Réponses de la Cong. pour la Doctrine de la foi à des questions sur certains aspects de la doctrine du 29 juin 2007

INTRODUCTION

Avec la Constitution Dogmatique Lumen gen­tium et les Décrets sur l’œcuménisme (Unitatis redin­te­gra­tio) et les Églises orien­tales catho­liques (Orientalium Ecclesiarum), le Concile Vatican II a contri­bué de manière déci­sive au renou­veau de l’ecclésiologie catho­lique. Les Souverains Pontifes ont eux aus­si vou­lu offrir sur ce point des appro­fon­dis­se­ments et sur­tout des orien­ta­tions pra­tiques : Paul VI avec l’Encyclique Ecclesiam suam (1964) et Jean-​Paul II avec l’Encyclique Ut unum sint (1995).

Les recherches ulté­rieures des théo­lo­giens, pour tou­jours mieux élu­ci­der les divers aspects de l’ecclésiologie, ont per­mis l’essor d’une ample lit­té­ra­ture sur ce sujet. Il s’agit là de thèmes cer­tai­ne­ment féconds, mais qui ont aus­si exi­gé des pré­ci­sions et des expli­ca­tions, notam­ment dans la Déclaration Mysterium Ecclesiae (1973), la Lettre aux Évêques de l’Église Catholique Communionis notio (1992) et la Déclaration Dominus Iesus (2000), toutes publiées par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. 

La richesse de la thé­ma­tique et la nou­veau­té de nom­breuses thèses ne cessent de pro­vo­quer la réflexion théo­lo­gique ; elles donnent lieu à des études par­fois non exemptes d’erreurs et d’ambiguïtés qui ont été atten­ti­ve­ment exa­mi­nées par la Congrégation. À la lumière de l’ensemble de la doc­trine catho­lique sur l’Église, la Congrégation se pro­pose de pré­ci­ser ici la signi­fi­ca­tion authen­tique de cer­taines expres­sions ecclé­sio­lo­giques du Magistère, pour que le débat théo­lo­gique ne soit pas faus­sé par des confu­sions ou des malentendus.

QUESTIONS

Première ques­tion : Le Concile Œcuménique Vatican II a‑t-​il chan­gé la doc­trine anté­rieure sur l’Église ?

Réponse. Le Concile n’a pas vou­lu chan­ger et n’a de fait pas chan­gé la doc­trine en ques­tion, mais a bien plu­tôt enten­du la déve­lop­per, la for­mu­ler de manière plus adé­quate et en appro­fon­dir l’intelligence.

Jean XXIII l’avait très clai­re­ment affir­mé au début du Concile. Paul VI le confir­ma ensuite ; il s’exprimait ain­si en pro­mul­guant Constitution Lumen gen­tium : « Le meilleur com­men­taire que l’on puisse en faire, semble-​t-​il, est de dire que vrai­ment cette pro­mul­ga­tion ne change en rien la doc­trine tra­di­tion­nelle. Ce que veut le Christ, nous le vou­lons aus­si. Ce qui était, demeure. Ce que l’Église a ensei­gné pen­dant des siècles, nous l’enseignons éga­le­ment. Ce qui était jusqu’ici sim­ple­ment vécu se trouve main­te­nant expri­mé ; ce qui était incer­tain est éclair­ci ; ce qui était médi­té, dis­cu­té et en par­tie contro­ver­sé, par­vient aujourd’hui à une for­mu­la­tion sereine. » À plu­sieurs reprises, les Évêques ont mani­fes­té et adop­té le même point de vue.

Seconde ques­tion. Comment doit être com­prise l’affirmation selon laquelle l’Église du Christ sub­siste dans l’Église Catholique ?

Réponse. Le Christ « a éta­bli sur la terre » une Église unique et l’institua comme « assem­blée visible et com­mu­nau­té spi­ri­tuelle » : depuis son ori­gine, elle n’a ces­sé d’exister au cours de l’histoire et tou­jours elle exis­te­ra, et c’est en elle seule que demeurent à jamais tous les élé­ments ins­ti­tués par le Christ lui-​même. « C’est là l’unique Église du Christ, que nous confes­sons dans le sym­bole une, sainte, catho­lique et apos­to­lique […]. Cette Église, consti­tuée et orga­ni­sée en ce monde comme une socié­té, sub­siste dans l’Église catho­lique gou­ver­née par le suc­ces­seur de Pierre et les évêques en com­mu­nion avec lui. »

Dans le numé­ro 8 de la Constitution Dogmatique Lumen gen­tium, ‘sub­sis­ter’ signi­fie la per­pé­tuelle conti­nui­té his­to­rique et la per­ma­nence de tous les élé­ments ins­ti­tués par le Christ dans l’Église catho­lique, dans laquelle on trouve concrè­te­ment l’Église du Christ sur cette terre.

Selon la doc­trine catho­lique, s’il est cor­rect d’affirmer que l’Église du Christ est pré­sente et agis­sante dans les Églises et les Communautés ecclé­siales qui ne sont pas encore en pleine com­mu­nion avec l’Église catho­lique, grâce aux élé­ments de sanc­ti­fi­ca­tion et de véri­té qu’on y trouve, le verbe ‘sub­sis­ter’ ne peut être exclu­si­ve­ment attri­bué qu’à la seule Église catho­lique, étant don­né qu’il se réfère à la note d’unité pro­fes­sée dans les sym­boles de la foi (‘Je crois en l’Église, une’) ; et cette Église une ‘sub­siste’ dans l’Église catholique.

Troisième ques­tion. Pourquoi utilise-​t-​on l’expression ‘sub­siste dans’, et non pas tout sim­ple­ment le verbe ‘est’ ?

Réponse. L’usage de cette expres­sion, qui indique la pleine iden­ti­té de l’Église du Christ avec l’Église catho­lique, ne change en rien la doc­trine sur l’Église, mais a pour rai­son d’être de signi­fier plus clai­re­ment qu’en dehors de ses struc­tures, on trouve « de nom­breux élé­ments de sanc­ti­fi­ca­tion et de véri­té », « qui, appar­te­nant pro­pre­ment par don de Dieu à l’Église du Christ, appellent par eux-​mêmes l’unité catholique. »

« En consé­quence, ces Églises et Communautés sépa­rées, bien que nous les croyions vic­times de défi­ciences, ne sont nul­le­ment dépour­vues de signi­fi­ca­tion et de valeur dans le mys­tère du salut. L’Esprit du Christ, en effet, ne refuse pas de se ser­vir d’elles comme de moyens de salut dont la force dérive de la plé­ni­tude de grâce et de véri­té qui a été confiée à l’Église catholique. »

Quatrième ques­tion. Pourquoi le Concile Œcuménique Vatican II attribue-​t-​il le nom « d’Église » aux Églises orien­tales sépa­rées de la pleine com­mu­nion avec l’Église catholique ?

Réponse. Le Concile a vou­lu assu­mer l’usage tra­di­tion­nel de ce nom. « Puisque ces Églises, bien que sépa­rées, ont de vrais sacre­ments, sur­tout en ver­tu de la suc­ces­sion apos­to­lique : le Sacerdoce et l’Eucharistie, qui les unissent inti­me­ment à nous », elles méritent le titre d’« Églises par­ti­cu­lières et locales », et sont appe­lées Églises sœurs des Églises par­ti­cu­lières catholiques.

« Ainsi donc, par la célé­bra­tion de l’Eucharistie du Seigneur en chaque Église par­ti­cu­lière, l’Église de Dieu s’édifie et gran­dit. » Cependant, étant don­né que la com­mu­nion avec l’Église catho­lique, dont le Chef visible est l’Évêque de Rome et Successeur de Pierre, n’est pas un com­plé­ment exté­rieur à l’Église par­ti­cu­lière, mais un de ses prin­cipes consti­tu­tifs internes, la condi­tion d’Église par­ti­cu­lière dont jouissent ces véné­rables Communautés chré­tiennes souffre d’une déficience.

Par ailleurs, la plé­ni­tude de la catho­li­ci­té propre à l’Église, gou­ver­née par le Successeur de Pierre et les Évêques en com­mu­nion avec lui, est entra­vée dans sa pleine réa­li­sa­tion his­to­rique par la divi­sion des chrétiens.

Cinquième ques­tion. Pourquoi les textes du Concile et du Magistère pos­té­rieur n’attribuent-ils pas le titre « d’Église » aux Communautés chré­tiennes nées de la Réforme du XVIme siècle ?

Réponse. Parce que, selon la doc­trine catho­lique, ces Communautés n’ont pas la suc­ces­sion apos­to­lique dans le sacre­ment de l’ordre. Il leur manque dès lors un élé­ment essen­tiel consti­tu­tif de l’Église. Ces Communautés ecclé­siales, qui n’ont pas conser­vé l’authentique et inté­grale réa­li­té du Mystère eucha­ris­tique, sur­tout par la suite de l’absence de sacer­doce minis­té­riel, ne peuvent être appe­lées « Églises » au sens propre selon la doc­trine catholique.

Au cours d’une audience accor­dée au sous­si­gné Cardinal Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Sa Sainteté le Pape Benoît XVI a rati­fié et confir­mé ces Réponses adop­tées par la ses­sion ordi­naire de cette Congrégation, et en a ordon­né la publication.

Rome, au siège de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, le 29 juin 2007, en la solen­ni­té des saints Pierre et Paul, Apôtres.

William Cardinal Levada, Préfet

Angelo Amato, S.D.B., Archevêque titu­laire de Sila, Secrétaire