Dimanche 28 sept. 2014

Sermon de M. l’abbé Patrick Troadec à Flavigny pour les prises d’habit des frères

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Écrit

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit, ain­si soit-il.

Chers confrères, chers frères, chers sémi­na­ristes, chers fidèles,

Nous voi­ci donc réunis aujourd’­hui pour cette belle céré­mo­nie des prises d’ha­bits de trois frères de la Fraternité.

Si vous vou­lez connaître un petit peu la spé­ci­fi­ci­té de cet enga­ge­ment qu’ils vont prendre non pas uni­que­ment en tant que frères mais de frères de la Fraternité Saint-​Pie‑X, il faut savoir quelle est la fin de notre œuvre, quelle est la fin de la Fraternité sacer­do­tale Saint-​Pie‑X. Et pour cela il suf­fit d’ou­vrir les sta­tuts et donc de regar­der au début des sta­tuts quelle est la fin donc de notre socié­té. Cela est écrit d’une façon très claire que la Fraternité a pour objet « le sacer­doce et tout ce qui s’y rap­porte et rien que ce qui le concerne ». Ensuite, il est pré­ci­sé, « orien­ter et réa­li­ser la vie du prêtre vers ce qui est essen­tiel­le­ment sa rai­son d’être, à savoir le Saint Sacrifice de la Messe ». Voyez, la Fraternité est donc une fra­ter­ni­té sacer­do­tale et en tant que fra­ter­ni­té sacer­do­tale, elle est orien­tée vers le Saint Sacrifice de la Messe.

Vous allez me dire : on parle du prêtre, mais là il s’a­git de frères. Alors, quelle est la mis­sion du frère au sein de la Fraternité Saint-​Pie‑X ? Eh bien, puisque l’ac­tion prin­ci­pale du prêtre, c’est jus­te­ment le Saint Sacrifice de la Messe, les frères en ren­trant dans cette socié­té sacer­do­tale, doivent faire eux-​mêmes aus­si de la Messe le soleil de leur jour­née, le centre de leurs pré­oc­cu­pa­tions mais éga­le­ment la source de leur apos­to­lat. Et donc pour accom­plir votre mis­sion, chers frères, vous devez faire en sorte que jour après jour, mois après mois, année après année, les messes aux­quelles vous allez assis­ter soient tou­jours plus dignes de Dieu. Et com­ment le faire alors ? Eh bien, en res­tant à votre place de frère, c’est-​à-​dire en ayant soin du lieu de culte, en soi­gnant les objets litur­giques, en fai­sant en sorte que les offices soient les plus beaux pos­sibles, par le ser­vice de la Messe, par les chants, par l’orgue, par tout ce qui entoure la Messe. Et c’est vrai que si l’on regarde cela avec un regard, je dirai super­fi­ciel, pro­fane peut-​être, ça pour­rait paraître peut-​être secon­daire. Mais en réa­li­té, tout ce qui peut contri­buer à embel­lir une Messe a une valeur infi­nie. Il n’y a rien de plus grand sur la terre que la Messe. Il n’y a rien de plus grand sur la terre que le Sacrifice rédemp­teur. Il n’y a rien de plus grand dans toute l’his­toire de l’hu­ma­ni­té que le fait que Dieu Lui-​même ait accep­té de prendre une nature humaine comme la nôtre. Et ensuite de mou­rir pour nous sur la Croix.

Il faut se dire que chaque fois que j’as­siste à la Messe, c’est ce même acte rédemp­teur qui se retrouve à la Messe, cette fois-​ci pour répandre sur le monde entier les Grâces que Notre-​Seigneur a méri­tées une fois pour toutes en mou­rant pour nous sur la Croix. Et c’est bien le même acte qui est pré­sent à la Messe. La Messe réac­tua­lise l’u­nique sacri­fice par lequel nous avons été sau­vés. Alors bien sûr que tout ce qui pour­ra per­mettre, je dirai, de mani­fes­ter la gran­deur du sacri­fice qui se réa­lise, tout cela a une impor­tance capi­tale parce qu’en plus comme le dit l’a­dage, « telle manière de prier, telle manière de croire ». Donc, pour pou­voir ren­trer dans le mys­tère, on a besoin de vivre dans une cer­taine atmo­sphère, d’où le latin, d’où les périodes de silence, d’où l’im­por­tance des beaux chants, des beaux orne­ments, eh bien, les frères, à cette place, en tant que reli­gieux, ils contri­buent en diri­geant la cho­rale, en tenant l’orgue, en pré­pa­rant la sacris­tie, ils sou­lagent les prêtres bien sûr, c’est le côté maté­riel, mais par rap­port à Dieu, ils honorent Dieu et en même temps aus­si, ils aident les fidèles à s’é­le­ver vers Dieu.

Alors pour pou­voir bien accom­plir ce rôle de frère de la Fraternité, il faut non seule­ment accom­plir ces actes d’une façon maté­rielle, mais ensuite vous avez encore un pou­voir qui est bien plus grand. A chaque messe, seul le prêtre fait des­cendre Notre-​Seigneur Jésus-​Christ sur l’au­tel. Mais une fois que Notre-​Seigneur est sur l’au­tel, eh bien les fidèles et à plus forte rai­son les frères, unis au prêtre, ont le pou­voir d’of­frir Notre-​Seigneur à Dieu pour que jus­te­ment Dieu le Père nous fasse misé­ri­corde. Lisez la prière qui suit immé­dia­te­ment la consé­cra­tion du Précieux Sang. Dans cette prière il est dit nous votre ser­vi­teur – donc nous les prêtres – et avec nous votre peuple saint, nous offrons à votre divine majes­té l’hos­tie sainte, l’hos­tie imma­cu­lée. C’est un pou­voir magni­fique que de pou­voir offrir Notre-​Seigneur Jésus-​Christ à Dieu le Père pour que Dieu le Père répande sur nous toutes les grâces. Et non seule­ment les frères ont ce pou­voir mais éga­le­ment – et là je dirai que c’est encore exté­rieur, offrir Notre-​Seigneur à Dieu le Père pour qu’Il nous fasse misé­ri­corde, c’est très très beau, il n’y a rien de plus beau sur la terre – mais vous avez aus­si ce pou­voir et ce devoir d’u­nir votre propre vie à la Divine Victime. Et c’est pour vous une grâce extra­or­di­naire de pou­voir être si proche de l’au­tel. En étant proche de l’au­tel, vous êtes tout proche de Notre-​Seigneur, prêtre et vic­time à l’au­tel. Vous avez bien sûr ce désir en voyant Notre-​Seigneur qui s’offre à Dieu son Père pour qu’Il nous fasse misé­ri­corde de vous unir vous-​même aus­si à ce sacri­fice. En voyant tout ce que le Bon Dieu a fait pour nous, bien sûr on a le désir de faire ce qui dépend de nous aus­si pour que nous puis­sions mani­fes­ter notre amour de Dieu. L’amour appelle l’a­mour. Aujourd’hui c’est la fête de sainte Thérèse de l’Enfant-​Jésus. Elle-​même a bien mani­fes­té la place de l’a­mour dans la vie spirituelle.

Et donc c’est à cette lumière qu’il faut com­prendre, et l’ha­bit que vous allez prendre, cet habit qui est noir, qui peut paraître un petit peu néga­tif aux yeux de cer­taines per­sonnes du monde, même si le noir est aujourd’­hui un peu à la mode, je crois, donc cet aspect noir peut paraître un peu rigide, mais il s’a­git en fait pour vous de mani­fes­ter exté­rieu­re­ment ce renon­ce­ment au monde et votre atta­che­ment à Notre-​Seigneur Jésus-​Christ. Bien sûr, vous ne vous déta­chez pas pour vous déta­cher, vous vous déta­chez du monde pour vous atta­cher à Notre-​Seigneur. Et les trois vœux que vous allez faire l’an­née pro­chaine sont à com­prendre éga­le­ment selon la même ligne, à savoir que dans le vœu de pau­vre­té, de chas­te­té et d’o­béis­sance, il y a un aspect bien sûr de sacri­fice, vous vou­lez sacri­fier la pos­si­bi­li­té que vous auriez eue dans le monde d’a­voir des biens maté­riels ou bien de jouir de cer­tains biens maté­riels, donc vous faites ce sacri­fice. Vous sacri­fiez aus­si la pos­si­bi­li­té que vous auriez eue de fon­der une famille, donc par ce vœu de chas­te­té. Et enfin, vous sacri­fiez ce qu’il y a de plus dur, vous sacri­fiez votre volon­té propre. Si vous le faites, ce n’est pas bien sûr par un esprit maso­chiste. Si vous le faites, c’est dans le but d’être tout à Dieu. Vous avez com­pris la place que Dieu doit occu­per dans la vie, dans toute vie chré­tienne mais encore plus bien sûr dans la vie reli­gieuse, et vous avez ce désir d’en­le­ver tous les obs­tacles à cette union à Dieu. Et en ce sens, la messe va vous aider beau­coup à pra­ti­quer les ver­tus des trois vœux de reli­gion que vous ferez l’an prochain.

En effet, on peut dire que les trois vœux sont comme les trois clous qui vont vous river à la Croix. Donc il y a un aspect cru­ci­fiant mais vous le ferez par amour comme Notre-​Seigneur qui a don­né sa vie par amour. Il me semble qu’au­jourd’­hui, c’est dans cette pers­pec­tive que vous devez avoir cette joie au fond de votre âme de fran­chir cette pre­mière étape qui est déjà très noble qui consis­te­ra à prendre, à revê­tir cet habit reli­gieux. Alors, le prêtre, au nom de l’Eglise, va au moment de vous remettre cet habit vous deman­der de pra­ti­quer cer­taines ver­tus. Quelles sont les ver­tus qui sont néces­saires pour pou­voir être un bon frère novice de la Fraternité ? Il y a bien sûr les trois ver­tus de reli­gion, donc ver­tu qui se rat­tache à la pau­vre­té, déta­che­ment des biens de ce monde, ver­tu de chas­te­té, ver­tu d’o­béis­sance et Monseigneur Lefebvre a vou­lu ajou­ter dans nos sta­tuts l’hu­mi­li­té et la cha­ri­té. En effet, le terme d’o­béis­sance est un terme qui nous montre déjà le sacri­fice de notre volon­té, mais le moyen de pra­ti­quer cette obéis­sance c’est l’hu­mi­li­té. Une per­sonne qui n’est pas humble aura beau­coup de mal à obéir. Et puis si on parle de la cha­ri­té, c’est parce que la cha­ri­té est la ver­tu par excel­lence. Donc l’hu­mi­li­té est la ver­tu qui va enle­ver l’obs­tacle à la cha­ri­té. Dieu est cha­ri­té, Il veut que l’on devienne cha­ri­té, mais pour deve­nir cha­ri­té, il faut enle­ver l’obs­tacle à la cha­ri­té. Et l’obs­tacle à la cha­ri­té, c’est pré­ci­sé­ment l’a­mour déré­glé de nous-​même. Amour déré­glé des biens de ce monde, amour déré­glé des biens sen­sibles, amour déré­glé de notre volon­té propre. Là on retrouve l’im­por­tance de ces vœux pour pou­voir aimer comme on doit aimer. Il faut bien com­prendre que l’his­toire de la vie reli­gieuse, comme l’his­toire du mariage, c’est une his­toire d’a­mour. Vous avez com­pris com­bien Dieu vous aime, vous avez le désir de mani­fes­ter à Dieu votre amour et com­ment mani­fes­ter cet amour ? Eh bien en vous déta­chant de tout ce qui est un obs­tacle à cet amour vrai. Et c’est cela le sens déjà de toute vie chré­tienne mais encore à un degré plus éle­vé bien sûr de la vie religieuse.

Maintenant il reste à dire quelques mots de cet habit que vous allez prendre. Ça peut paraître aujourd’­hui un petit peu décon­nec­té de ce monde du XXIème siècle. Comment peut-​on encore s’ha­biller en sou­tane ? De la sou­tane aux ors, ça peut paraître en déca­lage avec la façon de vivre du monde d’au­jourd’­hui. Pourquoi votre atta­che­ment à ce vête­ment ? Pour cela je vou­drais faire un petit rap­pel de phi­lo­so­phie, de bons sens en même temps mais aus­si de foi parce que ça fait quand même appel à la foi. Sur le rôle du vête­ment. A quoi sert un vête­ment ? Le vête­ment sert à cou­vrir notre corps. Et cela paraît très clai­re­ment dans la Sainte Ecriture. Lisez le livre de la Genèse : après le péché, Adam et Eve se sont revê­tus, ont pris des vête­ments. Et pour­quoi cela ? En rai­son de la bles­sure de concu­pis­cence qui est appa­ru après le péché de nos pre­miers parents. Avant la chute, il y avait ce don d’in­té­gri­té qui assu­rait une sou­mis­sion par­faite des pas­sions à la rai­son et des rai­sons à Dieu. En rai­son de cette révolte de la rai­son contre Dieu, la consé­quence a été la révolte des pas­sions contre la rai­son. D’où l’ap­pa­ri­tion de cette bles­sure de concu­pis­cence. En rai­son de cette bles­sure de concu­pis­cence, et aujourd’­hui plus que jamais c’est impor­tant de le com­prendre, le Bon Dieu a deman­dé à Adam et Eve de se vêtir. Ils l’ont même fait spontanément.

Ce vête­ment est donc d’a­bord une pro­tec­tion par rap­port à cette bles­sure de concu­pis­cence. Le vête­ment est là pour nous pro­té­ger de cette bles­sure. Et par ailleurs, on peut consta­ter qu’il y a dif­fé­rentes sortes de vête­ments. Les vête­ments nor­ma­le­ment varient selon les sexes – c’est impor­tant de le rap­pe­ler aujourd’­hui ! -, il y a ensuite des vête­ments qui mani­festent notre fonc­tion dans la socié­té – par exemple, vous recon­nais­sez un poli­cier, vous recon­nais­sez un mili­taire, vous recon­nais­sez un contrô­leur à leur uni­forme. Et donc sous ce rap­port, on va dire que le vête­ment est un signe, un signe dis­tinc­tif, un signe de recon­nais­sance. Et ce qui est vrai de la socié­té civile est vrai aus­si de la socié­té reli­gieuse. On arrive à dis­tin­guer ain­si un domi­ni­cain, un capu­cin, un prêtre sécu­lier à son habit. Donc le vête­ment est un signe de recon­nais­sance. Et en rai­son de sa spé­ci­fi­ci­té, il est en même temps – sur­tout pour l’ha­bit reli­gieux – un signe de sépa­ra­tion. La sou­tane nous met à part du monde. Le prêtre et le frère sont des sépa­rés, et sont des sépa­rés parce que ce sont des âmes consa­crées. On se sépare pour se consacrer.

Et quel est l’in­té­rêt encore aujourd’­hui de res­ter atta­ché à la sou­tane ? Je vou­drais don­ner comme argu­ment pour peut-​être tou­cher ceux qui sont plus éloi­gnés que d’autres de la reli­gion, je vou­drais vous citer des argu­ments qui viennent de nos enne­mis. Ce ne sont pas des catho­liques qui parlent, je vais faire par­ler un texte bien connu de plu­sieurs d’entre vous et que peut-​être d’autres ne connaissent pas. Je vais faire par­ler Ferdinand Buisson, donc un par­le­men­taire franc-​maçon. C’était le 4 mars 1904. C’est inté­res­sant parce que c’é­tait au début du XXème siècle, il n’y avait pas encore de prêtre en civil à l’é­poque. Eh bien, que disait ce par­le­men­taire franc-maçon ?

« Je connais le pro­verbe qui dit : « l’ha­bit ne fait pas le moine », eh bien, moi, je sou­tiens que l’ha­bit fait le moine. L’habit est en effet pour lui et pour les autres le signe, le sym­bole per­pé­tuel de sa mise à part, le signe qu’il n’est pas un homme avec tous les hommes. Cet habit, c’est une force ; cet habit, c’est la force et la main­mise d’un maître qui ne lâche jamais son esclave, et notre rêve c’est pré­ci­sé­ment de lui arra­cher sa proie. Quand l’homme aura dépo­sé son uni­forme du milieu où il est enrô­lé, for­cé­ment il retrou­ve­ra la liber­té de s’ap­par­te­nir. Il n’au­ra plus une règle qui enserre moment après moment toute sa vie. Il n’au­ra plus un supé­rieur à qui deman­der des ordres pour chaque acte de son exis­tence. Il ne sera plus l’homme de la congré­ga­tion. Il devien­dra tôt ou tard l’homme de la famille, l’homme de la cité, l’homme de l’hu­ma­ni­té. Il fau­dra bien que le reli­gieux sécu­la­ri­sé se mette à gagner sa vie comme tout le monde. Nous n’en deman­dons pas plus. Le voi­là libre. Longtemps peut-​être, il res­te­ra atta­ché à ses idées reli­gieuses et autres. Gardons-​nous de nous en plaindre. Laissons-​le se laï­ci­ser tout seul, la vie aidant. Comptons sur la nature pour reprendre tous ses droits. C’est par la liber­té que nous le condui­rons à la liberté. »

Donc ce texte, voyez-​vous, montre très clai­re­ment le désir de nos enne­mis de nous voir quit­ter notre habit et il en donne la rai­son : l’ha­bit étant un signe exté­rieur de ce que nous sommes nous aide à res­ter ce que nous sommes. Et si les mêmes enne­mis ont vou­lu que les femmes s’ha­billent en hommes, eh bien le motif c’é­tait d’ar­ri­ver à faire une socié­té uni­sexe. Parce que le démon, voyez-​vous, n’est capable de rien construire. La seule chose qu’il peut faire, c’est démo­lir. Dieu seul est créa­teur. La seule chose que le démon veut faire c’est démo­lir. Il a d’a­bord vou­lu s’at­ta­quer à l’ordre sur­na­tu­rel, donc, par le natu­ra­lisme. Il a vou­lu ensuite s’at­ta­quer à la nature. Et main­te­nant il cherche à répandre les mœurs contre-​nature. Tout cela est dans une logique impla­cable. Et pour nous, si on est contre la théo­rie du genre, eh bien en même temps, on doit être aus­si contre la socié­té uni­sexe. On doit faire en sorte que les femmes soient habillées en femmes, les hommes habillés en hommes. Et parce qu’on croit que le péché ori­gi­nel a lais­sé des traces en nous, on doit faire en sorte, par notre façon de nous habiller, de ne pas exci­ter la convoi­tise chez les autres, mais de se res­pec­ter soi-​même et de res­pec­ter les autres jus­te­ment par un habit conforme à notre état. A la foi notre état d’être affai­bli par le péché et, en même temps, enno­bli par la grâce. Puisque le Bon Dieu habite dans mon âme, si je suis en état de grâce, eh bien noblesse oblige. Je dois avoir un com­por­te­ment digne de Celui qui m’ha­bite. Comportement inté­rieur avant tout – la ver­tu de modes­tie est avant tout une qua­li­té inté­rieure de l’âme – mais ensuite elle doit se mani­fes­ter à l’ex­té­rieur. Et donc obli­ger les autres à pra­ti­quer la ver­tu alors qu’on est sans cesse exci­tés par, et par­fois même dans notre milieu, il y a quand même un petit problème.

Donc pour reve­nir à la sou­tane pour le prêtre, eh bien, la sou­tane rap­pelle au prêtre et au frère ce qu’il est. Elle est pour lui aus­si une pro­tec­tion contre les ten­ta­tions. On nous a dit quand nous étions en pre­mière année, c’é­tait M. l’ab­bé André qui à l’é­poque ensei­gnait la spi­ri­tua­li­té, il nous a dit : « là où la sou­tane ne passe pas, le prêtre ne passe pas, la sou­tane ne passe pas, le frère ne passe pas ». Il me semble que c’est une règle à suivre. Si je vois que je suis gêné d’al­ler dans tel milieu en sou­tane, c’ets peut-​être parce que ma place n’y est pas. Donc voyez que cette sou­tane est pour nous, prêtres, éga­le­ment pour les frères, une pro­tec­tion. Elle nous aide à res­ter ce que nous devons être. Et puis aus­si la sou­tane a l’a­van­tage d’en­le­ver le res­pect humain. Parfois peut-​être dans le train, dans la rue, on n’o­se­rait pas abor­der les ques­tions reli­gieuses. Par le fait qu’on a un habit, les per­sonnes s’ouvrent à nous. Du coup, on est plus ame­nés nous-​mêmes à nous ouvrir éga­le­ment. Et donc la sou­tane a des effets posi­tifs non seule­ment sur nous mais aus­si sur les autres. Il est bien plus impres­sion­nant par exemple de se faire arrê­ter par des gen­darmes en uni­forme que par des gen­darmes en civil ! Donc l’u­ni­forme ins­pire le res­pect. Ça aide les autres à avoir une atti­tude juste vis-​à-​vis de nous. Elle est aus­si une pré­di­ca­tion. Elle est donc un signe objec­tif que Dieu existe encore. La sou­tane pose ques­tion. Encore tout récem­ment, nous étions à Montgardin, et après on est allés au Laus, il y avait des dames qui nous regar­daient : « vous avez vu, si jeunes ! Ça existe encore ! ». Et puis une autre qui disait : « moi, je suis vrai­ment émue ! ». Donc on voit que la sou­tane ne laisse pas indif­fé­rent. Donc il me semble que c’est un encou­ra­ge­ment pour les frères aus­si. Parce que les frères se disent par­fois, voi­là, nous on ne prêche pas ! En fait, ils prêchent déjà par leur habit. Leur habit est une prédication.

Et puis enfin, pour ter­mi­ner, après avoir revê­tu, chers frères, votre habit, vous allez lire votre acte d’o­bla­tion qui consiste en la pre­mière offrande que vous allez faire de vous-​mêmes, dans la Fraternité qui va vous accueillir comme frère novice. Pour être dignes de cette grâce, vous allez donc pro­mettre de pra­ti­quer les ver­tus qui vous seront néces­saires pour être de saints frères. Je vous disais tout-​à-​l’heure, ver­tu d’hu­mi­li­té, ver­tu de pau­vre­té, d’o­béis­sance, de cha­ri­té et de chas­te­té. Et pour Monseigneur Lefebvre alors, il avait une vue de syn­thèse, une vue de haut. Sa devise c’é­tait « cre­di­di­mus cari­ta­ti », donc il rédui­sait tout à la cha­ri­té. Pour Monseigneur Lefebvre, tout se résu­mait dans la cha­ri­té. Il disait en fait, si vous lisez par exemple dans les sta­tuts, la ver­tu par excel­lence du membre de la Fraternité, c’est un amour pro­fond de la Trinité sainte. Et Monseigneur disait que cet amour pro­fond de la Trinité sainte devrait comme spon­ta­né­ment nous inci­ter à la pau­vre­té, à la chas­te­té, à l’o­béis­sance. Parce que cet amour pro­fond de Dieu nous montre que Dieu est tout. Par consé­quent, c’est vers Lui que nous devons aller. Par consé­quent, cela nous aide à nous déta­cher de tout ce qui pour­rait nous aveugler.

Soyez bien géné­reux, chers frères, dans cette belle étape que vous allez fran­chir devant votre famille, devant vos amis qui sont venus vous encou­ra­ger. Priez aus­si l’Esprit-​Saint. Ce n’est pas non plus un hasard si juste avant cette pré­di­ca­tion il y a eu ce « Veni Creator ». On a implo­ré la grâce de l’Esprit-​Saint, d’a­bord sur vous, pour que ses lumières que vous avez aujourd’­hui, qu’elles puissent être pro­fon­dé­ment ancrées dans votre âme, non seule­ment pen­dant votre novi­ciat, mais pen­dant toute votre vie. Il y a par­fois des moments plus dif­fi­ciles à tra­ver­ser, il me semble que c’est impor­tant, les jours comme celui-​ci de deman­der au Bon Dieu tou­tyes les grâces qui vous seront néces­saires pour être déjà de bons novices, pour ensuite avoir cette grâce de la per­sé­vé­rance. Et puisque sainte Thérèse de l’Enfant-​Jésus est fêtée aujourd’­hui, deman­dons à cette petite Thérèse qui nous a dit qu’elle pas­se­rait son ciel à faire du bien sur la terre, qu’elle soit aus­si une aide pour vous.

Et puis enfin, confiez-​vous aus­si à la Très Sainte Vierge Marie qui a mieux que qui­conque aimé aus­si le Bon Dieu. Mieux que qui­conque elle a pra­ti­qué aus­si cette pau­vre­té, cette chas­te­té, cette obéis­sance. Elle est votre Mère, elle est notre Mère à tous, mais elle est spé­cia­le­ment votre Mère aujourd’­hui. Donc qu’elle puisse être pré­sente tout au long de votre novi­ciat pour que vous puis­siez, dans un an s’il plaît à Dieu, faire vos vœux de pau­vre­té, de chas­te­té, d’o­béis­sance dans cette œuvre qu’est la Fraternité Saint-​Pie‑X.

Merci à tous de vos bonnes prières. Ainsi soit-il.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit, ain­si soit-il.

Abbé Patrick Troadec, Directeur du sémi­naire Saint-​Curé-​d’Ars de Flavigny

Transcription : Y. R‑B pour LPL