Le futur synode à l’ombre du Verseau

Le pro­chain Synode aura lieu en octobre, en Amazonie, et les contours s’en des­sinent petit à petit. Lundi 17 juin der­nier a été dévoi­lé l’Instrumentum labo­ris du synode, c’est-à-dire en quelque sorte la feuille de route de celui-​ci. On reste pan­tois devant ce docu­ment, au point de se deman­der si ce qu’on lit est vrai­ment la pro­duc­tion d’esprits ecclé­sias­tiques. On a beau­coup noté l’idée selon laquelle le synode devra étu­dier la pos­si­bi­li­té d’ordonner prêtre des hommes d’âge mûr déjà mariés. Nous lais­sons de côté cet aspect qui a déjà été abon­dam­ment com­men­té et qui sus­ci­te­ra d’autres ana­lyses le moment venu.

Mais on a beau­coup moins remar­qué que lan­gage uti­li­sé et les thèmes abor­dés dans ce docu­ment romain sont par moment tout droit issus de la pen­sée du Nouvel âge, ou « New Age ». Ce vaste mou­ve­ment d’ensemble très hété­ro­clite est enra­ci­né phi­lo­so­phi­que­ment dans la Société théo­so­phique d’Helena Blavatsky,qui en a posé les fon­de­ments idéo­lo­giques au XIXe siècle et en assure tou­jours la direc­tion loin­taine. Il s’est popu­la­ri­sé à par­tir des années 60, d’abord aux Etats-​Unis puis dans le monde entier, recou­vrant des domaines très dis­pa­rates. Le Nouvel Âge est à la morale et à la reli­gion ce que le mon­dia­lisme est à la poli­tique : il pré­tend uni­fier spi­ri­tuel­le­ment l’humanité et la conduire à une ère nou­velle de bon­heur, d’harmonie spi­ri­tuelle et de paix, appe­lé âge du Verseau. Pour ce faire, le Nouvel Âge fait la pro­mo­tion de tech­niques occultes (astro­lo­gie, voyance, spi­ri­tisme, manie­ments d’énergies et de forces incon­nues), de psy­cho­tech­niques et… d’écologisme. Arnaud de Lassus, dans sa bro­chure « Connaissance élé­men­taire du Nouvel Âge » (édi­tions de l’Action fami­liale et sco­laire) remar­quait déjà que l’écologisme est bien une des trois carac­té­ris­tiques du Nouvel Âge, et d’ailleurs la plus visible en France. De fait les mou­ve­ments « New Age » reven­diquent sou­vent une façon très par­ti­cu­lière de voir l’univers : celui-​ci est vu au mini­mum comme une per­sonne à part entière qui pense, qui sent et qui souffre, et au plus comme une divi­ni­té. Le très auto­ri­sé Guide du Nouvel Âge (édi­tions de l’Âge du Verseau, Paris, 1990) déclare par exemple p. 37 : « La pla­nète a besoin d’une pro­fonde prise de conscience indi­vi­duelle. Le mou­ve­ment Nouvel Âge qui pense la terre – Gaïa – comme un orga­nisme vivant, peut faire beau­coup pour la conscience écologique. »

Dans la pen­sée du Nouvel Âge, la terre est donc conçue comme un unique être vivant. Cette idée dérive direc­te­ment du pan­théisme, doc­trine pro­fes­sée expli­ci­te­ment par les grands esprits pro­mo­teurs du Nouvel Âge, selon laquelle Dieu et l’univers se confondent et ne font qu’un. Ainsi, dans la pen­sée « New Age », il s’agit pour l’homme de décou­vrir la divi­ni­té qui est lui, de se mettre en har­mo­nie et en réson­nance avec les forces cos­miques et spi­ri­tuelles de l’univers, afin de par­ve­nir au bon­heur suprême.

Or l’Instrumentum labo­ris du pro­chain synode en Amazonie res­semble à s’y méprendre à un docu­ment rédi­gé par des tenants de la doc­trine du Nouvel Âge. En voi­ci quelques cita­tions [1] :
« 12. (Il s’a­git de vivre en) « har­mo­nie avec soi-​même, avec la nature, avec les êtres humains et avec l’être suprême, puis­qu’il y a une inter­com­mu­ni­ca­tion entre tout le cos­mos, où il n’y a ni excluant ni exclu, où nous puis­sions tous for­ger un pro­jet de pleine vie.
13. Une telle com­pré­hen­sion de la vie se carac­té­rise par la connec­ti­vi­té et l’har­mo­nie des rela­tions entre l’eau, le ter­ri­toire et la nature, la vie com­mu­nau­taire et la culture, Dieu et les dif­fé­rentes forces spirituelles. »

Plus stu­pé­fiant encore est la cita­tion des indi­gènes d’Amazonie au numé­ro 17 du docu­ment :
17. « Nous, indi­gènes de Guaviare (Colombie) sommes-​faisons (sic) par­tie de la nature parce que nous sommes eau, air, terre et vie du milieu ambiant créé par Dieu. C’est pour­quoi, nous deman­dons que cessent les mau­vais trai­te­ments et l’ex­ter­mi­na­tion de la Terre Mère. La terre a du sang et elle se vide de son sang, les mul­ti­na­tio­nales ont cou­pé les veines de notre Terre Mère. »
On pour­rait dif­fi­ci­le­ment expri­mer plus clai­re­ment la doc­trine pan­théiste, insé­pa­rable du Nouvel-Âge.

Par ailleurs le docu­ment ne rechigne pas à décrire posi­ti­ve­ment les pra­tiques païennes en Amazonie :
« 25. La vie des com­mu­nau­tés ama­zo­niennes qui n’ont pas encore été affec­tées par l’in­fluence de la civi­li­sa­tion occi­den­tale, se reflète dans la croyance et dans les rites concer­nant l’ac­tion des esprits, de la divi­ni­té – que l’on nomme de nom­breuses manières – avec et dans le ter­ri­toire, avec la nature et en rela­tion avec elle. Cette cos­mo­vi­sion se résume dans le man­tra de François : « Tout est lié. » » Le terme de man­tra, qui est une for­mule incan­ta­toire uti­li­sée dans l’hindouisme, est ici révé­la­teur et sur­tout épous­tou­flant dans un docu­ment romain.

On pour­rait mul­ti­plier les cita­tions qui prouvent l’imprégnation des doc­trines du Nouvel Âge dans le docu­ment, et nous n’ajouterons que celle-​ci :
« 75. C’est dans les familles que pal­pite la cos­mo­vi­vance (…) En défi­ni­tive, c’est dans la famille qu’on apprend à vivre en har­mo­nie : entre peuples, entre géné­ra­tions, avec la nature, en dia­logue avec les esprits. » Le dia­logue avec les esprits s’appelle le spi­ri­tisme, et il est une pra­tique chère au Nouvel-Âge.

Bientôt 60 ans après le Concile Vatican II, il semble que les esprits romains s’égarent dans des doc­trines tou­jours plus éloi­gnées de l’unique doc­trine catho­lique… mais tou­jours dans la conti­nui­té de l’héritage conci­liaire. Héritage que le docu­ment exprime d’ailleurs clai­re­ment au n°30 :

« Se confirme ain­si un che­mi­ne­ment qui a com­men­cé avec le concile Vatican II pour toute l’Eglise. (…) La diver­si­té ori­gi­nelle qu’offre la région de l’Amazonie – bio­lo­gique, reli­gieux et cultu­rel – évoque une nou­velle Pentecôte. »

Ce futur synode se place donc réso­lu­ment dans la dyna­mique du Nouvel Âge et s’annonce sur de nom­breux points comme une nou­velle étape majeure de la révo­lu­tion conci­liaire. L’esprit qui y sera répan­du sera bien dif­fé­rent de l’Esprit Saint mani­fes­té lors de l’unique et véri­table Pentecôte… pour le plus grand détri­ment de l’Eglise.

Abbé G. Scarcella, FSSPX

Notes de bas de page

  1. Les cita­tions sont extraites de la tra­duc­tion du blog de Jeanne Smits.[]