Paul VI

262e pape ; de 1963 à 1978

3 septembre 1965

Lettre encyclique Mysterium Fidei

Sur la doctrine et le culte de la Sainte Eucharistie

Table des matières

A Nos Vénérables Frères les Patriarches, Primats, Archevêques, Evêques et autres Ordinaires des lieux, au cler­gé et aux fidèles du monde entier

Vénérables Frères,

Mystère de foi, don accor­dé à l’Eglise, par son Epoux, en gage de son immense amour, l’Eucharistie a tou­jours été reli­gieu­se­ment gar­dée par l’Eglise Catholique comme un tré­sor du plus haut prix et a fait l’ob­jet de sa part, au IIe Concile du Vatican, d’une nou­velle et solen­nelle pro­fes­sion de foi et de culte. Dans l’é­tude de la res­tau­ra­tion de la Sainte Liturgie, les Pères du Concile, sou­cieux du bien de l’Eglise uni­ver­selle, n’ont rien eu plus à cœur que de por­ter les fidèles à une par­ti­ci­pa­tion active à la célé­bra­tion eucha­ris­tique : les chré­tiens se voient pres­sés d’ap­por­ter une foi entière et une dévo­tion pro­fonde à ce mys­tère très saint, de l’of­frir à Dieu en union avec le prêtre comme sacri­fice pour leur salut per­son­nel et celui du monde entier, et de prendre cet ali­ment pour se nour­rir spirituellement.

L’Eucharistie, centre de la liturgie.

Si la Sainte Liturgie occupe la pre­mière place dans la vie de l’Eglise, elle a, peut-​on dire, son cœur et son centre dans l’Eucharistie, puisque celle-​ci est la fon­taine de vie où nous trou­vons de quoi nous puri­fier et nous for­ti­fier, en sorte que nous ne vivions plus pour nous mais pour Dieu, et que nous nous unis­sions entre nous par le lien si étroit de la charité.

Pour mettre en évi­dence le rap­port intime qui joint la pié­té à la foi, les Pères du Concile ont confir­mé l’en­sei­gne­ment constam­ment main­te­nu et dis­pen­sé par l’Eglise et solen­nel­le­ment défi­ni au Concile de Trente ; ils ont tenu à intro­duire l’ex­po­sé sur le mys­tère sacré de l’Eucharistie par cette syn­thèse de véri­té : « Notre Sauveur, à la der­nière Cène, la nuit où il fut livré, a ins­ti­tué le Sacrifice eucha­ris­tique de son Corps et de son Sang, afin de per­pé­tuer ain­si le Sacrifice de la Croix à tra­vers les siècles jus­qu’à sa venue, lais­sant de la sorte à l’Église, son Épouse bien-​aimée, le mémo­rial de sa mort et de sa résur­rec­tion ; sacre­ment de pié­té, signe d’u­ni­té, lien de cha­ri­té, ban­quet pas­cal, où on reçoit le Christ, où l’âme est com­blée de grâce et par quoi est accor­dé le gage de la gloire à venir ». (1)

Ces paroles exaltent en même temps le Sacrifice, qui est de l’es­sence même de la Messe qu’on célèbre chaque jour, et le Sacrement, auquel les fidèles prennent part quand dans la Sainte Communion ils mangent la chair du Christ et boivent son sang et reçoivent la grâce, anti­ci­pa­tion de la vie éter­nelle ; remède d’im­mor­ta­li­té, selon le mot du Seigneur. « Qui mange ma chair et boit mon sang, a la vie éter­nelle et je le res­sus­ci­te­rai au der­nier jour ». (2)

La res­tau­ra­tion de la Liturgie pro­dui­ra donc, Nous en avons le ferme espoir, des fruits abon­dants de dévo­tion eucha­ris­tique ; ain­si la Sainte Eglise, pré­sen­tant ce signe salu­taire de pié­té, pro­gres­se­ra de jour en jour vers l’u­ni­té par­faite (3) et convie­ra à l’u­ni­té de la foi et de la cha­ri­té tous ceux qui ont la fier­té de por­ter le nom de chré­tiens, les atti­rant avec déli­ca­tesse sous l’ac­tion de la grâce divine.

Il Nous semble entre­voir ces fruits et en goû­ter comme les pré­mices dans la joie sin­cère et l’empressement avec les­quels les fils de l’Eglise Catholique ont accueilli la Constitution sur la res­tau­ra­tion de la Liturgie, et aus­si dans la publi­ca­tion de nom­breux tra­vaux de valeur, qui visent à scru­ter avec plus de pro­fon­deur et à faire connaître avec plus de fruit la doc­trine concer­nant la Sainte Eucharistie, spé­cia­le­ment en ce qui regarde les rap­ports de ce mys­tère avec celui de l’Eglise.

C’est pour Nous un grand sujet de récon­fort et de joie ; Nous Nous plai­sons à vous en faire part, Vénérables Frères, afin qu’a­vec Nous vous remer­ciez Dieu, auteur de tout bien, qui par son Esprit gou­verne l’Eglise et la rend féconde en accrois­se­ments de vertu.

Sujets de préoccupations pastorale et d’inquiétude

Pourtant, Vénérables Frères, les motifs ne manquent pas, pré­ci­sé­ment dans le domaine dont Nous par­lons, d’être sou­cieux et pré­oc­cu­pés ; la conscience de Notre devoir apos­to­lique ne Nous per­met pas de le taire.

Nous savons en effet que par­mi les per­sonnes qui parlent ou écrivent sur ce mys­tère très saint, il en est qui répandent au sujet des messes pri­vées, du dogme de la trans­sub­stan­tia­tion et du culte eucha­ris­tique cer­taines opi­nions qui troublent les esprits des fidèles ; elles causent une grande confu­sion d’i­dées tou­chant les véri­tés de la foi, comme s’il était loi­sible à qui que ce soit de lais­ser dans l’ou­bli la doc­trine pré­cé­dem­ment défi­nie par l’Eglise ou de l’in­ter­pré­ter de manière à appau­vrir le sens authen­tique des termes ou éner­ver la force dûment recon­nue aux notions.

Non, il n’est pas per­mis, soit dit par manière d’exemple, de prô­ner la messe appe­lée » com­mu­nau­taire » de telle sorte qu’on dépré­cie la messe pri­vée ; ni d’in­sis­ter sur l’as­pect de signe sacra­men­tel comme si la fonc­tion sym­bo­lique, que nul ne conteste à la Sainte Eucharistie, expri­mait de façon exhaus­tive le mode de pré­sence du Christ dans ce sacre­ment ; il n’est pas per­mis de trai­ter du mys­tère de la trans­sub­stan­tia­tion sans allu­sion à la pro­di­gieuse conver­sion de toute la sub­stance du pain au corps du Christ et de toute la sub­stance du vin au sang du Seigneur conver­sion dont parle le Concile de Trente et d’en res­ter sim­ple­ment à ce qu’on nomme « trans­si­gni­fi­ca­tion » et « trans­fi­na­li­sa­tion » ; il n’est pas per­mis de pré­sen­ter et de suivre dans la pra­tique l’o­pi­nion selon laquelle Notre-​Seigneur Jésus-​Christ ne serait plus pré­sent dans les hos­ties consa­crées qui res­tent après la célé­bra­tion du Sacrifice de la Messe.

Chacun voit comme ces opi­nions, et d’autres du même genre qui ont été lan­cées, com­pro­mettent la foi et le culte envers la divine Eucharistie.

Le Concile a sus­ci­té l’es­pé­rance d’un nou­veau rayon­ne­ment de pié­té eucha­ris­tique qui gagne toute l’Eglise ; il ne faut pas que cet espoir soit frus­tré et que le bon grain soit étouf­fé par les opi­nions erro­nées déjà semées çà et là. C’est pour­quoi Nous avons pris le par­ti de vous entre­te­nir de ce sujet si impor­tant, Vénérables Frères, et, en ver­tu de Notre auto­ri­té apos­to­lique, de vous faire part de Notre pen­sée en la matière.

Certes Nous ne nions pas, chez ceux qui donnent cours aux opi­nions en ques­tion, le désir louable de scru­ter un si grand mys­tère, d’en explo­rer les inépui­sables richesses et d’en décou­vrir le sens aux hommes de notre temps. Ce désir, Nous le recon­nais­sons et Nous l’ap­prou­vons. Mais Nous ne pou­vons approu­ver les opi­nions émises par ces cher­cheurs et Nous sommes conscient de Notre devoir de vous aver­tir du dan­ger sérieux qu’elles font cou­rir à la vraie foi.

La sainte Eucharistie est un mystère de foi

En pre­mier lieu, Nous tenons à rap­pe­ler une véri­té que vous savez par­fai­te­ment mais qu’il faut tenir pré­sente a l’es­prit pour écar­ter toute conta­mi­na­tion de ratio­na­lisme. Tant de catho­liques ont scel­lé de leur sang cette véri­té ; d’illustres pères et Docteurs de l’Eglise l’ont constam­ment pro­fes­sée et ensei­gnée : l’Eucharistie est un mys­tère très éle­vé et même pro­pre­ment, comme le dit la Liturgie, le mys­tère de foi. Notre Prédécesseur Léon XIII, d’heu­reuse mémoire, le remarque avec tant de sagesse : « En ce seul mys­tère sont ren­fer­mées en sin­gu­lière abon­dance des mer­veilles diverses, toutes les réa­li­tés sur­na­tu­relles « .(4)

De ce mys­tère nous ne pou­vons donc nous appro­cher qu’a­vec un humble res­pect, sans nous tenir au rai­son­ne­ment humain, qui doit se taire, mais en nous atta­chant fer­me­ment à la Révélation divine.

Vous savez quelle élé­va­tion de lan­gage et quelle pié­té éclai­rée saint Jean Chrysostome a trou­vées pour par­ler du mys­tère eucha­ris­tique ; un jour, ins­trui­sant ses fidèles à ce sujet, il eut ces expres­sions si heu­reuses : « Inclinons-​nous devant Dieu, sans pro­tes­ter, même si ce qu’Il nous dit paraît contraire à notre rai­son et à notre intel­li­gence ; sa parole doit pré­va­loir sur celles-​ci. Agissons de même à l’é­gard du Mystère (I’Eucharistie), sans nous arrê­ter à ce qui tombe sous les sens mais en adhé­rant à ses paroles, car sa parole ne peut trom­per ». (5)

Souvent les Docteurs Scolastiques ont repris des affir­ma­tions iden­tiques. La pré­sence du véri­table Corps du Christ et du véri­table Sang du Christ dans ce sacre­ment, » on ne l’ap­prend point par les sens, dit saint Thomas, mais par la foi seule, laquelle s’ap­puie sur l’au­to­ri­té de Dieu. C’est pour­quoi, com­men­tant le texte de saint Luc, C. 22, 19 : « Ceci est mon corps qui sera livré pour vous », Cyrille déclare : « Ne va pas te deman­der si c’est vrai, mais bien plu­tôt accueille avec foi les paroles du Seigneur, parce que Lui, qui est la véri­té, ne ment pas. »

Aussi le peuple chré­tien, fai­sant écho au Docteur Angélique, chante-​t-​il si fré­quem­ment : « A ton sujet la vue, le tou­cher, le goût se trompent ; c’est par la voie de la seule ouïe qu’on croit en toute sécu­ri­té ; je crois tout ce qu’a dit le Fils de Dieu : rien de plus vrai que cette parole de vérité ».

Il y a plus : saint Bonaventure affirme que le mys­tère eucha­ris­tique est « le plus dif­fi­cile à croire » non seule­ment des mys­tères impli­qués dans les sacre­ments, mais de tous les mys­tères de la foi. (7) Cela nous est d’ailleurs sug­gé­ré par l’Évangile, quand il raconte que beau­coup de dis­ciples du Christ, enten­dant ce qu’il décla­rait de sa chair à man­ger et de son sang à boire, recu­lèrent et aban­don­nèrent le Seigneur, en avouant : « Ce qu’il dit est raide ! Qui peut l’é­cou­ter ? ». Et comme Jésus deman­dait si les Douze aus­si vou­laient s’en aller, Pierre don­na l’at­tes­ta­tion prompte et ferme de la foi qui était la sienne et celle des Apôtres, en cette réponse admi­rable : « Seigneur, à qui irions-​nous ? Tu as les paroles de la vie éter­nelle ».(8)

Il est donc logique pour nous de suivre comme une étoile, dans notre explo­ra­tion de ce mys­tère, le magis­tère de l’Eglise : le Divin Rédempteur a confié à sa garde et à son inter­pré­ta­tion la parole de Dieu écrite ou trans­mise par tra­di­tion orale ; nous sommes assu­rés que « même sans les recherches dont la rai­son est capable, même sans les expli­ca­tions que le lan­gage peut four­nir, ce que depuis l’an­ti­qui­té l’Eglise entière pro­clame et croit selon la véri­table foi catho­lique, cela reste tou­jours vrai ». (9)

Mais cela ne suf­fit pas. L’intégrité de la foi étant sauve, il faut de plus obser­ver l’exac­ti­tude dans la façon de s’ex­pri­mer, de peur que l’emploi peu cir­cons­pect de cer­tains termes ne sug­gère, ce qu’à Dieu ne plaise, des opi­nions fausses affec­tant la foi par laquelle nous connais­sons les mys­tères les plus éle­vés. C’est le lieu de rap­pe­ler l’a­ver­tis­se­ment for­mu­lé par saint Augustin, à pro­pos de la dif­fé­rence qui sépare, pour la manière de dire, les chré­tiens des phi­lo­sophes : « Les phi­lo­sophes, dit-​il, parlent en toute liber­té, sans redou­ter de bles­ser l’au­di­teur reli­gieux en des choses très dif­fi­ciles à sai­sir. Mais nous sommes tenus de régler nos paroles sur une norme déter­mi­née, pour évi­ter que la liber­té d’ex­pres­sion ne donne lieu à telle opi­nion impie au plan même du sens des paroles ». (10)

Au prix d’un tra­vail pour­sui­vi au long des siècles, et non sans l’as­sis­tance de l’Esprit Saint, l’Eglise a fixé une règle de lan­gage et l’a confir­mée avec l’au­to­ri­té des Conciles. Cette règle a sou­vent don­né à l’or­tho­doxie de la foi son mot de passe et ses enseignes. Elle doit être reli­gieu­se­ment res­pec­tée. Que per­sonne ne s’ar­roge le droit de la chan­ger à son gré ou sous cou­leur de nou­veau­té scien­ti­fique. Qui pour­rait jamais tolé­rer un juge­ment d’a­près lequel les for­mules dog­ma­tiques appli­quées par les Conciles Oecuméniques aux mys­tères de la Sainte Trinité et de l’Incarnation ne seraient plus adap­tées aux esprits de notre temps, et devraient témé­rai­re­ment être rem­pla­cées par d’autres ? De même on ne sau­rait tolé­rer qu’un par­ti­cu­lier touche de sa propre auto­ri­té aux for­mules dont le Concile de Trente s’est ser­vi pour pro­po­ser à la foi le mys­tère eucha­ris­tique. C’est que ces for­mules, comme les autres que l’Eglise adopte pour l’é­non­cé des dogmes de foi, expriment des concepts qui ne sont pas liés à une cer­taine forme de culture, ni à une phase déter­mi­née du pro­grès scien­ti­fique, ni à telle ou telle école théo­lo­gique ; elles reprennent ce que l’es­prit humain emprunte à la réa­li­té par l’ex­pé­rience uni­ver­selle et néces­saire ; et en même temps ces for­mules sont intel­li­gibles pour les hommes de tous les temps et de tous les lieux. On peut assu­ré­ment, comme cela se fait avec d’heu­reux résul­tats, don­ner de ces for­mules une expli­ca­tion plus claire et plus ouverte, mais ce sera tou­jours dans le même sens selon lequel elles ont été adop­tées par l’Eglise : ain­si la véri­té immuable de la foi res­te­ra intacte tan­dis que pro­gres­se­ra l’in­tel­li­gence de la foi. Car comme l’en­seigne le pre­mier Concile du Vatican, dans les dogmes sacrés « on doit tou­jours gar­der le sens que notre Mère la Sainte Eglise a décla­ré une fois pour toutes et que jamais il n’est per­mis de s’en écar­ter sous le pré­texte spé­cieux d’in­tel­li­gence plus profonde. »

Le mystère eucharistique se réalise dans le Sacrifice de la Messe

A pré­sent Nous aimons, Vénérables Frères, à rap­pe­ler pour l’é­di­fi­ca­tion et la joie de tous, la doc­trine que l’Eglise tient de la tra­di­tion et enseigne dans un accord unanime.

D’abord il est bon de redire ce qui forme comme la syn­thèse et le som­met de cet ensei­gne­ment : dans le mys­tère eucha­ris­tique est repré­sen­té de façon mer­veilleuse le Sacrifice de la Croix consom­mé une fois pour toutes sur le Calvaire ; ce Sacrifice y est sans cesse ren­du pré­sent à notre sou­ve­nir et sa ver­tu salu­taire y est appli­quée à la rémis­sion des péchés qui se com­mettent chaque jour. (12) Notre-​Seigneur Jésus-​Christ en ins­ti­tuant le mys­tère eucha­ris­tique a scel­lé de son sang la Nouvelle Alliance dont Il est le Médiateur, comme déjà Moïse avait scel­lé l’Ancienne Alliance dans le sang des vic­times. (13) L’Evangile le rap­porte : à la der­nière Cène, « ayant pris le pain, Il ren­dit grâces et rom­pit le pain puis le don­na aux Apôtres en disant : Ceci est mon Corps don­né pour vous ; faites ceci en mémoire de moi. Pareillement Il prit la coupe, après le repas, en disant : Ceci est la coupe de la Nouvelle Alliance dans mon sang répan­du pour vous ». (14) En pres­cri­vant aux Apôtres de faire cela en sou­ve­nir de Lui, Il vou­lait du même coup que le geste se renou­ve­lât perpétuellement.

Et l’Eglise a fidè­le­ment exé­cu­té cette consigne, res­tant atta­chée aux ensei­gne­ments des Apôtres et se réunis­sant pour célé­brer le Sacrifice Eucharistique. « Et tous étaient assi­dus aux ensei­gne­ments des Apôtres et aux réunions com­munes, à la frac­tion du pain et aux prières ».(15) Et telle était la fer­veur que les fidèles y pui­saient qu’on pou­vait dire à leur sujet. « La masse des croyants n’a­vait qu’un cœur et qu’une âme ». (16)

A son tour l’Apôtre Paul, qui nous a trans­mis avec une extrême fidé­li­té ce qu’il avait appris du Seigneur, parle ouver­te­ment du Sacrifice Eucharistique quand il explique que les chré­tiens ne peuvent avoir part aux sacri­fices des païens, pré­ci­sé­ment parce qu’ils sont deve­nus par­ti­ci­pants de la table du Seigneur. « La coupe de béné­dic­tion que nous bénis­sons, n’est-​elle pas une com­mu­nion au sang du Christ ? Et le pain que nous rom­pons n’est-​il pas une par­ti­ci­pa­tion au corps du Christ ? … Vous ne pou­vez boire à la coupe du Seigneur et à la coupe des démons ; vous ne pou­vez par­ti­ci­per à la table du Seigneur et à la table des démons ».(18)

Cette obla­tion nou­velle du Nouveau Testament, que Malachie avait pré­dite, (19) l’Eglise, ins­truite par le Seigneur et les Apôtres, l’a tou­jours offerte « non seule­ment pour les péchés, les peines, les satis­fac­tions et les autres néces­si­tés des fidèles vivants, mais aus­si pour ceux qui sont morts dans le Christ et ne sont pas encore plei­ne­ment puri­fiés ».(20) Pour ne rien dire des autres témoi­gnages, évo­quons seule­ment celui de saint Cyrille de Jérusalem, qui, for­mant les néo­phytes dans la foi chré­tienne, pro­non­ça ces paroles mémo­rables » Après avoir accom­pli le sacri­fice spi­ri­tuel, rite non san­glant, nous adres­sons à Dieu, sur cette hos­tie de pro­pi­tia­tion, des sup­pli­ca­tions pour la paix par­tout dans l’Eglise, pour l’empereur, les armées et les alliés, pour les malades et les gens éprou­vés, et en géné­ral nous prions tous pour tous ceux qui sont morts par­mi nous ; nous sommes convain­cus que cette invo­ca­tion sera de très grand secours pour les âmes en faveur des­quelles monte la prière tan­dis qu’est pré­sente la vic­time sainte et redou­table « . A l’ap­pui de son ensei­gne­ment le Docteur apporte l’exemple de la cou­ronne que l’on tresse pour l’empereur, en vue d’ob­te­nir le par­don des exi­lés, et il conclut : « De même nous aus­si nous pré­sen­tons à Dieu des prières pour les défunts, même s’ils furent pécheurs ; nous ne Lui tres­sons pas une cou­ronne, mais nous Lui offrons en ran­çon de nos péchés le Christ immo­lé, tâchant de rendre Dieu pro­pice à nous et à eux « . (21) Saint Augustin atteste que la cou­tume d’of­frir le sacri­fice de notre rédemp­tion pour les défunts comme pour les vivants était en vigueur dans l’Eglise de Rome (22) et en même temps que cette cou­tume s’ob­ser­vait dans l’Eglise entière. (23)

Mais il est autre chose que Nous Nous plai­sons à ajou­ter, vu sa grande uti­li­té pour éclai­rer le mys­tère de l’Eglise : celle-​ci, jouant en union avec le Christ le rôle de prêtre et de vic­time, est tout entière à offrir le Sacrifice de la Messe et elle y est offerte tout entière. Cet admi­rable ensei­gne­ment, déjà livré par les Pères (24) a été, à une époque récente, expo­sé par Notre Prédécesseur Pie XII d’heu­reuse mémoire (25) et en der­nier lieu il a été for­mu­lé par le Ile Concile du Vatican dans la Constitution De Ecclesia à pro­pos du Peuple de Dieu.(26) C’est Notre vif désir de le voir tou­jours davan­tage expli­qué et plus pro­fon­dé­ment impri­mé dans l’âme des fidèles, sans détri­ment de la juste dif­fé­rence de nature et non seule­ment de degré qui dis­tingue le sacer­doce des fidèles du sacer­doce hié­rar­chiques Il n’est pas de doc­trine plus apte à ali­men­ter la pié­té eucha­ris­tique et à mettre en valeur la digni­té de tous les fidèles comme aus­si à pres­ser les cœurs d’at­teindre le som­met de la sain­te­té – lequel consiste sim­ple­ment à se mettre tout au ser­vice de la Majesté divine par une géné­reuse offrande de soi-même.

Il faut aus­si rap­pe­ler la conclu­sion qui découle de cette doc­trine concer­nant le carac­tère public et social de toute Messe.(28) En effet, la Messe, même si elle est célé­brée en par­ti­cu­lier par un prêtre, n’est jamais pour autant une démarche pri­vée mais elle est action du Christ et de l’Eglise, qui a appris à s’of­frir elle-​même, dans le sacri­fice qu’elle offre, en sacri­fice uni­ver­sel, appli­quant au salut du monde entier la ver­tu rédemp­trice unique et infi­nie du Sacrifice de la Croix. Il n’est pas de Messe qui ne soit offerte pour le salut du monde entier et non seule­ment pour le salut de quelques personnes.

Par consé­quent, s’il est hau­te­ment conve­nable qu’à la célé­bra­tion de la Messe les fidèles par­ti­cipent acti­ve­ment en grand nombre, il n’y a pas à blâ­mer mais au contraire à approu­ver la célé­bra­tion de la Messe en pri­vé, confor­mé­ment aux pres­crip­tions et aux tra­di­tions de la Sainte Eglise, par un prêtre avec un seul ministre pour la ser­vir. C’est que cette Messe assure une grande abon­dance de grâces par­ti­cu­lières au béné­fice soit du prêtre lui-​même soit du peuple fidèle et de toute l’Église et même du monde entier, grâces qui ne pour­raient être obte­nues aus­si lar­ge­ment par la seule Communion.

C’est pour­quoi Nous recom­man­dons avec une pater­nelle insis­tance aux prêtres, qui à un titre par­ti­cu­lier sont dans le Seigneur Notre joie et Notre cou­ronne, de res­ter conscients du pou­voir que I’Évêque consé­cra­teur leur confé­ra d’of­frir à Dieu le Sacrifice et de célé­brer des Messes tant pour les vivants que pour les défunts au nom du Seigneur (29) et de célé­brer chaque jour la Messe en toute digni­té et dévo­tion, afin qu’eux-​mêmes et les autres fidèles pro­fitent de l’ap­pli­ca­tion des fruits abon­dants issus du Sacrifice de la Croix. De cette façon ils contri­bue­ront gran­de­ment aus­si au salut du genre humain.

Dans le sacrifice de la Messe, le Christ se rend sacramentellement présent.

Ce que Nous venons de résu­mer tou­chant le Sacrifice de la Messe Nous amène à dire aus­si un mot du Sacrement de l’Eucharistie : Sacrifice et Sacrement s’in­tègrent ensemble dans le même mys­tère en sorte qu’on ne peut sépa­rer l’un de l’autre. Le Seigneur s’im­mole de manière. non san­glante dans le Sacrifice de la Messe, qui repré­sente le Sacrifice de la Croix, en appli­quant la ver­tu salu­taire, au moment où par l’ef­fet des paroles de la consé­cra­tion il com­mence d’être sacra­men­tel­le­ment pré­sent comme nour­ri­ture spi­ri­tuelle des fidèles sous les espèces du pain et du vin.

Bien divers sont, nous le savons tous, les modes de pré­sence du Christ à son Eglise. Il est utile de reprendre un peu plus lar­ge­ment cette véri­té si belle que la Constitution sur la Sainte Liturgie a briè­ve­ment expo­sées (30). Le Christ est pré­sent à son Église qui prie, étant Lui-​même Celui qui « prie pour nous, qui prie en nous et qui est prié par nous : il prie pour nous comme notre Prêtre ; il prie en nous comme notre Chef ; il est prié par nous comme notre Dieu « ; (31) c’est lui-​même qui a pro­mis : « Là où se trou­ve­ront réunis en mon nom deux ou trois, je m’y trou­ve­rai au milieu d’eux » (32)

Il est pré­sent à son Eglise qui accom­plit les œuvres de misé­ri­corde, non seule­ment parce que, quand nous fai­sons un peu de bien à l’un de ses frères les plus humbles nous le fai­sons au Christ lui-​même, (33) mais aus­si parce que c’est le Christ lui-​même qui opère ces actions par le moyen de son Eglise y venant tou­jours au secours des hommes avec sa cha­ri­té divine. Il est pré­sent à l’Eglise qui dans son pèle­ri­nage ter­restre aspire au port de la vie éter­nelle„ puisqu’Il habite en nos cœurs par la foi (34) et qu’Il y répand la cha­ri­té par l’ac­tion de l’Esprit Saint que lui-​même nous a donné.(35)

D’une autre façon, non moins véri­table, Il est pré­sent à son Eglise qui prêche, puisque l’Evangile qu’elle annonce est Parole de Dieu et que cette Parole est pro­cla­mée au nom et par l’au­to­ri­té du Christ, Verbe de Dieu incar­né, et avec son assis­tance, afin qu’il y ait » un seul trou­peau se confiant à un unique ber­ger » (36)

Il est pré­sent à l’Église qui dirige et gou­verne le Peuple de Dieu, puisque le pou­voir sacré découle du Christ, et que le Christ, » Pasteur des Pasteurs « , assiste les Pasteurs qui exercent ce pou­voir (37) selon la pro­messe faite aux Apôtres. De plus, et d’une manière plus sublime encore, le Christ est pré­sent à son Eglise qui en son nom célèbre le Sacrifice de la Messe et admi­nistre les Sacrements. A pro­pos de la pré­sence du Christ dans l’of­frande du Sacrifice de la Messe, laissez-​Nous citer ce que saint Jean Chrysostome, trans­por­té d’ad­mi­ra­tion, dit avec jus­tesse et élo­quence : « je veux ajou­ter une chose vrai­ment éton­nante, mais ne soyez point sur­pris ni trou­blés. Qu’est-​ce donc ? L’offrande est la même, qui que ce soit qui la pré­sente, ou Paul ou Pierre ; cette même offrande que le Christ confia aux dis­ciples et que main­te­nant les prêtres accom­plissent : celle-​ci n’est pas infé­rieure à celle-​là, parce qu’elle ne tient pas sa sain­te­té des hommes mais de Celui qui la fit sainte. Comme les paroles dites par Dieu sont celles-​là même qu’à pré­sent le prêtre pro­nonce, ain­si l’o­bla­tion est la même » (39)

Personne non plus n’i­gnore que les Sacrements sont action du Christ qui les admi­nistre par le moyen des hommes. Pour cette rai­son ils sont saints d’eux-​mêmes, et par la ver­tu du Christ ils confèrent la grâce à l’âme en attei­gnant le corps.

On reste émer­veillé devant ces divers modes de pré­sence du Christ et on y trouve à contem­pler le mys­tère même de l’Eglise. Pourtant bien autre est le mode, vrai­ment sublime, selon lequel le Christ est pré­sent à l’Eglise dans le Sacrement de l’Eucharistie. C’est pour­quoi celui-​ci est par­mi tous les Sacrements « le plus doux pour la dévo­tion, le plus beau pour l’in­tel­li­gence, le plus saint pour ce qu’il ren­ferme « ; (40) oui il ren­ferme le Christ lui-​même et il est, « comme la per­fec­tion de la vie spi­ri­tuelle et la fin à laquelle tendent tous les Sacrements « .(41)

Cette pré­sence, on la nomme « réelle », non à titre exclu­sif, comme si les autres pré­sences n’é­taient pas » réelles « , mais par excel­lence ou » anto­no­mase « , parce qu’elle est sub­stan­tielle, et que par elle le Christ, Homme-​Dieu, se rend pré­sent tout entier.(42)

Ce serait donc une mau­vaise expli­ca­tion de cette sorte de pré­sence que de prê­ter au Corps du Christ glo­rieux une nature spi­ri­tuelle (« pneu­ma­tique ») omni­pré­sente ; ou de réduire la pré­sence eucha­ris­tique aux limites d’un sym­bo­lisme, comme si ce Sacrement si véné­rable ne consis­tait en rien autre qu’en un signe effi­cace « de la pré­sence spi­ri­tuelle du Christ et de son union intime avec les fidèles, membres du Corps Mystique ». (43)

Assurément le sym­bo­lisme eucha­ris­tique a été abon­dam­ment étu­dié par les Pères et les Scolastiques, sur­tout par rap­port à l’u­ni­té de l’Eglise ; le Concile de Trente a résu­mé cette doc­trine quand il enseigne que notre Sauveur a lais­sé à son Eglise l’Eucharistie » comme sym­bole de son uni­té et de la cha­ri­té par laquelle Lui-​même veut voir tous les chré­tiens inti­me­ment unis entre eux « , « et donc comme un sym­bole de ce Corps unique dont Il est la Tête » (44)

Aux pre­miers débuts de la lit­té­ra­ture chré­tienne, l’au­teur incon­nu de l’ou­vrage inti­tu­lé Didachè ou Doctrine des XII Apôtres écri­vait à ce sujet : « Pour ce qui regarde l’Eucharistie, ren­dez grâce de cette manière : … comme ce pain rom­pu était pré­cé­dem­ment dis­per­sé sur les mon­tagnes et devint un par le ras­sem­ble­ment des grains, qu’ain­si ton Église se ras­semble des confins de la terre en ton Royaume ». (45)

Pareillement saint Cyprien, défen­dant l’u­ni­té de l’Eglise contre le schisme, écrit : » Enfin les Sacrifices mêmes du Seigneur mettent en lumière l’u­ni­té des chré­tiens, sou­dés par une cha­ri­té solide et infran­gible. Car quand le Seigneur appelle son corps le pain com­po­sé de l’u­nion d’une mul­ti­tude de grains, Il désigne notre peuple réuni, ce peuple que Lui-​même por­tait ; et quand Il appelle son sang le vin tiré d’une quan­ti­té de grappes et de rai­sins dont le jus a été expri­mé et mêlé, Il désigne de même notre trou­peau uni­fié par la fusion de toute une mul­ti­tude « .(46)

D’ailleurs, avant tous les autres, l’Apôtre J’avait dit aux Corinthiens : » Puisqu’il y a un seul pain, nous ne for­mons à nous tous qu’un seul corps, car tous nous avons part à ce pain unique « .(47)

Mais si le sym­bo­lisme eucha­ris­tique nous fait bien sai­sir l’ef­fet propre de ce Sacrement, qui est l’u­ni­té du Corps Mystique, il ne rend pas compte et il ne donne pas l’ex­pres­sion de ce qui dans la nature du Sacrement le dis­tingue des autres. Car l’en­sei­gne­ment constam­ment dépar­ti par l’Eglise aux caté­chu­mènes, le sens du peuple chré­tien, la doc­trine défi­nie par le concile de Trente et les paroles elles-​mêmes par les­quelles le Christ ins­ti­tua la Sainte Eucharistie, nous obligent de pro­fes­ser que « l’Eucharistie est la chair de notre Sauveur Jésus-​Christ, qui a souf­fert pour nos péchés et que le Père a res­sus­ci­té dans sa bon­té « .(48) Aux paroles du mar­tyr Ignace Nous joi­gnons volon­tiers celles de Théodore de Mopsueste, qui est en cela témoin de la foi de l’Eglise : C’est que, écrit-​il, le Seigneur par­lant aux dis­ciples « ne dit point : ceci est le sym­bole de mon Corps et ceci est le sym­bole de mon Sang, mais : ceci est mon Corps et ceci est mon Sang, nous appre­nant à ne pas consi­dé­rer la nature de la chose qui s’of­frait à nos sens ; en effet par l’ac­tion de la grâce cet objet a été chan­gé en chair et en sang « . (49)

Le Concile de Trente, appuyé sur cette foi de l’Eglise, « affirme ouver­te­ment et sans détour que dans le véné­rable Sacrement de la Sainte Eucharistie, après la consé­cra­tion du pain et du vin, notre Seigneur Jésus-​Christ, vrai Dieu et vrai Homme, est pré­sent vrai­ment, réel­le­ment et sub­stan­tiel­le­ment sous l’ap­pa­rence de ces réa­li­tés sen­sibles « . Notre Sauveur est donc pré­sent dans son huma­ni­té non seule­ment à la droite du Père mais en même temps dans le Sacrement de l’Eucharistie « en un mode d’exis­tence que nos mots peuvent sans doute à peine expri­mer, mais que notre intel­li­gence, éclai­rée par la foi, peut cepen­dant recon­naître et que nous devons croire fer­me­ment comme une chose pos­sible à Dieu « .(50)

Le Christ Notre Seigneur est présent dans le Sacrement de l’Eucharistie

Mais afin de parer à tout mal­en­ten­du concer­nant ce mode de pré­sence supé­rieur aux lois natu­relles et qui dans son genre consti­tue le plus grand des miracles (51) il faut écou­ter avec doci­li­té la voix de l’Église dans son ensei­gne­ment et sa prière. Or cette voix, qui ne cesse de faire écho à la voix du Christ, nous assure que le Christ ne se rend pré­sent dans ce Sacrement que par la conver­sion de toute la sub­stance du pain au corps du Christ et de toute la sub­stance du vin au sang du Christ ; conver­sion sin­gu­lière et mer­veilleuse, que l’Eglise Catholique dénomme en toute jus­tesse et pro­prié­té de terme trans­sub­stan­tia­tion.(52) Celle-​ci accom­plie, les espèces du pain et du vin acquièrent sans doute une nou­velle signi­fi­ca­tion et une fin nou­velle puis­qu’il n’y a plus le pain ordi­naire et la bois­son ordi­naire, mais le signe d’une chose sacrée et le signe d’un ali­ment spi­ri­tuel ; mais les espèces tiennent cette signi­fi­ca­tion et cette fina­li­té nou­velles du fait qu’elles portent une réa­li­té nou­velle, que nous appe­lons à bon droit onto­logique.

En effet, sous les espèces dont nous par­lons, il n’y a plus ce qui s’y trou­vait aupa­ra­vant, mais quelque chose de tout dif­fé­rent ; et cela non seule­ment en dépen­dance du juge­ment que porte la foi de l’Église, mais par le fait de la réa­li­té objec­tive elle-​même ; car une fois la nature ou sub­stance du pain et du vin chan­gée en corps et sang du Christ, il ne sub­siste du pain et du vin rien que les seules espèces, sous les­quelles le Christ tout entier est pré­sent en sa réa­li­té phy­sique, et même cor­po­relle, bien que selon un mode de pré­sence dif­fé­rent de celui selon lequel les corps occupent tel ou tel endroit.

D’où le sou­ci qu’eurent les Pères d’a­ver­tir les fidèles de ne pas se fier, dans la consi­dé­ra­tion de ce Sacrement très véné­rable, aux sens, qui signalent les carac­té­ris­tiques du pain et du vin, mais aux paroles du Christ, qui ont le pou­voir de chan­ger, trans­for­mer, de « conver­tir jus­qu’aux élé­ments » le pain et le vin, au corps et au sang du Seigneur. En véri­té, comme les Pères le répètent sou­vent, la puis­sance qui opère ce pro­dige est la puis­sance même de Dieu Tout-​Puissant, qui au com­men­ce­ment du temps a créé l’u­ni­vers à par­tir de rien. » Instruit de ces véri­tés, dit saint Cyrille de Jérusalem au terme de son dis­cours sur les mys­tères de la foi, et péné­tré d’une foi vigou­reuse, pour laquelle ce qui semble du pain n’en est pas, mal­gré la sen­sa­tion du goût, mais est le Corps du Christ, et ce qui semble du vin n’en est pas, en dépit de la saveur éprou­vée, mais est le Sang du Christ… for­ti­fie ton cœur en man­geant ce pain comme une nour­ri­ture spi­ri­tuelle et donne la joie au visage de ton âme « .e

Et saint Jean Chrysostome d’in­sis­ter : » Ce n’est pas l’homme qui fait que les choses offertes deviennent Corps et Sang du Christ, mais le Christ lui-​même, qui a été cru­ci­fié pour nous. Le prêtre, figure du Christ, pro­nonce ces paroles, mais leur effi­ca­ci­té et la grâce sont de Dieu. Ceci est mon corps : cette parole trans­forme les choses offertes « . Et avec Jean, évêque de Constantinople, est par­fai­te­ment d’ac­cord Cyrille, évêque d’Alexandrie, qui écrit dans son com­men­taire de l’Evangile de S. Matthieu : » (Le Christ) a dit au mode indi­ca­tif : ceci est mon corps et ceci est mon sang, afin que tu ne penses pas que les choses sont une simple image, mais que tu croies que les choses offertes sont trans­for­mées réel­le­ment au corps et au sang du Christ, d’une manière mys­té­rieuse, par la Toute-​Puissance de Dieu ; pre­nant part à ces réa­li­tés, nous rece­vons la force vivi­fiante et sanc­ti­fiante du Christ ».(55)

Et Ambroise, Evêque de Milan, dit en par­lant clai­re­ment de la conver­sion eucha­ris­tique : « Soyons bien per­sua­dés que ceci n’est pas ce que la nature a for­mé mais ce que la béné­dic­tion a consa­cré, et que la force de la béné­dic­tion l’emporte sur celle de la nature, parce que par la béné­dic­tion la nature elle-​même se trouve chan­gée « . Puis, pour confir­mer la véri­té du mys­tère, il rap­pelle maints exemples de miracles rap­por­tés par l’Écriture Sainte, notam­ment Jésus né de la Vierge Marie, et puis, pas­sant à l’œuvre de la créa­tion, il conclut : « La parole du Christ, qui a pu faire de rien ce qui n’exis­tait pas, ne pour­rait donc chan­ger les choses exis­tantes en ce qu’elles n’é­taient pas encore ? Car ce n’est pas moins de don­ner aux choses leur nature pre­mière que de la leur chan­ger ». (56)

Mais Nous n’a­vons pas besoin de mul­ti­plier les témoi­gnages et il est plus utile de rap­pe­ler la fer­me­té de foi avec laquelle l’Eglise una­nime résis­ta à Béranger, qui, cédant aux dif­fi­cul­tés sou­le­vées par la rai­son, osa le pre­mier nier la conver­sion eucha­ris­tique ; l’Eglise le mena­ça à plu­sieurs reprises de condam­na­tion pour le cas où il ne se rétrac­te­rait pas. C’est ain­si que Notre Prédécesseur Grégoire VII lui impo­sa d’é­mettre sous la foi du ser­ment la décla­ra­tion sui­vante : « je crois de cœur et je confesse de bouche que le pain et le vin qui sont sur l’au­tel sont, par le mys­tère de la prière sainte et par les paroles de notre Rédempteur, chan­gés sub­stan­tiel­le­ment en la chair véri­table, propre et vivi­fiante, et au sang de notre Seigneur Jésus-​Christ, et qu’a­près la consé­cra­tion ils sont le vrai corps du Christ, qui est né de la Vierge, qui, offert pour le salut du monde, a été sus­pen­du à la Croix, qui siège à la droite du Père, ain­si que le vrai sang du Christ, qui a cou­lé de son côté. Il n’y est pas seule­ment figu­ra­ti­ve­ment et par la ver­tu du sacre­ment, mais dans sa nature propre et dans sa véri­table sub­stance  » (57)

A ces paroles cor­res­pond – exemple admi­rable de la sta­bi­li­té de la foi catho­lique – ce que les Conciles Œcuméniques du Latran, de Constance, de Florence et fina­le­ment le Concile de Trente, ont ensei­gné sur le mys­tère de la conver­sion eucha­ris­tique, soit en expo­sant la doc­trine de l’Église soit en condam­nant cer­taines erreurs.

Après le Concile de Trente, Notre Prédécesseur Pie VI, pour réagir contre les erreurs du Synode de Pistoie, aver­tit sérieu­se­ment les curés, à qui incombe le devoir d’en­sei­gner, de ne pas négli­ger de par­ler de la trans­sub­stan­tia­tion, qui consti­tue un article de foi.(58)

De même Notre Prédécesseur Pie XII d’heu­reuse mémoire rap­pe­la les limites à res­pec­ter par qui­conque se livre à une dis­cus­sion plus pous­sée tou­chant le mys­tère de la transsubstantiation.,(59)

Nous-​même, au récent Congrès Eucharistique National de l’Italie, tenu à Pise, Nous avons, sui­vant Notre devoir apos­to­lique, don­né une attes­ta­tion publique et solen­nelle de la foi de l’Église. (60)

Du reste l’Eglise Catholique n’a pas seule­ment ensei­gné sans cesse mais elle a éga­le­ment vécu la foi en la pré­sence du Corps et du Sang du Seigneur dans l’Eucharistie ; à ce grand Sacrement elle adresse l’a­do­ra­tion, le culte de latrie, qui ne peut être ren­du qu’à Dieu.

A ce pro­pos saint Augustin nous dit : » Dans cette chair (le Seigneur) a mar­ché sur notre terre et Il nous a don­né cette même chair à man­ger pour notre salut ; et per­sonne ne la prend sans l’a­voir d’a­bord ado­rée… de sorte qu’en l’a­do­rant nous ne péchons point mais au contraire nous péchons si nous ne l’a­do­rons pas « . (61)

Sur le culte d’adoration dû au sacrement de l’Eucharistie

L’Eglise Catholique fait pro­fes­sion de rendre ce culte d’a­do­ra­tion au Sacrement de l’Eucharistie non seule­ment durant la Messe mais aus­si en dehors de sa célé­bra­tion ; elle conserve avec le plus grand soin les hos­ties consa­crées et les pré­sente aux fidèles pour qu’ils les vénèrent avec solennité.

Cette véné­ra­tion est attes­tée par de nom­breux docu­ments très anciens de l’Eglise. En effet les Pasteurs de l’Eglise exhor­taient tou­jours les fidèles à gar­der avec un soin extrême l’Eucharistie qu’ils empor­taient chez eux. » C’est en véri­té le Corps du Christ que les fidèles ont à man­ger « , remar­quait saint Hippolyte.(62) On sait que les fidèles se jugeaient cou­pables, et avec rai­son, comme le dit Origène, si, deve­nus dépo­si­taires du corps du Seigneur, et tout en l’en­tou­rant de pré­cau­tions et d’un res­pect extrêmes, ils en lais­saient par mégarde tom­ber une parcelle.(63)

La sévé­ri­té avec laquelle les Pasteurs réprou­vaient les manques de res­pect, Novatien en apporte le témoi­gnage non sus­pect : il tient pour condam­nable celui qui « sor­tant de la célé­bra­tion domi­ni­cale et ayant l’Eucharistie sur lui, selon l’u­sage… n’a pas empor­té immé­dia­te­ment dans sa mai­son le Corps sacré du Seigneur » mais s’est empres­sé d’al­ler au spectacle.(64)

Saint Cyrille d’Alexandrie va jus­qu’à reje­ter comme une absur­di­té l’o­pi­nion de ceux qui pré­ten­daient que l’Eucharistie ne contri­bue plus aucu­ne­ment à nous sanc­ti­fier s’il s’a­git d’un reste d’hos­tie datant de la veille : » Le Christ n’est pas sujet à alté­ra­tion, dit-​il, et son Corps sacré ne change pas, mais en lui sub­sistent tou­jours la force, la puis­sance, la grâce qui vivi­fie « .(65)

On ne peut oublier non plus que dans l’an­ti­qui­té les fidèles, soit qu’ils fussent expo­sés à la vio­lence des per­sé­cu­tions, soit que par amour de la vie monas­tique ils vécussent dans la soli­tude, avaient cou­tume de se nour­rir de l’Eucharistie même quo­ti­dien­ne­ment, pre­nant la Sainte Communion de leurs propres mains, si le prêtre ou le diacre fai­sait défaut. (66)

Ceci soit dit non pour qu’on modi­fie la manière de gar­der l’Eucharistie et de rece­voir la Sainte Communion, telle qu’elle est éta­blie sui­vant les lois de l’Eglise en vigueur aujourd’­hui, mais pour nous féli­ci­ter de voir la foi de l’Eglise res­ter tou­jours la même.

De cette foi unique est née éga­le­ment la Fête-​Dieu ; elle fut célé­brée la pre­mière fois au dio­cèse de Liège, spé­cia­le­ment sous l’in­fluence de la Servante de Dieu, la Bienheureuse julienne de Mont Cornillon, et Notre Prédécesseur Urbain IV l’é­ten­dit à l’Eglise uni­ver­selle. De cette foi tirent leur ori­gine beau­coup d’autres ins­ti­tu­tions de pié­té eucha­ris­tique qui, sous l’ins­pi­ra­tion de la grâce divine, sont tou­jours allées se mul­ti­pliant et par les­quelles l’Église Catholique s’ef­force, comme à l’en­vi, soit de rendre hom­mage au Christ soit de le remer­cier pour un don si grand, soit d’im­plo­rer sa miséricorde.

Exhortation à promouvoir le culte eucharistique

Aussi, Vénérables Frères, cette foi qui ne tend qu’à res­ter fidèle à la parole du Christ et des Apôtres, ban­nis­sant toute opi­nion erro­née et nui­sible, Nous vous prions de la gar­der pure et intacte dans le peuple confié à vos soins et à votre vigi­lance. Veuillez pro­mou­voir, sans épar­gner paroles et efforts, le culte eucha­ris­tique, vers lequel en défi­ni­tive doivent conver­ger toutes les autres formes de pié­té. Que sous votre impul­sion les fidèles connaissent tou­jours davan­tage ce que dit saint Augustin et en fassent l’ex­pé­rience (67) « Qui veut vivre, il a où vivre et de quoi vivre ; qu’il approche, qu’il croie, qu’il s’in­cor­pore, afin d’être vivi­fié. Qu’il ne renonce jamais à l’u­nion des membres entre eux, qu’il ne soit pas non plus un membre cor­rom­pu, digne d’être retran­ché, ni un membre dif­forme qui fasse honte ; qu’il soit un membre beau, habile, sain ; qu’il adhère au corps, qu’il vive de Dieu et pour Dieu ; qu’il tra­vaille main­te­nant sur terre afin de pou­voir ensuite régner dans le ciel « .

Que chaque jour, comme c’est à sou­hai­ter, les fidèles en grand nombre prennent une part active au Sacrifice de la Messe, se nour­ris­sant de la Sainte Communion avec un cœur pur et saint, et qu’ils rendent grâces au Christ Notre Seigneur pour un si grand bienfait.

Qu’ils se rap­pellent ces paroles : « Le désir de Jésus-​Christ et de l’Eglise de voir tous les fidèles s’ap­pro­cher tous les jours de la Sainte Table a sur­tout cet objet : que tous les fidèles, unis à Dieu par l’ef­fet du Sacrement, y puisent la force pour sur­mon­ter les pas­sions, pour se puri­fier des fautes légères quo­ti­diennes et pour évi­ter les péchés graves, aux­quels est sujette la fai­blesse humaine « .(68)

Qu’au cours de la jour­née 1es fidèles ne négligent point de rendre visite au Saint Sacrement, qui doit être conser­vé en un endroit très digne des églises, avec le plus d’hon­neur pos­sible, selon les lois litur­giques. Car la visite est une marque de gra­ti­tude, un geste d’a­mour et un devoir de recon­nais­sance envers le Christ Notre-​Seigneur pré­sent en ce lieu.

Chacun com­prend que la divine Eucharistie confère au peuple chré­tien une digni­té incom­pa­rable. Car non seule­ment durant l’o­bla­tion du Sacrifice et quand se fait le Sacrement, mais encore après, tant que l’Eucharistie est gar­dée dans les églises et ora­toires, le Christ est vrai­ment l’Emmanuel, le  » Dieu avec nous « . Car jour et nuit, il est au milieu de nous et habite avec nous, plein de grâce et de véri­té ; (69) il res­taure les mœurs, nour­rit les ver­tus, console les affli­gés, for­ti­fie les faibles et invite ins­tam­ment à l’i­mi­ter tous ceux qui s’ap­prochent de lui, afin qu’à son exemple ils apprennent la dou­ceur et l’hu­mi­li­té de cœur, qu’ils sachent cher­cher non leurs propres inté­rêts mais ceux de Dieu. Ainsi qui­conque aborde le véné­rable Sacrement avec une dévo­tion par­ti­cu­lière et tâche d’ai­mer d’un cœur géné­reux le Christ qui nous aime infi­ni­ment, éprouve et com­prend à fond, non sans joie intime ni sans fruit, le prix de la vie cachée avec le Christ en Dieu (70) il sait d’ex­pé­rience com­bien cela en vaut la peine de s’en­tre­te­nir avec le Christ ; rien de plus doux sur la terre, rien de plus apte à faire avan­cer dans les voies de la sainteté.

Vous le savez bien aus­si, Vénérables Frères, l’Eucharistie est gar­dée dans les églises et les ora­toires comme centre spi­ri­tuel de la com­mu­nau­té reli­gieuse et parois­siale, et encore de l’Eglise uni­ver­selle et de l’hu­ma­ni­té entière, parce que sous le voile des saintes espèces elle contient le Christ, Chef invi­sible de l’Eglise, Rédempteur du monde, centre de tous les cœurs, » par qui tout existe et nous-​mêmes par lui » (71)

Par suite le culte eucha­ris­tique porte avec force les âmes à déve­lop­per l’a­mour » de socié­té « , (72) en ver­tu duquel nous pré­fé­rons le bien com­mun au bien par­ti­cu­lier, fai­sons nôtre la cause de la com­mu­nau­té, de la paroisse, de l’Eglise uni­ver­selle, et éten­dons la cha­ri­té au monde entier, sachant que par­tout il v a des membres du Christ.

Puisque, Vénérables Frères, le Sacrement de l’Eucharistie est signe et cause de l’u­ni­té du Corps ‑Mystique, et qu’en ceux qui lui vouent une véné­ra­tion plus fer­vente il sus­cite un esprit ecclé­sial plus actif, ne ces­sez de per­sua­der vos fidèles de faire leur, quand ils s’ap­prochent de ce mys­tère, la cause de l’Eglise, de prier Dieu sans cesse et de s’of­frir eux-​mêmes à Dieu en sacri­fice agréable pour la paix et l’u­ni­té de l’Eglise. Cela afin que tous les fils de l’Eglise soient un et qu’ils aient les mêmes dis­po­si­tions ; qu’il n’y ait point de divi­sions entre eux mais qu’ils soient par­fai­te­ment unis dans un même esprit et un même sen­ti­ment, comme le veut l’Apôtre ; (73) et que tous ceux qui ne se trouvent point encore atta­chés en pleine com­mu­nion à l’Eglise Catholique mais sépa­rés d’elle jus­qu’à un cer­tain point tout en por­tant avec fier­té le nom de chré­tiens, arrivent le plus tôt pos­sible, avec l’aide de la grâce divine, à jouir avec nous de cette uni­té de foi et de com­mu­nion que le Christ vou­lut comme carac­tère dis­tinc­tif de ses disciples.

Ce désir de prier et de se consa­crer à Dieu pour l’u­ni­té de l’Eglise, il inté­resse sur­tout par conve­nance par­ti­cu­lière les reli­gieux et reli­gieuses, puis­qu’ils sont à titre spé­cial voués à l’a­do­ra­tion du Très Saint Sacrement, ras­sem­blés autour de lui en ver­tu des enga­ge­ments de leurs vœux. Mais ce sou­hait de l’u­ni­té de tous les chré­tiens, le plus sacré et le plus ardent au cœur de l’Eglise, Nous vou­lons pour l’ex­pri­mer reprendre une fois de plus les paroles mêmes du concile de Trente, dans la conclu­sion de son décret sur la Sainte Eucharistie : « Pour finir, en son affec­tion pater­nelle, le saint Concile aver­tit, prie et conjure par les entrailles de la misé­ri­corde de Dieu,(74) ceux qui portent le nom de chré­tiens, tous et cha­cun, de se retrou­ver et de ne faire enfin une bonne fois qu’un seul cœur dans ce signe de l’u­ni­té, dans ce lien de la cha­ri­té, dans ce sym­bole de la concorde ; que, se sou­ve­nant de la majes­té si grande et de l’a­mour si admi­rable de notre Seigneur Jésus-​Christ, qui a don­né sa vie très chère pour prix de notre salut et qui nous a don­né sa chair à man­ger (75) ils croient et vénèrent les saints mys­tères de son corps et de son sang avec une foi constante et ferme, avec une fer­veur de cœur, avec une pié­té et un res­pect qui leur per­mettent de rece­voir fré­quem­ment ce pain super­sub­stan­tiel.(76) Qu’il Soit vrai­ment la vie de leur âme et la san­té per­pé­tuelle de leur esprit, que, for­ti­fiés par son éner­gie (77) ils par­viennent du che­mi­ne­ment de ce pèle­ri­nage de misère à la patrie céleste, pour man­ger sans aucun voile le pain des Ange (78) qu’ils mangent main­te­nant sous les voiles sacrés « . (79)

Oh ! que le Rédempteur si bon, qu” à l’ap­proche de sa mort deman­da au Père que tous ceux qui croi­raient en Lui ne fassent qu’un, comme Lui et le Père sont un, (80) daigne exau­cer au plus tôt ce vœu qui est le Nôtre et celui de toute l’Eglise : que tous, d’une seule voix et d’une même foi, nous célé­brions le mys­tère de l’Eucharistie et que, ren­dus par­ti­ci­pants du corps du Christ, nous ne for­mions qu’un seul corps (81) uni­fié par les mêmes liens par les­quels Lui-​même vou­lut que son uni­té soit assurée.

Et Nous Nous adres­sons avec une cha­ri­té pater­nelle à ceux-​là aus­si qui appar­tiennent aux véné­rables Eglises d’Orient, au sein des­quelles brillèrent tant de Pères illustres, dont Nous avons pris plai­sir à rap­pe­ler en cette lettre les témoi­gnages tou­chant l’Eucharistie. Nous Nous sen­tons pleins de joie à voir votre foi envers l’Eucharistie – elle coïn­cide avec la nôtre -, à entendre les prières litur­giques par les­quelles vous célé­brez un si grand mys­tère, à admi­rer votre culte eucha­ris­tique et à lire vos théo­lo­giens qui exposent et défendent la doc­trine concer­nant ce Sacrement si vénérable.

Que la Bienheureuse Vierge Marie, de laquelle le Christ Notre-​Seigneur a vou­lu rece­voir cette chair qui est ren­fer­mée dans le Sacrement sous les appa­rences du pain et du vin, qui est offerte et mangée,(82) et tous les Saints et Saintes de Dieu, ceux-​là spé­cia­le­ment qui eurent une dévo­tion plus ardente envers la divine Eucharistie, inter­cèdent près du Père des misé­ri­cordes, afin que la foi com­mune et le culte eucha­ris­tique ali­mentent et ren­forcent l’u­ni­té de com­mu­nion entre tous les chré­tiens. Notre âme est péné­trée des paroles du saint mar­tyr Ignace, qui met en garde les fidèles de Philadelphie contre les dom­mages des dévia­tions et des schismes et pré­co­nise comme remède l’Eucharistie : » Tâchez donc, dit-​il, de pra­ti­quer une seule Eucharistie ; car une est la chair de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ ; il y a un seul calice dans l’u­ni­té de son sang, un seul autel, un seul évêque … « .(83) Forts de l’heu­reux espoir que le pro­grès du culte eucha­ris­tique appor­te­ra de nom­breux bien­faits à l’Église et au monde entier, Nous vous accor­dons avec beau­coup d’af­fec­tion la Bénédiction Apostolique, en gage des grâces du Ciel, à vous, Vénérables Frères, aux prêtres, aux reli­gieux, à tous ceux qui vous prêtent leur concours, et à tous les fidèles confiés à vos soins.

Donné à Rome, près Saint-​Pierre, en la fête de saint Pie X, le 3 sep­tembre 1965, en la troi­sième année de Notre Pontificat.