Sermon de Mgr Lefebvre – 15e dimanche après la Pentecôte – 31 août 1975

Mes chers amis,

C’est sur­tout à vous que je m’adresse pen­dant ces quelques ins­tants, vous qui pen­dant un mois, vous êtes recueillis, avez assis­té aux confé­rences de nos chers Pères pré­di­ca­teurs, le R.P. Barrielle qui s’est dévoué avec tant de cha­ri­té, avec tant de per­sé­vé­rance auprès de vous et le Père Guigon.

Et dans cette ambiance de la retraite, dans cette ambiance de silence, dans cette ambiance, je dirai, du désert ; car vous êtes venus dans le désert d’Écône pour rece­voir les grâces que le Bon Dieu vou­lait vous don­ner. Car c’est aus­si dans le désert que Notre Seigneur est par­ti pen­dant qua­rante jours. C’est dans le désert que saint Paul, après sa conver­sion, est allé pour rece­voir les grâces de Dieu. C’est sur la mon­tagne et par consé­quent dans un désert aus­si, que Notre Seigneur mon­tait aus­si pour s’éloigner des bruits du monde, s’éloigner de l’ambiance habi­tuelle de notre vie ici-​bas, afin de trou­ver Dieu, afin de trou­ver Notre Seigneur. C’est cela toute la vie chré­tienne. Et aujourd’hui vous allez réci­ter votre consé­cra­tion à la très Sainte Vierge.

Qu’est-ce qu’a été la très Sainte Vierge sinon la mère de Jésus. C’est ce qui la défi­nit. Elle n’a pas d’autre défi­ni­tion. Être la mère de Jésus. C’est tout ce qu’elle a été : mère. Et c’est aus­si le mys­tère incroyable dont elle a été l’objet. Être mère du Fils de Dieu, mère du Verbe incarné.

Nous n’arrivons pas seule­ment à son­ger à ce que cela peut signi­fier. En tout cas, ce que cela signi­fie ce sont tous les pri­vi­lèges dont elle a été ornée. Et d’abord de n’avoir aucun péché, d’être exempte du péché ori­gi­nel et par consé­quent d’être toute pure, toute agréable au Bon Dieu. Depuis le pre­mier ins­tant de sa prise de conscience, jusqu’au der­nier ins­tant de sa vie, jamais la très Sainte Vierge n’a péché. Jamais la très Sainte Vierge ne s’est oppo­sée à la volon­té du Bon Dieu. Et cela parce qu’elle était la mère de Jésus. C’est pour cela aus­si qu’elle est demeu­rée vierge. C’est encore un pri­vi­lège que le Bon Dieu lui a donné.

Elle est demeu­rée donc imma­cu­lée dans sa concep­tion, elle est demeu­rée vierge. Elle a par­ti­ci­pé à toute la vie de Notre Seigneur et par le fait même elle a été co-​rédemptrice. C’est-à-dire qu’elle a par­ti­ci­pé à la Rédemption de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Elle l’a par­ta­gée jusqu’au pied de la Croix. Et elle par­tage encore cette co-​rédemption, dans son appli­ca­tion, dans l’application des mérites de la Rédemption.

La très Sainte Vierge est notre mère. Et la meilleure preuve en est que Notre Seigneur a dési­gné la très Sainte Vierge comme la mère de saint Jean. Et saint Jean repré­sen­tait à ce moment-​là, tout le Corps mys­tique de Notre Seigneur et par consé­quent nous-​mêmes, membres du Corps mys­tique de Notre Seigneur. Nous sommes donc fils de la très Sainte Vierge Marie et par elle nous rece­vons toutes les grâces de la Rédemption. Notre Seigneur lui a confié, lui a remis dans ses mains tout le tré­sor des grâces de sa Croix. Et la très Sainte Vierge Marie les fait pas­ser éga­le­ment par la Sainte Église, épouse mys­tique de Notre Seigneur. Quel mys­tère admirable !

Et enfin, c’est cela aus­si qui a per­mis à la très Sainte Vierge d’être pré­sente à la Pentecôte au milieu des apôtres. Et le pape Pie XII le dit expli­ci­te­ment : « C’est par l’intermédiaire de la très Sainte Vierge que les apôtres ont reçu le Saint-​Esprit ». Elle qui était rem­plie du Saint-​Esprit. C’est donc la très Sainte Vierge qui est notre mère. Et elle est notre modèle. Car avec la grâce du Bon Dieu, nous la sui­vrons aus­si jusque dans son Assomption, c’est-à-dire dans la résur­rec­tion de nos corps. Car c’est en ce mois-​ci que nous avons fêté la fête de l’Assomption de la très Sainte Vierge. Et par consé­quent votre retraite a été comme embau­mée, en quelque sorte, du sou­ve­nir de la très Sainte Vierge, de la pré­sence de la très Sainte Vierge. Et d’ailleurs elle est dans notre mai­son, elle est par­tout et par consé­quent vous l’avez cer­tai­ne­ment beau­coup priée. Et vous en avez reçu des grâces abondantes.

Ce matin, l’un d’entre vous me disait, simple réflexion : « Ah si notre retraite pou­vait durer toute notre vie ! » Et je crois, en effet, que c’est une réflexion qui sort peut-​être tout natu­rel­le­ment de ce recueille­ment, de cette union que vous avez trou­vée avec Notre Seigneur. Si votre retraite pou­vait durer toute votre vie et arri­ver jusqu’à la per­sé­vé­rance finale, c’est cela que vous devrez deman­der aujourd’hui tout spé­cia­le­ment à la très Sainte Vierge, la grâce de per­sé­vé­rance finale. Car c’est la plus grande des grâces celle-​là : per­sé­vé­rance finale, arri­ver jusqu’au bout.

Car il ne s’agit pas d’être fidèle pen­dant quelques années dans notre exis­tence et puis mal­heu­reu­se­ment au bout de notre vie d’abandonner Dieu ou de quit­ter Dieu. Il s’agit d’arriver jusqu’au bout à l’amour de Dieu, jusqu’à la per­sé­vé­rance finale, jusqu’à notre der­nier sou­pir. Que notre der­nier sou­pir soit encore un acte d’amour du Bon Dieu, un acte de foi envers Notre Seigneur Jésus-Christ.

Eh bien que ce soit là le résul­tat de cette belle retraite que vous avez faite. Et com­ment peut-​on envi­sa­ger main­te­nant votre ave­nir après une excel­lente retraite comme celle que vous avez faite ? C’est le rap­pel de l’évangile d’aujourd’hui. Notre Seigneur res­sus­ci­tant le fils de la veuve de Naïm. Notre Seigneur res­sus­ci­tant ce fils, qu’est-ce que cela signi­fie ? C’est-à-dire nous res­sus­ci­tant nous, c’est cela la signi­fi­ca­tion de cet exemple qui nous est don­né par l’Évangile. Nous res­sus­ci­tons à la vie divine, à la vie de la Sainte Trinité, à la vie de Notre Seigneur Jésus-​Christ, par le baptême.

De même que pour la très Sainte Vierge Marie, ce qui était la cause de toutes ses grâces, c’est d’être la mère de Jésus. Sa mater­ni­té divine qui est la cause de toutes ses grâces, de tous ses pri­vi­lèges. De même, pour nous chré­tiens, toutes les grâces que nous rece­vons, nous les rece­vons comme com­plé­ment de cette grâce du baptême.

La grâce du bap­tême est la grande grâce que nous avons reçue. Il faut la res­sus­ci­ter constam­ment et il faut la faire croître tous les jours, cette grâce du bap­tême qui nous a fait enfant de Dieu et de l’Église et qui nous a déli­vrés du péché originel.

Voilà ce qu’est le bap­tême. Et nous n’y son­geons peut-​être pas suf­fi­sam­ment, mais cer­tai­ne­ment vous y avez pen­sé au cours de cette retraite. Alors, main­te­nant, gar­dez cette grâce du bap­tême, gardez-​la pré­cieu­se­ment. Qu’est-ce qu’elle signi­fie ? Elle signi­fie aus­si pour vous votre rat­ta­che­ment à Notre Seigneur Jésus-Christ.

De même que c’est ce contact qu’a eu la très Sainte Vierge avec Notre Seigneur, qui lui a don­né toutes ces grâces jusqu’à la gloire du Ciel, que la très Sainte Vierge a main­te­nant. De même aus­si, c’est cette grâce du bap­tême, ce contact avec Notre Seigneur Jésus-​Christ que nous avons au cours de notre exis­tence, jusqu’à la glo­ri­fi­ca­tion, que nous espé­rons que le Bon Dieu nous don­ne­ra si nous sommes fidèles à la grâce de Notre Seigneur.

C’est cela que nous devons prendre comme réso­lu­tion. Continuer à gar­der la grâce en nous et pour la faire accroître tou­jours davan­tage. Ce sera d’ailleurs la solu­tion, vous savez, de tous les pro­blèmes de votre vie. Cette grâce que le Bon Dieu a dépo­sée en nous au jour de notre bap­tême, doit être la solu­tion de tous nos problèmes.

Parce que Notre Seigneur est la solu­tion de tous nos pro­blèmes. Il n’y a pas d’autre solu­tion ici-​bas que Notre Seigneur Jésus-​Christ, que sa Croix. C’est la seule solu­tion de tous nos pro­blèmes. Et si nous regar­dons vers la Croix de Notre Seigneur, si nous regar­dons vers Notre Seigneur et si nous pen­sons que Notre Seigneur est vrai­ment pré­sent en nous, alors les pro­blèmes se résolvent tout seul. Parce que Notre Seigneur est la cause de toutes nos grâces, parce que Notre Seigneur est notre Créateur ; parce que Notre Seigneur nous a don­né tous nos biens.

Par consé­quent, si nous souf­frons par­fois, c’est parce que nous nous figu­rons que nos biens sont dans des choses qui ne sont pas véri­ta­ble­ment nos biens. Mais si nous pen­sions que notre bien est d’abord et avant tout d’être uni à Notre Seigneur Jésus-​Christ, de vivre avec Notre Seigneur Jésus-​Christ afin de pou­voir vivre toute l’éternité avec Lui et d’être glo­ri­fié avec Lui.

Si nous met­tions vrai­ment notre bon­heur, notre joie, notre conso­la­tion, notre richesse dans cette union avec Notre Seigneur Jésus-​Christ que nous avons reçue au moment de notre bap­tême, il n’y aurait pas de pro­blèmes pour nous. Les plus grandes épreuves seraient aus­si les plus grandes joies, parce que nous serions unis à Notre Seigneur et que dans cette union à Notre Seigneur, l’épreuve devient une source de grâces, une source de sanc­ti­fi­ca­tion, une source de joie et que toutes les joies que nous pou­vons éprou­ver s’unissent à celle de Notre Seigneur. Voilà ce que doit être votre vie chrétienne.

Nous devons le deman­der tout par­ti­cu­liè­re­ment à la très Sainte Vierge Marie, puisqu’elle est notre mère, puisque c’est par elle que les grâces nous sont venues et que par­ti­cu­liè­re­ment la grâce du bap­tême nous a été don­née, nous devons tou­jours aus­si être unis à la très Sainte Vierge Marie. Nous devrions avoir dans nos cœurs, impri­més en lettres de feu, en lettres d’or : Jésus et Marie. Et gar­der pré­cieu­se­ment ces noms dans nos cœurs. Afin que par­tout où nous allons, par­tout où nous sommes, dans toute la vie que le Bon Dieu nous donne ici-​bas, que ces noms soient pour nous, notre joie, notre bon­heur, notre paix et la solu­tion de tous nos problèmes.

Demandons donc main­te­nant au cours de cette consé­cra­tion à la très Sainte Vierge Marie, de nous don­ner cette grâce de gar­der les réso­lu­tions que vous avez prises, non pas seule­ment pen­dant quelques jours, non pas seule­ment pen­dant quelques mois ou quelques années, mais jusqu’à notre der­nier soupir.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.