À L’école de la Providence

« La fin de la Providence est uni­que­ment de mani­fes­ter l’inépuisable bon­té de Dieu. »

Chers amis et bienfaiteurs,

Enfant bla­sé d’un monde arti­fi­ciel, l’homme a per­du la facul­té de s’étonner. Il ne sai­sit pas l’importance de prendre le temps de s’arrêter pour décou­vrir et admi­rer la beau­té des réa­li­tés qui ne sont point faites de mains d’homme. Les mer­veilles de la nature ou les chefs‑d’œuvre de la grâce le laissent par­fai­te­ment indif­fé­rent. Il ne sait plus goû­ter leur muni­fi­cence et leur har­mo­nie qui chantent les per­fec­tions de Dieu.

Cette inca­pa­ci­té de contem­pler la beau­té créée l’empêche de décou­vrir la splen­deur de l’ordre et d’y sou­mettre toute sa vie. Regrettable carence qui n’est pas sans graves consé­quences car si l’ordre n’est point un abso­lu que nous devons ido­lâ­trer, il est néan­moins un che­min obli­gé nous per­met­tant d’atteindre notre fin.

Il appar­tient à la Providence divine d’établir et de main­te­nir l’ordre du monde. Aussi est-​il de toute pre­mière impor­tance de connaître la fin qu’Elle se pro­pose et les moyens qu’Elle a choi­sis pour y par­ve­nir afin de pla­cer notre âme dans la louange et l’adoration de Dieu, loin des jéré­miades habi­tuelles et des vaines agi­ta­tions du siècle.

La fin de la Providence est uni­que­ment de mani­fes­ter l’inépuisable bon­té de Dieu.

L’ineffable richesse de la libé­ra­li­té divine se révèle, en effet, dans notre monde en dépit du tor­rent boueux de nos fautes. Le péché n’empêche point Dieu de réa­li­ser ses des­seins de cha­ri­té sur nous, mais Lui per­met de mani­fes­ter magni­fi­que­ment sa puis­sance misé­ri­cor­dieuse. Loin de se détour­ner de sa créa­ture péche­resse et vaine, Dieu se penche sur elle et, par la grâce de l’Incarnation rédemp­trice, l’invite à deve­nir son enfant. La malice intrin­sèque du péché est vain­cue par l’indicible bon­té divine qui n’a point craint de sacri­fier Son Fils Unique sur le gibet infâme de la croix.

Le salut est réel­le­ment un don gra­tuit, fruit de la pater­nelle bon­té divine sacri­fiant Son Fils unique pour rache­ter les pécheurs à haut prix et les intro­duire dans Son inti­mi­té. La mort du Christ en Croix est l’expression la plus belle et la plus pro­fonde de l’amour bien­veillant de Dieu pour nous. Est-​il pos­sible d’imaginer un amour plus fort, plus vrai, plus doux ? Dieu mani­feste Sa bon­té incom­men­su­rable en exi­geant le sacri­fice san­glant de Son Fils. Et nous montre ain­si com­ment Il se sert du mal pour en faire un bien : la tra­hi­son de Judas, l’abandon des apôtres et le renie­ment de Pierre, la vin­dicte hai­neuse des pha­ri­siens menés par le grand prêtre et la lâche­té de Pilate, la cruau­té des sol­dats et le sup­plice de la Croix, nos propres péchés enfin sont autant de maux que Dieu per­met afin qu’éclate l’amour que Son Fils lui porte et que soit ain­si répa­ré le mal suprême du péché.

Faut-​il en conclure que l’offense faite à Dieu étant répa­rée – et au-​delà – par l’offrande de la vie du Christ expi­rant au Calvaire, tout homme est désor­mais sau­vé ? Il est aujourd’hui de bon ton de le pré­tendre. Si le péché est entré dans le monde par la faute d’un seul ne serait-​il point logique d’affirmer que la rédemp­tion est défi­ni­ti­ve­ment acquise pour tous par le sacri­fice d’un seul ? Particulièrement si cet homme est l’homme Dieu, à ce titre ne s’est-il pas agré­gé l’humanité et tout homme n’est-il point assu­ré d’entrer dans l’intimité bien­heu­reuse de l’éternité ?

Saint Augustin a répon­du à l’avance à toutes ces folles pré­ten­tions très clairement :

« Dieu qui t’a créé sans toi, ne te sau­ve­ra pas sans toi. »

De son propre chef l’homme s’est éle­vé contre la majes­té divine, il lui faut main­te­nant rece­voir libre­ment le don de la grâce afin d’être puri­fié. Mystère de la liber­té humaine qui peut se déro­ber aux avances de l’amour misé­ri­cor­dieux et refu­ser de par­ti­ci­per aux richesses de la rédemp­tion. Car si Notre Seigneur est mort pour tous les hommes, tous mal­heu­reu­se­ment n’en pro­fi­te­ront pas : seuls ceux qui livrent leur liber­té au Christ pour qu’Il la sou­mette au joug de la Croix rece­vront l’héritage du ciel.

Dieu, en effet, res­pecte Ses œuvres et ne vio­lente point la liber­té dont Il nous a ornés. Il nous offre sa grâce afin de gué­rir notre liber­té débile en la péné­trant et en l’élevant, nous ren­dant ain­si aptes à choi­sir réso­lu­ment de Le ser­vir en nous consa­crant plei­ne­ment à Son ser­vice. La rédemp­tion est une œuvre d’amour et d’amour divin, c’est dire toute sa déli­ca­tesse. Elle ne se réa­lise point de façon auto­ma­tique et requiert une réponse per­son­nelle qui soit une preuve de notre amour.

Il s’agit donc pour nous de refu­ser de suivre les pen­chants de la nature qui cherchent à satis­faire sys­té­ma­ti­que­ment tous nos dési­rs et à nous lais­ser éle­ver au plan sur­na­tu­rel, sacri­fiant volon­tai­re­ment notre liber­té au bon plai­sir divin. Loin de muti­ler la liber­té comme le démon et le monde nous le susurrent, ce sacri­fice volon­taire l’ennoblit en la sou­met­tant à l’ordre de la Providence. Cette sou­mis­sion est la rai­son d’être de notre exis­tence. En dehors d’elle, le bon­heur n’est point pos­sible car l’âme affo­lée par la recherche constante de ses satis­fac­tions ne connaît point la paix.

Or Dieu nous signi­fie Sa volon­té par le devoir d’état. En l’accomplissant fidè­le­ment en dépit de sa mono­to­nie, nous épou­sons les des­seins de la Providence : nous recon­nais­sons la bon­té de Dieu à notre égard et la mani­fes­tons ouvertement.

Father Yves le Roux †