Lettre n° 33 de l’abbé Franz Schmidberger aux Amis et Bienfaiteurs de la FSSPX d’octobre 1987

Chers Amis et Bienfaiteurs,

’annonce faite par Mgr Lefebvre à l’occasion des ordi­na­tions sacer­do­tales à Ecône le 29 juin, de la consé­cra­tion de quelques évêques auxi­liaires, a sus­ci­té à Rome la recherche presque fié­vreuse d’une solu­tion. Dans cette atmo­sphère eut lieu le 14 juillet l’entretien avec le car­di­nal Ratzinger. Monseigneur y expo­sa sans fard au Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi la dif­fé­rence qui oppose la Tradition à la Rome d’aujourd’hui, moder­niste et libé­rale : « Vous reti­rez à Notre-​Seigneur son droit sur les consciences et les socié­tés, vous tra­vaillez à la déchris­tia­ni­sa­tion, nous à la rechris­tia­ni­sa­tion. Pour nous, Notre Seigneur Jésus-​Christ est tout, il est l’Eglise, il est son sacer­doce, il est la sainte messe, il est notre apos­to­lat, il est l’école catho­lique, il est le mariage et la famille catho­liques, il est l’Etat catholique ».

Dans une lettre écrite le 28 juillet, le car­di­nal a fait quelques pro­po­si­tions en vue d’une solu­tion concrète :
– On n’exige plus de nous la signa­ture d’une décla­ra­tion préa­lable sur le Novus Ordo Missæ et sur le Concile. Commentaire de Monseigneur Lefebvre : « Enfin on recon­naît que nous sommes catholiques ! »
– On serait prêt à recon­naître à la Fraternité l’usage des livres litur­giques de 1962 : nous nous en réjouissons.
– La Fraternité pour­rait conti­nuer la for­ma­tion de prêtres selon son cha­risme propre : cela nous rem­plit de satisfaction.
– Le Saint-​Siège nom­me­rait pour une phase tran­si­toire un car­di­nal visi­teur qui déci­de­rait de l’admission des can­di­dats aux ordres, juge­rait de l’orthodoxie de l’enseignement, de l’esprit ecclé­sial et de l’attachement au Pape. Réponse de Monseigneur Lefebvre : « Nous avons tou­jours dési­ré un car­di­nal visi­teur et nous sommes dis­po­sé à dis­cu­ter avec lui d’un règle­ment juri­dique défi­ni­tif du sta­tut de la Fraternité Sacerdotale. Mais il ne peut être ques­tion que nous nous dépar­tis­sions à aucun moment de notre auto­ri­té sur les sémi­na­ristes et de notre res­pon­sa­bi­li­té à leur égard ».

Quel pour­rait être le cadre d’une solu­tion ? Les spé­cu­la­tions pas­sées ont sou­vent évo­qué une Prélature per­son­nelle, telle qu’elle a été accor­dée à l’Opus Dei. Une autre solu­tion pra­tique serait la recon­nais­sance de la litur­gie tra­di­tion­nelle sous la forme d’un rite propre, comme cela existe chez les Maronites et les Ukrainiens par exemple. Tout en obser­vant le prin­cipe de la sou­mis­sion au Saint-​Siège, cette solu­tion aurait l’avantage de sau­ve­gar­der une large auto­no­mie, incluant la liber­té de com­battre les erreurs contem­po­raines à l’intérieur de l’Eglise et per­met­tant un sacre d’évêques qui garan­ti­raient la trans­mis­sion de la foi et de la vie sacra­men­telle. Nous n’exigeons d’autre droit que celui de conti­nuer la tra­di­tion bimil­lé­naire de l’Eglise sans dimi­nu­tion aucune, le droit d’employer tous les moyens aptes à pré­ser­ver et prê­cher le salut sur­na­tu­rel et à défendre et pro­pa­ger le règne social de Jésus-​Christ à l’encontre des idéo­lo­gies d’une liber­té reli­gieuse inique, d’un œcu­mé­nisme rui­neux et d’une litur­gie qui n’est pas catho­lique. Ce droit est du reste en même temps un devoir sacré devant Dieu et son Eglise, devoir qui appar­tient non seule­ment à Mgr Lefebvre et à la Fraternité Sacerdotale par lui fon­dée, mais aus­si à tout catho­lique, prêtre et laïc.

Chers amis et bien­fai­teurs, une telle solu­tion se réalisera-​t-​elle ? Personne ne peut répondre à cette ques­tion dans l’état actuel des choses. Optimisme exa­gé­ré ou fausse conci­lia­tion, mais aus­si cœur étroit, seraient mau­vais conseillers pour les négo­cia­tions atten­dues. En tout cas, si un accord est conclu, ce sont de nou­veaux champs d’apostolat fer­tiles qui s’ouvriront ; on peut pen­ser que tel ou tel évêque s’apprête déjà à nous confier dans son dio­cèse, qui le sémi­naire, qui une école, qui une mai­son de retraites.

Mais si, à cause de l’aveuglement des res­pon­sables de l’Eglise et de leur dure­té de cœur, aucune solu­tion n’est trou­vée, alors Monseigneur se ver­ra contraint, sans hési­ter et sans tar­der, à sacrer trois ou quatre évêques auxi­liaires, d’autant plus que la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X compte aujourd’hui, non seule­ment 205 prêtres tra­vaillant dans 23 pays, mais, dans cinq sémi­naires, 280 aspi­rants au sacer­doce que les fidèles affa­més réclament comme leurs pas­teurs dans le monde entier. Rien qu’en ce moment, c’est au Guatemala, au Brésil, au Paraguay, au Sri-​Lanka, au Japon, en Nouvelle-​Guinée et au Liban, que nos amis dési­rent impa­tiem­ment la fon­da­tion d’un prieuré.

Une chose est sûre : puisque l’Eglise appar­tient tota­le­ment à l’ordre sur­na­tu­rel du salut, la crise ne peut et ne doit être vain­cue que par des moyens sur­na­tu­rels : la confiance incon­di­tion­nelle en la Providence et en l’efficacité de la grâce divine, l’embrassement amou­reux de la Croix rédemp­trice de Jésus-​Christ, la prière zélée et per­sé­vé­rante, la mort quo­ti­dienne à soi-​même et la résur­rec­tion en une par­ti­ci­pa­tion à la vie de la Sainte Trinité, le zèle dévo­rant pour le sanc­tuaire de Dieu et la pro­pa­ga­tion du règne du Christ Roi, le com­bat contre l’erreur, le péché et les scan­dales de toutes sortes, le don filial de soi-​même à la Mère du Verbe incar­né, Reine du Très Saint Rosaire, Médiatrice de toutes grâces, qui seule a vain­cu toutes les héré­sies dans le monde entier et qui, aujourd’hui encore, va écra­ser dans ce temps apo­ca­lyp­tique la tête du ser­pent infernal.

Orate frates, orate sine inter­mis­sione ! Mes frères, priez, priez sans cesse !

Oratio

Deus, incom­mu­ta­bi­lis vir­tus et lumen æter­num, respice pro­pi­tius ad totius Ecclesiae tuas mira­bile sacra­men­tum, et opus salu­tis huma­nae, per­pé­tuas dis­po­si­tio­nis effec­tu, tran­quillius operare :
totusque mun­dus expe­ria­tur et videat, dejec­ta eri­gi, inve­te­ra­ta reno­va­ri, et per ipsum redire omnia in inte­grum, a quo sump­sere prin­ci­pium, Dominum Nostrum Jesum Christum Filium tuum, qui tecum vivit et régnat in uni­tate Spiritus Sancti, Deus, per omnia sae­cu­la saeculorum.
Amen.

Prière

O Dieu, force immuable et lumière éter­nelle, regar­dez dans votre misé­ri­corde le mys­tère admi­rable de votre Eglise tout entière, et opé­rez fort tran­quille­ment l’œuvre du salut des hommes par l’exécution de votre dis­po­si­tion éternelle :
et que le monde entier éprouve et voit les choses ren­ver­sées être redres­sées, les choses envieillies être renou­ve­lées, et toutes choses reve­nir à leur inté­gri­té par Celui de qui elles ont reçu le com­men­ce­ment : Notre Seigneur Jésus-​Christ votre Fils qui avec vous vit et règne en l’unité du Saint-​Esprit, Dieu, dans les siècles des siècles.
Amen.

Rickenbach, en la fête de la Maternité de la Vierge Marie, le 11 octobre 1987

Abbé Franz Schmidberger

Supérieur Général

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