« Il y a un temps pour se taire, et un temps pour parler. »

Le Saint Père appelle toute l’Eglise à consa­crer cette année à la Sainte Eucharistie. Il l’a fait par la lettre apos­to­lique « Mane nobis­cum Domine » du 7 octobre der­nier. D’une fai­blesse doc­tri­nale plus grande que son ency­clique « Ecclesia de Eucharistia vivit » (17 avril 2003), le docu­ment est « une invi­ta­tion pres­sante à s’é­mer­veiller devant ce grand mystère »

Nous ne man­que­rons pas de sou­li­gner les lacunes ou les déviances de tel ou tel pas­sage, cepen­dant nous vou­lons réa­li­ser les vœux du Père commun :

« Puisse l’an­née de l’Eucharistie être pour tous une pré­cieuse occa­sion pour deve­nir tou­jours plus conscient du tré­sor incom­pa­rable que le Christ a confié à son Eglise » (p.29 de « Mane nobiscum »). »

Et encore :

« En cette année, puisse l’a­do­ra­tion eucha­ris­tique en dehors de la Messe consti­tuer un sou­ci spé­cial des com­mu­nau­tés parois­siales et reli­gieuses ! Restons lon­gue­ment pros­ter­nés devant Jésus pré­sent dans l’Eucharistie, répa­rant ain­si par notre foi et notre amour les négli­gences, les oublis, et même les outrages que notre Sauveur doit subir dans de nom­breuses par­ties du monde. »

Voilà pour­quoi nous orga­ni­sons, à Sainte Germaine, une ado­ra­tion eucha­ris­tique tous les jeu­dis de l’an­née de 17 h 45 jus­qu’à la Messe de 18 h 30, à par­tir du 1er je

Il y a un temps pour se taire, et un temps pour parler.

Un der­nier bul­le­tin parois­sial lar­ge­ment répan­du pré­tend qu’il existe dans la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X une « vision sur­na­tu­ra­liste du sacer­doce qui ins­taure un cli­vage entre la fina­li­té réelle de la voca­tion, le minis­tère auprès des âmes et le but qu’on vou­drait lui sub­sti­tuer : la sain­te­té (qui n’est plus) sacerdotale »

Une double erreur n’aura pas échappé au lecteur attentif de l’article.

l. La reprise de la doc­trine de Vatican II expri­mée dans le décret sur les prêtres. Le texte conci­liaire, lar­ge­ment influen­cé par le Cardinal Marty (cf. le livre de son fils spi­ri­tuel, Mr Gilson, sur les prêtres), inverse les fina­li­tés du Sacerdoce. Traditionnellement, le prêtre est ordon­né pour l’Eucharistie, et ensuite pour la Mission (minis­tère dans tout son ensemble). Vatican II pré­tend que le but pre­mier du Sacerdoce est la Mission, et que la Messe appa­raît en second, plus comme un moyen de réa­li­sa­tion de l’a­ni­ma­tion spi­ri­tuelle du peuple de Dieu. Je cite un seul des pas­sages où ce prêtre exprime une pen­sée qu’il croit traditionnelle :

« Le prêtre est ordon­né pour : 1) ensei­gner la doc­trine de la foi, 2) com­mu­ni­quer l’es­pé­rance à toute âme, 3) remettre les péchés, 4) offrir le sacri­fice et 5) répandre par la pré­di­ca­tion et 6) les sacre­ments, le feu de la charité. »

L’expression est gagnante, mais dans le désordre ! Ce sinistre désordre qui a fait perdre aux prêtres le sens réel de leur iden­ti­té dans la déroute postconciliaire.

2. La deuxième erreur est le mépris affi­ché par ce prêtre de toutes les mises en garde des dan­gers de l’ac­ti­visme. Personne n’a jamais ensei­gné dans la Fraternité que le minis­tère sacer­do­tal éloi­gnait le prêtre de sa sanc­ti­fi­ca­tion. Mais il est vrai que le Magistère et les auteurs spi­ri­tuels ont constam­ment mis en garde les prêtres contre la sur­charge du minis­tère qui ne peut qu’en­traî­ner l’af­fai­blis­se­ment de la vie inté­rieure du prêtre et de la ‑fécon­di­té de son apos­to­lat. Et de cela, les supé­rieurs de la Fraternité ne peuvent faire fi.

Le Magistère d’abord :

Il y a bien sur la condam­na­tion de « l’a­mé­ri­ca­nisme. par Léon XIII dans la lettre « Testum bene­vo­len­tiae » à l’Archevêque de Baltimore où le Pape fus­tige ceux qui méprisent les ver­tus répu­tées pas­sives et sur­na­tu­relles (l’o­béis­sance et l’hu­mi­li­té par­ti­cu­liè­re­ment), et qui exaltent les ver­tus actives : les « mau­dites œuvres » dont parlent tant et tant d’au­teurs spirituels.
Il y a ensuite tous les docu­ments pon­ti­fi­caux réunis dans « Notre Sacerdoce » par Mgr Pierre Veuillot : tout l’en­sei­gne­ment des papes de Saint Pie X à Pie XII (Fleurus 1954).
Le pape Jean-​Paul II lui-​même dans son livre écrit pour ses cin­quante ans de sacer­doce, « Ma voca­tion, don et mystère » :

« Oui, le prêtre doit être avant tout un homme de prière, convain­cu que le temps consa­cré à la ren­contre intime avec Dieu est tou­jours le mieux employé, parce que non seule­ment il lui est utile, mais il est utile pour sa tâche publique. Si le concile Vatican II parle de la voca­tion uni­ver­selle à la sain­te­té, dans le cas du prêtre, il faut par­ler d’une voca­tion spé­ciale à la sain­te­té. Le Christ a besoin de saints prêtres ! Le monde actuel demande de saints prêtres ! Seul un saint prêtre peut deve­nir un témoin trans­pa­rent du Christ et de son Evangile dans un monde tou­jours plus sécularisé. »

Les auteurs spi­ri­tuels sont una­nimes à se faire l’é­cho des dan­gers de la dis­si­pa­tion d’un minis­tère sur­ac­tif, à com­men­cer par Don Chautard, dans « L’Ame de tout apostolat »
C’est toute la doc­trine du Cardinal Mercier dans ses conseils à ses sémi­na­ristes et dans ses retraites sacerdotales :

« Mes bien chers confrères, cette vie inté­rieure, pour votre sanc­ti­fi­ca­tion per­son­nelle et pour l’é­di­fi­ca­tion du peuple chré­tien, vivez-​la ; par votre exemple et par votre minis­tère, propagez-​la. » (La vie inté­rieure, appel aux âmes sacerdotales). »

C’est tout l’en­sei­gne­ment de Mère Marie Claret de la Touche dans « Le Sacré-​Cœur et le Sacerdoce », approu­vé dès 1910 par le Cadinal Merry del Val.
C’est aus­si toute la théo­lo­gie et l’ex­pé­rience du R.P. Marie-​Eugène de l’Enfant-​Jésus : « Même le sacer­doce ne confère pas la sain­te­té, bien qu’il confère une grâce suf­fi­sante pour l’exer­cice de la fonc­tion don­née au prêtre (…) L’apôtre qui a reçu une fonc­tion et une grâce, a donc le devoir de se per­fec­tion­ner lui-​même. il ne peut pas comp­ter abso­lu­ment sur la grâce qu’il a reçue : il ne doit pas croire qu’il est deve­nu saint dans l’exer­cice de sa fonc­tion publique, sous pré­texte qu’elle est très impor­tante et très urgente. Il n’a pas le droit de s’y lan­cer avec témé­ri­té sans prendre de pré­cau­tions, sans se pré­oc­cu­per des dan­gers qu’il court (…) On a cru qu’on pou­vait se lan­cer dans cette tâche, et il est arri­vé mal­heu­reu­se­ment ce qui était arri­vé à Pierre. Nous avons donc le devoir de sau­ve­gar­der notre vie inté­rieure, de nous per­fec­tion­ner, de déve­lop­per cette grâce qui est en nous. » (Recueil de confé­rences des années 40–50 – « Au souffle de l’es­prit » Ed. du Carmel).

Citons même le Cardinal Liénart, qui écri­vait en 1952 à l’ab­bé Courtois :

« Dans le tour­billon qui emporte actuel­le­ment les prêtres enga­gés dans l’a­pos­to­lat actif, il est bon, que dis-​je ! il est de toute néces­si­té que chaque jour, ils enri­chissent leur vie inté­rieure, qu’à chaque ins­tant, ils se rap­pellent qu’ils sont prêtres et qu’ils doivent en toute occa­sion agir comme tels. La retraite expo­sée sous le titre « Qui manet in me » Il est à cet égard d’une grande effi­ca­ci­té. Celui qui s’ap­pli­que­rait d’en réa­li­ser la doc­trine peut être sûr de sa sanc­ti­fi­ca­tion per­son­nelle et de la fécon­di­té de son action. C’est une pro­messe de notre Seigneur qui a ajou­té : « Et ego in eo, hic ferit fruc­tum multum ». »

Ce que rugis­sait Léon Bloy :

« Prêtre, si tu ne te crois pas appe­lé à la sain­te­té, à quoi donc te crois-​tu appe­lé, misérable ? »

Mais revenons à Monseigneur Lefebvre.

Il est sur­pre­nant que l’au­teur de cet article ne cite que l’an­cien arche­vêque de Dakar. Il y a aus­si, – et il y a sur­tout – le fon­da­teur de notre Fraternité sacerdotale.

Les sta­tuts de la Fraternité, au Chapitre III, §1, sont clairs à pro­pose de la for­ma­tion sacerdotale :

« On veille­ra à ce que la for­ma­tion atteigne le but prin­ci­pal : la Sainteté du prêtre en même temps qu’une science suffisante. »

Le Directoire du Séminaire, §3 :

« Qui veut la fin, veut les moyens. Celui qui se croit appe­lé au sacer­doce divin de Notre Seigneur doit mettre tout en œuvre pour deve­nir un autre Christ et se rendre digne de la grâce et du carac­tère sacer­do­tal qui sont don­nés par le sacre­ment de l’ordre. »

S’efforçant de défi­nir l’es­prit de la Fraternité (Article 4 – Cor unum 1981–82), Mgr Lefebvre écrivait :

« C’est un grave sou­ci pour les supé­rieurs de Sociétés mis­sion­naires comme la nôtre (…) de consta­ter que cer­tains membres, prêtres en par­ti­cu­lier, dévo­rés par le zèle de l’a­pos­to­lat exté­rieur, en arrivent à aban­don­ner le zèle de l’a­pos­to­lat de la prière, ferment et source de l’a­pos­to­lat exté­rieur… » « L’apostolat de l’o­rai­son, de la prière, est l’a­pos­to­lat essen­tiel qui unit à Notre Seigneur, seule source de grâces de rédemp­tion. L’apostolat exté­rieur, caté­chismes, réunions, confé­rences, etc.. . devien­dront vite sté­riles, sans l’a­pos­to­lat fon­da­men­tal qui main­tient une union constante avec Notre Seigneur. »

La phrase finale de « l’Itinéraire spi­ri­tuel », son testament :

« Ce qui importe, c’est que de notre part, nous évi­tions, dans notre vie sacer­do­tale, tout ce qui peut être un obs­tacle à l’ef­fi­ca­ci­té de notre apos­to­lat et spé­cia­le­ment l’a­ban­don de la prière et l’u­nion à Dieu. (p. 85). »

Non, la Fraternité ne change pas.

Quoique pré­tendent quelques pen­seurs éga­rés par l’es­prit d’in­dé­pen­dance, indé­pen­dance de leurs supé­rieurs qui les pousse à l’in­dé­pen­dance vis-​à-​vis du Magistère de l’Eglise, des maîtres de la vie inté­rieure et de notre véné­ré fondateur.

Le seul but du pré­sent article est que cette bouée jetée à la mer leur par­vienne. Elle est lan­cée par un ami qui a déjà vu trop de confrères par­tir à la dérive, et faire de leur dérive une funeste théo­rie. Qu’ils sachent, ces frères dans le sacer­doce, que la petite Chapelle Sainte Germaine prie­ra pour eux et pour tous les prêtres de la Sainte Eglise en cette année de l’Eucharistie.

Abbé Didier Bonneterre †
Prieur

Prière à Jésus Prêtre éternel

Ô Jésus, Pontife éter­nel, divin Sacrificateur, vous qui, dans un incom­pa­rable élan d’amour pour les hommes, vos frères, avez lais­sé jaillir de votre Sacré-​Cœur le sacer­doce chré­tien, dai­gnez conti­nuer à ver­ser dans vos prêtres les flots vivi­fiants de l’Amour infini.
Vivez en eux : transformez-​les en vous : rendez-​les par votre grâce les ins­tru­ments de vos misé­ri­cordes : agis­sez en eux et par eux, et faites qu’après s’être tout revê­tus de vous par la fidèle imi­ta­tion de vos ado­rables ver­tus, ils opèrent, en votre nom et par la force de votre Esprit, les œuvres que vous avez accom­plies vous-​même pour le salut du monde.
Divin Rédempteur des âmes, voyez com­bien grande est la mul­ti­tude de ceux qui dorment encore dans les ténèbres de l’erreur ; comp­tez le nombre de ces bre­bis infi­dèles qui côtoient les pré­ci­pices ; consi­dé­rez la foule des pauvres, des affa­més, des igno­rants et des faibles qui gémissent dans l’abandon.
Revenez vers nous par vos prêtres ; revi­vez véri­ta­ble­ment en eux ; agis­sez par eux et pas­sez de nou­veau à tra­vers le monde, ensei­gnant, par­don­nant, conso­lant, sacri­fiant, renouant les liens sacrés de l’Amour entre le Cœur de Dieu et le cœur de l’homme

Ainsi soit-​il.

FSSPX † 2009

L’abbé Didier Bonneterre (1954–2009), ordon­né prêtre par Mgr Marcel Lefebvre à Ecône en 1977, fut pro­fes­seur de litur­gie au sémi­naire d’Ecône, puis direc­teur du sémi­naire d’Albano. En 1982, il fut nom­mé prieur du prieu­ré Saint-​Louis à Nantes, puis en 2004, prieur de la cha­pelle Sainte-​Germaine à Paris.