Cinquantenaire du Concile Vatican II – Le chant du cygne

Le 11 octobre der­nier, une céré­mo­nie était orga­ni­sée à Saint Pierre de Rome à laquelle par­ti­ci­paient autour du pape plu­sieurs cen­taines d’évêque afin de célé­brer le cin­quan­tième anni­ver­saire de l’ouverture du Concile Vatican II. L’atmosphère de cette com­mé­mo­ra­tion fut quelques peu sinistre. A l’ambiance fraiche et joyeuse annon­cia­trice « d’un prin­temps pour l’Eglise » pro­phé­ti­sée par Jean XXIII a suc­cé­dé un réa­lisme cru : « ces der­nière décen­nies ont connu une déser­ti­fi­ca­tion spi­ri­tuelle ». [1]

Le constat est cruel ! Cet anni­ver­saire fut-​t-​il pour autant l’occasion d’un exa­men de conscience de la part des auto­ri­tés romaines sur le concile et les 50 années qui l’ont sui­vi ? Non !

Au contraire. Le pape Benoit XVI a mon­tré qu’il vou­lait main­te­nir le cap ! Pour réani­mer cette foi qui semble s’éteindre dans le monde entier a‑t-​il dit « il faut reve­nir aux docu­ments conci­liaires, en les libé­rant d’une masse de publi­ca­tions qui les ont sou­vent offus­qués. (Ces textes) consti­tuent une bous­sole per­met­tant à la barque de l’Eglise de navi­guer en haute mer, en eaux calmes, comme en tem­pête, vers un port sûr ». [2]

Je vous invite à relire les lignes qu’écrivait Mgr Lefebvre au Cardinal Ottaviani en réponse à une enquête que ce der­nier orga­ni­sa auprès des évêques du monde entier pour connaitre leurs sen­ti­ments sur le dan­ger que cou­raient cer­taines véri­tés fon­da­men­tales après le concile Vatican II. Les réponses furent peu nom­breuses. Voici un extrait de celle de Mgr Lefebvre, alors Supérieur des Pères du Saint-Esprit :

« Le mal se situe dans une lit­té­ra­ture qui sème la confu­sion dans les esprits par des des­crip­tions ambi­guës, équi­voques, mais sous laquelle on découvre une nou­velle reli­gion ». [3]

Les textes du concile sont ambi­gus et équi­voques… c’est bien là qu’est tout le drame de Vatican II.

L’ambigüité des textes conci­liaires et leur carac­tère équi­voque firent que la grande majo­ri­té des pères conci­liaires les votèrent sans se rendre compte, pour un grand nombre, qu’ils conte­naient en germe l’apostasie à laquelle nous assis­tons aujourd’hui. Au moment de l’ouverture du concile un cou­rant mal­sain souf­flait à l’intérieur l’Eglise sou­te­nu par des évêques dési­reux de marier l’Eglise avec les idées libérales.

Ces ambigüi­tés furent volon­taires pour ne pas effa­rou­chés les évêques qui n’avaient guère le temps d’étudier les textes mis aux votes !

L’aile pro­gres­siste réus­si­ra dès le début de la 1ère ses­sion du Concile à impo­ser ses sché­mas au détri­ment de ceux qui avaient été tra­vaillés avec soin par des com­mis­sions pré­pa­ra­toires aux­quelles par­ti­ci­pa Mgr Lefebvre.

Voici ce qu’écrivait à l’époque, le Père Congar o.p., alors expert au concile dans ses mémoires. Il régnait chez ce cler­gé pro­gres­siste, dont il fut un héraut, un désir fré­né­tique de ren­ver­ser toutes les valeurs tra­di­tion­nelles par un mou­ve­ment issue de la base, selon des prin­cipes révo­lu­tion­naires éprouvés :

« Nous sommes un cer­tain nombre à avoir vu tout de suite dans le concile une pos­si­bi­li­té pour la cause, non seule­ment, de l’u­nio­nisme, mais de l’ec­clé­sio­lo­gie. Nous y avons per­çu une occa­sion, qu’il fal­lait exploi­ter au maxi­mum, d’ac­cé­lé­rer la récu­pé­ra­tion des valeurs Episcopat et Ecclesia, en ecclé­sio­lo­gie, et de faire un pro­grès sub­stan­tiel au point de vue œcu­mé­nique. Personnellement, je me suis appli­qué à acti­ver l’o­pi­nion pour qu’elle attende et demande beau­coup. Je n’ai ces­sé de dire par­tout : il ne pas­se­ra peut-​être que 5 % de ce que nous aurons deman­dé. Raison de plus pour majo­rer nos demandes. Il faut que la pres­sion de l’o­pi­nion publique des chré­tiens force le concile à exis­ter vrai­ment et à faire quelque chose ».[4]».

Alors que ses œuvres furent sanc­tion­ner sous Pie XII, le RP Congar fut appe­lé comme expert au concile et… créer car­di­nal par Jean Paul II ! Cet esprit condam­né hier pour moder­nisme, fut glo­ri­fié pen­dant et après le concile jusqu’à nos jours. Tout l’édifice de l’Eglise en a été ébran­lé jusque dans ses fondements.

« D’une manière à peu près géné­rale, lorsque le concile a inno­vé, il a ébran­lé la cer­ti­tude de véri­tés ensei­gnées par le Magistère authen­tique de l’Eglise comme appar­te­nant défi­ni­ti­ve­ment au tré­sor de la Tradition ».

Ce constat que Mgr Lefebvre fai­sait il y a plus de 45 ans garde toute son actualité.

Certes il est indé­niable que l’atmosphère d’impiété, de maté­ria­lisme qui règne dans le monde a contri­bué à la perte de la foi dans les âmes. Certes une aile ultra pro­gres­siste a exa­gé­ré par­fois cer­taines déci­sions du concile, mais il faut redire avec Mgr Lefebvre hier et Mgr Fellay aujourd’hui que ce sont les textes mêmes du concile qui sont empoi­son­nés par un esprit révolutionnaire.

Durant toute l’histoire de l’Eglise les papes ont convo­qué des conciles dans le but de cor­ri­ger des erreurs, pro­cla­mer la véri­té de manière claire et intel­li­gible. Ces assem­blées étaient cen­trées sur Jésus-​Christ et avaient pour but de recen­trer les hommes éga­rés sur Celui qui est « La Voie, La Vérité et La Vie ». [5]

Au Concile Vatican II, c’est un tout autre esprit qui a souf­flé. L’Eglise n’enseigne pas, elle pro­pose. Elle n’est plus cen­trée sur Jésus-​Christ mais sur l’homme. « L’Eglise s’est pour ain­si dire pro­cla­mée la ser­vante de l’humanité (…) Non elle n’a pas dévié, mais elle s’est tour­né vers l’homme (…) la reli­gion catho­lique pro­clame qu’elle est tout entière au ser­vice de l’homme. » [6]

C’est cet esprit qui a empes­té le concile et empoi­son­né tous ses textes. Vatican II a vou­lu digé­rer la révo­lu­tion fran­çaise et ses principes.

De même que les prin­cipes de la Révolution fran­çaise ont conduit les socié­tés à leur désa­gré­ga­tion, aux guerres les plus impi­toyables, aux dic­ta­tures les plus san­glantes, de même la révo­lu­tion conci­liaire a conduit l’Eglise à sa ruine. Les sémi­naires et les paroisses se sont vidés, le cler­gé a été gan­gré­né comme jamais par l’erreur et l’immoralité.

Une véri­table per­sé­cu­tion s’est abat­tue contre ceux qui vou­laient res­tés fidèles à la Tradition. Combien de prêtres ont été chas­sés de leur paroisse par fidé­li­té à la Tradition, com­bien sont morts de cha­grin en face de ce désastre.

Ses plus ardents défen­seurs ont été excom­mu­niés. L’Eglise est deve­nue la risée du monde avec lequel elle a vou­lu pactiser.

Il n’est pas inutile de rap­pe­ler aus­si que durant les années 60, la reli­gion musul­mane était à l’agonie ain­si que la reli­gion pro­tes­tante. Aujourd’hui la secte de Mahomet connait une expan­sion inso­lente de même que les sectes évan­gé­liques. Le concile porte une res­pon­sa­bi­li­té réelle dans la situa­tion actuelle. N’a‑t-il pas dit que « l’Eglise catho­lique ne rejettent rien de ce qui est vrai et saint dans ces reli­gions ? » [7]

Les pères conci­liaires sont allés jusqu’à « esti­mer la vie morale » [8] des musul­mans… eux qui encou­ragent entre autre la poly­ga­mie et per­sé­cutent les chré­tiens de manière atroce. Le concile n’a‑t-il pas affir­mé que « l’Esprit du Christ ne refuse pas de se ser­vir des reli­gions chré­tiennes sépa­rées comme de moyen de salut » [9] ? Des textes comme ceux-​là ont tué l’élan mis­sion­naire. Ils portent en eux-​mêmes un poi­son mor­tel d’autodestruction. La liber­té reli­gieuse, la col­lé­gia­li­té, l’œcuménisme, sont l’écho de de la tri­lo­gie révo­lu­tion­naire : liber­té éga­li­té fra­ter­ni­té ; ils minent l’Eglise de l’intérieur et sont en rup­ture avec l’enseignement des papes du XIXe siècle et de la moi­tié du XXe qui n’ont ces­sé de condam­ner de telles erreurs.

Dans son dis­cours de clô­ture, Paul VI a sou­li­gné que le concile avait un « carac­tère pas­to­ral », c’est-​à-​dire la valeur d’un ser­mon, pas plus ! Il ne peut nous obli­ger. Ainsi, comme l’ont répé­té Mgr Lefebvre et Mgr Fellay à sa suite. « Ce qui est conforme à la Tradition nous l’acceptons, ce qui est dou­teux nous nous effor­çons de l’interpréter à la lumière de la Tradition et ce qui est contraire à cette Tradition nous le rejetons ».

La confu­sion et les méfaits qu’a cau­sés ce der­nier concile sont innom­brables et dra­ma­tiques. Vatican II a engen­dré des catho­liques ané­miés et empoi­son­nés, sans défense face au mal et à l’erreur. Il a tué le sacer­doce spé­cia­le­ment par la nou­velle messe qu’il a engen­dré. Il a révo­lu­tion­né de fond en comble tous les fon­de­ments de notre reli­gion : le caté­chisme, les sacre­ments, le droit cano­nique. Il est la cause de la dis­pa­ri­tion des états catho­liques. La der­nière vic­time est le Lichtenstein, petit pays qui vient tout juste d’abandonner la reli­gion catho­lique comme reli­gion d’état le mois der­nier. Le pou­voir du pape a été fra­gi­li­sé par la col­lé­gia­li­té tan­dis qu’au nom de la liber­té de conscience exal­tée par les Pères conci­liaires, les sectes ont enva­hi la socié­té. Au concile le Christ a été détrô­né et l’homme moderne cou­ron­né à sa place. Tout cela nous a conduits vers un immense chaos !

Un tel constat, cepen­dant, ne peut et ne doit pas nous plon­ger dans le décou­ra­ge­ment, bien au contraire ! car nous savons que jamais le Christ n’abandonnera son Eglise. Déjà, des voix autres que celles de la Fraternité Saint Pie X s’élèvent et se joignent à nous pour dénon­cer ce concile qui a bra­dé la Tradition et mis en péril le salut des âmes. Le Cardinal Pie disait que « la scène du Golgotha ne fut pour le sens humain qu’un inex­pli­cable chaos, un pêle-​mêle téné­breux. Et pour­tant, c’est du milieu de cette confu­sion et de cette défaite qu’est sor­ti le salut du monde ». [10] Par notre fidé­li­té inébran­lable à la Tradition catho­lique sans com­pro­mis­sion, par nos prières et nos sacri­fices nous obtien­drons du Christ-​Roi cette résur­rec­tion de l’Eglise en laquelle nous croyons et que nous appe­lons de tous nos vœux.

Ce cin­quan­tième anni­ver­saire n’est que le chant du cygne de l’Eglise conci­liaire. En effet, les grecs disaient que lorsque le cygne sent sa mort appro­cher, il émet un chant mélo­dieux tout à fait inha­bi­tuel. Le concile et ses œuvres sont à l’agonie. Avec cet anni­ver­saire, les lam­pions s’éteignent… Les der­niers témoins et acteurs directs de Vatican II sont en train de dis­pa­raitre les uns après les autres. L’attachement vis­cé­ral au concile s’estompera peu à peu et la rai­son revien­dra… L’examen de conscience alors sera davan­tage pos­sible. Mgr Fellay le disait dans le ser­mon qu’il pro­non­ça a Saint-​Nicolas-​du-​Chardonnet le 11 novembre der­nier : « nous n’abandonnons pas l’idée un jour de recon­qué­rir l’Eglise à sa Tradition ». 

Un tel retour ne se fera que par le pape. Sera-​ce celui-​là ? Sera-​ce son suc­ces­seur ? Dieu seul le sait. Cette res­tau­ra­tion s’accomplira peut-​être dans la dou­leur mais se fera, soyons en cer­tains ! Comme les Rois Mages sui­virent avec foi l’étoile qui les mena à la crèche, gar­dons les yeux fixés sur le Christ et sa sainte Mère. Avec l’aide de la grâce de Dieu, res­tons fidèles à la foi de nos Pères. Le port approche !

A tous, joyeuse fête de Noël et bonne et sainte année 2013 !

Que Dieu vous bénisse !

Padre Christian Bouchacourt, Supérieur du District d’Amérique du Sud

Extrait de la revue Jesus Christus n° 140

Notes de bas de page
  1. Benoit XVI, ser­mon pro­non­cé lors de la messe d’ouverture de l’année de la foi le 11 octobre 2012. A saint Pierre de Rome.[]
  2. Benoit XVI, Audience géné­rale du 10 octobre 2012.[]
  3. Mgr Lefebvre, réponse au car­di­nal Ottaviani, 20-​XII-​1966 in J’accuse le Concile, p. 107.[]
  4. R.P. Congar : Mon jour­nal du Concile, tome I, p. 4.[]
  5. Evangile selon Saint Jean , XIV,16.[]
  6. Paul VI, dis­cours de clô­ture du Concile Vatican II, le 7 décembre 1965.[]
  7. Concile Vatican II, décla­ra­tion Nostra Ætate §2.[]
  8. Ibidem § 3.[]
  9. Décret Unitatis redin­te­gra­tio § 3.[]
  10. Cardinal Pie, Panégérique de saint Louis, Œuvres de Mgr l’Evêque de Poitiers, tome I,[]