La question de fond

Abbé Christian Bouchacourt,
Supérieur du District de France

Lorsque la Fraternité Saint-​Pie X a l’oc­ca­sion d’ex­po­ser ses dif­fi­cul­tés vis-​à-​vis de cer­taines nou­velles doc­trines appa­rues depuis le concile Vatican II, il se passe un phé­no­mène éton­nant. Pour expli­quer ses réti­cences sur tel point, en effet, la Fraternité Saint-​Pie X pro­pose à ses inter­lo­cu­teurs des textes du Magistère anté­rieur qui, de l’a­vis de la Fraternité Saint-​Pie X, lient défi­ni­ti­ve­ment la conscience catho­lique et paraissent donc rendre très dif­fi­cile l’adhé­sion à cette nou­velle doctrine.

En pré­sen­tant ces objec­tions, la Fraternité Saint-​Pie X attend les deux seules réponses logiques. Première réponse pos­sible : ces textes ne sont pas ce que vous croyez, ne sont pas vrai­ment des textes du Magistère, ne disent pas réel­le­ment ce qu’ils semblent dire, ne sont que des textes de cir­cons­tance. Deuxième réponse pos­sible : ces textes sont des textes pérennes du Magistère, ce qui entraîne que les affir­ma­tions nou­velles doivent être inter­pré­tées dans le sens des docu­ments antérieurs.

Quelques rares inter­lo­cu­teurs, certes, se montrent inté­res­sés par l’ex­po­sé de ces dif­fi­cul­tés doc­tri­nales. Mais ce qui se passe le plus ordi­nai­re­ment c’est, après l’ex­po­sé de la Fraternité Saint- Pie X, soit car­ré­ment un dés­in­té­rêt, soit au mini­mum une incom­pré­hen­sion de ce que nous nous atta­chions à ces textes anciens comme à des phares de véri­té pour l’é­poque actuelle. On sent que l’in­ter­lo­cu­teur veut pas­ser à autre chose, qu’il a comme l’im­pres­sion de gas­piller son temps. Et, fina­le­ment, la dis­cus­sion se bloque, se perd dans les sables.

Je ne puis évi­dem­ment par­ler à la place des autres mais, là où la Fraternité Saint-​Pie X voit dans la parole magis­té­rielle d’un pape du XIXe siècle (par exemple) une ques­tion de véri­té intan­gible, il me semble déce­ler chez nos inter­lo­cu­teurs une dif­fi­cul­té, voire une quasi-​impossibilité d’as­su­mer cette valeur de véri­té intangible.

Tout paraît se pas­ser « comme si », pour nos contra­dic­teurs, ces affir­ma­tions magis­té­rielles anté­rieures avaient certes eu du sens lors­qu’elles avaient été pro­cla­mées, mais auraient aujourd’­hui per­du ce sens de véri­té, englo­bées désor­mais (je sup­pose) dans une syn­thèse adap­tée à notre époque.

Le fond de la dif­fi­cul­té entre la Rome actuelle et la Fraternité Saint-​Pie X n’est donc pas pre­miè­re­ment, me semble-​t-​il, une ques­tion pra­tique (le sta­tut cano­nique, etc.), ni même des points doc­tri­naux déter­mi­nés (la liber­té reli­gieuse, etc.), mais plu­tôt cette atti­tude vis-​à-​vis de la véri­té, intan­gible ou évo­lu­tive, d’une affir­ma­tion pas­sée du Magistère.

Je crois que c’est dans cette direc­tion qu’il faut main­te­nant tra­vailler tous ensemble, faute de quoi l’in­com­pré­hen­sion de fond ren­dra toute dis­cus­sion inutile.

Abbé Christian BOUCHACOURT, Supérieur du District de France de la FSSPX

Source : Lettre à Nos Frères Prêtres n° 65

FSSPX Second assistant général

Né en 1959 à Strasbourg, M. l’ab­bé Bouchacourt a exer­cé son minis­tère comme curé de Saint Nicolas du Chardonnet puis supé­rieur du District d’Amérique du Sud (où il a connu le car­di­nal Bergoglio, futur pape François) et supé­rieur du District de France. Il a enfin été nom­mé Second Assistant Général lors du cha­pitre élec­tif de 2018.