24 octobre 2010 à Lourdes – Sermon écrit de M. l’abbé Bouchacourt



M. l’abbé Bouchacourt, Supérieur du District d’Amérique du Sud

« Pénitence, pénitence, pénitence !
Priez pour les pécheurs,
allez baiser la terre en pénitence pour les pécheurs ! »

Au nom du Père & du Fils & du Saint Esprit.

Ces quelques mots que la Vierge Marie pro­non­ça lors de la 8e appa­ri­tion le 24 février 1858, résonnent à Lourdes depuis plus de 150 ans et consti­tuent l’essentiel du mes­sage que la Mère de Dieu a vou­lu nous trans­mettre par l’intermédiaire de Sainte Bernadette, petite ber­gère de 14 ans qu’elle visi­ta 18 fois. Quelle péni­tence, désire-​telle que nous fas­sions ? Quelles dis­po­si­tions devons-​nous avoir ? Comment la pra­ti­quer ? Comment pouvons-​nous répondre à cet appel angois­sé et insis­tant de Immaculée Conception ?

Mes frères, on ne peut répondre à toutes ces ques­tions sans contem­pler quelques ins­tants la Vierge Marie répon­dant à l’invitation de l’ange Gabriel le jour de l’Annonciation. Alors que celui-​ci lui deman­dait si elle accep­tait de deve­nir la Mère de Dieu, la Vierge Marie lui répon­dit : « fiat mihi secun­dum ver­bum tuum » « qu’il me soit fait selon votre parole ». Par cette réponse, Notre Dame posait un acte héroïque de cha­ri­té car celle qui allait deve­nir la Mère de Dieu connais­sait par­fai­te­ment les Ecritures, et savait ce qu’il advien­drait au Fils de Dieu dont elle allait deve­nir la Mère. En pro­non­çant son « fiat » elle accep­tait donc par anti­ci­pa­tion toutes les souf­frances, toutes les épreuves qu’il lui fau­drait endu­rer pour cor­res­pondre à la volon­té de Dieu. Ce « fiat » fut l’acte de cha­ri­té le plus par­fait qu’aucune créa­ture n’a jamais posé et ne pose­ra jamais plus jusqu’à la fin des temps. Elle le fit par amour pour Dieu et par amour pour nous. Dès cet ins­tant com­men­çait sa mis­sion de Corédemptrice.

Mes Frères, Dieu à aus­si un plan sur cha­cun d’entre nous et Il nous demande d’y cor­res­pondre. Mais quel est-​il donc ce plan ? C’est la sain­te­té ; « soyez par­fait comme votre Père céleste est par­fait ». Ces quelques mots résument tout l’Evangile. Un tel idéal ne sau­rait être atteint sans la grâce que Jésus Christ nous méri­ta au Calvaire. Et com­ment cor­res­pondre à ce plan de sain­te­té ? En por­tant notre croix ! Cette croix que le prêtre tra­ça sur nous 14 fois le jour de notre bap­tême et qu’il répète chaque fois que nous venons rece­voir un sacre­ment. Cette croix qu’il nous faut por­ter chaque jour dans la fidé­li­té à notre devoir d’état, dans l’acceptation des épreuves qui peuvent nous tou­cher en union avec le Christ souf­frant por­tant la sienne. 

Mes frères ce lan­gage est abs­cond et révol­tant pour celui qui n’a pas la foi, il est au contraire por­teur d’espérance pour nous parce qu’il est l’écho des paroles de notre Seigneur Jésus Christ : « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-​même, qu’il se charge de sa croix et qu’il me suive. ». Nous sommes les dis­ciples de Jésus-​Christ. C’est en por­tant la Croix que le Sauveur nous a rache­tés, c’est en por­tant la nôtre que nous coopè­re­rons à notre salut et à celui des pauvres pécheurs. C’est là notre prin­ci­pale péni­tence. C’est celle-​ci que Notre Dame est venue nous deman­der ici à Lourdes.

La croix, mes frères, peut être une cause de salut ou de scan­dale. Regardez le Calvaire il y en avait trois. Celle de Notre Seigneur Jésus-​Christ qui nous sau­va, et deux autres. Celle du bon lar­ron qui, parce qu’il accep­ta d’y être sus­pen­du pour répa­rer ses péchés, fut l’instrument de son salut et celle du mau­vais lar­ron qui fut sté­rile parce qu’il la refu­sa. Dieu ne s’impose pas, il veut notre libre coopération.

Cette croix, il est vrai peut être lourde. Nous pou­vons ne pas en com­prendre le sens. Elle nous écrase peut-​être même. Elle prend divers aspects : la mala­die, le deuil, des peines ou des com­bats inté­rieurs, des sou­cis fami­liaux qui nous minent, la perte d’un tra­vail, la perte de la foi chez un ou plu­sieurs membres de notre famille. Aussi sommes-​nous venus à Lourdes deman­der à Notre Dame de nous gué­rir de ces épreuves ou de nous aider à les por­ter en esprit de péni­tence comme elle nous l’a demandé.

Mes Frères, pour que notre demande soit agréable à Dieu, il nous faut pro­non­cer au préa­lable un petit mot qui peut-​être bien dif­fi­cile à for­mu­ler mais que le Bon Dieu attend de notre part, ce petit mot, c’est « fiat ». « Cette croix, mon Dieu, je ne la com­prends pas, mais je l’accepte, si telle est votre volon­té ». Ceci fait, nous pou­vons prier avec confiance Notre Dame. Cet acte d’humilité et de confiance, rap­pelle à Dieu les dis­po­si­tions de la Vierge Marie le jour de l’Annonciation.

Mes frères, la croix est le sty­let que NSJC uti­lise pour cise­ler une âme et l’unir à Lui. Ecoutez ce que disait dom Guillerand, char­treux : « La souf­france est un che­min qui débouche sur le bon­heur. En route on ne voit rien que la souf­france ; elle fait ombre de tous côtés. A peine, à tra­vers le mou­ve­ment des branches noires qui bordent le che­min, quand un coup de vent les agite ou quand la lumière est très vive, à peine devine-​t-​on que le grand soleil illu­mine toutes choses et qu’on le on trou­ve­ra au bout du parcours. 

Jésus a vou­lu cela pour Lui et sa mère, et après eux pour tous ceux qui vou­dront venir à leur suite. Il a vou­lu le par­cours, il a vou­lu la foi qui sou­tient en le fai­sant, il a vou­lu le terme qui paye l’effort et récon­forte dans la route (…)

La souf­france est un vou­loir divin : l’âme qui l’accepte avec amour s’unit à ce vou­loir, ne fait plus qu’un avec Celui dont le vou­loir c’est l’Être ». Voilà pour­quoi Dieu veut notre fiat comme préa­lable à nos prières de demande. 

Porter notre croix quo­ti­dienne est la prin­ci­pale péni­tence que Notre Seigneur nous demande par la voix de sa sainte Mère. La croix est d’autant plus féconde, qu’elle n’est pas choi­sie et qu’elle est por­tée par une âme qui aime Dieu. Par elle nous expions, nous répa­rons nos péchés, nous conso­lons les saints Cœurs de Jésus et de Marie et nous méri­tons enfin les grâces que Dieu veut nous don­ner pour nous même et ceux qui en ont le plus besoin. 

Comme le disais le grand Cardinal Pie, « un chré­tien qui souffre, c’est Jésus qui souffre encore dans les membres de son corps, et qui achève ain­si son œuvre de rédemp­tion. Aussi dans la balance divine, un mar­tyr pèse plus qu’un héros » Le pre­mier meurt par amour pour Dieu infi­ni, l’autre pour la gloire éphé­mère. Cet amour de Dieu, allons le recou­vrer si nous l’avons per­due, en fai­sant une bonne confession. 

Mes frères, si jusqu’à pré­sent Dieu a paru être sourd à nos prières, deman­dons nous si ce n’est parce que nous n’avons pas encore pro­non­cé ce petit mot si dif­fi­cile : « fiat » Une croix se porte ! Sans ce « fiat » nous la trai­nons en fai­sant du bruit par nos plaintes. Elle est alors stérile. 

Le silence de Dieu peut s’expliquer aus­si d’une autre façon. C’est le grand Bossuet qui nous le dit : « Lorsque Dieu veut qu’une œuvre soit toute de sa main, il réduit tout à l’impuissance et au néant, puis il agit ». C’est sûre­ment pour cette rai­son que Dieu se tait aujourd’hui alors que nous le sup­plions de sau­ver la Chrétienté en péril. Il veut que nous por­tions avec constance nos croix, cha­cun à notre poste. Il voit dans cette fidé­li­té, l’image de son Fils gra­vis­sant le Golgotha et alors comme aux temps de la Passion, alors que tout sem­blait per­du et déses­pé­ré, sa toute puis­sance se mani­fes­te­ra de façon écla­tante comme au jour de Pâques. Dans la vie du chré­tien, le Golgotha est un point de pas­sage obli­gé pour par­ve­nir à la béa­ti­tude du Ciel.

Rappelez-​vous ces paroles de la Vierge Marie à Sainte Bernadette lors de la 3ème appa­ri­tion le 18 février : « Je ne vous pro­mets pas de vous rendre heu­reuse en ce monde mais dans l’autre » Ces paroles l’aidèrent à por­ter les nom­breuses croix qui l’accablèrent durant sa courte vie. Ces paroles s’adressent aus­si à nous. Les âmes, le Ciel se conquièrent et ils coûtent chers ! Mais quelle récom­pense dans l’éternité ! Le prix à payer : c’est la croix, les croix de chaque jour.

Certes les épreuves peuvent nous faire chu­ter, nous bles­ser même gra­ve­ment. Courage ! Avec la grâce de Dieu relevons-​nous comme le fit le Christ durant sa Passion et repar­tons à la conquête de notre âme et des âmes. Ecoutons ces paroles pleines d’espérance de saint Jean Chrysosthome : « Tant qu’un sol­dat reste dans la mêlée, même s’il est bles­sé ou recule un peu, per­sonne n’est assez dur ou assez igno­rant des choses de la guerre pour lui en faire un grand crime. Ceux-​là seuls ne sont jamais bles­sés qui ne com­battent jamais. Ceux qui se lancent avec ardeur contre l’ennemi sont le plus sou­vent frappés ».

Mes frères dans la tour­mente que la socié­té et l’Eglise tra­versent, Notre Seigneur Jésus Christ cherche des amis pour l’aider à por­ter la croix. Son choix se porte sur ceux qui dési­rent le suivre comme nous ici pré­sents. Il est bien nor­mal que cela nous coûte comme cela a coû­té à Simon de Cyrène lorsqu’il a été réqui­si­tion­né pour aider le Sauveur à por­ter la sienne. Il n’était pas vrai­ment volon­taire, mais la vision du visage ensan­glan­té de Jésus, sa sou­mis­sion, son silence ont vain­cu ses réti­cences. C’est sûre­ment à ce moment là qu’il a méri­té la conver­sion d’Alexandre et Rufus, ses deux fils, dont il est ques­tion dans l’Evangile selon saint Marc. En ces temps trou­blés, les Cœurs de Jésus et de Marie cherchent des Simon de Cyrène pour sau­ver le monde et les âmes. C’est le sens de ces paroles : « Pénitence, Pénitence, Pénitence » !

Quelque soit notre âge et notre condi­tion, nous pou­vons être ces coopé­ra­teurs que Notre Seigneur et de Notre Dame cherchent. A la fin de sa vie, alors qu’elle était ali­tée, la Mère Supérieur de Nevers dit à Sainte Bernadette sur le ton de la bou­tade : « alors encore au lit petite pares­seuse ! » Et Sœur Marie Bernard de répondre avec un ton enjoué : « mais ma Mère, dans une hor­loge il y a des aiguilles et des poids. Sans les poids, les aiguilles ne pour­raient cou­rir sur le cadran. Et bien je rem­plis mon rôle de poids, j’offre mes souf­frances pour que les aiguilles aient la force d’avancer » Dans l’Eglise ceux qui souffrent méritent pour ceux qui sont expo­sés dans l’apostolat. C’est la gran­deur de la com­mu­nion des Saints. Ayons foi en cette véri­té que nous pro­cla­mons dans le sym­bole des apôtres. Nous en ver­rons le résul­tat dans l’éternité.

Nous appren­drons, enfin, à por­ter la croix et à gran­dir dans l’esprit de péni­tence en assis­tant à la Sainte Messe qui per­pé­tue le sacri­fice de Notre Seigneur sur la croix et qui, pour cette rai­son, est la source la plus féconde de sain­te­té. A cela joi­gnons la réci­ta­tion de notre cha­pe­let. Ce cha­pe­let que tenait dans ses mains Notre Dame à cha­cune de ces appa­ri­tions et qui nous fait contem­pler la vie de Notre Seigneur et de sa Sainte Mère. Ainsi nous répon­drons à l’appel de l’Immaculée Conception, ain­si nous méri­te­rons la grâce en ce monde, pour nous même, nos proches et les pauvres pécheurs récon­for­tés par la pro­messe qu’un jour Dieu nous récom­pen­se­ra éter­nel­le­ment comme le dit si bien saint Paul : « Oui, la légère tri­bu­la­tion d’un moment nous pré­pare, bien au-​delà de toute mesure, une masse éter­nelle de gloire. Aussi bien ne regardons-​nous pas aux choses visibles, mais aux invi­sibles ; les choses visibles en effet n’ont qu’un temps, les invi­sibles sont éter­nelles ».
Répondons donc avec géné­ro­si­té à l’appel de Notre Dame, por­tons nos croix avec confiance, redi­sons chaque jour au Bon

Dieu que nous accep­tons sa volon­té en pro­non­çant nos petits « fiat » quo­ti­diens. Ainsi, cha­cun à notre place nous contri­bue­rons ici-​bas à l’extension du règne des Cœurs de Jésus et de Marie, espé­rant que Dieu nous en don­ne­ra la récom­pense au ciel. 

Amen !

Abbé Christian Bouchacourt

FSSPX Second assistant général

Né en 1959 à Strasbourg, M. l’ab­bé Bouchacourt a exer­cé son minis­tère comme curé de Saint Nicolas du Chardonnet puis supé­rieur du District d’Amérique du Sud (où il a connu le car­di­nal Bergoglio, futur pape François) et supé­rieur du District de France. Il a enfin été nom­mé Second Assistant Général lors du cha­pitre élec­tif de 2018.