Négociations entre le Vatican et la FSSPX

Par Michael J. Matt, édi­teur de The Remnant – Merci de nous accor­der de votre temps pour nous entre­te­nir des négo­cia­tions entre le Vatican et la FSSPX qui auront sans aucun doute des reten­tis­se­ments pour l’Église et en réa­li­té pour le monde entier éga­le­ment, c’est du reste pour­quoi elles repré­sentent un inté­rêt majeur pour The Remnant.

Avant toute chose, je sou­hai­te­rais rap­pe­ler que j’ai été confir­mé par Mgr Lefebvre et que je me sou­viens de lui avec le plus pro­fond res­pect ; par ailleurs ce n’est un secret pour per­sonne que The Remnant a éga­le­ment sou­te­nu la Fraternité Saint Pierre, l’Institut du Christ-​Roi ain­si que les autres com­mu­nau­tés Ecclesia Dei, convain­cu que selon les plans de la Providence divine il y avait besoin de deux fronts pour conser­ver la Tradition Catholique. Nous ne nous sommes pas trom­pés, pour­tant s’il n’y avait pas eu Mgr [NDLR de LPL : Mgr Lefebvre] et la Fraternité Saint Pie X, le mou­ve­ment Catholique tra­di­tion­nel serait pro­ba­ble­ment tou­jours dans des cha­pelles en sous-​sol et dans des salles de confé­rences d’hô­tel telles que je me les rap­pelle de quand j’é­tais enfant. Aussi, même ceux d’entre nous qui ne sont pas des adhé­rents for­mels à la FSSPX recon­naissent cer­tai­ne­ment le rôle cen­tral que la FSSPX a joué, tant dans la contre-​révolution que dans la res­tau­ra­tion Catholique véri­table. Je vous suis donc recon­nais­sant de m’ac­cor­der cette oppor­tu­ni­té de vous deman­der quelques éclair­cis­se­ments, qui, je l’es­père, sau­ront dis­si­per cer­taines rumeurs et sou­la­ger chez cer­tains Catholiques les pré­oc­cu­pa­tions dont ils nous ont fait part au cours de ces der­nières semaines concer­nant les dif­fé­rents aspects de ce sujet.

Tout d’a­bord, pouvez-​vous faire une mise à jour pour nos lec­teurs sur le point actuel des négo­cia­tions entre la FSSPX et le Vatican ?

Nous sommes aujourd’­hui dans une phase d’at­tente. Au cours de ces deux der­nières années, des dis­cus­sions doc­tri­nales ont eu lieu entre les experts de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et ceux de la FSSPX. Et même si les dis­cus­sions sont res­tées confi­den­tielles, ce n’est pas un secret que les deux posi­tions ne sont pas par­ve­nues à se réconcilier.

Il reste tou­jours un désac­cord sur les ques­tions doc­tri­nales ; cepen­dant, il est évident que la Congrégation pour la Doctrine de la Foi n’a trou­vé chez nous aucune posi­tion qui soit non-​catholique. Malgré ce désac­cord, il s’a­vère que le Saint Père sou­haite accor­der un sta­tut cano­nique à la FSSPX. Il y a quelques semaines, Son Excellence Mgr Fellay a envoyé une décla­ra­tion doc­tri­nale à Rome. Nous atten­dons main­te­nant la réponse de Rome.

Qu’est-​ce que cela signi­fie­rait si la FSSPX rece­vait une pré­la­ture personnelle ? 

La FSSPX a été éri­gée en 1970. Ses sta­tuts ont été approu­vés par l’é­vêque local, et même accla­més par le Cardinal Wright en 1971. Puis sont inter­ve­nues les deux condam­na­tions de 1976 et 1988. À cause de désac­cords cano­niques et pour des rai­sons doc­tri­nales nous avons tou­jours sou­te­nu que la sup­pres­sion de la FSSPX n’é­tait pas valide et que la FSSPX est tou­jours une branche de l’Église catho­lique. À cet égard, une pré­la­ture per­son­nelle ne repré­sen­te­ra pas pour nous une nais­sance, comme une nou­velle famille dans l’Église, mais nous don­ne­ra plus de visi­bi­li­té. Autrement dit, cela ne chan­ge­ra pas beau­coup le fond des choses, mais en appa­rence, si.

Une pré­la­ture per­son­nelle est une ins­ti­tu­tion diri­gée par un pré­lat. Une pré­la­ture est comme un dio­cèse, sauf qu’elle n’a pas de fron­tières ter­ri­to­riales. La juri­dic­tion du Supérieur concerne les per­sonnes, le cler­gé, les reli­gieux et les laïcs, où qu’ils soient. Il semble donc qu’il existe une pos­si­bi­li­té pour la FSSPX, qui nous per­met­trait de res­ter tels que nous sommes tout en conti­nuant à grandir.

Dans ce cas, est-​ce que les mai­sons reli­gieuses qui sont actuel­le­ment affi­liées à la FSSPX – telles que les Bénédictins, les Dominicains, etc.–seraient elles aus­si inclues sous cette pré­la­ture personnelle ? 

Je ne sou­haite pas entrer dans les détails de la pré­la­ture, dans la mesure où nous de dis­po­sons pas encore de tous les faits. Nombreux sont ceux qui font toutes sortes des com­men­taires sur la ques­tion, mais la réa­li­té c’est que l’on ne dis­pose pas encore de tous les détails concer­nant cette éven­tua­li­té. ne sont pas encore sor­tis. Nous allons devoir faire pra­ti­quer la ver­tu de patience et attendre.

Cependant, sur ce point spé­ci­fique dont vous par­lez, il ne devrait pas y avoir de dif­fi­cul­tés pour les autres com­mu­nau­tés reli­gieuses affi­liées à la FSSPX. Je sais que cette ques­tion est une des pré­oc­cu­pa­tions de Mgr Fellay.

Dans la mesure où les condi­tions pour l’é­ta­blis­se­ment de ce type de pré­la­ture per­son­nelle n’ont pas encore été conve­nues, est-​ce que l’on ne peut pas dire à juste titre que les négo­cia­tions sont encore en cours, et même que l’af­faire n’est pas encore terminée ?

L’histoire de la FSSPX est là pour nous rap­pe­ler que nous devons être pru­dents et patients. Tout le monde se rap­pelle ce qui s’est pas­sé en 1987–1988, avec la visite du Cardinal Gagnon. À titre d’a­nec­dote, je vous dirai que j’ai fait mes pre­miers vœux dans la FSSPX le 8 décembre 1987, par les mains de Mgr Lefebvre, avec le Cardinal Gagnon qui assis­tait à la céré­mo­nie du haut de son trône. Et puis il y a eu la décla­ra­tion doc­tri­nale du pro­to­cole du 5 mai 1988, et c’é­tait une affaire réglée ! Or Mgr Marcel Lefebvre a rétrac­té sa signa­ture le len­de­main parce que Rome ne don­nait pas de date pré­cise pour les consé­cra­tions épiscopales.

En prin­cipe Mgr Lefebvre n’a pas été oppo­sé à un accord pra­tique, mais il fal­lait qu’il soit « pra­tique ». Aujourd’hui comme en 1988, nous avons besoin de quelques condi­tions pra­tiques réelles qui ren­dront pos­sible le tra­vail de Tradition.

Dans ce cas, que pen­ser des grandes attentes d’un accord qui devrait être annon­cé dès la Pentecôte prochaine ? 

Ne pas­sons pas trop hâti­ve­ment aux conclu­sions. Il y a des rai­sons de pen­ser que le Saint père veut régler la ques­tion bien­tôt. Néanmoins, seuls les faits répon­dront à cette ques­tion : atten­dons de voir.

On trouve notam­ment sur Internet le bruit que « des sources auto­ri­sées » indiquent que ce « mar­ché » entre la FSSPX et le Vatican a en réa­li­té était pas­sé il y a plu­sieurs mois, et que l’é­quipe de Mgr Fellay n’a fait que tra­vailler pour pré­pa­rer les membres de la FSSPX à cette annonce, pour­tant deve­nue inévi­table. Pourriez-​vous com­men­ter ce bruit qui court ?

C’est là pure ima­gi­na­tion et je peux vous assu­rer que ce n’est pas vrai.

Mgr Fellay a‑t-​il quelque idée de la pen­sée du Saint-​Père lui-​même sur tout cela ? A‑t-​il eu un contact direct avec le Pape Benoît XVI, ou bien tout est-​il relayé par le Cardinal Levada ?

La voie nor­male de com­mu­ni­ca­tion avec Rome passe par les dif­fé­rentes Congrégations. À ma connais­sance, la plu­part des com­mu­ni­ca­tions offi­cielles sont faites par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, mais ce n’est pas le seul contact que la FSSPX pos­sède avec Rome.

Dès son élec­tion, le Pape Benoît XVI n’a pas caché la grande prio­ri­té que repré­sente pour Lui de gué­rir « le schisme » de la FSSPX. Ce qui semble res­ter incer­tain, cepen­dant, ce sont ses motifs. Est-​il pos­sible de dis­tin­guer une dif­fé­rence entre les dési­rs véri­tables du Saint Père de gué­rir ce désac­cord pour des rai­sons poli­tiques et une véri­table recon­nais­sance papale (même si elle est limi­tée) de la légi­ti­mi­té des objec­tions doc­tri­nales pré­sen­tées par la FSSPX ?

Il est dif­fi­cile de connaître la rai­son pour laquelle le Pape veut résoudre cette situa­tion. D’une part, il semble qu’il y ait un désir de sa part d’é­vi­ter un soi-​disant « schisme ». D’autre part, il est conscient de la situa­tion dra­ma­tique de l’Église, que les lec­teurs de vos publi­ca­tions ne connaissent que trop : héré­sies ouvertes pro­fes­sées par des ecclé­sias­tiques, tou­chant par­fois la divi­ni­té de notre Seigneur Lui-​même, sans par­ler d’une rébel­lion ouverte, de la perte de la Foi et des pro­blèmes de dis­ci­pline, aus­si bien en Autriche, qu’en Amérique, ou en Irlande … Le Saint-​Père, je pense, voit que la FSSPX pour­rait appor­ter une cer­taine d’aide pour com­battre ces pro­blèmes réels et bien trop répandus.
De plus, il y a un mys­tère qui je pense est lié au Mystère de l’Église : un mys­tère à la fois humain, ‑qui est fait d’hommes avec leurs fai­blesses et leurs péchés‑, mais divin aus­si, ‑à savoir que c’est Notre Seigneur Jésus Christ qui dirige tou­jours tout et tra­vaille acti­ve­ment à tra­vers et avec les hommes.

Bien sûr il y a aus­si des rai­sons humaines à ce qui se déroule actuel­le­ment dans l’Église, et il est impor­tant d’es­sayer de com­prendre ce que les rai­sons « poli­tiques » repré­sentent dans chaque mani­fes­ta­tion. Pourtant, une approche sur­na­tu­relle se révèle être infi­ni­ment plus éclai­rante que toute autre.

Au vu de la crise de Foi au sein de l’Église dans le monde entier, est-​il pos­sible que le Saint Père recon­naisse le béné­fice poten­tiel que repré­sente pour Lui plus les 500 prêtres tra­di­tio­na­listes de la FSSPX pour L’aider à reprendre en mains l’a­po­sta­sie post-conciliaire ? 

Vous don­nez là un bon exemple du mys­tère auquel nous nous trou­vons confrontés.

Pourriez-​vous nous dire quelque chose concer­nant les lettres échan­gées entre les quatre évêques de la FSSPX et qui ont été récem­ment dif­fu­sées par la presse ?

Comme je l’ai dit dans ma der­nière lettre : » Je veux avant tout dénon­cer le carac­tère immo­ral, ain­si que la nature révo­lu­tion­naire que repré­sente ce fait de publier ces docu­ments pri­vés. Puisque c’est une matière grave que de lire des lettres pri­vées, comme nous l’en­seigne la Théologie morale, il est encore plus grave de publier ou de les dif­fu­ser sans l’au­to­ri­sa­tion de leurs auteurs. En outre, il est sub­ver­sif de publier des dis­cus­sions pri­vées entre des supé­rieurs parce que cela fait peser sur eux une pres­sion déme­su­rée. Or un supé­rieur doit pou­voir prendre une déci­sion en vue de l’in­té­rêt com­mun et non pas à cause de pres­sions exté­rieures exer­cées sur lui (…)

Il est essen­tiel de se sou­ve­nir que les lettres de ce type sont des moyens nor­maux entre les membres de la FSSPX de com­mu­ni­ca­tion sur une ques­tion très grave. Il est donc nor­mal, et bon aus­si, que les évêques, voire même les prêtres de la FSSPX aient la pos­si­bi­li­té d’ex­pri­mer leurs opi­nions per­son­nelles d’une manière res­pec­tueuse et dans un esprit de cha­ri­té. Encore une fois, c’est bien leur publi­ca­tion sans le consen­te­ment des deux par­ties qui est inacceptable. »

Certains en concluent hâti­ve­ment qu’il y a déjà « une fêlure » au sein de la FSSPX. Mais quand bien même une fêlure est tou­jours envi­sa­geable, nous devons tout mettre en œuvre pour l’é­vi­ter. Cet échange d’a­vis est l’un des moyens de tirer au clair la situa­tion et d’ai­der cha­cun dans ces temps dif­fi­ciles. Certains uti­lisent ces lettres pour exa­cer­ber la situa­tion ; ce n’est pas ma façon de faire. Moi, au contraire, j’es­saie de com­mu­ni­quer avec beau­coup de supé­rieurs et prêtres de la FSSPX et je m’ef­force de résoudre les mal­en­ten­dus possibles.

À votre avis, si les condi­tions pour une pré­la­ture per­son­nelle sont approu­vées par Mgr Fellay, pourrait-​il agir même en l’ab­sence d’un consen­sus entre les quatre évêques ? 

Je pense qu’il est impor­tant ici de sou­li­gner deux ou trois points. Tout d’a­bord, comme je viens de l’ex­pli­quer, ces lettres sont une voie nor­male et saine pour les membres de la FSSPX pour expri­mer leurs avis au Supérieur Général. Elles ne donnent pas d’in­di­ca­tion concer­nant un éven­tuel « schisme » au sein de la FSSPX. En réa­li­té, le fait qu’elles aient été adres­sées à Mgr Fellay montre que les trois autres évêques recon­naissent que la direc­tion suprême de la FSSPX revient au Supérieur Général. Le deuxième point à consi­dé­rer est qu’il res­s­sort des prin­cipes de Mgr Lefebvre que c’est le devoir du seul Supérieur Général de prendre des déci­sions de cette importance.

Suite à la dis­corde qui a été révé­lée par ces lettres, de nom­breux Catholiques pré­oc­cu­pés prient Mgr Fellay de ne pas agir sans l’ap­pui de la majo­ri­té des évêques de la FSSPX. Ils pré­tendent, tout comme moi, que bien que la posi­tion cano­nique de la FSSPX doive fina­le­ment être régu­la­ri­sée, ceci a bien moins d’im­por­tance en ce moment cri­tique que le main­tien de l’u­ni­té au sein de la plus fort voix d’op­po­si­tion loyale qui existe dans l’Église à ce jour – à savoir la FSSPX. Le Vatican pourrait-​il ne pas recon­naître la pru­dent exi­gence de repor­ter l’ac­cord, ce qui lais­se­rait plus de temps à Mgr Fellay et à ses confrères évêques pour conju­rer une frac­ture mas­sive au sein de la FSSPX ?

Encore une fois, je pense que l’on assiste à une pré­somp­tion, ampli­fiée par les rumeurs sur Internet, qu’une frac­ture s’est déjà mise en place au sein de la FSSPX, une frac­ture qui va la déchi­rer en mor­ceaux, au lieu de conclure un accord pra­tique avec Rome. Seul le temps nous indi­que­ra s’il y a une frac­ture et quelle est son ampleur, mais je crois quelle n’est pas aus­si grave qu’on a vou­lu le faire croire. Quoiqu’il en soit, je suis recon­nais­sant de l’u­ni­té admi­rable dont font preuve les membres de la FSSPX dans le District des États-Unis.

Quant à la ques­tion de l’empressement du Vatican de repor­ter des choses, c’est là évi­dem­ment une ques­tion qui concerne le Saint-​Siège. Pour nous, le che­min tra­cé par notre véné­rable fon­da­teur est clair : Il a tou­jours expri­mé le désir de nous sou­mettre au Pape, ce qui nous accor­de­rait la pro­tec­tion per­met­tant la crois­sance de la Tradition, l’exis­tence de la FSSPX et nous garan­ti­rait que l’on ne nous deman­de­ra ni de fai­blir dans notre com­bat, ni d’ac­cep­ter un com­pro­mis sur la Foi. Comme il l’a dit en 1987 : « Si Rome veut vrai­ment nous don­ner une vraie auto­no­mie, comme celle que nous connais­sons aujourd’­hui, mais en y ajou­tant notre soumission- nous aime­rions être sous­mis au Saint-​Père, et c’est que nous avons tou­jours sou­hai­té.… si Rome accepte de nous lais­ser faire l’ex­pé­rience de la Tradition, il n’y aura plus aucun pro­blème. » (Fideliter no. 60, Nov./Dec. 1987)

D’après les termes d’un accord on garan­ti­ra à la FSSPX le droit de conti­nuer sa cri­tique de longue date et construc­tive du Concile Vatican II et de la Nouvelle Messe. Mais est-​ce que ce ne sont pas là des choses que nous avons déjà enten­dues ? N’est-​il pas vrai que dans tous les cas où cette per­mis­sion a été accor­dée à d’autres fra­ter­ni­tés tra­di­tio­na­listes, l’es­sen­tiel n’a pas été res­pec­té, et que beau­coup de bons prêtres ont même été inci­tés à concé­lé­brer la Nouvelle Messe, à approu­ver des évé­ne­ments contro­ver­sés comme les Journées Mondiales de la Jeunesse, et à aban­don­ner toute résis­tance signi­fi­ca­tive à l’é­gard de la révo­lu­tion déclen­chée par le Concile Vatican II ?

Un cer­tain nombre de choses font qu’au­jourd’­hui les cir­cons­tances ont chan­gé par rap­port aux fois pré­cé­dentes. Ainsi, Mgr Fellay a insis­té sur les dis­cus­sions doc­tri­nales avec Rome et a deman­dé comme condi­tions préa­lables à ces dis­cus­sion deux signes de bonne volon­té : tout d’a­bord, la libé­ra­li­sa­tion de la Messe tra­di­tion­nelle ; et deuxiè­me­ment, la levée des pré­ten­dues excom­mu­ni­ca­tions. Ces deux condi­tions ont été accomplies.

Qui plus est, nous ne devons pas igno­rer les dif­fé­rences qui existent en entre les com­mu­nau­tés Ecclesia Dei et nous : elles n’ont ni auto­no­mie, ni évêques.

De plus, concer­nant Vatican II, d’autres auteurs qui sont exté­rieurs à la FSSPX, comme Mgr. Gherardini, peuvent désor­mais eux aus­si cri­ti­quer ouver­te­ment le Concile. Bien sûr, nous ne pré­ten­dons pas qu’il n’y aurait aucune pres­sion en cas de régu­la­ri­sa­tion, mais nous devons gar­der bien pré­sent à l’es­prit que cette pres­sion ne pro­vient que de cer­taines sources, pas de toutes.

Le Vatican semble inflexible sur le fait que la FSSPX, pour para­phra­ser l’Abbé de Nantes dans ses der­nières années, doive « ava­ler le Concile pour être régu­la­ri­sée ». Est-​ce juste ? Et si oui, n’est-​il pas pos­sible, du moins théo­ri­que­ment, que cer­tains au sein du Vatican cherchent à neu­tra­li­ser l’op­po­si­tion la plus signi­fi­ca­tive à ce que le Concile a lais­sé dans le monde d’au­jourd’­hui : d’a­bord par l’ex­com­mu­ni­ca­tion, puis par la régularisation ?

Jamais autant qu’au­jourd’­hui la posi­tion de la FSSPX n’a été aus­si clai­re­ment expo­sée et docu­men­tée à Rome, grâce aux dis­cus­sions de ces der­nières années. Comme je l’ai déjà dit, ces dis­cus­sions ont déjà aidé d’autres, qui sont à l’ex­té­rieur de la Fraternité, à appor­ter le même sens critique.

Dans ces cir­cons­tances par­ti­cu­lières et sans pré­cé­dent, est-​il donc irréa­liste de pen­ser que la recon­nais­sance de la FSSPX ampli­fie­ra le mou­ve­ment déjà amorcé ?

Notre espoir est que ce mou­ve­ment s’é­tende et que la solu­tion de la Tradition soit recon­nue et appli­quée. Soulignons bien ici que la pré­oc­cu­pa­tion de la FSSPX n’est pas son propre bien, mais le bien de l’Église toute entière.

De plus, il est impor­tant de com­prendre que les auto­ri­tés Catholiques dans le monde entier n’ont jamais été aus­si divi­sées qu’au­jourd’­hui. Alors cer­tains ne man­que­ront pas de neu­tra­li­ser cette oppo­si­tion car il est bien évident que tous ne voient pas d’un bon œil que la FSSPX soit recon­nue. Mais çà et là, cer­tains pour­raient aus­si être enclins à essayer le che­min de la Tradition si le Pape la tolère.

Certains sou­lignent que la Fraternité Saint Pierre, par exemple, attend tou­jours d’a­voir son propre évêque ; ou que l’on n’a pas encore per­mis aux Rédemptoristes Transalpins d’ou­vrir leurs sémi­naires, parce que cette auto­ri­sa­tion, de manière inex­pli­cable, leur a été refu­sée ; l’é­vêque Rifan de Campos, au Brésil, a été très cri­tique à l’é­gard de la résis­tance tra­di­tio­na­liste à Vatican II et il a lui-​même concé­lé­bré un Novus Ordo des Messes très en vogue ; et bien que la Société du Bon Pasteur ait été elle aus­si assu­rée qu’elle serait auto­ri­sée à émettre des objec­tions au Concile Vatican II, il semble bien que les choses dans ce sens, jus­qu’à ce jour, ne se sont pas encore maté­ria­li­sées. Ceci non pas bien sûr pour cri­ti­quer les bons et saints prêtres, dont beau­coup sont des amis per­son­nels et tous sont au ser­vice loyal de Notre Seigneur et de Son Église. Mais n’est-​il pas étrange que le Vatican offre à un sou­tien si mini­mal aux ordres tra­di­tio­na­listes et aux fra­ter­ni­tés qui ont été régu­la­ri­sées jus­qu’à présent ?

Quand Mgr Lefebvre a deman­dé au moins un évêque dans ses dis­cus­sions avec Rome en 1988, il savait que cela repré­sen­te­rait un point cru­cial pour la sur­vie de la Tradition. Les prêtres et les fidèles ont besoin d’un évêque, pas seule­ment pour les ordi­na­tions, mais pour les confir­mer dans la Foi. Cela fait par­tie de leur consé­cra­tion. L’une des prin­ci­pales dif­fi­cul­tés ren­con­trées par les com­mu­nau­tés Ecclesia Dei consiste dans le fait que la plu­part d’entre elles n’ont aucun pou­voir épis­co­pal véri­table. Une autre dif­fi­cul­té consiste dans le manque de pro­tec­tion de la part de l’é­vêque local ou des Conférences Épiscopales.

Concernant Campos, je ferai trois remarques. Tout d’a­bord, nous avons pu appor­ter préa­la­ble­ment nos objec­tions doc­tri­nales aux auto­ri­tés, avant même d’en­vi­sa­ger une quel­conque forme d’ac­cord cano­nique pos­sible. Deuxièmement, nous ne sommes pas limi­tés par une situa­tion rela­ti­ve­ment étri­quée telle que celle dans laquelle se trouve l’Administration Apostoliques elle-​même. Troisièmement, nous devons admettre qu’une struc­ture cano­nique ne nous pro­tège pas en soi contre nos propres fai­blesses personnelles.

Nous devons nous attendre à un com­bat même avec une nou­velle struc­ture cano­nique. La ligne don­née à nous par notre fon­da­teur, com­men­cé pen­dant le i

Nous devons nous attendre à com­battre, même avec une struc­ture cano­nique nou­velle. La ligne que nous nous a don­née notre Fondateur, qui a débu­té pen­dant le Concile Vatican II, a tou­jours été carac­té­ris­tique de la FSSPX. Depuis 1970, mal­gré les condam­na­tions des années ’70 et ’80, et durant ces 18 der­nières années de la direc­tion de Mgr Fellay en tant que Supérieur Général, la FSSPX a conser­vé cette fidé­li­té. Par la Grâce de Dieu, nous devons et nous conti­nue­rons à tenir bon.

Mgr Lefebvre a jus­ti­fié sa déci­sion de consa­crer des évêques contre la volon­té du Saint-​Père en 1988 en citant une dis­po­si­tion du Code de Droit Canon sur les mesures extra­or­di­naires pen­dant « un état d’ur­gence » dans l’Église. Si le rap­pro­che­ment entre la FSSPX et le Vatican était main­te­nant pos­sible, cela signifierait-​il que l’Archevêque était trop zélé en 1988, ou que “l’é­tat d’ur­gence” a sim­ple­ment ces­sé d’exister ?

Non, l’é­tat de néces­si­té dans l’Église ne dépend de la FSSPX, qu’elle soit régu­la­ri­sée ou non. Ce ne peut être qu’une situa­tion objec­tive de l’Église. Aujourd’hui, cet état de néces­si­té existe tou­jours, car mal­heu­reu­se­ment trop sou­vent les prêtres et les fidèles ne peuvent pas rece­voir d’une façon nor­male le vrai ensei­gne­ment de la Foi Catholique, ni rece­voir les sacre­ments d’une façon sûre. Vous avez des prêtres et même les évêques qui pro­fessent des héré­sies ouvertes, ou qui acceptent et qui célèbrent des céré­mo­nies scandaleuses …

L’état de néces­si­té ne ces­se­ra que lors­qu’il y aura des rai­sons objec­tives de confier nos âmes au cler­gé et à la hié­rar­chie de l’Église sans besoin d’une pro­tec­tion prudente.

Et pour­tant même avec Summorum Pontificum, aus­si monu­men­tal qu’il ait été, le Pape Benoît XVI cher­chait tou­jours à éga­li­ser les « deux formes » du Rite romain. Lui-​même n’a en réa­li­té jamais offert la Messe de Pie V, tout en conti­nuant à pla­ni­fier une mise en œuvre papale com­plète des décrets de Vatican II. Tout en se pré­pa­rant à cano­ni­ser le Bienheureux Jean-​Paul II, il conti­nue aus­si l’hé­ri­tage des Rassemblements de prière d’Assise – l’é­vé­ne­ment même qui a fina­le­ment inci­té Monseigneur Fellay à agir comme il a fait. Même si nous aimons le Saint-​Père et prions pour Lui, même si nous Lui res­tons recon­nais­sants pour tou­jours pour Summorum Pontificum, y a‑t-​il assez de preuves d’un chan­ge­ment sis­mique inter­ve­nu dans la mai­son papale pour pour­voir avan­cer que la situa­tion dans l’Église a aujourd’­hui radi­ca­le­ment chan­gé par rap­port à celle de 1988 ?

En 2000, lors des pre­mières ren­contres entre le Cardinal Castrillon Hoyos et les évêques de la FSSPX, beau­coup ont consi­dé­ré les condi­tions expri­mées alors par Mgr Fellay comme peu rai­son­nables. Comment pouvions-​nous attendre que le Pape libé­ra­lise la Messe Tridentine ? Comment pouvions-​nous exi­ger que les pré­ten­dues excom­mu­ni­ca­tions soient levées ? Comment serait-​il pos­sible d’en­ga­ger des dis­cus­sions doc­tri­nales ? Pour beau­coup, c’é­tait impen­sable. Certains ont même vu le signe évident que la FSSPX était vrai­ment schis­ma­tique en ce que Mgr Fellay exi­geait des condi­tions impos­sibles, signe de son obs­ti­na­tion. Ces condi­tions ont été deman­dées comme des signes de bonne volon­té, comme des signes que nous pour­rions recons­truire une cer­taine confiance dans la volon­té de Rome de ne pas détruire la Tradition, une crainte du reste natu­relle aujourd’­hui encore. Encore une fois, ces condi­tions à l’é­poque étaient consi­dé­rées comme impossibles.

Douze ans plus tard, nous voyons que l’on a exau­cé ces demandes jus­qu’à un cer­tain degré. Devrions-​nous ajou­ter d’autres condi­tions ? Devrions-​nous attendre jus­qu’à ce qu’il n’y ait désor­mais plus aucune contra­dic­tion ? Certains sont de cet avis. Mgr Fellay, dans un juge­ment pru­dent, recon­naît les signes don­nés par Rome.

Il y a quelques autres signes de chan­ge­ments à Rome. Nous avons vu ces der­nières années plus de cri­tiques à l’é­gard du Concile Vatican II éma­nant d’autres sources que de la FSSPX. Il y a quelques efforts entre­pris pour cor­ri­ger cer­taines erreurs. Je pense, par exemple, à la tra­duc­tion de « pro mul­tis » par « pour beau­coup » et non pas « pour tous. » Vous pour­riez dire que c’est peu com­pa­ré aux actions œcu­mé­niques du Pape, à la béa­ti­fi­ca­tion de Jean-​Paul II, à Assise III, etc. Ce n’est pas tel­le­ment, mais c’est quelque chose. Alors, la situa­tion dans l’Église a‑t-​elle radi­ca­le­ment chan­gé ? Non, mais quelques chan­ge­ments sont intervenus.

Pour finir, je crois que les prin­ci­paux signes que nous atten­dons tous sont les condi­tions de la pré­la­ture per­son­nelle elle-​même. Sera-​t-​elle une struc­ture qui nous pro­tè­ge­ra suf­fi­sam­ment ? Voilà le signe qui va faire qu’il sera pos­sible de fran­chir le pas ou non.

Que pensez-​vous de cette image lais­sant à pen­ser que sans « l’ancre » de la FSSPX , appelons-​la ain­si, sus­pen­due sur la coque de la Barque de Pierre, l’Église conti­nue­ra de déri­ver tou­jours plus loin vers les rochers, qui sug­gère un cer­tain niveau d’ur­gence pour la FSSPX de res­ter pré­ci­sé­ment là où elle est, jus­qu’à ce que la tem­pête soit passée ?

Je ne vois pas la FSSPX comme une ancre. Nous sommes non seule­ment atta­chés à la Barque par une chaîne ; nous sommes dans la Barque et nous ne vou­lons pas en être reje­tés… Quoi qu’il en soit, si nous vou­lons conser­ver cette ana­lo­gie de l’ancre, pour­quoi « l’ancre » ne fonctionnerait-​elle plus dans une nou­velle structure ?

Je ne crois pas que nous pou­vons consi­dé­rer l’Église d’une manière poli­tique, elle est la Barque de Pierre, et c’est Notre Seigneur qui la gouverne.

Je pense que tous les Catholiques tra­di­tion­nels sin­cères attendent le jour où l’u­ni­té sera réta­blie dans l’Église et où la FSSPX pour­ra enfin se débar­ras­ser du stig­mate injuste du » schisme « . Indépendamment de ce qui arri­ve­ra dans les jours et les mois à venir entre Rome et la FSSPX, que pouvons-​nous, nous autres laïcs, faire de notre côté pour aider à pro­mou­voir l’u­ni­té dans tous les dif­fé­rents camps de la Tradition dans un monde qui est en guerre avec le Christ et Son Église ?

Prier. Priez beau­coup. Le tra­vail que chaque Catholique peut faire est de prier pour le Pape, pour l’Église, pour Son Excellence Mgr Fellay et pour la Fraternité Saint Pie X. Il n’y a rien de plus urgent à faire. Jamais comme main­te­nant, il n’y a eu autant de prières, spé­cia­le­ment sous la forme des Croisades du Rosaire, c’est très encou­ra­geant. Comment Dieu pourrait-​il nous abandonner ?

Ne vous lais­sez pas déran­ger par les rumeurs, sur­tout par tous ces dif­fé­rents com­mé­rages qui cir­culent sur Internet, qui ne sont basés que sur des sen­ti­ments, mais sûre­ment pas sur des faits. Si vous vou­lez avoir des infor­ma­tions vous pou­vez vous ins­crire aux mises à jour du site Web de la Fraternité Saint Pie X, où vous serez les pre­miers à être infor­més de toutes les nouvelles.
Confions nos prières à la Sainte Vierge, sui­vons les des­seins de la Providence et prions la pro­tec­tion conti­nuelle de Seigneur.

Merci, Père. Que Dieu soit avec vous et tous vos frères prêtres pen­dant ce moment cri­tique dans l’his­toire de l’Église du Christ.