Sermon de Mgr Lefebvre – Prise de soutane – Sous-​Diaconat – 2 février 1977

Mes bien chers amis,
Mes bien chers frères,

La fête de la Purification convient admi­ra­ble­ment à la céré­mo­nie à laquelle nous assis­te­rons et par­ti­ci­pe­rons dans quelques instants.

En effet, comme l’Enfant-Jésus se pré­sen­tant au Temple, les jeunes, qui dans quelques ins­tants se pré­sen­te­ront à l’autel pour revê­tir le saint Habit ecclé­sias­tique, se pré­sentent aus­si au Temple, mais à la grande dif­fé­rence de Notre Seigneur, Notre Seigneur se pré­sen­tait dans son Temple. Notre Seigneur était le Dieu qui était ado­ré dans le Temple.

Eux, par contre, se pré­sentent hum­ble­ment, comme des créa­tures de Dieu, choi­sies pour prier Dieu, pour hono­rer Dieu dans son Temple. Vous deman­de­rez donc, mes chers amis, à Notre Seigneur qui est venu dans son Temple, à vous apprendre à vivre dans ce Temple de Dieu ; à vivre de l’autel de Notre Seigneur, pour le prier, pour l’adorer, pour le ser­vir, pour le faire connaître. Car, s’il est un terme qui convient bien à ce que vous allez être désor­mais, c’est celui de témoins. Vous serez les témoins de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Et eri­tis mihi testes in Jérusalem, et in omnia Judæa, et Samaria, et usque ad ulti­mum terræ (Ac 1,8).

« Vous serez mes témoins jusqu’aux extré­mi­tés de la terre ».

Oui, mes bien chers amis, c’est cela que signi­fie votre sou­tane, cet habit ecclé­sias­tique que vous allez recevoir.

Être les témoins dans le monde, de Notre Seigneur Jésus-​Christ, de la divi­ni­té de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Il faut que vous vous pla­ciez sur ce plan de la foi, sur le plan sur­na­tu­rel, sur le plan de la Révélation que Notre Seigneur Jésus-​Christ est venu nous appor­ter et en s’incarnant, en pre­nant une chair sem­blable à la nôtre et en vivant au milieu de nous. C’est Lui que vous allez repré­sen­ter ; c’est Lui que vous allez prê­cher ; c’est son exemple que vous mani­fes­te­rez au monde. Et c’est Lui dont a besoin le monde. Il est le seul salut du monde ; il n’y en a pas d’autre.

Par consé­quent, en mani­fes­tant Notre Seigneur Jésus-​Christ ouver­te­ment, clai­re­ment par votre habit, par votre atti­tude, par votre exemple, vous appor­te­rez au monde, ce dont le monde a le plus besoin, aujourd’hui, comme les jours pré­cé­dents. Le monde a besoin de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Il ne peut pas se pas­ser de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Bien plus, Il est le seul moyen néces­saire au salut, la seule voie de la vie éter­nelle. Et, c’est pour­quoi la mani­fes­ta­tion que vous por­tez et que vous expri­mez par le port de votre sou­tane, est une expres­sion dont le monde a besoin. Et même s’il en est qui la rejettent, c’est ce qui s’est pas­sé avec Notre Seigneur Jésus-​Christ. Tous les témoins de Notre Seigneur ont été contre­dits. Tous les témoins de Notre Seigneur ont été persécutés.

Alors, ne vous éton­nez pas si vous aus­si, à votre tour vous l’êtes parce que vous mani­fes­tez Notre Seigneur Jésus-​Christ. Vous serez ses témoins comme l’ont été les ber­gers ; comme l’ont été les Mages ; comme l’ont été éga­le­ment Siméon, Anne, qui sont venus au Temple pour chan­ter la gloire de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Imaginez la joie de ce vieillard qui atten­dait la venue du Messie, de pou­voir le por­ter dans ses bras et chan­ter son Nunc dimit­tis.

« Oui Seigneur, vous pou­vez me reprendre, j’ai vu le salut du monde, le salut des Gentils ». Mais il a ajou­té aus­si : « Il sera un signe de contradiction ».

Et c’est pour­quoi nous ne devons pas nous éton­ner que nous aus­si, nous soyons un signe de contra­dic­tion. Parce que nous revê­tons l’habit de Notre Seigneur Jésus-​Christ ; nous revê­tons Notre Seigneur Jésus-Christ.

C’est la prière que vous réci­tez lorsque vous revê­tez la sou­tane (Monseigneur cite ici – en latin – la prière). Cet homme nou­veau que vous revê­tez, c’est Notre Seigneur Jésus-​Christ. Alors, vous serez fiers de por­ter cet habit. Oh, vous ne le serez pas à la manière des gens qui conçoivent ces choses selon le sens humain. Oh non ! Vous le serez par votre esprit de foi ; parce que vous aimez Notre Seigneur Jésus-​Christ ; parce que Notre Seigneur Jésus-​Christ vous a choi­sis, pour répandre son Nom à tra­vers les nations.

Et pour cela, vous avez besoin de dis­po­si­tions pro­fondes dans vos âmes : dis­po­si­tion de foi, dis­po­si­tion d’humilité, dis­po­si­tion de zèle.

Disposition de foi, je viens de vous en par­ler, dis­po­si­tion de foi comme la très Sainte Vierge Marie qui a cru. Beata quæ cre­di­dis­ti (Lc 1,45) lui dit Élisabeth sa cou­sine : « Oh bien­heu­reuse qui avez cru ».

Elle a cru. Et elle est deve­nue pour cela, la Mère de Jésus-​Christ. Vous aus­si, vous êtes bien­heu­reux ; bien­heu­reux parce que vous avez cru ; bien­heu­reux parce que vous avez été choi­sis pour croire en Notre Seigneur Jésus-Christ.

Il n’y a pas d’autre véri­té que nous ayons à croire ici-​bas : que Notre Seigneur est le Fils de Dieu. C’est saint Jean lui-​même qui le dit, à la fin de son évan­gile. Saint Jean résume tout son évan­gile en disant : « Je n’ai pas dit autre chose ; tout mon Évangile se résume en ceci : Que Notre Seigneur JésusChrist est le Fils de Dieu et que croyant cela, nous ayons la vie éternelle ».

Voilà le résu­mé de l’Évangile. Ce n’est pas autre chose que la Sainte Écriture ; toute la Sainte Écriture est résu­mée dans ces termes.

Mais alors, nous devons pro­cla­mer la divi­ni­té de Notre Seigneur Jésus-​Christ, dans toute sa réa­li­té, dans toute son exten­sion. Et elle est grande ; et elle est grave pour cha­cun des hommes qui naît ici-​bas. Pour chaque créa­ture spi­ri­tuelle, Notre Seigneur Jésus-​Christ est le Roi, est le Sauveur, est le Prêtre. C’est cela la divi­ni­té de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Notre Seigneur Jésus-​Christ est Dieu. Il est par consé­quent le seul Sauveur, le seul salut. Il est le seul Prêtre ; Il est le seul Roi.

Tirez les conclu­sions de cela et vous ver­rez comme elles sont impor­tantes. Si nous croyons que Notre Seigneur Jésus-​Christ est le seul salut, alors nous devons être mis­sion­naires. D’abord nous sau­ver nous-​mêmes en rece­vant Notre Seigneur Jésus-​Christ en nous, en l’adorant, en le recon­nais­sant comme notre Maître, comme notre salut.

Mais aus­si, s’il est vrai qu’aucun homme ici-​bas ne peut se sau­ver sans le nom de Notre Seigneur Jésus-​Christ, qu’il n’y a pas d’autre nom don­né ici-​bas pour le salut des âmes, alors nous devons tous être mis­sion­naires. Il ne serait pas per­mis que nous, qui avons la grâce de croire en Notre Seigneur Jésus-​Christ, nous ne soyons pas missionnaires.

Vous le serez, mes chers amis, vous le serez déjà par votre atti­tude ; par votre habit. Plus tard par la parole et par les sacre­ments que vous admi­nis­tre­rez et par­ti­cu­liè­re­ment, le Saint Sacrifice de la messe, vous serez mis­sion­naires ; vous pro­cla­me­rez qu’il n’y a pas d’autre salut. Vous pro­cla­me­rez qu’il n’y a pas d’autre Prêtre et vous le croi­rez, que vous êtes prêtre, mais seule­ment comme ministre de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Il est le seul Prêtre. Lorsque vous mon­te­rez à l’autel et que vous offri­rez le Saint Sacrifice de la messe, c’est encore Notre Seigneur Jésus-​Christ qui offri­ra le Saint Sacrifice de la messe. Vous n’en êtes que les ministres.

Et c’est donc à son Sacerdoce que vous par­ti­ci­pe­rez, que vous com­men­cez déjà, d’une cer­taine manière, à par­ti­ci­per par les divers degrés que vous allez fran­chir. Selon la doc­trine du concile de Trente – car nous vou­lons demeu­rer fidèle à ce qui a été défi­ni par l’Église pour tou­jours par le saint Concile de Trente – il n’est pas pos­sible que l’on renie ce qui une fois pour toutes, a été pro­cla­mé solen­nel­le­ment par la Sainte Église. Nous devons donc gar­der fidè­le­ment ces tra­di­tions. Et si nous tenons à vous don­ner la ton­sure et les ordres mineurs, à suivre la gra­da­tion que le concile de Trente a pré­vue pour l’accès au sacer­doce, c’est parce que l’Église l’a défi­ni d’une manière solen­nelle et définitive.

Et si aujourd’hui, on s’acharne après le sacer­doce, après le prêtre et le Sacrifice de la messe (qu’il célèbre) c’est pour faire périr l’Église dans ce qu’elle a de plus essen­tiel, dans ce qu’elle a de plus pro­fond. Le démon sait par­fai­te­ment que s’il vient à rui­ner l’idée du sacer­doce, s’il vient à rui­ner le Sacrifice de la messe, alors l’Église elle-​même disparaîtra.

Reconnaissons donc que Notre Seigneur Jésus-​Christ est le seul Prêtre ; est le seul Grand-​Prêtre. Et vous recon­naî­trez aus­si qu’Il est votre Roi. Roi de vos âmes, Roi des per­sonnes, Roi des familles, Roi de toute la Cité. C’est cela que vous prê­che­rez : le règne de Notre Seigneur Jésus-​Christ, le règne dans toutes les âmes, dans tous les indi­vi­dus, dans toutes les familles, dans toutes les Sociétés.

Notre Seigneur nous l’a deman­dé dans sa prière, dans son Notre Père : « Que votre règne arrive, que votre volon­té soit faite sur la terre comme au Ciel ». Que votre règne arrive ; que votre volon­té soit faite sur la terre comme au Ciel ! Imaginez le royaume de Dieu au Ciel ; ce qu’il est et conce­vez qu’il doit être ici-​bas, ce qu’il est au Ciel, voi­là notre idéal. Voilà ce que nous devons poursuivre.

Quand bien même, nous nous trou­vons dans des situa­tions qui semblent être impos­sibles pour le règne de Notre Seigneur, il n’y a rien d’impossible pour Dieu. Dieu est tout-​puissant. Il attend pré­ci­sé­ment que nous sou­met­tions notre volon­té à sa divine toute-​puissance afin d’opérer des mer­veilles et de rendre son règne social effec­tif ici-bas.

Ainsi vous aurez la foi en Notre Seigneur Jésus-​Christ, vous la pro­cla­me­rez. Mais vous le ferez avec humi­li­té. Cette véri­té ne vous appar­tient pas.

Non enim pos­su­mus ali­quid adver­sus veri­ta­tem, sed pro veri­tatæ (2 Co 13,8), dit saint Paul.

Qu’est-ce que nous pou­vons contre la Vérité. La Vérité est la Vérité. Nous n’y pou­vons rien. Elle n’est pas à nous. Elle ne nous appar­tient pas. Ce n’est pas nous qui l’avons éta­blie. Même si vous venez l’étudier ici-​même, si vous venez scru­ter les livres et les Écritures, scru­ter les ouvrages de phi­lo­so­phie et de théo­lo­gie, vous ne pou­vez pas dire pour autant que cette Vérité vous appar­tient. Cette Vérité, c’est Dieu ; vous ne pou­vez que la trans­mettre, la connaître, la trans­mettre et l’aimer de toute votre âme, de tout votre cœur.

Et par consé­quent savoir que ne vous appar­te­nant pas, vous devez la pro­cla­mer certes, mais non pas comme si vous en étiez les maîtres et de ce fait, en toute humilité.

C’était éga­le­ment ain­si que la très Sainte Vierge a été choi­sie, à cause de son humilité :

Quia respexit humi­li­ta­tem ancil­læ suæ : « Le Seigneur a regar­dé mon humi­li­té ». C’est pour­quoi elle a été la Mère de Dieu.

Alors dans la manière dont vous por­te­rez ce mes­sage de la divi­ni­té de Notre Seigneur Jésus-​Christ, vous le ferez dans l’humilité, dans la dou­ceur, dans la sim­pli­ci­té et dans la fermeté.

Fermeté, parce que pré­ci­sé­ment, encore une fois cette Vérité ne nous appar­tient pas. Nous ne pou­vons pas chan­ger la Vérité ; elle est ce qu’elle est ; elle est ce que Notre Seigneur Jésus-​Christ nous a don­né par la sainte Révélation. Nous ne pou­vons que l’étudier avec res­pect, avec amour et la trans­mettre aux autres, aux géné­ra­tions futures.

Foi, humi­li­té et zèle. Vous aurez aus­si comme dis­po­si­tion le zèle. Zèle d’abord pour le Bon Dieu. Ne soyez pas de ces acti­vistes qui ne pensent qu’à l’apostolat d’une manière humaine, active, je dirai, mais son­gez que votre apos­to­lat est pre­miè­re­ment et avant tout, un apos­to­lat de la prière.

L’apôtre doit d’abord se mettre à genoux. Il faut d’abord prier. Il faut hono­rer le Seigneur que nous vou­lons prê­cher. Il faut mani­fes­ter notre foi et notre ado­ra­tion envers ce Dieu que nous prê­chons. La prière, et la seule grande prière, c’est le Saint Sacrifice de la messe. Et c’est cela qui sera le cœur de votre apos­to­lat. Vous ne pour­rez rien com­prendre à votre apos­to­lat si vous ne com­pre­nez pas ce qu’est le Saint Sacrifice de la messe. Parce que le Saint Sacrifice de la messe est la grande prière de Notre Seigneur.

Le Calvaire a été la grande prière de Notre Seigneur. C’est là qu’il s’est offert véri­ta­ble­ment à Dieu. C’est là qu’Il s’est offert à son Père. C’est là aus­si que vous trou­ve­rez la source de votre apos­to­lat. C’est là que vous trou­ve­rez le zèle dont vous aurez besoin pour aller prê­cher aux âmes. Et vous atti­re­rez les âmes à Notre Seigneur Jésus-​Christ, vous les atti­re­rez à l’autel pré­ci­sé­ment. C’est cela votre rôle.

Alors ne sépa­rez jamais, dans votre apos­to­lat, dans votre pen­sée apos­to­lique, ne sépa­rez jamais la prière de votre apos­to­lat. Ne croyez pas que vous ferez un apos­to­lat effi­cace, si vous ne pen­sez qu’à par­cou­rir les routes qui vous sont tra­cées, aller visi­ter les âmes qui vous attendent, si vous n’avez pas d’abord prié et si vous ne mani­fes­tez pas votre prière.

Que les gens sentent et voient, constatent, que le prêtre est d’abord et avant tout l’homme du Sacrifice de la messe, l’homme de la prière. C’est capi­tal. C’est en cela que consis­te­ra d’abord votre zèle. Prenez garde de vous lais­ser ten­ter par cet apos­to­lat de l’action qui finit par tuer l’esprit de prière et qui finit par empê­cher l’esprit de prière et qui alors, ruine votre apostolat.

Voilà, mes chers amis, ce que vous serez avec la grâce de Dieu. Nous allons prier pour cela au cours de cette cérémonie.

Tous ceux qui sont venus ici, et par­ti­cu­liè­re­ment je pense à vos chers pro­fes­seurs qui sont là, qui se penchent sur vous tous les jours, pour vous for­mer, pour vous don­ner cette doc­trine, com­bien ils sont heu­reux de vous voir à l’autel.

Et tous ceux, amis, parents, qui sont venus éga­le­ment, sont heu­reux de par­ti­ci­per à cette céré­mo­nie, de vous voir revê­tir cette sou­tane et qui aus­si vous donne l’image de Notre Seigneur Jésus-​Christ, qui fait de vous vrai­ment des lieu­te­nants de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Ils seront fiers de vous et ils prie­ront de tout cœur avec nous, afin que par l’intercession de la très Sainte Vierge Marie, vous rece­viez les grâces dont vous avez besoin.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.