vers 675

Saint Aygulf

Né à Blois vers 630, et mort vers 675.

Saint Aygulphe (Ayoul, Ayou, Aygulf ou Aïgou) est né à Blois, sous le roi Dagobert 1er qui régna de 622 à 638, de parents modestes mais pieux qui, l’ayant reçu après une longue attente, le consa­crèrent à Dieu.

Titillé par la luxure, il jeûne et assiste plus assi­dû­ment aux offices reli­gieux. Ayant enten­du que saint Liébaut, céno­bite de Saint-​Aignan, avait fon­dé une abbaye béné­dic­tine à Fleury, en Orléanais, il y entra et y vécut quelques années en reli­gieux très dévot par ses veilles, ses jeûnes et ses prières sous l’abbatiat de saint Mummol.

Vers 657, saint Mummol, ins­pi­ré par une révé­la­tion, demande au roi Clovis II l’aval pour envoyer Aygulf prendre les reliques de saint Benoît((Décédé en 545.)) au Mont-​Cassin, cette abbaye ayant été aban­don­née depuis le pillage de 585 per­pé­tré par les Lombards((Selon la pro­phé­tie de saint Benoît : Tout ce monas­tère que j’ai construit, tout ce que j’ai pré­pa­ré pour les frères, par un juge­ment du Dieu tout-​puissant, a été livré aux païens. C’est tout juste si j’ai pu obte­nir de Dieu que, de ce lieu, les vies du moins des frères me fussent accor­dées.)). Saint Béraire, évêque du Mans, ins­pi­ré par une sem­blable révé­la­tion, envoie des hommes rejoindre Aygulf, pour récu­pé­rer aus­si les reliques de sainte Scholastique((Sœur de saint Benoît, son corps gisait auprès du sien.)). Ce serait Aygulf qui aurait eu révé­la­tion en arri­vant sur les ruines du Mont-​Cassin du lieu de cette double sépul­ture. Il empor­ta au moins une par­tie des reliques de ces deux saints. Entretemps, le pape St Vitalien, apprit par révé­la­tion la réa­li­té de cette expé­di­tion qu’il jugea sacri­lège, et envoya des sol­dats à leur pour­suite. Les pieux voleurs, aver­tis par révé­la­tion, pressent le pas et gagnent la France. St Vitalien écri­vit à Clovis II qu’il excom­mu­niait Mummol et Aygulf, pour avoir vio­lé la tombe de saint Benoît, jusqu’à ce que les reliques soient rap­por­tées à Rome.

Cette trans­la­tion des reliques don­na lieu à la gué­ri­son de deux aveugles, à deux résur­rec­tions, etc… Aussi, la reine sainte Bathilde, deve­nue Régente des Francs de Neustrie, pour son fils Clotaire III, plai­da la cause des béné­dic­tins de Floirac auprès du pape, lequel leva les cen­sures. Le Mans rece­vait les reliques de sainte Scholastique, et l’abbaye de Floirac, rece­vant celles du Patriarche béné­dic­tin, se dépla­ce­ra à quelques lieues de là, pour for­mer l’abbaye de St-​Benoît-​sur-​Loire, centre de nou­veaux pèlerinages.

La renom­mée d’Aygulf gagna la Cour, et jusqu’au monas­tère de Lérins où le relâ­che­ment avait sui­vi les dépré­da­tions opé­rées par les Goths et les Lombards, voire celles des pre­mières incur­sions sarrasines((Les Sarrasins enva­hi­ront la Corse et la Sardaigne en 669.)). Des céno­bites de Lérins lui demandent de deve­nir leur Abbé. Il refuse et sug­gère qu’ils élisent un des leurs, âgé, qui connaisse leurs cou­tumes. Ils insis­tèrent auprès de sainte Bathilde, et Aigulphe céda à la demande géné­rale vers 661.

Abbé de Lérins, il rap­pe­la les moines qui s’en étaient éloi­gnés. Il rem­pla­ça la règle de saint Honorat par celle de saint Benoît.

Saint Aigulphe fit venir Angadrême((A dis­tin­guer de sa contem­po­raine, sainte Angadrême, patronne de Beauvais.)), vierge de Blois, et l’installa abbesse d’un refuge au lieu-​dit Arluc, aujourd’hui Saint-​Cassien((Au milieu de l’actuel aéro­port de Cannes-​Mandelieu. Là, un sien pré­dé­ces­seur, saint Nazaire, avaitdéjà édi­fié une église dédiée à St-​Etienne et un couvent de reli­gieuses, puis ceux-​ci tom­bèrent en ruine jusqu’à l’abbatiat de S. Aygulphe.)), à deux milles des îles de Lérins, sur les bords de la Siagne.

Il for­ma de 666 à 668 un anglais à la vie béné­dic­tine : saint Benoît Biscop Baducing.

Cependant, deux moines, Arcadus et Colombus, ins­pi­rés par le diable, fomen­taient une contes­ta­tion gran­dis­sante contre l’Abbé, lequel réus­sit à cal­mer leur révolte. L’année écou­lée, ils com­plo­tèrent de nou­veau et en vinrent aux mains ; l’Abbé et ses quelques céno­bites fidèles se réfu­gièrent dans l’église St-​Jean-​Baptiste, d’où il exhor­ta les félons à se rai­son­ner. Les félons ne vou­lurent rien entendre, et, aidés par le prince-​évêque d’Uzès qui les avait rejoints, embar­quèrent manu mili­ta­ri l’Abbé et ses dis­ciples, vers l’île de Capri.

Au cours de la tra­ver­sée, ils leur cou­pèrent la langue et arra­chèrent les yeux, mais Dieu leur fit la faveur de par­ler sans langue pour lui adres­ser leurs louanges. A Capri, ils furent empri­son­nés dans un lieu où ils virent l’apparition conso­lante de saint Michel Archange. Là, on cou­pa les bras d’Aygulphe, puis on les déca­pi­ta tous, c’est-à-dire Aygulphe, Truchaire, Frugence et leurs com­pa­gnons, excep­té un der­nier, Briconnius, qui réus­sit à s’échapper et à rejoindre Lérins annon­cer ce mar­tyre au nou­vel Abbé, Prigonius.

Les corps des mar­tyrs furent rapa­triés à Lérins en 675 sous l’Abbé Rigomir. Une part notable des reliques fut empor­tée par quatre moines lors d’une escar­mouche sar­ra­sine, et fut cachée, après moult vicis­si­tudes, à Provins en 845, à l’abri des Normands… et y furent décou­vertes en 996 à l’occasion d’une gué­ri­son miraculeuse.

Plusieurs cha­pelles furent dédiées à Saint Aygulf sur les côtes pro­ven­çales, dont une, anté­rieure à 1043 mais aujourd’hui détruite, près de la Pointe St-​Michel sur l’actuelle com­mune de Saint-​Aygulf, où les Roquebrunois allaient en pro­ces­sion tous les pre­miers jeu­dis de sep­tembre pour deman­der la pluie au saint : ils étaient très sou­vent exau­cés jusqu’à ce que les pro­ces­sions furent inter­dites en 1905. Le 5 sep­tembre 1982, le RP Guy Christen les ré-initie.

Abbé L. Serres-Ponthieu