise. Qui sont donc ces auteurs sûrs ? Ceux qui avaient le sou­ci de croître dans la vie spi­ri­tuelle, et qui pour cela vivaient sous la motion du Saint-​Esprit. Par le don d’intelligence, nous péné­trons à l’intime de ce que notre foi pro­pose, et le contact sur­na­tu­rel de ces réa­li­tés pro­voque une joie, celle de l’intellect qui pos­sède dans une cer­taine mesure son objet, son bien. Rappelons-​nous les dis­ciples d’Emmaüs qui tout en igno­rant que c’était avec le Christ qu’il mar­chaient « étaient ardent en l’écoutant ».

Enfin, cette connais­sance des véri­tés de foi aidée par le don d’intelligence, nous amène à pro­fes­ser. C’est l’effet, le résul­tat ou la récom­pense de l’apprentissage d’une langue : la par­ler. À tel point que la pro­fes­sion de la foi fait par­tie des devoirs du chré­tien : « C’est en confes­sant de bouche que l’on est sau­vé », nous enseigne saint Paul. Puisque l’Église est visible notre appar­te­nance à l’Église doit l’être aus­si, il y aurait déshon­neur pour le dis­ciple à rou­gir du maître, et pro­fes­ser sa foi c’est aus­si l’affermir.

Une méthode efficace

Alors puisque l’immersion dans le mys­tère n’est pas pos­sible sur cette terre et est incom­pa­tible avec la foi, y a‑t-​il une méthode acces­sible et effi­cace (je ne dis pas facile, car rien n’est fai­sable sans un cer­tain effort) pour apprendre ce lan­gage de la foi et péné­trer dans le mys­tère ? Le Bon Dieu ne nous aurait pas lais­sés dému­nis pour par­ve­nir à la fin qu’il a jugé bonne pour nous : l’Église catho­lique ce n’est pas l’après Babel… Il y a une méthode miracle, une méthode Assimil, la meilleure pour s’assimiler le mys­tère, c’est la pra­tique du Rosaire, moyen facile d’inculquer et faire péné­trer les prin­ci­paux dogmes de notre foi chré­tienne. L’efficacité, cette méthode la tient de nature où l’intelligence et la mémoire éclai­rées par la foi vont avec goût à ces mys­tères. Les dizaines nous per­mettent de gra­vir cha­cun des mys­tères par les degrés que sont les Ave Maria. Remède à nos dis­trac­tions, à la fai­blesse de notre intel­li­gence, cette prière mariale « fixe l’attention de l’esprit et fait sor­tir le cœur de son apa­thie, fait naître une contri­tion salu­taire et élève l’âme à Dieu ». Avec plus de force, plus de vigueur, nous pou­vons et devons à notre tour deve­nir apôtres, c’est-à-dire dépo­si­taires de la parole divine et relais de trans­mis­sion, tout comme le pro­phète Ézéchiel : « Fils de l’homme, repais ton ventre et rem­plis tes entrailles de ce livre que je te donne. Je le man­geai et il fut dans ma bouche doux comme le miel »

Abbé Stanislas Morin, prieu­ré de Meylan (38)

Sources : Le bachais /​La Porte Latine du 05 mars 2020