Les Psaumes : une prière efficace en ce temps d’épidémie

La période de confi­ne­ment peut être l’occasion de décou­vrir le Psautier. Cette prière fait mieux connaître Dieu et notam­ment sa jus­tice et sa misé­ri­corde. Elle montre les étapes à fran­chir pour par­ve­nir à une vraie conver­sion et atti­rer sur notre pays et sur l’Église les grâces divines. Elle donne enfin des repères pour gar­der la séré­ni­té au milieu de l’épreuve que nous tra­ver­sons. Loin de cher­cher à être exhaus­tif tant les exemples abondent, je vou­drais me conten­ter d’appliquer quelques ver­sets du Psautier à la situa­tion présente.

La justice divine et la miséricorde

Dieu est juste. Voilà pour­quoi au der­nier jour, « il ren­dra à cha­cun selon ses œuvres » Ps 61,13. En atten­dant, les péchés des hommes l’irritent et attirent sur le monde le fléau de sa colère. Le Psalmiste se deman­dait : « Qui connaît la puis­sance de votre colère, [mon Dieu] ? com­bien votre colère est redou­table, qui le com­prend ? » Ps 89, 11 Lorsque le Psalmiste parle de la colère de Dieu, il n’entend pas qu’il y aurait des pas­sions en Dieu, mais que le bon Dieu punit les méchants qui ne reviennent pas à lui.

Certains psaumes rap­pellent l’histoire du peuple élu et mettent en valeur d’un côté les béné­dic­tions divines et de l’autre l’ingratitude d’Israël envers son Dieu et les justes châ­ti­ments qui en ont décou­lé. C’est le cas notam­ment du psaume 105. Je ne men­tionne pas les infi­dé­li­tés du peuple en détails pour en arri­ver à la fin du psaume qui rap­porte l’attitude de Dieu devant tant de péchés et sa réac­tion lorsque le peuple finit par recon­naître ses torts : « Leurs enne­mis les tour­men­tèrent, et ils furent humi­liés sous leurs mains. Souvent Dieu les déli­vra ; mais ils l’irritèrent par leurs des­seins, et ils furent humi­liés par leurs ini­qui­tés. Et il les vit dans leur détresse, et il écou­ta leur prière. Il se sou­vint de son alliance, et il se repen­tit selon la gran­deur de sa misé­ri­corde, et il fit d’eux un objet de sa misé­ri­corde, à la vue de ceux qui les avaient asser­vis. » Ps 105, 43–46 Dans le psaume 106, le Psalmiste éta­blit à nou­veau le lien entre la faute et la peine : « Dieu les a reti­rés de la voie de leur ini­qui­té ; car ils avaient été humi­liés à cause de leurs injus­tices. » Ps 106, 17 La réac­tion de Dieu devant les péchés d’Israël au temps de Moïse se retrouve tout au long de l’histoire du peuple élu. En témoigne la pro­messe de Dieu faite à David de le bénir ain­si que ses des­cen­dants tant qu’ils lui seront fidèles et de les punir s’ils violent sa Loi comme cela est consi­gné dans le psaume 88.

Bénédictions divines, ingratitude des hommes

Le sur­vol de l’attitude de Dieu à l’égard de son peuple dans l’Ancien Testament est très éclai­rant pour dis­cer­ner la péda­go­gie divine et com­prendre les évé­ne­ments actuels. Sans ren­trer dans les détails, com­ment ne pas voir que les dévia­tions doc­tri­nales et morales de beau­coup d’hommes d’Église jusque dans sa hié­rar­chie jointes aux lois immo­rales pro­mul­guées dans tant de pays du globe ne peuvent qu’attirer sur notre pauvre monde un juste châ­ti­ment divin. Et nous-​mêmes hélas ! sommes-​nous vrai­ment fidèles aux grâces immenses reçues sans mérite de notre part ? Comment ne pas voir que nous aus­si, nous avons irri­té le bon Dieu par notre conduite cou­pable et atti­ré sur nous sa juste colère !

Supplier Dieu qu’il nous fasse miséricorde

Aussi, convient-​il de le sup­plier d’avoir pitié de nous afin qu’il nous fasse misé­ri­corde. Car si Dieu est infi­ni­ment juste, il est éga­le­ment infi­ni­ment misé­ri­cor­dieux. Beaucoup de psaumes le pro­clament. Ainsi, le psaume 102 ren­ferme ces paroles si conso­lantes : « Le Seigneur est com­pa­tis­sant et misé­ri­cor­dieux, patient et très misé­ri­cor­dieux. Il ne s’irritera pas per­pé­tuel­le­ment, et ne mena­ce­ra pas sans fin. Il ne nous a pas trai­tés selon nos péchés et il ne nous a pas punis selon nos ini­qui­tés. Car autant le ciel est éle­vé au-​dessus de la terre, autant il a affer­mi sa misé­ri­corde sur ceux qui le craignent. » Ps 102, 8–11 Le Psalmiste indique comme condi­tion pour béné­fi­cier de la misé­ri­corde divine de craindre Dieu. La crainte de Dieu implique, avec la recon­nais­sance de son exis­tence, la révé­rence que l’on doit avoir à son égard. Ceci est très bien expri­mé dans la col­lecte de la messe en temps d’épidémie : « Ô Dieu qui dési­rez non pas la mort, mais le repen­tir des pécheurs, regar­dez avec bon­té votre peuple qui revient à vous et, puisqu’il se montre dévot à votre égard, dai­gnez détour­ner de lui avec clé­mence les fléaux de votre colère. Par Jésus-​Christ. » Dans cette col­lecte, on s’appuie sur les bonnes dis­po­si­tions du peuple catho­lique pour béné­fi­cier de la misé­ri­corde divine.

Les étapes d’une vraie conversion

Puisque la cause du coro­na­vi­rus qui sévit actuel­le­ment, ce sont les péchés des hommes, il importe que nos pays jadis catho­liques se conver­tissent et reviennent à Jésus-​Christ qui est l’unique Sauveur. En atten­dant ce retour des Nations à Jésus-​Christ, que cha­cun d’entre nous fasse à son niveau son mea culpa, recon­naisse ses fautes et pro­fite de cette période de confi­ne­ment pour se conver­tir vrai­ment. Notre-​Seigneur n’a‑t-il pas dit à Pierre qui pour­tant le sui­vait déjà depuis un cer­tain temps, « quand tu seras conver­tis, affer­mis tes frères. » (Lc 22, 32) Plus nous serons saints, plus nous pour­rons faire de bien autour de nous. Aussi, pre­nons conscience des dif­fé­rentes étapes à fran­chir pour par­ve­nir à un chan­ge­ment de vie qui soit vrai­ment agréable à Dieu.

La pre­mière dis­po­si­tion à culti­ver consiste en la recon­nais­sance de sa misère. Le saint Roi David le recon­nais­sait : « Pour moi, disait-​il, je suis pauvre et indi­gent ; mais le Seigneur prend soin de moi. Vous êtes mon aide et mon pro­tec­teur. Mon Dieu, ne tar­dez pas. » Ps 39, 18 Dieu donne sa grâce aux humbles. Plus nous serons petits à nos propres yeux, plus le bon Dieu pour­ra agir en nous et exau­cer nos prières. À la recon­nais­sance de sa misère, il est néces­saire de joindre la confiance en la misé­ri­corde divine.

Le Psalmiste a bien conscience de la néces­si­té de la contri­tion pour tou­cher le cœur de Dieu puisqu’il fait cette prière : « Le sacri­fice aimé de Dieu, c’est un esprit bri­sé ; vous ne mépri­se­rez pas, ô Dieu, un cœur contrit et humi­lié. » Ps 50, 19 La contri­tion implique l’aveu de ses fautes : « Nous avons péché avec nos pères, s’écrie David, nous avons agi injus­te­ment, nous avons com­mis l’iniquité. » Ps 105, 6 On peut appli­quer ce ver­set à nos péchés per­son­nels mais aus­si aux péchés publics des nations et notam­ment à l’apostasie ain­si qu’aux désordres moraux qui en ont résulté.

David décrit éga­le­ment les effets d’une bonne confes­sion dans le psaume Miserere. « Rendez-​moi la joie de votre salut, et affermissez-​moi par un esprit géné­reux. J’enseignerai vos voies aux méchants, et les impies se conver­ti­ront à vous. » Ps 50, 12 et 14–15 Un esprit droit, géné­reux, un cœur pur source de joie, un grand zèle mis­sion­naire, voi­là les effets mer­veilleux d’une bonne confession.

Pour res­ter fidèle à Dieu, il est encore néces­saire de conser­ver le sou­ve­nir de ses fautes, ce que les auteurs spi­ri­tuels appellent la com­ponc­tion. Le saint roi David l’exprime ain­si : « Je lave­rai toutes les nuits mon lit de mes pleurs ; j’arroserai ma couche de mes larmes. » Ps 6, 7 Saint Jean Chrysostome de com­men­ter : « David ne se contente pas de pleu­rer une fois ses fautes, toute sa vie s’est écou­lée dans la pra­tique de la péni­tence. Imitons son repen­tir ; si nous refu­sons de pleu­rer nos fautes ici-​bas, force sera de les pleu­rer dans l’autre vie, mais sans aucune uti­li­té, tan­dis qu’ici-bas nos larmes sont fécondes en fruits de salut1. »

L’éloignement des occa­sions pro­chaines de péché est encore l’un des fruits les plus effi­caces d’une bonne confes­sion. Le Psalmiste en a conscience quand il écrit : « Éloignez-​vous de moi, vous tous qui com­met­tez l’iniquité, car le Seigneur a exau­cé la voix de mes larmes. » Ps 6, 9. Saint Jean Chrysostome pour­suit ain­si ses réflexions : « Notre‑Seigneur nous l’enseigne lorsqu’il dit : « Si votre œil vous scan­da­lise, arrachez-​le ; si votre main est pour vous un sujet de scan­dale, coupez‑la… » (Mt 5, 29‑30). Ici, David ne veut pas par­ler des membres de notre corps, mais de nos amis les plus intimes. Donc, il nous faut sacri­fier l’amitié lorsque loin d’être utile, elle devient nui­sible à nos amis aus­si bien qu’à nous‑mêmes. Fidèle à ce com­man­de­ment salu­taire, non seule­ment David ne recher­chait pas de tels amis, mais il leur com­man­dait de s’éloigner de lui2. »

En période de confi­ne­ment, pen­sons à faire des actes de contri­tion par­faite c’est-à-dire de contri­tion par amour de Dieu pour recou­vrer l’état de grâce si on l’a per­du en atten­dant de pou­voir nous confesser.

Les secrets de la sérénité en temps d’épidémie

Un cli­mat pesant tra­verse le monde actuel­le­ment. Un vent de panique touche une par­tie de nos contem­po­rains devant l’extension du virus et l’incapacité actuelle de l’endiguer rapi­de­ment. Afin de ne pas som­brer dans la déprime ou la perte de sang-​froid, réfugions-​nous près du bon Dieu et fai­sons preuve dans le com­bat à mener d’une foi sans faille, d’une espé­rance ferme et d’une force invin­cible en atten­dant l’heure de la délivrance.

Une foi sans faille et une espérance ferme

Souvent au moment de l’épreuve, le bon Dieu semble se cacher. Pourtant, il reste bien pré­sent en nous, même si nous ne le sen­tons pas. C’est ain­si que Dieu dans un oracle dit : « Je suis avec lui [le juste] dans la tri­bu­la­tion, je le déli­vre­rai et le glo­ri­fie­rai. » Ps 90, 15. Dieu nous déli­vre­ra de tout mal à l’heure de la mort et nous glo­ri­fie­ra au Ciel si nous sommes fidèles. En atten­dant, il est avec nous dans l’épreuve. Soyons-​en persuadés !

Le Psalmiste sen­tant le trouble enva­hir son âme recourt à une prière ardente. « Pourquoi es-​tu triste, mon âme ? Et pour­quoi me troubles-​tu ? Espère en Dieu, car je le loue­rai encore, lui, le salut de mon visage, et mon Dieu. » Ps 41, 6 Saint Augustin com­mente ain­si ce pas­sage : « Je suis trou­blé en moi, je suis apai­sé en Dieu. » L’espérance est une ver­tu théo­lo­gale qui nous aide à sor­tir de nous-​mêmes et à nous réfu­gier en Dieu qui est notre Maître et notre doux Sauveur. À l’imitation du Psalmiste, ne lais­sons pas le trouble enva­hir notre âme, à moins qu’il ne s’agisse d’un trouble salu­taire qui nous per­mette de nous réveiller de notre assou­pis­se­ment spi­ri­tuel et de reve­nir de tout notre cœur vers Dieu notre Père.

Une force invincible

La pra­tique de la force sup­pose la capa­ci­té de sur­mon­ter la crainte3. Au sens géné­ral, la crainte est une émo­tion qui nous porte à fuir devant un mal. La crainte démo­bi­lise et nous fait perdre notre éner­gie. Un des remèdes à la crainte consiste à bien vivre l’instant pré­sent. Aussi, n’amplifions pas les dif­fi­cul­tés pré­sentes en anti­ci­pant déme­su­ré­ment sur celles qui pour­raient nous arri­ver plus tard que ce soit au plan de la san­té ou au point de vue finan­cier. Pour domi­ner la crainte, le Psalmiste recourt à Dieu. Le psaume 45 est un exemple frap­pant de la séré­ni­té qu’il conserve pour faire face aux épreuves dont il est mena­cé : « Dieu est notre refuge et notre force, notre secours dans les tri­bu­la­tions qui nous ont trop sai­sis. C’est pour­quoi nous ne crain­drons point quand la terre sera ébran­lée et que les mon­tagnes seront trans­por­tées au cœur de la mer. » Ps 45, 2–3 La déter­mi­na­tion du Psalmiste à demeu­rer ferme au milieu des attaques à venir, pro­met­tant de n’espérer qu’en Dieu, ne peut être qu’agréable à Dieu.

Suivons donc à notre tour l’exhortation virile de David : « Agissez avec cou­rage, et que votre cœur s’affermisse, vous tous qui espé­rez dans le Seigneur. » Ps 30, 25

Une prière ardente

David demande constam­ment à Dieu de le sou­te­nir. Au début du psaume 69, il s’écrie : « Ô Dieu, venez à mon aide ; Seigneur, hâtez-​vous de me secou­rir ! » Ps 69, 2 Voilà une belle orai­son jacu­la­toire que l’on peut réci­ter tout au long de nos jour­nées ! On peut la dire pour nous-​mêmes mais aus­si pour tous les malades atteints du COVID-​19 et si nous-​mêmes, nous sommes per­son­nel­le­ment atteints, deman­dons la grâce de pra­ti­quer la sainte rési­gna­tion dans l’esprit de saint Ignace de Loyola et de saint François de Sales.

La délivrance et l’action de grâces

Le fruit de l’espérance est la déli­vrance du mal à l’heure choi­sie par Dieu. David s’exclame : « Le Seigneur a exau­cé ma sup­pli­ca­tion, le Seigneur a exau­cé ma sup­pli­ca­tion, le Seigneur a agréé ma prière. » Ps 6, 10

Une fois déli­vrés des maux qui nous touchent et de ceux qui nous menacent, n’oublions pas à notre tour de remer­cier le bon Dieu en sui­vant l’exemple du Psalmiste : « Que rendrai-​je au Seigneur pour tous les biens qu’il m’a faits ? Je pren­drai le calice du salut, et j’invoquerai le nom du Seigneur. » Ps 115, 12–13 Ce ver­set a été choi­si par l’Église pour être réci­té par le prêtre juste après qu’il a consom­mé la sainte hos­tie. Le célé­brant remer­cie Dieu en pro­met­tant de prendre le calice du salut qui contient le pré­cieux sang de Notre-​Seigneur. Ce calice du salut implique l’acceptation des épreuves nou­velles que le bon Dieu nous enver­ra pour faire notre salut.

Ainsi, une lec­ture atten­tive du Psautier aide à mieux sai­sir le plan de Dieu. Elle fait prendre conscience de la jus­tice divine qui ne laisse pas le péché impu­ni, de sa misé­ri­corde qui per­met les fléaux pour ame­ner l’homme à se repen­tir de ses désordres et lui per­mettre de retrou­ver dans sa vie le sens des prio­ri­tés. Elle fait voir la néces­si­té d’une vraie conver­sion pour tou­cher le cœur de Dieu et fait connaître les dis­po­si­tions à culti­ver pour gar­der la séré­ni­té au milieu de l’adversité en atten­dant l’heure si atten­due de la délivrance.

Abbé Patrick Troadec, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X (prieu­ré de Brest)

Sources : La Porte Latine du 5 avril 2020

  1. Saint Jean Chrysostome, Œuvres com­plètes, Vivès, 1867, p. 628. []
  2. Saint Jean Chrysostome, Œuvres com­plètes, Vivès, 1867, pp. 629–630. []
  3. Saint Thomas d’Aquin, Somme théo­lo­gique, II II, q 125, a 1. []