Lettre n° 16 de Mgr Lefebvre aux Amis et Bienfaiteurs de la FSSPX de mars 1979

Chers Amis et Bienfaiteurs,

fin de répondre à votre attente au sujet des rela­tions de la Fraternité avec Rome, je pense bien faire en vous com­mu­ni­cant ci-​dessous la lettre que j’ai adres­sée au Pape en la vigile de Noël.

« Très Saint Père,

Comment dou­ter que l’audience que vous m’avez accor­dée n’ait été vou­lue de Dieu. Ce fut pour moi une grande conso­la­tion de pou­voir en toute fran­chise expo­ser les cir­cons­tances et les motifs de l’existence de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X, de ses sémi­naires, et les rai­sons qui m’ont ame­né à conti­nuer l’Œuvre, mal­gré les déci­sions venues de Fribourg et de Rome.

Le flot des nou­veau­tés dans l’Eglise accep­té et encou­ra­gé par l’Episcopat, flot rava­geant tout sur son pas­sage : la foi, la morale, les ins­ti­tu­tions de l’Eglise, ne pou­vait pas admettre la pré­sence d’un obs­tacle, d’une résistance.

Nous avions donc le choix ou de nous lais­ser empor­ter par le cou­rant dévas­ta­teur et d’accroître le désastre, ou de résis­ter contre vents et marées pour sau­ve­gar­der notre foi catho­lique et le sacer­doce catho­lique. Nous ne pou­vions pas hésiter.

Depuis le 5 mai 1975, date de notre déci­sion de tenir coûte que coûte, trois années et demie ont pas­sé et nous donnent rai­son. Les ruines de l’Eglise s’accumulent : l’athéisme, l’immoralité, l’abandon des églises, la dis­pa­ri­tion des voca­tions reli­gieuses et sacer­do­tales sont tels que les Evêques com­mencent à s’émouvoir et que le fait d’Ecône est constam­ment évo­qué. Les son­dages d’opinion mani­festent qu’une grande par­tie des fidèles, par­fois une majo­ri­té sont en faveur de l’attitude d’Ecône.

Il est évident pour tout obser­va­teur impar­tial que notre Œuvre est une pépi­nière de prêtres comme l’Eglise les a tou­jours sou­hai­tés et comme les vrais fidèles les dési­rent. Et on est en droit de pen­ser que si Rome vou­lait bien admettre le fait et lui don­ner la léga­li­té à laquelle il a droit, les voca­tions seraient encore beau­coup plus abondantes.

Très Saint Père, pour l’honneur de Jésus-​Christ, pour le bien de l’Eglise, pour le salut des âmes, nous vous conju­rons de dire un seul mot, une seule parole, comme Successeur de Pierre, comme Pasteur de l’Eglise uni­ver­selle, aux Evêques du monde entier : Laissez faire ; Nous auto­ri­sons le libre exer­cice de ce que la Tradition mul­ti­sé­cu­laire a uti­li­sé pour la sanc­ti­fi­ca­tion des âmes.

Quelle dif­fi­cul­té pré­sente une pareille atti­tude ? aucune. Les Evêques déci­de­raient des lieux, des heures réser­vés à cette Tradition. L’unité se retrou­ve­rait immé­dia­te­ment au niveau de l’Evêque du lieu. Par contre que d’avantages pour l’Eglise : le renou­veau des Séminaires, des monas­tères ; une grande fer­veur dans les paroisses, les Evêques seraient stu­pé­faits de retrou­ver en quelques années un élan de dévo­tion et de sanc­ti­fi­ca­tion qu’ils croyaient dis­pa­ru à tout jamais.

Pour Ecône, ses sémi­naires, ses prieu­rés, tout se nor­ma­li­se­rait comme pour les Congrégations de Lazaristes, Rédemptoristes… Les prieu­rés ren­draient ser­vice aux dio­cèses par des pré­di­ca­tions de Missions parois­siales, retraites selon St. Ignace, et ser­vice des paroisses, en pleine sou­mis­sion aux Ordinaires des lieux.

Combien la situa­tion de l’Eglise serait amé­lio­rée par ce moyen très simple et si conforme à l’Esprit mater­nel de l’Eglise, ne refu­sant pas ce qui vient au secours des âmes, n’éteignant pas la mèche qui fume encore, se réjouis­sant de consta­ter que la sève de la Tradition est pleine de vie et d’espoir !

Voilà ce que j’ai cru devoir écrire à Votre Sainteté, avant de me rendre auprès de S.E. le Cardinal Seper. Je crains que des dis­cus­sions pro­lon­gées et sub­tiles n’aboutissent pas à un résul­tat satis­fai­sant et fassent traî­ner une solu­tion qui, j’en suis per­sua­dé, doit vous appa­raître urgente.

La solu­tion ne peut, en effet, se trou­ver dans un com­pro­mis qui pra­ti­que­ment ferait dis­pa­raître notre Œuvre, ajou­tant à la des­truc­tion une contri­bu­tion de plus.

Demeurant à l’entière dis­po­si­tion de Votre Sainteté, je La prie d’agréer mon pro­fond et filial res­pect en Jésus et Marie.

+ Marcel Lefebvre »

Cette lettre et les réponses aux entre­tiens Romains consti­tuent un dos­sier qui appelle une prise de posi­tion de la part du Saint Siège. Prions avec fer­veur qu’elle soit conforme au bien de l’Eglise et au salut des âmes.

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Grâce aux béné­dic­tions de Dieu et à votre géné­ro­si­té, vous pou­vez consta­ter que la liste des fon­da­tions aug­mente sans cesse, que les ordi­na­tions, pro­fes­sion de reli­gieux et reli­gieuses sont tou­jours plus nom­breuses. Cette année spé­cia­le­ment, s’il plaît à Dieu, comp­te­ra 37 nou­veaux prêtres dont 29 pour la Fraternité. D’ailleurs les revues et pério­diques de chaque dis­trict vous tiennent au cou­rant de ces cérémonies.

Il est bien juste que vous vous réjouis­siez de voir que vos dons servent à la réno­va­tion de l’Eglise par les moyens qu’elle a tou­jours uti­li­sés pour sa crois­sance et sa vitalité.

Nous comp­tons beau­coup sur les prières de nos frères, de nos reli­gieuses, de nos oblates, mais aus­si sur celles des cen­taines de reli­gieuses, de cou­vents entiers qui nous apportent leur encou­ra­ge­ment en Belgique, en France, en Suisse, en Allemagne, aux U.S.A., au Mexique, en Argentine. Elles comptent sur nos prêtres, car chez elles les voca­tions se mul­ti­plient. Plusieurs de ces com­mu­nau­tés ont déjà essai­mé. C’est un grand espoir pour l’Eglise que cette mani­fes­ta­tion de sa sain­te­té. Pour toutes, c’est le main­tien et une plus pro­fonde intel­li­gence du Saint Sacrifice de la Messe de tou­jours qui est la source de leur réno­va­tion. C’est bien là le grand mys­tère de notre foi.

Chers Amis et Bienfaiteurs, nous connais­sons vos sou­cis, vos souf­frances, vos angoisses dans cette crise sans pré­cé­dent dans l’histoire, soyez assu­rés de nos prières, de notre entier dévoue­ment. Les saintes familles chré­tiennes demeu­re­ront tou­jours les pépi­nières des voca­tions. C’est pour­quoi nous vous sup­plions de demeu­rer fermes dans la foi et dans la sain­te­té au milieu de ce monde pervers.

Que Dieu vous bénisse par l’intercession de Marie et de Joseph.

+ Marcel Lefebvre
en la fête de Saint Joseph, 19 mars 1979

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Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.