Benoît XIV

247ᵉ Pape ; de 1740 à 1758

18 mai 1751

Bulle pontificale Providas romanorum

Sur les Francs-Maçons

Donné à Rome, près Sainte-​Marie-​Majeure, le 18 mai 1751

Bulle de S. S. Benoît XIV,
Évêque, Serviteur des ser­vi­teurs de Dieu

Pour en conser­ver le per­pé­tuel souvenir.

Des rai­sons justes et graves Nous engagent à for­ti­fier de nou­veau de Notre auto­ri­té, et à confir­mer les sages lois et sanc­tions des Pontifes Romains Nos pré­dé­ces­seurs, non seule­ment celles que Nous crai­gnons pou­voir être affai­blies ou anéan­ties par le laps de temps ou la négli­gence des hommes, mais encore celles qui ont été récem­ment mises en vigueur et sont en pleine force.

Clément XII, d’heu­reuse mémoire, Notre pré­dé­ces­seur, par sa Lettre Apostolique, datée du IV des calendes de mai, l’an de l’Incarnation de Notre Seigneur M. DCC. XXXVIII, de son Pontificat le VIIIe, et adres­sée à tous les fidèles de Jésus Christ, qui com­mence par ces mots : In emi­nen­ti a condam­né et défen­du à per­pé­tui­té cer­taines socié­tés, assem­blées, réunions, conven­ti­cules ou agré­ga­tions appe­lées vul­gai­re­ment de Francs-​Maçons ou autre­ment, répan­dues alors dans cer­tains pays, et s’é­ta­blis­sant de jour en jour avec plus d’é­ten­due ; défen­dant à tous les fidèles de Jésus Christ, et à cha­cun en par­ti­cu­lier sous peine d’ex­com­mu­ni­ca­tion à encou­rir par le fait et sans autre décla­ra­tion, de laquelle per­sonne ne peut être absous par autre que par le Souverain Pontife exis­tant pour lors, excep­té à l’ar­ticle de la mort, d’o­ser ou pré­su­mer entrer dans ces socié­tés, ou les pro­pa­ger, les entre­te­nir, les rece­voir chez soi, les cacher, y être ins­crit, agré­gé, ou y assis­ter, et autre­ment, comme il est expri­mé plus au long dans ladite Lettre.

Mais comme il s’en est trou­vé, ain­si que Nous l’ap­pre­nons, qui n’ont pas craint d’as­su­rer et de publier que ladite peine d’ex­com­mu­ni­ca­tion por­tée par Notre pré­dé­ces­seur comme des­sus, ne frappe plus, parce que la consti­tu­tion pré­ci­tée n’a pas été confir­mée par Nous, comme si la confir­ma­tion expresse du Pape suc­ces­seur était requise pour que des consti­tu­tions apos­to­liques don­nées par un Pape pré­dé­ces­seur subsistent ;

Et comme aus­si quelques hommes pieux et crai­gnant Dieu Nous ont insi­nué que, pour ôter tous les sub­ter­fuges des calom­nia­teurs et pour décla­rer l’u­ni­for­mi­té de Notre inten­tion avec la volon­té de Notre pré­dé­ces­seur, il serait fort expé­dient d’a­jou­ter le suf­frage de Notre confir­ma­tion à la consti­tu­tion de Notre sus­dit prédécesseur :

Nous, quoique jus­qu’à pré­sent, lorsque Nous avons, sur­tout pen­dant l’an­née du jubi­lé, et sou­vent aupa­ra­vant, accor­dé béni­gne­ment l’ab­so­lu­tion de l’ex­com­mu­ni­ca­tion encou­rue, à plu­sieurs fidèles de Jésus Christ, vrai­ment repen­tants et contrits d’a­voir vio­lé les lois de la sus­dite consti­tu­tion, et pro­met­tant de tout leur cœur de se reti­rer entiè­re­ment de ces socié­tés ou conven­ti­cules condam­nés, et de ne jamais y retour­ner dans la suite ; et lorsque Nous avons com­mu­ni­qué aux péni­ten­ciers par Nous dépu­tés, la facul­té de pou­voir don­ner en Notre nom et auto­ri­té la même abso­lu­tion à ces sortes de péni­tents qui recour­raient à eux ; lorsque aus­si Nous n’a­vons pas négli­gé de pres­ser avec sol­li­ci­tude et vigi­lance les juges et tri­bu­naux com­pé­tents à pro­cé­der contre les vio­la­teurs de ladite consti­tu­tion, selon la mesure du délit, ce qu’ils ont fait en effet sou­vent, Nous ayons don­né par là des argu­ments non seule­ment pro­bables, mais entiè­re­ment évi­dents et indu­bi­tables, d’où on devait assez clai­re­ment conclure Nos sen­ti­ments et Notre ferme et déli­bé­rée volon­té à l’é­gard de la force et vigueur de la cen­sure por­tée par Notre dit pré­dé­ces­seur Clément, comme il est rap­por­té ci-​dessus ; et que, si l’on publiait une opi­nion contraire sur Notre compte, Nous pour­rions la mépri­ser avec sécu­ri­té, et aban­don­ner Notre cause au juste juge­ment du Dieu Tout Puissant, Nous ser­vant de ces mots dont il est constant qu’on s’est ser­vi autre­fois dans les saints mys­tères : « Faites, nous vous en prions, Seigneur, que nous ne nous sou­ciions pas des contra­dic­tions des esprits méchants ; mais mépri­sant cette méchan­ce­té, nous vous prions de ne pas per­mettre que nous soyons épou­van­tés par les cri­tiques injustes, ou enla­cés par des adu­la­tions insi­dieuses, mais plu­tôt que nous aimions ce que vous com­man­dez, » comme il se trouve dans un ancien Missel, attri­bué à S. Gélase Notre pré­dé­ces­seur et publié par le véné­rable ser­vi­teur de Dieu Joseph-​Marie Thomasius Cardinal, dans la messe inti­tu­lée Contra oblo­quentes.

Cependant, pour qu’on ne puisse pas dire que Nous ayons omis impru­dem­ment quelque chose, qui pût faci­le­ment ôter toute res­source et fer­mer la bouche au men­songe et à la calom­nie, Nous, de l’a­vis de plu­sieurs de Nos Vénérables Frères les Cardinaux de la Sainte Église Romaine, avons décré­té de confir­mer par les pré­sentes, la sus­dite consti­tu­tion de Notre pré­dé­ces­seur, insé­rée mot à mot, dans la forme spé­ci­fique, qui est la plus ample et la plus effi­cace de toutes, comme Nous la confir­mons, cor­ro­bo­rons, renou­ve­lons de science cer­taine et de la plé­ni­tude de Notre auto­ri­té apos­to­lique, par la teneur des pré­sentes, en tout et pour tout, comme si elle était publiée de Notre propre mou­ve­ment, de Notre propre auto­ri­té, en Notre propre nom, pour la pre­mière fois ; vou­lons et sta­tuons qu’elle ait force et effi­ca­ci­té à toujours.

Or, par­mi les causes très graves de la sus­dite pro­hi­bi­tion et condam­na­tion, expri­mées dans la consti­tu­tion rap­por­tée ci-​dessus, la pre­mière est que, dans ces sortes de socié­tés ou conven­ti­cules, il se réunit des hommes de toute reli­gion et de toute secte ; d’où l’on voit assez quel mal peut en résul­ter pour la pure­té de la reli­gion catho­lique. La seconde est le pacte étroit et impé­né­trable du secret, en ver­tu duquel se cache tout ce qui se fait dans ces conven­ti­cules, aux­quels on peut avec rai­son appli­quer cette sen­tence de Cæcilius Natalis rap­por­tée dans Minucius Felix, dans une cause bien dif­fé­rente : Les bonnes choses aiment tou­jours la publi­ci­té, les crimes se couvrent du secret. La troi­sième est le ser­ment qu’ils font de gar­der invio­la­ble­ment ce secret, comme s’il était per­mis à quel­qu’un de s’ap­puyer sur le pré­texte d’une pro­messe ou d’un ser­ment, pour ne pas être tenu, s’il est inter­ro­gé par la puis­sance légi­time, d’a­vouer tout ce qu’on lui demande afin de connaître s’il ne se fait rien dans ces conven­ti­cules qui soit contre l’État et les lois de la reli­gion ou du gouvernement.

La qua­trième est, que ces socié­tés ne sont pas moins recon­nues contraires aux lois civiles qu’aux lois cano­niques ; puisque tous col­lèges, toutes socié­tés, ras­sem­blées sous l’au­to­ri­té publique, sont défen­dues par le droit civil, comme on le voit au Livre XLVII des Pandectes, titre XXII de col­le­giis ac cor­po­ri­bus illi­ci­tis ; et dans la fameuse lettre de C. Plinius Cæcilius Secundus, qui est la XCVII, liv. X, où il dit que, par son édit, selon les ordon­nances de l’empereur, il a été défen­du qu’il pût se for­mer et exis­ter des socié­tés et des ras­sem­ble­ments sans l’au­to­ri­té du prince. La cin­quième, que déjà dans plu­sieurs pays les­dites socié­tés et agré­ga­tions ont été pros­crites et ban­nies par les lois des princes sécu­liers. La der­nière enfin est que ces socié­tés sont en mau­vaise répu­ta­tion chez les per­sonnes de pru­dence et de pro­bi­té, et que s’y enrô­ler serait se souiller de la tache de per­ver­sion et de méchanceté.

Enfin, Notre dit pré­dé­ces­seur engage, dans la consti­tu­tion rap­por­tée ci-​dessus, les Évêques, les Prélats supé­rieurs, et autres Ordinaires des lieux, à ne pas omettre d’in­vo­quer le secours du bras sécu­lier, s’il le faut, pour la mettre à exécution.

Toutes et cha­cune de ces choses non seule­ment Nous approu­vons, confir­mons, recom­man­dons et enjoi­gnons aux mêmes Supérieurs ecclé­sias­tiques ; mais encore Nous per­son­nel­le­ment, en ver­tu du devoir de Notre sol­li­ci­tude apos­to­lique, invo­quons par Nos pré­sentes lettres, et requé­rons de tout notre zèle, à l’ef­fet de leur exé­cu­tion, l’as­sis­tance et le secours de tous les princes et de toutes les puis­sances sécu­lières catho­liques, les sou­ve­rains et les puis­sances étant choi­sis de Dieu pour être les défen­seurs de la foi et les pro­tec­teurs de l’Église ; et par consé­quent, leur devoir étant d’employer tous les moyens pour faire rendre l’o­béis­sance et l’ob­ser­va­tion dues aux consti­tu­tions apos­to­liques ; ce que leur ont rap­pe­lé les Pères du Concile de Trente, sess. 25, chap. 20 ; et ce qu’a­vait for­te­ment aupa­ra­vant bien décla­ré l’empereur Charlemagne dans ses Capitulaires, tit. 1, chap 2. où, après avoir pres­crit à tous ses sujets l’ob­ser­va­tion des ordon­nances ecclé­sias­tiques, il ajou­ta ce qui suit : « Car nous ne pou­vons conce­voir com­ment peuvent nous être fidèles ceux qui se sont mon­trés infi­dèles à Dieu et à ses prêtres. » C’est pour­quoi, enjoi­gnant aux pré­si­dents et ministres de tous ses domaines, d’o­bli­ger tous et cha­cun en par­ti­cu­lier à rendre aux lois de l’Église l’o­béis­sance qui leur est due, il édic­ta des peines très sévères contre ceux qui y man­que­raient. Voici entre autres ses paroles : « Ceux qui en ceci (ce qu’à Dieu ne plaise !) seront trou­vés négli­gents et déso­béis­sants, qu’ils sachent qu’il n’y a plus d’hon­neurs pour eux dans notre empire, fussent-​ils même nos enfants, plus de place dans nos palais, plus de socié­té ni de com­mu­ni­ca­tion avec nous ni les nôtres, mais ils seront sévè­re­ment punis. »

Nous vou­lons qu’on ajoute aux copies des pré­sentes même impri­mées, signées de la main d’un notaire public, et scel­lées du sceau d’une per­sonne consti­tuée en digni­té ecclé­sias­tique, la même foi que l’on ajou­te­rait aux pré­sentes, si elles étaient repré­sen­tées et mon­trées en original.

Qu’il ne soit donc per­mis à aucun homme d’en­freindre ou de contra­rier, par une entre­prise témé­raire, cette Bulle de Notre confir­ma­tion, réno­va­tion, appro­ba­tion, com­mis­sion, invo­ca­tion, réqui­si­tion, décret et volon­té. Si quel­qu’un est assez témé­raire pour le ten­ter, qu’il sache qu’il encour­ra l’in­di­gna­tion du Dieu Tout-​Puissant et des bien­heu­reux apôtres saint Pierre et saint Paul.

Donné à Rome, près Sainte-​Marie-​Majeure, l’an de l’Incarnation de Notre Seigneur M. DCC. LI, le XV des Calendes d’a­vril, la XIe année de Notre Pontificat.

Benoît XIV, Pape

20 décembre 1741
par laquelle il est pourvu à la liberté et à la sauvegarde des Indiens habitant les provinces du Paraguay, du Brésil et sur les rives du fleuve de la Plata
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