Sermon de Mgr Lefebvre – Notre-​Dame de la Compassion – Fête des Sœurs – 6 avril 1979

Mes bien chères sœurs,
Mes bien chers frères

C’est tou­jours avec une grande satis­fac­tion et une grande joie que nous assis­tons au renou­vel­le­ment de votre obla­tion et nous ne pou­vons pas nous empê­cher d’être unis à toutes les autres oblates qui se trouvent soit en France, soit en Angleterre, soit en Allemagne, soit à Weissbad, unis à toutes ces sœurs qui renou­vellent aujourd’hui aus­si leur obla­tion. Nous pre­nons garde éga­le­ment de ne pas oublier notre chère sœur Marie-​Bernard, qui cer­tai­ne­ment aujourd’hui est par­ti­cu­liè­re­ment pré­sente par­mi nous et qui est désor­mais votre pro­tec­trice au Ciel. Et nous lui deman­dons, à elle et bien sûr, tout par­ti­cu­liè­re­ment, à Notre Dame de Compassion d’essayer de bien com­prendre quelle est la voca­tion de la sœur oblate.

Venues, du moins pour la majo­ri­té, venues de diverses Congrégations, vous avez cer­tai­ne­ment souf­fert de quit­ter votre famille reli­gieuse. Vous étiez atta­chées à ces familles dans les­quelles vous avaient déjà fait des vœux, atta­chées à toutes les sœurs qui en fai­saient par­tie et par­ti­cu­liè­re­ment à celles qui repré­sen­taient le Bon Dieu par­mi elles, les auto­ri­tés, les supérieures.

Comment expli­quer que vous n’avez pas pu res­ter dans ces familles ? Eh bien, vous le savez mieux que nous. Car, si un jour, vous avez pris la déci­sion d’abandonner cette famille qui vous était très chère, c’est parce que cette famille vous avait quit­tée en quelque sorte. Elle vous avait quit­tée, parce qu’elle ne sui­vait plus les bonnes tra­di­tions de ces familles reli­gieuses et de leurs fon­da­trices. Elle ne sui­vait plus les Constitutions qui avaient été les vôtres ; elle en avait chan­gé. Et par consé­quent, vous aviez l’impression de deve­nir presque étran­gère dans cette famille.

Et je pense que c’est là une grâce que le Bon Dieu vous a fait ; c’est même cer­tai­ne­ment une grâce que le Bon Dieu vous a fait. Une grâce de com­prendre qu’avant l’organisation tem­po­relle d’une congré­ga­tion reli­gieuse, ce qui importe, c’est de s’attacher à Notre Seigneur Jésus-​Christ. C’est cela qui compte dans la vie reli­gieuse. C’est cela qui compte dans la vie sacer­do­tale, dans tout vie consa­cré à Dieu, on s’attache à Notre Seigneur Jésus-Christ.

Et voyant qu’au lieu de s’attacher tou­jours davan­tage à Notre Seigneur, mal­heu­reu­se­ment beau­coup de reli­gieuses s’attachaient davan­tage aux vani­tés de ce monde, vous avez craint pour votre vie reli­gieuse et peut-​être même pour votre vie chré­tienne tout sim­ple­ment, pour votre salut, pour le salut de votre âme.

Et alors vous avez pris la déci­sion de venir dans cette mai­son, de venir vous atta­cher à la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X, afin d’y retrou­ver et d’y conser­ver cet atta­che­ment à Notre Seigneur Jésus-Christ.

Et j’espère que vous l’avez trou­vé ; j’espère que dans toutes nos mai­sons, les reli­gieuses qui se dévouent pour l’œuvre sacer­do­tale qui s’accomplit dans la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X, j’espère que les reli­gieuses et les oblates trouvent Notre Seigneur Jésus-Christ.

Et pour­quoi Notre Dame de Compassion a‑t-​elle été choi­sie par­ti­cu­liè­re­ment pour votre patronne ? Eh bien, pré­ci­sé­ment pour ces deux raisons.

D’une part la dégra­da­tion de nos familles reli­gieuses qui doit être une cause – ou qui du moins – qui a été une cause de dou­leur immense pour Notre Seigneur et pour la très Sainte Vierge Marie. Ils ont par­ta­gé ensemble cette dou­leur de voir que tant et tant d’âmes se déta­chaient de Notre Seigneur ; se déta­chaient de Dieu. Et c’est pour cette rai­son qu’ils ont souf­fert ; qu’ils ont vou­lu – en quelque sorte – com­pen­ser par leurs souf­frances cette insulte et ce sacri­lège qui étaient accom­plis envers Dieu. C’est donc l’une des rai­sons pour que vous ayez comme Patronne Notre Dame de Compassion.

Plus que jamais aujourd’hui, vous devez vous unir aux dou­leurs de la Vierge Marie. Si Notre Seigneur a vou­lu que sa mère souf­frit – et d’une manière excep­tion­nelle – et qu’elle s’unisse à ses propres dou­leurs, ce n’est pas pour rien. C’est bien pour qu’elle puisse par­ti­ci­per à sa Rédemption d’une manière beau­coup plus intime que n’importe quelle autre créature.

Et si ces dou­leurs ont eu lieu tout au cours de la vie de Marie – car enfin c’est cette dou­leur, vous la connais­sez – ce sont : la pro­phé­tie de Siméon qui lui annon­çait qu’un glaive trans­per­ce­rait son cœur ; et puis ce fut la fuite en Égypte et puis ce fut l’absence de Notre Seigneur au cours d’un pèle­ri­nage à Jérusalem. Enfin ce fut la ren­contre de la très Sainte Vierge et de Notre Seigneur sur le che­min du Calvaire. Quatrième dou­leur, cin­quième dou­leur pour la très Sainte Vierge Marie : la cru­ci­fixion de Notre Seigneur. Sixième dou­leur la des­cente de la Croix. Septième dou­leur enfin la sépul­ture de Notre Seigneur.

Ces sept dou­leurs que le Bon Dieu a vou­lu que la très Sainte Vierge sen­tit d’une manière cruelle dans son âme, cruelle dans son corps, nous invitent à nous unir à la très Sainte Vierge Marie.

Et nous pou­vons consta­ter que cette dévo­tion à Notre Dame des Sept Douleurs n’est pas une dévo­tion récente. C’est une dévo­tion ancienne ; une dévo­tion qui a tou­jours exis­té dans la Sainte Église.

Et nos belles cathé­drales ou nos belles églises, rap­pellent sou­vent les souf­frances de Marie, par ces Pieta que nous trou­vons sou­vent à l’entrée de nos églises. Ces Pieta, ces sta­tues qui étaient véné­rées d’une manière toute par­ti­cu­lière par les fidèles qui s’unissaient pré­ci­sé­ment à la dou­leur de Marie et qui, par le fait même, étaient invi­tés à regret­ter leurs péchés et à répa­rer pour les péchés des autres, en accep­tant les dou­leurs, les sacri­fices, les épreuves que le Bon Dieu allait leur envoyer.

C’est donc pour cette rai­son que Notre Dame de Compassion a été choi­sie. Car plus que jamais il y a des aban­dons, des aban­dons sacri­lèges, des aban­dons dou­lou­reux de Notre Seigneur et par­ti­cu­liè­re­ment par les âmes consa­crées à Dieu.

C’est pour­quoi nous vous invi­tons vive­ment à offrir vos petites épreuves, vos sacri­fices, vos dif­fi­cul­tés, toutes les dou­leurs que le Bon Dieu peut per­mettre que vous souf­friez et que vous ayez en union avec les dou­leurs de la très Sainte Vierge Marie, afin de répa­rer pour tous ces sacrilèges.

Et puis, nous deman­de­rons aus­si – et nous savons bien que vous le faites et nous vous remer­cions de le faire – étant vous ici, par­ti­cu­liè­re­ment dans ce sémi­naire, où se pré­parent le plus grand nombre des voca­tions sacer­do­tales de notre Fraternité, nous deman­dons que vous vous asso­ciez d’une manière toute par­ti­cu­lière à la for­ma­tion de ces futurs prêtres et que vous priez pour eux afin que là où abon­dait le délit – d’une cer­taine manière – dans les milieux sacer­do­taux, abonde la grâce, la grâce de saints prêtres, dont le monde a tant besoin ; que le monde attend avec impatience.

Et alors vous pour­rez avoir cette satis­fac­tion et cette conso­la­tion de pen­ser que par vos prières, par vos sacri­fices, par l’activité que vous menez chaque jour, vous aurez contri­bué à la for­ma­tion de ces prêtres et par le fait même à toutes les grâces qu’ils rece­vront et à toutes les grâces qu’ils dis­tri­bue­ront à tous ceux qui leur seront confiés.

Que cela soit pour vous une grande conso­la­tion, une grande joie et un motif de plus pour per­sé­vé­rer dans votre voca­tion et de rendre grâces à Dieu. Soyez donc dévouées à la très Sainte Vierge Marie. Unissez-​vous à ses souf­frances et je suis per­sua­dé qu’en fai­sant votre obla­tion comme vous allez le faire dans quelques ins­tants, le Bon Dieu vous accor­de­ra toutes les grâces dont vous avez besoin pour per­sé­vé­rer sain­te­ment dans votre vie religieuse.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.