Sermon de Mgr Lefebvre – Epiphanie – 6 janvier 1985

Mes bien chers amis,
Mes bien chers frères,

La fête de l’Épiphanie est l’une des plus impor­tantes dans la litur­gie de l’année, parce qu’elle est en effet, la Révélation au monde, de Jésus, du Sauveur, tan­dis que jusqu’alors, Jésus s’était mani­fes­té aux enfants d’Israël, à la très Sainte Vierge Marie, à Élisabeth, à Zacharie et Joachim, aux ber­gers sur l’appel des anges, mais voi­ci que désor­mais Jésus est annon­cé au monde, est annon­cé aux Gentils.

Reportons-​nous à cette scène admi­rable des Rois Mages venant ado­rer l’Enfant-Jésus, lui appor­tant les dons qui signi­fient ses pro­prié­tés essentielles.

Il est Roi ; Il est Sauveur ; Il est Prêtre. L’or, l’encens et la myrrhe, signi­fient ces trois attri­buts essen­tiels de Notre Seigneur. Mais approchons-​nous de la très Sainte Vierge Marie et demandons-​lui dis­crè­te­ment, ce qu’elle pense de tout ce qu’elle a enten­du, depuis que l’ange Gabriel est venu la visi­ter et lui annon­cer qu’elle serait la mère du Sauveur.

En effet, l’Évangile dit de la Vierge Marie, qu’elle enten­dait toutes ces paroles et qu’elle les repas­sait dans son cœur. Elle devait donc réflé­chir – elle rem­plie de l’Esprit Saint, rem­plie de l’Esprit de sagesse, de science, d’intelligence – elle devait réflé­chir sur tout ce qu’elle avait enten­du. Rappelons-​nous avec elle toutes ces paroles : paroles de l’ange Gabriel : « vous êtes bénie entre toutes les femmes. Celui qui naî­tra de vous, est le Sauveur du monde ».

Et non seule­ment Il est le Sauveur, mais Il est aus­si le Roi, Fils du Très-​Haut. Son règne n’aura pas de fin. Déjà, la très Sainte Vierge Marie est aver­tie de ce que sera cet Enfant, qu’elle aura bien­tôt dans ses bras. Il est le Roi, le Roi pour l’éternité. Non seule­ment Il régne­ra sur le trône de David, mais Il régne­ra sur les Cieux pour l’éternité.

Et puis, lorsqu’elle se rend chez sa cou­sine Élisabeth, sa cou­sine lui dit : « Bienheureuse, bien­heu­reuse vous qui avez cru. Et com­ment se fait-​il que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ». La mère de mon Seigneur, mère de Dieu. La très Sainte Vierge Marie a bien sai­si toute la por­tée des paroles de sa cou­sine Élisabeth.

Et en effet, la voi­ci qui magni­fie le Seigneur : Magnificat ani­ma mea. Et dans son Magnificat, elle laisse appa­raître toute sa science du Sauveur. Elle recon­naît bien sûr sa divi­ni­té. Elle recon­naît aus­si son rôle de Sauveur. Mais elle recon­naît aus­si son titre de Roi. Il est Tout-​Puissant ; Il bri­se­ra les trônes des rois qui s’opposent à Lui et au contraire Il élè­ve­ra les humbles.

La très Sainte Vierge Marie, voit déjà toute l’action de Notre Seigneur Jésus-​Christ au cours des siècles qui vont venir. Il rem­pli­ra de science ceux qui ont soif de la Vérité ; ceux qui sont dési­reux de rece­voir cette science. Mais au contraire. Il détrui­ra les orgueilleux ; ceux qui croient tout savoir, qui croient tout connaître et qui ne veulent pas s’humilier devant Notre Seigneur.

Ainsi en quelques paroles, la très Sainte Vierge résume tout ce com­bat qui va se livrer au cours des siècles à venir.

Et puis, la voi­ci à Bethléem. Entre temps, elle appren­dra de Joseph, les paroles que l’ange a adres­sées à Joseph en lui disant : « Ne crains pas Joseph de prendre Marie pour ton épouse, car Celui qui doit naître d’elle, s’appellera Jésus, le Sauveur ». Il est essen­tiel­le­ment le Sauveur. Et c’est Lui qui rachè­te­ra les peuples de leurs péchés.

La très Sainte Vierge Marie est confir­mée dans cette réa­li­té, cet attri­but tout par­ti­cu­lier de Notre Seigneur qui est avant tout le Sauveur du monde.

Et la voi­ci, donc, à Bethléem et c’est l’apparition des anges aux ber­gers : Gloire à Dieu, au plus haut des Cieux. Un Sauveur vous est né. C’est encore par la même parole que les anges annoncent la nais­sance de Jésus aux ber­gers. Celui qui a été pro­mis. Le voi­ci. Il est né. Allez le voir et l’adorer. Alors les ber­gers vont ren­con­trer Jésus et l’adorent et racontent à Marie et Joseph ce que les anges leur ont dit. C’est alors que l’Évangile nous dit que la très Sainte Vierge conser­vait toutes ces paroles et les repas­sait dans son cœur.

Et ce n’est pas fini. Avant que les Mages ne viennent, Marie et Joseph se ren­dront à Jérusalem, pour la Présentation de Jésus au Temple, la Purification de Marie. Et là ils ren­con­tre­ront celui qui expri­me­ra de la manière la plus concrète et la plus forte, ce que repré­sente Notre Seigneur Jésus-​Christ, la venue de Jésus dans le monde. C’est le vieillard Siméon qui prend l’Enfant dans ses bras et remer­cie Dieu d’avoir vu Celui qui est le Sauveur d’Israël, le Sauveur du monde : Nunc dimit­tis ser­vum tuum. Maintenant Seigneur vous pou­vez me rap­pe­ler. J’ai vu Celui qui est l’objet des pro­messes de tous les Prophètes.

Et puis, il se tourne vers la Vierge Marie – c’est ce que dit l’Évangile – il adresse à Marie ces paroles : « Votre Fils sera un signe de contra­dic­tion et vous-​même, vous aurez le cœur trans­per­cé par un glaive ». Et cela révé­le­ra les pen­sées qui sont dans les cœurs.

Ainsi, d’une manière pro­phé­tique, le vieillard Siméon révèle aus­si ce qui se pas­se­ra bien­tôt : la lutte contre Notre Seigneur Jésus-​Christ ; la divi­sion qui va se pro­duire à l’occasion de la venue de Jésus dans le monde. Ceux qui croi­ront, ceux qui ne croi­ront pas. Ceux qui sui­vront Notre Seigneur, ceux qui rece­vront sa grâce, ceux qui se sou­met­tront à Lui, ou ceux qui s’opposeront à Lui, ou qui Le mépri­se­ront, l’ignorant ; ne vou­lant pas Le suivre.

Et n’est-ce pas cela pré­ci­sé­ment qui est le glaive qui trans­perce le cœur de la très Sainte Vierge Marie. Oh sans doute, elle sait déjà que Jésus est l’Agneau de Dieu ; elle sait déjà qu’un jour Il sera la Victime pour la Rédemption des péchés du monde. Mais ce qui lui cause encore plus de dou­leur, sans doute, c’est la dou­leur même que Notre Seigneur Jésus-​Christ éprou­ve­ra au moment de son ago­nie au Jardin des oli­viers, c’est la pen­sée que tant d’âmes Le refu­se­ront ; refu­se­ront sa misé­ri­corde ; refu­se­ront sa cha­ri­té ; refu­se­ront sa bon­té, refu­se­ront son Sang, la preuve de sa cha­ri­té. Les hommes fer­me­ront les yeux et Le crucifieront.

Et voi­ci que à leur tour, ce sont les Mages qui arrivent. Eux se pré­sentent d’une manière un peu dif­fé­rente. N’étant pas les fils d’Israël, ils ne connaissent pas bien les paroles pro­phé­tiques qui sont pro­non­cées à l’égard de Jésus. Cependant ils savent qu’un Sauveur doit venir et qu’un jour, ils ver­ront son étoile.

Et alors, ils suivent l’Étoile qui les guide jusqu’à Jérusalem et puis de Jérusalem, à Notre Seigneur. Et ils vien­dront se pros­ter­ner devant Notre Seigneur, dans l’humilité de leur cœur, mani­fes­tant ain­si la recon­nais­sance qu’ils ont de la royau­té de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Quelles devaient être alors les pen­sées de la Vierge Marie, devant ces Rois venus de loin, se pros­ter­nant devant son Fils et lui offrant leurs présents ?

Elle sau­ra bien­tôt, que tous ces hon­neurs qui sont dus à Notre Seigneur Jésus-​Christ, ne seront pas don­nés par tous les hommes et que pré­ci­sé­ment beau­coup d’hommes s’opposeront à Notre Seigneur et que la parole du vieillard Siméon se réa­li­se­ra dans quelques ins­tants, demain peut-être.

Dans la nuit qui a sui­vi le départ des Mages, l’ange vient dire à Joseph : « Prends l’Enfant et sa mère, pars en Égypte, car le roi Hérode veut le faire mou­rir », veut le faire disparaître.

La voi­là la per­sé­cu­tion ; elle com­mence. Jésus à peine né, déjà l’objet de contra­dic­tion, déjà l’objet de la haine des rois qui ne veulent pas se sou­mettre à Lui et de toutes les âmes qui per­sé­cu­te­ront Notre Seigneur et qui per­sé­cu­te­ront l’Église.

Voilà ce que devaient être les pen­sées de la très Sainte Vierge Marie. Mais cepen­dant peut-​être déjà, avant saint Jean, avec lequel Marie demeu­re­ra pen­dant de longues années et auquel sans doute, elle com­mu­ni­que­ra aus­si toutes ses pen­sées, n’avait-elle pas déjà la vision de l’Apocalypse, où elle voyait Notre Seigneur rayon­nant, le Roi dans toute sa splen­deur sur ce che­val blanc et prêt à com­battre un der­nier com­bat ; ayant un glaive de feu qui sort de sa bouche, la tête cou­ron­née de dia­dèmes, ayant ins­crit sur son vêtement :

Rex regum, et Dominus domi­nan­tium (Ap 19,16). Le Roi des rois, le Seigneur des sei­gneurs. Il part. Et ce sera le der­nier com­bat contre Satan qui sera pré­ci­pi­té dans l’étang de soufre, où se trouve déjà la Bête, c’est-à-dire, tous ceux qui sont des enne­mis de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Et ce sera alors le règne pour tou­jours de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Eh bien, à l’occasion de cette fête de la royau­té de Notre Seigneur Jésus-​Christ en défi­ni­tive – la fête de l’Épiphanie – nous aus­si, mes chers amis, mes bien chers frères, nous sommes entrés dans ce com­bat : nous nous sommes joints aux ber­gers ; nous nous sommes joints aux Rois Mages pour appor­ter aus­si nos hom­mages, nos per­sonnes à Notre Seigneur Jésus-​Christ. Mais nous ne devons pas oublier que fai­sant cela, nous nous enga­geons à une lutte effroyable, car l’ennemi n’a pas désar­mé. Et s’il est un temps où l’ennemi est puis­sant ; où il dis­pose de moyens dont il ne dis­po­sait pas autre­fois, c’est bien aujourd’hui.

Alors soyons cou­ra­geux, ayons une foi pro­fonde ; soyons tout entiers don­nés à Notre Seigneur Jésus-​Christ comme l’ont été ces ber­gers, ces Rois Mages, comme la Vierge Marie, comme saint Joseph, tout entiers dévoués au Sauveur du monde, au Roi qui régne­ra éter­nel­le­ment. Combien nous devons aus­si chan­ter notre Magnificat et remer­cier le Bon Dieu d’avoir la foi, d’avoir la foi catho­lique, d’être atta­ché à Notre Seigneur Jésus-​Christ pour toujours.

Nous l’avons pro­mis au jour de notre bap­tême, au jour de notre confir­ma­tion, en réci­tant le Credo ; nous l’avons pro­mis à notre pre­mière com­mu­nion, à notre com­mu­nion solen­nelle, de nous atta­cher à Jésus-​Christ pour toujours.

Alors, soyons du nombre de ces sol­dats qui luttent dans la croi­sade pour la vic­toire de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Et ne nous éton­nons pas des dif­fi­cul­tés que nous pou­vons ren­con­trer. Comment se fait-​il que ces pro­phé­ties aient été dites dès l’entrée dans le monde de Notre Seigneur ? Comment se fait-​il que la Vierge ait déjà été per­sé­cu­tée, avec Joseph, obli­gés de fuir en Égypte ?

Et nous vou­drions, ne pas subir de per­sé­cu­tions, ne pas nous trou­ver dans ces dif­fi­cul­tés vrai­ment dou­lou­reuses, pénibles. Et c’est là le lot de ceux qui sont fidèles à Notre Seigneur Jésus-​Christ. Ceux qui veulent échap­per à ce com­bat ; ceux qui veulent pac­ti­ser avec l’ennemi ; ceux-​là ne sont pas les vrais dis­ciples de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Ceux qui veulent la paix à tout prix, avec un paci­fisme contraire à l’esprit de l’Évangile, contraire à la nature même de Notre Seigneur Jésus-​Christ qui est venu pour com­battre, com­battre contre celui qui a ten­té nos pre­miers parents, qui les a fait tom­ber dans le péché. Alors lut­tons avec cou­rage, avec confiance, avec espé­rance, per­sua­dés que par ce com­bat nous sau­ve­rons nos âmes et préparons-​nous à com­battre d’une manière peut-​être tou­jours plus pénible, tou­jours plus aus­tère, plus dif­fi­cile. C’est le secret de Dieu.

Mais ayons tou­jours confiance. Approchons-​nous de la Vierge Marie, approchons-​nous de Joseph, approchons-​nous des Rois Mages et demandons-​leur de nous don­ner cette convic­tion qu’ils avaient dans les attri­buts essen­tiels de Notre Seigneur qui est Dieu. Il est le Sauveur. Il est le Prêtre. Il est le Roi.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.