25 décembre 1978

Sermon de Noël : « Vivons-​nous vraiment avec Jésus ? »

Vitrail de la Nativité, Cathédrale d'Ypres, Belgique © LaPorteLatine

Mes bien chers amis,
Mes bien chers frères,

L’Église, au cours de la pré­pa­ra­tion de cette fête de Noël – pen­dant l’Avent – évoque trois sortes de venues de Notre-​Seigneur auprès de nous :

  1. La pre­mière est celle que nous fêtons par­ti­cu­liè­re­ment aujourd’hui et que nous rap­pelle la fête de Noël, la venue de Notre-​Seigneur par­mi nous, par l’intermédiaire de la très Sainte Vierge Marie.
  2. La deuxième est évo­quée dans les textes que l’Église nous pré­sente au cours de l’Avent, c’est celle de la venue de Notre Seigneur à la fin du monde, pour juger les hommes.
  3. Enfin la troi­sième venue de Jésus par­mi nous, est celle qui se fait pour cha­cun d’entre nous : la venue de Jésus dans nos âmes.

Et, en défi­ni­tive, si l’on médite tant soit peu les textes que l’Église nous pro­pose au cours de ces semaines, nous nous aper­ce­vons que la venue la plus impor­tante, est celle qui nous concerne. Car si Notre Seigneur a vou­lu des­cendre ici-​bas, c’est pour nous, c’est pour notre salut. Et si Notre Seigneur vien­dra sur les nuées du Ciel pour nous juger, c’est aus­si pour savoir ce que nous avons fait des moyens que Notre Seigneur nous a don­nés pour faire notre salut.

Et la fête de Noël est celle qui par­ti­cu­liè­re­ment évoque en nous et pour nous la venue de Jésus à Bethléem, qui nous donne des leçons admi­rables. Car lorsque Notre Seigneur vien­dra sur les nuées du Ciel, Il nous deman­de­ra : « Qu’avez-vous fait, de tout ce que j’ai fait pour vous. Comment m’avez-vous reçu lors de votre pèle­ri­nage sur la terre. Comment m’avez-vous reçu dans mes mes­sages ? Comment avez-​vous reçu mes apôtres ? Comment avez-​vous reçu mon Sacrifice, mes sacrements ? »

Et alors, quelle sera notre réponse ? Puisse-​t-​elle être, mes bien chers frères, celle qui a été d’abord celle de la très Sainte Vierge Marie. Comment Marie a‑t-​elle reçu Jésus ? Avec action de grâces. Je vous le disais hier, elle a chan­té son Magnificat. Elle L’a reçu de toute son âme en pro­non­çant son Fiat.

Et Dieu sait si elle avait les dis­po­si­tions favo­rables et néces­saires pour rece­voir Jésus dignement

Joseph aus­si, après les hési­ta­tions qu’il a eues au sujet de la très Sainte Vierge Marie, a reçu des grâces extra­or­di­naires pour rece­voir Jésus et Marie.

Et comme le récit de Bethléem est admi­rable à ce pro­pos. Lorsque nous voyons les ber­gers, aux­quels les anges annoncent la venue de Jésus, que font les ber­gers ? Ils auraient pu faire, comme peut-​être beau­coup d’entre nous nous aurions fait : mais il fait nuit ; il fait froid ; mais nous ne connais­sons pas le che­min ; mais nous ne le trou­ve­rons pas.

Et beau­coup d’excuses auraient pu venir dans leur esprit pour ne pas aller à la ren­contre de Jésus.

Mais non. Ce n’est pas cela qu’ont fait les ber­gers. L’Évangile nous le dit : « Ils se sont levés et ils se sont hâtés » – fes­ti­nantes – ils se sont hâtés pour aller trou­ver Jésus. Et ils l’ont trou­vé et ils ont chan­té ses louanges.

Et ne peut-​on pas pen­ser qu’ils offrirent à Jésus, peut-​être un agneau, signe de ce que saint Jean-​Baptiste dira plus tard : « Voici l’Agneau de Dieu » ? Peut-​être lui ont-​ils offert quelques pro­duits de leur trou­peau, pour que Marie et Joseph voient l’amour qu’ils avaient pour Jésus.

Et ensuite, dans un esprit mis­sion­naire, les ber­gers ont par­lé ; ils ont répan­du la nou­velle et ceux – dit l’Évangile – qui enten­daient leur récit étaient émer­veillés. Eux aus­si chan­taient les louanges de Dieu.

Et com­ment les anges ne nous ont-​ils pas encou­ra­gés à rece­voir Jésus en chan­tant leur can­tique : Gloria in exel­cis Deo : « Gloire à Dieu dans les Cieux et paix aux hommes d’une volon­té droite ».

Et main­te­nant, nous devons nous deman­der, nous mes bien chers frères, qu’avons-nous fait jusqu’à pré­sent pour rece­voir Jésus ? Avez-​vous enten­du dans l’Évangile que l’on vient de lire : Et sui eum rece­pe­runt (Jn 1,11) : « Ils ne l’ont pas reçu ». Il est venu chez lui – car tout lui appar­tient, nous-​mêmes nous lui appar­te­nons – in pro­pria venit et eum non rece­pe­runt. Ils ont fait comme ceux de l’auberge à Bethléem, qui n’ont pas vou­lu rece­voir la Vierge Marie et saint Joseph. Ils n’ont pas reçu Jésus.

Ceux cepen­dant qui reçoivent Jésus, dit saint Jean, dans l’Évangile, ceux-​là sont les fils de Dieu. Qu’avons-nous fait, nous, mes bien chers frères ? Avons-​nous vrai­ment reçu Jésus ? Vivons-​nous vrai­ment avec Jésus ? Avons-​nous vrai­ment le sou­ci dans nos âmes du salut de nos âmes ? Car c’est pour cela que Jésus est venu ici-​bas. C’est bien le nom qui lui est don­né. Lorsque l’ange Gabriel vient voir la Vierge Marie et lui dit : « Celui que vous enfan­te­rez sera le Sauveur du monde ». Et il répète la même chose aux ber­gers : « Celui que vous ver­rez est le Sauveur du monde » : Salvator mun­di. Il est aus­si Salvator mun­di pour cha­cun d’entre nous.

Il faut que nous nous appli­quions la ver­tu de la grâce et de la résur­rec­tion de Notre Seigneur à nos âmes. Ne soyons pas indif­fé­rents envers Jésus. Comme Marie, rece­vons Jésus avec des dis­po­si­tions qui sont néces­saires pour Le rece­voir dignement.

Et cepen­dant, Jésus nous a tant aimés. Si certes, nous n’avons pas eu la joie de nous trou­ver à Bethléem – ah, comme nous aurions été heu­reux sans doute, si nous avions été près des ber­gers et si avec eux, nous avions pu les accom­pa­gner jusqu’à Marie et Joseph et voir l’Enfant-Jésus – certes nous aurions été heu­reux. Mais Notre Seigneur fait plus encore pour nous, plus encore que de pou­voir por­ter Jésus dans nos bras. Nous pou­vons Le rece­voir en nous-​mêmes par la Sainte Eucharistie.

Quand nous vou­lons, tous les jours, Jésus est à notre dis­po­si­tion pour que nous Le rece­vions, en nous ; que nous ne fas­sions en quelque sorte plus qu’un avec Lui.

Comme le dit saint Paul : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi. »

Et est-​ce que tout au cours de nos jour­nées, nous vivons vrai­ment avec Notre Seigneur Jésus-​Christ ? Est-​ce que nous vivons avec son Esprit, dans son Esprit ? Est-​ce que nous accom­plis­sons ses com­man­de­ments ? Est-​ce que nous réci­tons ces prières, qui nous pré­parent à la com­mu­nion et dans les­quelles nous pro­met­tons à Notre Seigneur de ne jamais plus nous sépa­rer de Lui, que nous ne nous sépa­rions jamais de Lui ?

Voilà ce qui est dit dans nos prières avant la com­mu­nion. Est-​ce que vrai­ment nous ne nous sépa­rons jamais de Jésus ? Voilà ce que nous devons deman­der. Et voi­là la grande leçon de Noël aujourd’hui.

Demandons à la très Sainte Vierge Marie, deman­dons à saint Joseph, deman­dons aux ber­gers, aux saints Anges qui ont entou­ré Jésus lors de sa nais­sance et qui l’ont accueilli de grand cœur, demandons-​leur de nous don­ner ce cœur qu’ils avaient afin que nous puis­sions, nous aus­si, rece­voir Jésus digne­ment dans nos âmes et être missionnaires.

Nous devons pen­ser à ceux qui n’ont pas les grâces que nous avons. À ceux qui ne connaissent pas Notre Seigneur Jésus-​Christ ; à ceux qui ne Le reçoivent plus. Et aujourd’hui par­ti­cu­liè­re­ment, nous sommes hélas dans une époque où tant de monde aban­donnent Jésus ; ceux qui L’avaient connu, L’ont abandonné.

Alors nous ferons tout notre pos­sible, pour que dans nos familles, nos parents, nos frères, nos sœurs, tous ceux qui sont nos amis, que nous puis­sions faire en sorte qu’ils connaissent à nou­veau Jésus et qu’ils Le reçoivent, comme la Vierge Marie et saint Joseph et les saints bergers.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.