Sermon de l’abbé de Cacqueray à Saint-​Malo – La 3e croisade du Rosaire

Le 15 août 2009

Au Nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, Ainsi soit il.

Chers confrères,
Mes bien chers frères,

Au cœur de l’été, à l’occasion de ce grand ras­sem­ble­ment pour la fête de l’Assomption de la très Sainte Vierge Marie, il est sans doute utile de nous encou­ra­ger les uns les autres à ne pas mol­lir dans notre par­ti­ci­pa­tion à la troi­sième croi­sade du Rosaire en vue d’obtenir du pape Benoît XVI la consé­cra­tion de la Russie au Cœur Douloureux et Immaculé de Marie selon la demande qu’Elle a faite auprès de Lucie de Fatima.

Nous vou­drions mon­trer aujourd’hui que l’acte de la consé­cra­tion de la Russie consti­tue un enjeu déci­sif, non pas seule­ment d’un point de vue poli­tique, en rai­son du reten­tis­se­ment que la conver­sion d’un si grand pays ne man­que­rait pas d’avoir sur le monde entier, mais éga­le­ment pour le dénoue­ment de la crise de l’Eglise elle-même.

Si les trois grandes erreurs du Concile Vatican II sont bien la liber­té reli­gieuse, le faux œcu­mé­nisme et la col­lé­gia­li­té, il est cer­tain que cet acte posé confor­mé­ment à ce que demande la Sainte Vierge serait à lui seul un camou­flet déci­sif qui serait por­té contre ces doc­trines per­ni­cieuses que l’Eglise se trouve dans la néces­si­té de reje­ter de son sein comme l’organisme doit reje­ter des corps étran­gers mor­ti­fères qui se sont intro­duits en lui.

C’est ce que nous vou­drions briè­ve­ment expli­quer. Cette consé­cra­tion d’un pays en tant que pays s’oppose à la concep­tion pro­mue par le Concile de la neu­tra­li­té des états par rap­port à l’Eglise. Si l’intention de la prière est celle de la conver­sion de la Russie, c’est qu’elle estime la néces­si­té de la conver­sion des ortho­doxes au Catholicisme et non pas que les ortho­doxes, là où ils se trouvent, sont par­ve­nus à la foi telle que Jésus-​Christ veut que nous la gar­dions et que nous la conser­vions. Enfin, la consé­cra­tion oblige le pape à pro­non­cer un ordre pour tous les évêques du monde entier, celui de s’unir à lui pour pro­non­cer cette consé­cra­tion. Mais que le pape adresse aux évêques un ordre est deve­nu la chose la plus mal­ai­sée et la plus rare qui soit en rai­son de l’esprit issu de la doc­trine « collégialiste ».

La consécration d’un pays à la Vierge Marie, en tant que tel, est à l’opposé de l’esprit de la liberté religieuse tel qu’il ressort de la déclaration sur la liberté religieuse :

Pour que l’on puisse dire d’un pays qu’il est catho­lique, il ne faut pas seule­ment que la majo­ri­té des citoyens de ce pays soient catho­liques, il ne faut pas non plus seule­ment que l’exercice de la reli­gion catho­lique soit auto­ri­sé libre­ment et sans aucune res­tric­tion sur un ter­ri­toire don­né. Ce n’est pas encore suf­fi­sant, pour qu’un pays soit dit catho­lique, que ses gou­ver­nants le soient et donnent l’exemple, dans leur vie pri­vée, d’une pra­tique de leurs devoirs religieux.

Pour qu’un pays puisse vrai­ment être dit catho­lique, il est néces­saire que le gou­ver­ne­ment, la tête de ce pays, recon­naisse offi­ciel­le­ment la reli­gion catho­lique comme la seule reli­gion vraie, le recon­naisse dans sa consti­tu­tion, rende un culte public au vrai Dieu et favo­rise le culte du vrai Dieu et ne tolère les autres qu’autant que la vraie pru­dence le demande.

La consé­cra­tion d’un pays à Jésus-​Christ ou à la Sainte Vierge Marie est un acte qui vient expri­mer et cou­ron­ner ce gou­ver­ne­ment vrai­ment catho­lique d’un pays par le don spé­cial qui est fait de ce pays à Jésus-​Christ ou à sa divine Mère ou plu­tôt par la recon­nais­sance que c’est bien le Christ et sa Mère qui sont le roi et la reine de ce pays. C’est ain­si qu’il faut com­prendre le vœu de Louis XIII que nous renou­ve­lons en cette fête.

Il est cer­tain qu’un tel acte est un véri­table enga­ge­ment qui va signi­fier de la part des gou­ver­nants une poli­tique vrai­ment chré­tienne de pro­mo­tion du Catholicisme et de résis­tance au déve­lop­pe­ment des héré­sies et des fausses religions.

La consé­cra­tion que la Sainte Vierge demande au pape ne peut pas donc pas man­quer d’amener, à terme, que ce soient effec­ti­ve­ment une telle consti­tu­tion catho­lique du pays qui soit don­née à la Russie et une poli­tique vrai­ment catho­lique qui soit menée.

Mais, une telle concep­tion de ce que doit être un état catho­lique a été bat­tue en brèche par le Concile Vatican II qui élève au nom de prin­cipe basé sur la digni­té de l’homme qu’il ne puisse, même en public, être res­treint dans la mani­fes­ta­tion de sa reli­gion si celle-​ci est fausse.

La grande reven­di­ca­tion du Concile est celle de la pro­cla­ma­tion de la liber­té reli­gieuse dans les consti­tu­tions, et non plus la volon­té de la royau­té sociale et poli­tique de Notre Seigneur. Tandis que la consé­cra­tion vraie de la Russie, celle qui amè­ne­ra sa conver­sion, sera véri­table et pro­fonde. Ce sera donc néces­sai­re­ment un pays où les droits de Notre Seigneur et de sa sainte Mère seront proclamés.

La consécration de la Russie, pierre dans le jardin du faux œcuménisme.

Le concile Vatican II a pro­mu un nou­veau regard sur les reli­gions chré­tiennes autres que le Catholicisme. Au nom d’un nou­vel œcu­mé­nisme, ces autres reli­gions ont été saluées comme pou­vant aus­si conduire au Salut Eternel, même si elles sont vic­times de défi­ciences. A l’égard de l’orthodoxie, la confu­sion des paroles qui ont été tenues par Rome et conti­nuent de l’être jusqu’à aujourd’hui est d’une gra­vi­té extrême. Au lieu d’affirmer encore l’existence de la gra­vi­té du schisme ortho­doxe et de la néces­si­té pour les peuples enfon­cés dans la dis­si­dence de l’orthodoxie où le schisme est accom­pa­gné de l’hérésie, il leur a été tenu un dis­cours ambi­gu où il appa­raît que les catho­liques et les ortho­doxes ont à tra­vailler en com­mun pour fabri­quer une uni­té à venir : « Si au cours des siècles, des diver­gences, sou­vent très graves, entre les chré­tiens d’Orient et d’Occident ont affai­bli le témoi­gnage de l’unique Eglise du Christ, aujourd’hui le repen­tir et le désir de l’union habitent leurs cœurs ; Nous avons aujourd’hui une nou­velle preuve que Dieu a pitié de nous…A l’Eglise Catholique et à l’Eglise ortho­doxe a été accor­dée la grâce de se recon­naître à nou­veau Eglises sœurs et de mar­cher ensemble vers la pleine com­mu­nion. » Discours du pape Jean-​Paul II lors de la venue du patriarche Dimitrios Iier à Rome du 3 au 7 décembre 1987.

On voit com­ment un tel dis­cours s’oppose aux mises en garde que le pape Pie XII avit pro­non­cées sur le mou­ve­ment œcu­mé­nique : « On évi­te­ra de par­ler sur ce point d’une manière telle que, en reve­nant à l’Eglise, ils s’imaginent appor­ter à celle-​ci un élé­ment essen­tiel qui lui aurait man­qué jusqu’ici. Il faut leur dire ces choses clai­re­ment et sans ambi­guï­té, d’abord parce qu’ils cherchent la véri­té, ensuite parce que, en dehors de la véri­té, il ne pour­ra jamais y avoir d’union véri­table. » Pie XII dans son ins­truc­tion du 20 décembre 1949 sur le mou­ve­ment œcuménique.

Malheureusement, sous le pon­ti­fi­cat de Benoît XVI, c’est tou­jours bien ce même dis­cours faus­sé qui pré­do­mine comme on l’a vu notam­ment avec le docu­ment publié le 10 juillet 2007, sous la signa­ture du Cardinal Levada, pré­fet de la Congrégation pour la doc­trine de la foi où il cherche à mon­trer que les églises ortho­doxes sépa­rées méritent d’être éga­le­ment appe­lées du nom d’ « églises par­ti­cu­lières » et « églises sœurs des Eglises par­ti­cu­lières catho­liques. »

Si la très Sainte Vierge Marie demande la Russie, ce n’e peut être nul­le­ment une conver­sion à l’orthodoxie, à ce schisme deve­nu héré­sie qui prive ses adeptes des dogmes de l’Immaculé Conception ou de l’Assomption. Notre Dame veut que ces peuples reviennent à la seule reli­gion qui puisse appor­ter le Salut et qui est la reli­gion catho­lique, seule en pos­ses­sion de t out le Dépôt Révélé.

Le seul fait que Notre Dame demande de prier pour la conver­sion de la Russie (majo­ri­tai­re­ment ortho­doxe en 1917) nous mani­feste qu’Elle ne se conten­te­ra aujourd’hui de leur retour de l’athéisme vers ce même schisme.

L’ordre à tous les évêques de prononcer cette consécration : à l’opposé de la collégialité :

L’une des grandes insis­tances de la très Sainte Vierge est que le texte de la consé­cra­tion de la Russie ne soit pas seule­ment pro­non­cé par le pape mais que le pape demande à tous les évêques du monde entier de le pro­non­cer avec lui. Et cette condi­tion, étant don­né qu’elle est expli­cite, est telle qu’elle est néces­saire pour être conforme à la demande de la Sainte Vierge. Si cette demande montre évi­dem­ment toute l’ampleur que doit revê­tir cet acte de consé­cra­tion et le prix que Notre Dame attache à cet acte de foi qui doit être pro­non­cé par tous les princes de l’Eglise, il sup­pose que le pape donne un ordre et un ordre cer­tai­ne­ment par­ti­cu­liè­re­ment dif­fi­cile à donner.

En effet, qui se mon­tre­ra heu­reux d’une telle déci­sion du pape ? Nous cer­tai­ne­ment qui menons cette croi­sade pour l’obtenir. Quelques groupes et quelques prêtres dans le monde qui n’ont pas oublié la demande de la Sainte Vierge et cherchent encore à pro­mou­voir ce mes­sage. Peut-​être quelques évêques qui, dans le secret de leur cœur, sou­haitent aus­si que la demande de la Sainte Vierge soit enfin accomplie.

Mais, le monde et l’église conci­liaire, tels Pilate et Hérode, vont s’unir sinon comme jamais pour expri­mer que ce geste est à la fois gro­tesque, sur­an­né, ter­ri­ble­ment mal­adroit, signe d’un pié­tisme et d’une mario­lâ­trie affli­geante. Vous n’avez pas de mal à ima­gi­ner la cas­cade de fureur, de mépris et de hargne qui accom­pa­gne­ra une telle déci­sion du pape.

Pour lui, il devra poser un ordre : deman­der aux évêques de s’unir à lui pour faire cette consé­cra­tion alors que les évêques ne man­que­ront pas de consi­dé­rer cet ordre comme débile et que beau­coup risquent de ne pas obéir.

Un tel ordre qui serait don­né sor­ti­rait le pape de la para­ly­sie dans lequel le tient la doc­trine de la col­lé­gia­li­té et le poids des confé­rences épis­co­pales. Il ne lais­se­rait pas le choix, il s’adresserait direc­te­ment à chaque évêque du monde entier. Ce serait un signe indu­bi­table don­né dans le mode entier qu’Il est le pape, véri­table monarque dans l’Eglise Catholique et que, dans la mesure où ce qu’il demande ne va évi­dem­ment pas contre la foi et les mœurs, cha­cun est tenu à l’obéissance. Peu importe alors que les confé­rences épis­co­pales jugent cet ordre comme inutile, désuet, nui­sible : le pape l’aura don­né. Les cœurs se mani­fes­te­ront aus­si, selon que les évêques obéi­ront ou n’obéiront pas.

Conclusion

Lorsque notre Supérieur Général a annon­cé qu’il deman­dait cette troi­sième croi­sade et qu’il lui a don­né une ampleur par­ti­cu­lière par le temps sur lequel elle allait s’étendre et le nombre de cha­pe­lets qu’il deman­dait pour cou­ron­ner Notre Dame, cer­tains ont pu en être éton­nés. Ils auraient trou­vé plus adé­quat de faire prier pour les dis­cus­sions doc­tri­nales dont on sait les enjeux déter­mi­nants qui sont tout sim­ple­ment la fin de la crise de l’Eglise puisque la crise de l’Eglise est une crise de la Foi.

Il est tout à fait pos­sible qu’après cette troi­sième croi­sade, il nous en demande une qua­trième pour le triomphe de la véri­té au cours de ces conver­sa­tions. Cependant, il nous semble qu’à tra­vers le choix qu’il a fait de l’intention de la consé­cra­tion de la Russie que, mine de rien, il nous a déjà pla­cés au cœur de ces discussions.

Que cha­cun com­prenne bien l’importance cru­ciale de ces grandes cam­pagnes de prières et, à l’occasion de cette fête de l’Assomption réaf­firme, prenne ou reprenne sa réso­lu­tion d’une grande et pro­fonde prière mariale accom­pa­gnée de nom­breux et géné­reux sacri­fices au cours de cette période à venir.

Ainsi-​soit-​il.

Abbé Régis de Cacqueray

Capucin de Morgon

Le Père Joseph fut ancien­ne­ment l’ab­bé Régis de Cacqueray-​Valménier, FSSPX. Il a été ordon­né dans la FSSPX en 1992 et a exer­cé la charge de Supérieur du District de France durant deux fois six années de 2002 à 2014. Il quitte son poste avec l’ac­cord de ses supé­rieurs le 15 août 2014 pour prendre le che­min du cloître au Couvent Saint François de Morgon.