Sermon de Mgr Lefebvre – Pentecôte – 10 juin 1984

Mes bien chers amis,
Mes bien chers frères,

En cette belle fête de la Pentecôte qui est comme un cou­ron­ne­ment de toute la litur­gie de l’année, nous pou­vons nous deman­der à juste titre, quelle est l’œuvre du Saint-​Esprit, com­ment carac­té­ri­ser l’œuvre de l’Esprit Saint. Et la Providence elle-​même s’est char­gée dans l’effusion du Saint-​Esprit le jour de la Pentecôte sur les apôtres, de nous signi­fier ce qu’est le Saint-Esprit.

Comment défi­nir son action : en sen­si­bi­li­sant la pré­sence de l’Esprit Saint dans les apôtres par ces langues de feu qui appa­rurent sur la tête des apôtres et des dis­ciples qui étaient avec eux.

Et c’est saint Jean qui exprime de manière très concrète ce que sont ces langues de feu, lorsqu’il dit que le Saint-​Esprit qui nous est don­né est lucer­na ardens et lucens (Jn 5,35) : une lampe ardente et brillante, qui brûle et qui luit, lumière et cha­leur, lumière et cha­ri­té. Voilà ce qu’est l’Esprit Saint.

En effet, ces langues de feu éclairent et réchauffent. Ainsi d’une manière très simple et d’une manière très concrète, nous sommes ren­sei­gnés sur l’action du Saint-​Esprit dans le monde, dans nos âmes.

Le Saint-​Esprit éclaire. Comment éclaire-​t-​il nos âmes ? Il les éclaire par la Révélation divine, par la lumière qu’il infuse dans nos âmes, lumière de Vérité, Vérité natu­relle, Vérité sur­na­tu­relle. Ce n’est pas seule­ment la Révélation sur­na­tu­relle que le Saint-​Esprit nous découvre et qu’il nous découvre par­ti­cu­liè­re­ment dans la per­sonne de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Car, en défi­ni­tive, toute la Révélation est faite pour nous faire décou­vrir Dieu en Notre Seigneur Jésus-​Christ, par Notre Seigneur Jésus-​Christ, qui est Dieu Lui-même.

Lumière natu­relle, lumière sur­na­tu­relle, car le Saint-​Esprit a vou­lu aus­si – et les pre­mières paroles de notre Credo le signi­fient – le Saint-​Esprit a vou­lu nous confir­mer dans les véri­tés natu­relles, dans la Création de Dieu, que Dieu a tout fait, les choses visibles et les choses invisibles.

Ainsi l’Esprit Saint est vrai­ment la Lumière de notre intel­li­gence. Il nous révèle les choses de la nature et Il nous révèle aus­si les choses de l’au-delà, les grands mys­tères que le Bon Dieu a vou­lu nous révé­ler, par Notre Seigneur Jésus-​Christ : mys­tère de la Trinité, mys­tère de l’Incarnation, mys­tère de la Rédemption, mys­tère du Ciel, de toutes les réa­li­tés de l’au-delà.

Et quelle est la ver­tu qui dans nos âmes repré­sente cette lumière, c’est notre foi. Et c’est pour­quoi notre foi est si impor­tante. Elle est capi­tale dans notre vie. Elle est le fon­de­ment même de notre vie. Si nous n’avons plus cette lumière sur les choses natu­relles et sur les choses sur­na­tu­relles, nous sommes des aveugles ; nous mar­chons en cette vie comme des aveugles. Et c’est pour­quoi nous sommes tel­le­ment atta­chés à notre foi. Et c’est d’ailleurs l’Écriture Sainte elle-​même qui nous le demande. À tout ins­tant. Notre Seigneur demande à ceux qu’il va gué­rir, à ceux aux­quels Il va appor­ter la san­té du corps ou la san­té de l’âme : Croyez-​vous ? Et croyez-​vous en qui ? Croyez-​vous en quoi ? Croyez-​vous que Jésus est le Fils de Dieu ?

Voilà la seule véri­té en défi­ni­tive qui nous est deman­dée. Croyez-​vous que Jésus est le Fils de Dieu.

Si nous croyons que Jésus est le Fils de Dieu, comme le dit si bien saint Jean dans ses magni­fiques Épîtres : Celui qui croit que Jésus est le Fils de Dieu, a Dieu en lui et Dieu demeure en lui. Celui qui ne croit pas que Jésus-​Christ est Dieu, celui-​là est dans les ténèbres.

Alors nous avons besoin de nous atta­cher à cette foi d’une manière pro­fonde, d’une manière totale.

Et c’est ce que le prêtre demande à l’enfant bap­ti­sé, qui répond par la bouche de ses par­rain et mar­raine : « Que demandez-​vous à l’Église ? » – « Nous lui deman­dons la foi ». – C’est la pre­mière ques­tion qui nous est posée, lorsque tout enfant nous sommes por­tés dans les bras de nos par­rain et mar­raine, dans nos églises. Le prêtre, au nom de l’Église, leur demande : « Que demandez-​vous à l’Église ? » – « Nous lui deman­dons la foi ».

Et on veut nous l’arracher cette foi ! On veut nous la dimi­nuer ; on veut l’éteindre par tous les moyens. Et aujourd’hui, il semble que le démon pos­sède tous les moyens pour arra­cher de nos esprits cette lumière dont nous avons besoin ; cette lumière qui nous est essen­tielle ; sans laquelle nous ne savons pas pour­quoi nous sommes ici-​bas ; ce que nous fai­sons ici-​bas, où nous allons ici-bas.

On vou­drait nous dimi­nuer Notre Seigneur Jésus-​Christ. On vou­drait nous dimi­nuer la divi­ni­té de Notre Seigneur Jésus-​Christ, par tous les moyens pos­sibles. Cette lutte conti­nue, elle est ter­rible, parce que non seule­ment il y a les enne­mis jurés de Notre Seigneur Jésus-​Christ qui L’ont cru­ci­fié et qui veulent conti­nuer de Le cru­ci­fier tout au cours de l’Histoire et qui veulent faire dis­pa­raître l’Église et toutes les ins­ti­tu­tions chré­tiennes, ceux-​là nous les connais­sons ces enne­mis et aujourd’hui ils sont réunis dans cette secte que l’on appelle la franc-​maçonnerie – nous devons l’appeler par son nom – Ceux-​là nous le savons, ce sont des enne­mis jurés de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Mais hélas, il y en a d’autres et de ceux qui pour nous sont peut-​être plus dan­ge­reux encore. Ce sont ceux qui disent croire en Notre Seigneur Jésus-​Christ, ceux qui disent affir­mer la divi­ni­té de Notre Seigneur Jésus-​Christ, mais cepen­dant, dans la réa­li­té, dans les faits, font des com­pro­mis­sions avec les enne­mis de l’Église et ain­si dimi­nuent la royau­té de Notre Seigneur Jésus-​Christ, dimi­nuent son action sal­va­trice, dimi­nuent son sacer­doce. Et alors, conduisent les âmes dans l’erreur, sans qu’elles s’en aper­çoivent. Insensiblement les âmes s’éloignent de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Il est plus facile de résis­ter à un enne­mi décla­ré, que de résis­ter à un enne­mi équi­voque, ambi­gu, qui dit affir­mer la divi­ni­té de Notre Seigneur et qui, en défi­ni­tive, agit et vit comme s’il n’y croyait pas. Que d’âmes sont ain­si entraî­nées dans l’erreur aujourd’hui !

Vous le savez bien, toutes ces erreurs modernes qui sont l’œcuménisme, qui sont la liber­té reli­gieuse, tout cela dimi­nue la royau­té de Notre Seigneur Jésus-​Christ, dimi­nue les attri­buts essen­tiels de Notre Seigneur Jésus-​Christ et vont donc à l’encontre de sa divinité.

Or nous, nous croyons et nous vou­lons croire à la divi­ni­té de Notre Seigneur Jésus-​Christ tota­le­ment, com­plè­te­ment, avec toutes ses consé­quences. Et ces consé­quences sont grandes, sont graves pour nous, pour notre vie quotidienne.

Nous devons nous sou­mettre. La foi est une obéis­sance et une obéis­sance totale de notre intel­li­gence qui doit être dans la doci­li­té, vis-​à-​vis de la Révélation. Cette Révélation – je vous le disais – se résume, c’est saint Jean qui le dit : « elle se résume dans la divi­ni­té de Notre Seigneur Jésus-Christ ».

Cela trans­forme com­plè­te­ment notre vie. Si nous croyons vrai­ment à la divi­ni­té de Notre Seigneur Jésus-​Christ, à son Sacrifice, à son titre de Sauveur, de Prêtre et de Roi, voi­là la foi qui est la nôtre. La foi qui vous est ensei­gnée ici, mes chers amis, pen­dant les six ans que vous êtes au sémi­naire. Ce n’est pas autre chose. Toutes les études que vous faites ici, toutes se ramènent à cette Vérité : Vous croyez que Jésus-​Christ est le Fils de Dieu.

Voilà le résu­mé de toutes vos études. Vous croyez que Jésus est le Sauveur, le Prêtre, le Roi. Moyennant quoi. Notre Seigneur sera le guide de votre vie, la lumière de votre vie. Son Esprit Saint éclai­re­ra vos intel­li­gences, vos cœurs, vos âmes, et vous sau­rez pour­quoi vous êtes fait ; ce pour­quoi vous êtes prêtre. Ce pour­quoi vous devez être le guide des autres. Ce pour­quoi vous avez reçu les grâces de l’ordination sacer­do­tale, que vous êtes mar­qué du sceau du sacer­doce de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Et non seule­ment l’Esprit Saint éclaire nos intel­li­gences et nous donne cette ver­tu de foi, mais encore Il brûle nos cœurs de la cha­ri­té de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Car enfin qu’est-ce donc que Notre Seigneur Jésus-​Christ, sinon l’amour de Dieu per­son­na­li­sé ; l’amour de Dieu qui est concré­ti­sé : la cha­ri­té de Dieu.

Peut-​il y avoir une cha­ri­té plus grande que de don­ner sa vie pour ceux que l’on aime ? Notre Seigneur Jésus-​Christ a don­né sa vie pour son Père, sur sa Croix. C’est toute sa vie. C’est son heure. C’est le centre de sa vie, c’est la rai­son d’être de son Incarnation : Mourir sur la Croix. Il avait soif de cette heure, pour don­ner son Sang pour nous rache­ter, pour don­ner son Sang pour la gloire de son Père, réta­blir la gloire de son Père. Jésus est cha­ri­té. Et alors, nous aus­si, nous devons être cha­ri­té à l’image de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Voilà ce que le Saint-​Esprit veut nous ensei­gner, veut nous com­mu­ni­quer, ce qu’il nous com­mu­nique par sa grâce, constam­ment, depuis la grâce du bap­tême jusqu’à la grâce de la confir­ma­tion. La grâce par tous les sacre­ments et par­ti­cu­liè­re­ment par le sacer­doce qui nous confi­gure à Notre Seigneur Jésus-​Christ, qui nous enseigne que nous devons être charité.

Et cette cha­ri­té a des exi­gences. Ce n’est pas une cha­ri­té sen­ti­men­tale, quel­conque. C’est une cha­ri­té qui s’exprime dans le Décalogue, dans des com­man­de­ments bien pré­cis, bien nets, une cha­ri­té totale, une cha­ri­té com­plète, qui lutte contre l’égoïsme et l’orgueil.

Par le péché ori­gi­nel nous gar­dons – dans les suites du péché ori­gi­nel – toutes ces ten­dances à l’orgueil et à l’égoïsme. La cha­ri­té com­bat cet orgueil et cet égoïsme. Elle les com­bat constam­ment et nous devons les com­battre constam­ment. Or, là aus­si, les enne­mis de l’Église, cherchent par tous le moyens, à exal­ter l’orgueil et l’égoïsme de l’homme. Et devant les com­man­de­ments de Dieu, les com­man­de­ments d’amour du Bon Dieu, ils ont ins­crit dans les consti­tu­tions aujourd’hui des États, ces Droits de l’homme. Droits de l’homme qui sont tout sim­ple­ment les droits à l’égoïsme et à l’orgueil. À renier toute auto­ri­té et à faire ce que l’on veut. Alors, nous refu­sons ces légis­la­tions humaines qui se dressent contre la cha­ri­té du Bon Dieu ; qui se dressent contre le Décalogue.

Alors nous appa­rais­sons – évi­dem­ment – comme des gens étranges, qui ne veulent pas admettre ce que tout le monde admet : c’est-à-dire, des assas­si­nats quo­ti­diens, des mil­liers et des mil­liers d’enfants assas­si­nés par égoïsme, contre la loi du Bon Dieu, contre la loi d’amour du Bon Dieu. Ces vols mani­festes, par­tout, par tous les moyens, ces écoles dont on veut faire des ins­tru­ments qui détruisent dans le cœur des enfants la véri­table charité.

Alors, nous devons résis­ter à cette entre­prise démo­niaque, dia­bo­lique, contre Notre Seigneur Jésus-​Christ, contre son Esprit Saint, contre sa foi, contre sa charité.

Alors, ayons une foi pro­fonde, ayons une cha­ri­té ardente et alors vous serez de ces lumières : Vos estis lux mun­di : Vous êtes la lumière du monde. Le monde attend de vous cet exemple, mes chers amis, ce monde qui s’enfonce dans les ténèbres et dans l’égoïsme, qui marche tout droit vers les ténèbres éter­nelles, attend de vous cette lumière dont (les hommes) ont besoin. Lumière de la foi, ardeur de la cha­ri­té. Qu’ils voient en vous des exemples de Notre Seigneur Jésus-​Christ, imi­ta­teurs de Notre Seigneur Jésus-​Christ, rem­plis de l’Esprit Saint. De cet Esprit qui est des­cen­du sur les apôtres, le jour de la Pentecôte et qui ont (ensuite) don­né leur sang pour Notre Seigneur Jésus-​Christ ; pour affir­mer la Vérité ; que Jésus-​Christ est Dieu, est le Fils de Dieu et qu’il n’y en a pas d’autre. Qu’il n’y a pas d’autre voie pour aller au Ciel ; qu’il n’y a pas d’autre dieu au Ciel. Nous devons le répé­ter à satié­té, pour éclai­rer les âmes, pour affir­mer la Vérité de tou­jours, la Vérité d’aujourd’hui, la Vérité de demain : Christus heri hodie et in sæcu­la : Jésus-​Christ hier, aujourd’hui et dans tous les siècles de l’avenir. Voilà ce que l’Esprit Saint nous enseigne.

Mes bien chers frères, mes bien chers amis, deman­dons à la très Sainte Vierge Marie qui est rem­plie de cette Lumière – elle a été rem­plie du Saint-​Esprit – demandons-​lui de nous apprendre à croire que son Fils est Dieu, elle qui est la Mère de Dieu.

Peut-​elle avoir dans son intel­li­gence, peut-​elle avoir dans son cœur un autre nom que celui de Jésus. Tout ce qui peut ter­nir son amour de Jésus, la Lumière qu’elle a de Jésus, sa vision de Jésus, tout cela est contraire à son être, à l’être de la Vierge Marie elle-​même. Et c’est pour­quoi elle est contraire à tout ce qui dimi­nue tant soit peu la divi­ni­té de son divin Fils, tant soit peu l’honneur de son divin Fils. Elle est jalouse de l’honneur de son divin Fils.

Soyons aus­si, comme la très Sainte Vierge Marie, jaloux de l’honneur de Notre Seigneur Jésus-​Christ, de notre Dieu.

Dans les psaumes « Ne don­nez pas votre gloire à un autre », nous le disons à Dieu Lui-​même. Et nous alors, ne don­nons pas à d’autres, la gloire de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.