Lettre n° 56 de Mgr Bernard Fellay aux Amis et Bienfaiteurs de la FSSPX d’avril 1999

Chers Amis et Bienfaiteurs,

l y a quelques semaines, un jeune prêtre n’ayant connu que la nou­velle messe célé­brait pour la pre­mière fois la messe tri­den­tine dans un de nos prieu­rés. Après l’action de grâces, un confrère lui demande ses pre­mières impres­sions : « Cette messe est rem­plie de sacré, du mys­tère, elle est pleine de grâces, l’autre est vide ».

Un autre jeune prêtre, assis­tant à la messe tri­den­tine pour la pre­mière fois s’est écrié : « On nous a trom­pé pen­dant trente ans ».

Trente ans de Novus Ordo Missæ, trente ans de vide. Un vide qui a fait le vide, le vide des églises, sou­vent le vide de la foi. Il ne fait aucun doute qu’il faille attri­buer comme cause majeure de la crise épou­van­table que tra­verse l’Église une perte de l’esprit de foi et de l’esprit de sacri­fice, l’une et l’autre étant pro­vo­quée prin­ci­pa­le­ment par le Novus Ordo Missæ.

On a vou­lu une nou­velle messe qui cor­res­ponde à l’esprit du Concile, une accom­mo­da­tio à l’esprit du monde et un levier de l’œcuménisme. L’introduction la plus effi­cace de l’esprit du Concile dans la vie de l’Église a été sans conteste la nou­velle messe ; on peut dire que l’application a été réus­sie, pour le grand mal­heur de notre Mère la sainte Église. Il nous semble abu­sif d’attribuer le désastre seule­ment aux abus.

« Nous avons tou­jours devant ces ins­tances [les ins­tances romaines] affir­mé que nous consi­dé­rions le Nouvel Ordo Missæ dan­ge­reux pour la foi des fidèles et des prêtres, et qu’en consé­quence il était incon­ce­vable de grou­per des jeunes lévites et de les for­mer autour de ce nou­vel autel. Les faits nous donnent rai­son. Le sens de la foi chez les fidèles, là où il n’est pas cor­rom­pu, nous approuve entiè­re­ment, même chez ceux qui ne pra­tiquent plus, je dirai même que ceux qui ont encore un peu de sens com­mun nous encou­ragent et nous féli­citent. Qu’est-ce qu’une socié­té, une famille sans pas­sé, sans tra­di­tion ? Et que dire alors de l’Église qui est une Tradition ! »

Monseigneur Lefebvre écri­vait ces lignes en 1980. Vingt ans plus tard, l’état de l’Église cor­ro­bore mille fois cette ana­lyse. Il serait trop sim­pliste de réduire la crise uni­que­ment à la ques­tion de la messe ; il reste cepen­dant que c’est un point char­nière capi­tal. C’est le véhi­cule d’un nou­vel esprit en rup­ture avec l’esprit de l’Église, l’esprit de l’adoration au seul vrai Dieu à qui doit être ren­du tout hon­neur et toute gloire, l’esprit de sacri­fice, de par­ti­ci­pa­tion au sacri­fice du Souverain Prêtre et Rédempteur, Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, l’esprit sur­na­tu­rel de foi aimante qui nous fait adop­ter le regard de Dieu lui-​même sur les vraies réa­li­tés du monde et de Dieu, du péché et du salut ».

Dans le même texte cité plus haut, Monseigneur disait aussi :

« Il ne faut pas s’étonner que dans cette tem­pête dévas­ta­trice que subit l’Église notre faible Fraternité subisse de vio­lents assauts. Les uns la trouvent trop oppo­sée au concile, à Rome, trop atta­chée à la Tradition dog­ma­tique, litur­gique, trop oppo­sée aux réformes, trop peu œcu­mé­nique, etc… Les autres au contraire, trop en liai­son avec Rome, deve­nue le siège de l’Antéchrist, deve­nue une suc­cur­sale de l’enfer, trop faible vis-​à-​vis des réformes.

À ces attaques nous répon­dons plus par les faits que par les paroles. Car nous avons hor­reur des polé­miques sté­riles. Notre atti­tude a tou­jours été claire et tou­jours la même depuis la fon­da­tion. Nous conti­nuons ce que l’Église a tou­jours fait, tou­jours ensei­gné spé­cia­le­ment en ce qui concerne la for­ma­tion sacerdotale. (…)

L’histoire de l’Église nous apprend à nous conduire dans ces cir­cons­tances dif­fi­ciles, et elle nous apprend qu’il faut avant tout consi­dé­rer que « l’homme s’agite et Dieu le mène ». Que sommes-​nous dans les mains de Dieu ? mais de rien Il peut tout. C’est la foi inébran­lable en Jésus-​Christ qui nous sou­tient et nous ins­pire et rien d’autre. Il tient les évé­ne­ments dans sa main et sa Vérité ne péri­ra pas, même si l’ennemi a réus­si à s’introduire dans les cou­loirs du Vatican.

La Fraternité est vou­lue de Dieu, toute son his­toire le prouve, tout le bien qu’elle a réa­li­sé, tout le mal qu’elle a empê­ché, montrent son ori­gine et sa nécessité.

Qu’on ne me demande pas de chan­ger de ligne de conduite, ni de la part des auto­ri­tés romaines, ni de la part des par­ti­sans du schisme. Cette conduite n’est pas mienne, elle tire sa force de la Vérité et de la Sagesse de l’Église et de sa Tradition dog­ma­tique et his­to­rique, de la conduite des saints et sur­tout des deux der­niers saints papes : saint Pie X et saint Pie V.

(…) demeu­rons unis dans ces convic­tions, ne nous lais­sons pas détour­ner par des sophismes de déso­béis­sances ou des sophismes de logique abs­traite, mais gar­dons la foi solide et simple de l’âme juste et fidèle, à l’exemple de Marie et Joseph et de tous ceux qui les ont imi­tés [1] ».

Telle est encore aujourd’hui, dix neuf ans plus tard, notre ligne de conduite, et Dieu aidant nous enten­dons bien ne pas nous en dépar­tir. Que l’abondance des grâces liées aux mys­tères et aux céré­mo­nies de la Semaine Sainte vous confortent dans la foi et nour­rissent vos âmes dans l’amour de Notre-​Seigneur qui n’a « pas hési­té à être livré aux mains de ceux qui vou­laient lui nuire et à subir le tour­ment de la croix [2] ».

Toujours bien tou­chés de votre géné­ro­si­té, nous implo­rons de la Bonté divine une ample bénédiction.

Vendredi Saint, 2 avril 1999

+ Bernard Fellay

Supérieur géné­ral

[1] 16 février 1980, édi­to­rial du bul­le­tin interne à la Fraternité.
[2] Oraison du Vendredi Saint.

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FSSPX Premier conseiller général

De natio­na­li­té Suisse, il est né le 12 avril 1958 et a été sacré évêque par Mgr Lefebvre le 30 juin 1988. Mgr Bernard Fellay a exer­cé deux man­dats comme Supérieur Général de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X pour un total de 24 ans de supé­rio­rat de 1994 à 2018. Il est actuel­le­ment Premier Conseiller Général de la FSSPX.