25 décembre 1979

Sermon de Mgr Lefebvre de Noël 79

Mes bien cher amis,
Mes bien chers frères,

Tout au cours de cette nuit de Noël, sur la demande de l’Église et sur son invi­ta­tion, nous avons chan­té les louanges de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Nous avons admi­ré et essayé de par­ti­ci­per le plus que nous le pou­vions, de tout notre cœur, de toute notre âme, à ces can­tiques, à ce magni­fique invi­ta­toire de Matines, à ces hymnes, ces psaumes, ces gra­duels et puis tous les textes de la messe. Tout nous invite à chan­ter les louanges de Notre Seigneur et sur­tout à venir L’adorer.

Encore il y a quelques ins­tants, le gra­duel (l’alléluia ?) nous invi­tait : Venite ado­re­mus, venite ado­re­mus, oui, nous vou­lons ado­rer l’Enfant-Jésus ; nous vou­lons ado­rer le Dieu fait homme. Et en cela, imi­ter d’abord la Vierge Marie et saint Joseph qui L’entouraient. Avec quelle pro­fon­deur, avec quelles conscience et foi, Marie et Joseph devaient ado­rer l’Enfant-Jésus .

Et à eux sont venus s’associer les ber­gers, les anges du Ciel, et bien­tôt les Rois Mages. Et d’année en année les ado­ra­teurs de Notre Seigneur se mul­ti­plie­ront. La joie sera grande dans le monde, non seule­ment par­mi les juifs : gau­dium mag­num annun­tio vobis, disent les anges. Oui, on nous annonce une grande joie.

Pour le peuple juif sans doute, mais non seule­ment pour le peuple juif, mais aus­si pour tous les Gentils, pour le monde entier et pour toutes les géné­ra­tions ; Dieu s’est fait homme ; Jésus est par­mi nous. Et le Verbe s’est fait chair.

Mais, hélas, nous sommes obli­gés de consta­ter aus­si que s’il y a beau­coup d’adorateurs de Notre Seigneur Jésus-​Christ et si nous vou­lons être de ceux-​là, dès la nais­sance de Jésus, il y en a qui ont cher­ché à Le faire mou­rir ; qui ont vou­lu Le per­sé­cu­ter. Il a dû s’enfuir ; Il a dû par­tir jusqu’en Égypte, sous la menace du roi Hérode. Et des enfants ont été tués à Bethléem avec l’espoir que l’Enfant-Jésus était par­mi eux. Et eux aus­si, tant par­mi le peuple juif, que par­mi les Gentils, ils com­mu­ni­que­ront leur haine de Notre Seigneur Jésus-​Christ de géné­ra­tion en géné­ra­tion. Et l’Église a connu dans son sein, des divi­sions et des néga­tions de la divi­ni­té de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Ce furent les grandes héré­sies chris­to­lo­giques : héré­sie de l’arianisme, héré­sie de tous ceux qui n’ont pas vou­lu ado­rer en Jésus le Verbe de Dieu, ou qui ont pré­ten­du que le Verbe de Dieu, n’était pas Dieu, comme Arius.

Alors si le Verbe de Dieu n’est pas Dieu, comme le disait si bien saint Augustin dans la Leçon que nous avons réci­tée au cours de cette nuit, alors la mère de Jésus n’est pas la Mère de Dieu. Et c’est pré­ci­sé­ment contre cette affir­ma­tion que le concile de Nicée a affir­mé la vir­gi­ni­té de Marie et la mater­ni­té divine de Marie. Elle est Mère de Dieu, parce que Jésus est Dieu. Et mal­heu­reu­se­ment, Arius a eu des successeurs.

Tout au long de l’Histoire de l’Église, les héré­sies se sont mul­ti­pliées. Hérésies qui ont atteint la Personne de Notre Seigneur Jésus-​Christ, à tra­vers la Personne de Notre Seigneur Jésus-​Christ, la Trinité Sainte.

Et s’il y a des divi­sions dans ceux qui croient en Notre Seigneur Jésus-​Christ, mais qui n’y croient pas d’une manière authen­tique, comme par exemple les Grecs qui pensent que le Saint-​Esprit tire son ori­gine seule­ment du Père, mais pas du Fils. Et c’est pour­quoi ils ont sup­pri­mé le filioque, dans le Credo. Ils n’acceptent pas que le Saint-​Esprit tire son ori­gine aus­si bien du Père que du Fils. Et par là même, ils nient l’égalité du Fils et du Père ; niant l’égalité du Fils et du Père, ils nient la divi­ni­té du Verbe et la divi­ni­té de Notre Seigneur Jésus-​Christ par le fait même. Cela peut paraître peu de choses aux yeux de ceux qui regardent les choses d’une manière pure­ment exté­rieure, mais voyez la pro­fon­deur de la divi­sion qui s’est intro­duite dans l’Église. Si l’Esprit Saint ne tire pas son ori­gine du Père et du Fils, le Fils n’est pas égal au Père. Et donc, la Trinité Sainte n’est plus la Trinité Sainte.

Et c’est pour­quoi l’Église a vou­lu – ins­pi­rée par le Saint-​Esprit – pro­non­cer d’une manière défi­ni­tive, des mots qui évi­dem­ment nous semblent un peu bar­bares, en ce sens qu’ils sont des mots très phi­lo­so­phiques, mais qui pré­cisent d’une manière exacte et défi­ni­tive la foi de l’Église à ce sujet.

C’est pour­quoi l’Église a affir­mé qu’en Notre Seigneur Jésus-​Christ, en Jésus, en cet Enfant, en cet homme qui a vécu dans la Palestine, qui a don­né son Sang pour nous rache­ter, se trouve la Personne de Dieu, la Personne du Verbe, qui est Dieu – et deux natures : la nature humaine et la nature divine qui sont unies par l’union hypo­sta­tique. Ce terme de l’union hypo­sta­tique oblige à croire que Notre Seigneur Jésus-​Christ est Dieu et qu’il n’y a en Lui qu’une seule Personne, la Personne de Dieu, la Personne du Verbe. Mais qu’il est éga­le­ment homme et plei­ne­ment homme ! Parce que Dieu en assu­mant dans sa Personne, la nature de Notre Seigneur Jésus-​Christ en a fait une Personne bien plus par­faite comme nous pou­vons l’imaginer.

Si Dieu a vou­lu créer en nous une Personne dis­tincte de sa propre Personne, notre per­sonne est faible, notre per­sonne est créée. Mais là il n’y a pas de Personne créée, Notre Seigneur prend Lui-​même en res­pon­sa­bi­li­té tous les actes de cette Personne. Parce qu’il est Lui-​même la Personne qui dirige tous les actes de cet homme qui a une âme comme la nôtre ; qui a une intel­li­gence, une volon­té, qui a un corps comme le nôtre. Voyez l’importance de ces termes qui nous paraissent très dif­fi­ciles à com­prendre peut-​être, mais cepen­dant qui ont reje­té l’hérésie.

Eh bien, si je tiens a appor­ter ces détails, ces expli­ca­tions, c’est parce que, en notre temps, les erreurs aus­si se mul­ti­plient. Et je devrais ajou­ter, reve­nir sur ce que je disais au sujet de la très Sainte Trinité.

La très Sainte Trinité a été pro­té­gée de l’erreur par le mot de « consub­stan­tiel », qui défi­nit que toutes les Personnes sont égales. Si elles sont consub­stan­tielles, elles ont la même sub­stance ; elles sont par­fai­te­ment égales. Aucune d’entre elles n’est dimi­nuée par rap­port aux autres et moindre que les autres. Et c’est pour­quoi, il est impor­tant de gar­der ce terme de consubstantiel.

Et c’est pour­quoi nous résis­tons, lorsque dans la tra­duc­tion du Credo fran­çais, on a dit que le Fils était « de même nature » que le Père. Mais c’est pré­ci­sé­ment ce qu’ont dit les héré­tiques, pour évi­ter le mot de consub­stan­tia­li­té et pour évi­ter que toutes les Personnes de la Trinité soient égales. Et tout cela nous fait reve­nir encore à l’arianisme, qui ne veut pas que le Verbe soit égal au Père, que le Verbe est moindre que le Père.

Alors, vous voyez, l’Église – ins­pi­rée par le Saint-​Esprit – a par ce simple mot de consub­stan­tia­li­té, affir­mé défi­ni­ti­ve­ment jusqu’à la fin des temps, que les trois Personnes de la Sainte Trinité sont égales entre elles.

Et vous voyez l’importance que cela revêt pour nous-​mêmes, pour cha­cun d’entre nous. Parce que si les Personnes ne sont pas égales, elles sont donc créées, par consé­quent Notre Seigneur Jésus-​Christ n’est pas Dieu ; nous n’avons pas à L’adorer ; nous nous trom­pons lorsque nous venons ado­rer Notre Seigneur Jésus-Christ.

Mais s’il est égal au Père et au Saint-​Esprit, Il est Dieu comme eux et par consé­quent – car il n’y a qu’un seul Dieu – nous devons L’adorer. Nous devons lui rendre tous les hon­neurs qui sont dus à Dieu.

Et alors, aujourd’hui quelle est l’hérésie qui cir­cule, qui ser­pente, qui est par­tout à l’intérieur de l’Église ? Eh bien, cette héré­sie c’est celle qui attaque l’Eucharistie, la pré­sence de Notre Seigneur Jésus-​Christ dans l’Eucharistie. C’est encore Notre Seigneur Jésus-​Christ qui est atta­qué. C’est encore le démon qui veut faire dis­pa­raître l’adoration que nous devons à Jésus, pré­sent dans la Sainte Eucharistie.

Et alors com­ment l’Église a‑t-​elle pour­sui­vi ceux qui ne veulent pas que nous ado­rions l’Eucharistie, ceux qui disent que c’est de la super­sti­tion, de l’idolâtrie, que d’adorer la Sainte Eucharistie ? Elle a trou­vé un mot qui défi­ni­ti­ve­ment affirme que Notre Seigneur Jésus-​Christ – Dieu – est pré­sent dans la Sainte Eucharistie par le terme de « transsubstantiation ».

On nous dira : Jésus est pré­sent réel­le­ment ; les Pères de Taizé nous diront cela ; les pro­tes­tants nous disent cela : Nous accep­tons la pré­sence réelle. Plus loin, ils diront nous accep­tons la pré­sence sub­stan­tielle de Jésus, dans le Pain eucharistique.

Mais si vous leur deman­dez : Acceptez-​vous la trans­sub­stan­tia­tion, c’est-à-dire la dis­pa­ri­tion de la sub­stance du pain rem­pla­cée par la sub­stance du Corps et du Sang de Notre Seigneur, alors ils le nient. Et c’est cela qui nous dis­tingue de tous ceux qui ne veulent pas croire à la Présence réelle de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Il ne faut pas se leur­rer par les mots qu’ils peuvent nous dire. Demandez-​leur, à ceux qui disent : Mais nous croyons aus­si à la pré­sence de Notre Seigneur Jésus-​Christ dans l’Eucharistie, demandez-​leur s’ils croient à la Transsubstantiation. Si ceux-​là croient à la trans­sub­stan­tia­tion, alors ils sont catho­liques. S’ils n’y croient pas, ils ne sont pas catholiques.

Or, on a vu des évêques dire dans des réunions sacer­do­tales : Ne par­lons plus de trans­sub­stan­tia­tion. Ne par­lons plus de cela. Ce sont des termes moyen­âgeux, qui ont été employés au Moyen Âge. Ce sont des termes sco­las­tiques qui ne signi­fient pas grand chose. Ce n’est plus pour notre époque.

Ce sont des misé­rables qui détruisent notre foi ! Si le concile de Trente a cru devoir insis­ter sur la trans­sub­stan­tia­tion, c’est pré­ci­sé­ment pour détruire les erreurs et mettre dans notre cœur cette foi en la pré­sence de la Personne de Notre Seigneur Jésus-​Christ dans la Sainte Eucharistie sous les espèces appa­rentes du pain et du vin.

Cela a une impor­tance consi­dé­rable pour toute notre vie chré­tienne, pour notre vie per­son­nelle, pour notre avan­ce­ment dans la per­fec­tion. Et c’est pour cela que nous voyons aujourd’hui que l’on adore plus la Sainte Eucharistie.

Même dans les congrès eucha­ris­tiques ! On ne veut plus faire de pro­ces­sions dans les congrès eucha­ris­tiques. C’est là un signe de cette néga­tion de la pré­sence de Notre Seigneur Jésus-​Christ dans la Sainte Eucharistie, parce que l’on a vou­lu faire de l’œcuménisme et les pro­tes­tants n’acceptent pas d’adorer la Sainte Eucharistie.

Et par consé­quent si l’on veut s’unir aux pro­tes­tants, dans un congrès eucha­ris­tique, on ne peut plus faire de pro­ces­sions ; on ne peut plus ado­rer Notre Seigneur Jésus-​Christ dans l’Eucharistie. Cet œcu­mé­nisme est dan­ge­reux pour notre foi, car il détruit notre foi.

Alors aujourd’hui, au moment où l’Église dans cette fête de Noël, nous demande de venir entou­rer l’Enfant-Jésus, avec la Vierge Marie, saint Joseph, les ber­gers, les Rois Mages, que nous entou­rions tous ceux qui adorent Notre Seigneur Jésus-​Christ : Venite adoremus…procedimus (…) : Venez, ado­rons et prosternons-​nous devant l’Enfant-Jésus.

Et alors, nous qui avons la joie de croire en la pré­sence de Notre Seigneur Jésus-​Christ dans la Sainte Eucharistie, venez et ado­rons et prosternons-​nous devant la Sainte Eucharistie, de tout notre cœur, de toute notre âme sans hési­ta­tion, sans res­tric­tion. Voilà vrai­ment ce qu’est notre foi catholique.

Alors, à l’occasion de cette fête de Noël, renou­ve­lons notre foi et maintenons-​la. Et c’est pré­ci­sé­ment à cause de ce désir et de cette volon­té ferme de main­te­nir notre foi, jusqu’à notre der­nier sou­pir, que nous résis­tons à ces manières de faire qui se répandent à l’intérieur de l’Église et qui nous empêchent d’adorer Notre Seigneur Jésus-​Christ, qui ruinent notre foi dans la Présence réelle dans la Sainte Eucharistie.

Promettons à la très Sainte Vierge Marie aujourd’hui, à la Mère de Jésus de croire tou­jours à la divi­ni­té de son divin Fils, que nous l’appellerons tou­jours la Mère de Dieu. Elles est bien la Mère de Dieu. Elle est la Mère de ce Jésus qui est dans l’Eucharistie. Demandons-​lui de nous don­ner sa foi ; deman­dons à saint Joseph de nous don­ner sa foi ; deman­dons aux ber­gers de nous don­ner leur foi et de la gar­der ain­si jusqu’à la fin de nos jours.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.