Entretien de l’abbé Xavier Beauvais à La Porte Latine

La Porte Latine : Peut-​on retra­cer l’histoire de cette orgue ? Est-​il ancien ?

Abbé Beauvais : L’orgue de Saint-​Nicolas du Chardonnet est dû au fac­teur François Thierry qui le réa­li­sa de 1723 à 1725 avant d’œuvrer à celui de la cathé­drale Notre-​Dame. À l’origine, il fut créé pour l’église des Saints-​Innocents qui fut sup­pri­mée en 1787, date à laquelle la fabrique de Saint-​Nicolas le rache­ta pour l’installer là où on peut le voir aujourd’hui. Elle le fit alors res­tau­rer par François-​Henri Clicquot. Deux curés le firent éga­le­ment refaire au cours du XXe siècle : le cha­noine Lenert en 1928 puis l’abbé Regnaud en 1961. C’est à cette date que remonte la der­nière béné­dic­tion. À cette époque, le posi­tif de l’orgue qui se trou­vait au-​dessus du grand orgue a été redescendu.

La Porte Latine : Qu’est-ce que ces tra­vaux ont cette fois chan­gé ? Étaient-​ils une simple révi­sion routinière ?

Abbé Beauvais : Non, il s’agit bien d’une véri­table res­tau­ra­tion. Un qua­trième cla­vier et plu­sieurs jeux sup­plé­men­taires ont été ajou­tés. Le buf­fet a été éle­vé, l’esthétique amé­lio­rée, la console est dis­po­sée en fenêtre (enchâs­sée dans l’instrument), les jeux ont été redis­tri­bués en interne.

La Porte Latine : Combien de temps ont duré les tra­vaux ? Avez-​vous ren­con­tré des imprévus ?

Abbé Beauvais : Ils ont duré deux ans, d’octobre 2007 à octobre 2009. Et fort heu­reu­se­ment, aucun pro­blème n’est inter­ve­nu. Cependant, le fac­teur d’orgues a ren­con­tré une paroisse vivante. Il a donc été retar­dé par les offices. Hier encore, les trente-​deux pieds n’étant pas ter­mi­nés, il me deman­dait s’il pou­vait faire du bruit. Mais j’ai dû répondre néga­ti­ve­ment étant don­né que ce tra­vail serait inter­ve­nu pen­dant l’adoration du Saint-​Sacrement. Il a donc été reporté.

La Porte Latine : Ces tra­vaux ont dû être fort coû­teux. Toutes les notes sont-​elles réglées ?

Abbé Beauvais : La res­tau­ra­tion a en effet engen­dré des frais consi­dé­rables. Mais elle a été pour l’instant entiè­re­ment finan­cée par les fidèles de la paroisse. Je leur suis très recon­nais­sant. Aucune aide n’est venue de l’extérieur. Je suis moi-​même sur­pris d’avoir pu enga­ger une telle entre­prise. Il fau­dra quelques mois pour que tout soit réglé. Tout dépen­dra des der­niers actes de générosité. 

La Porte Latine : L’orgue est-​il un ins­tru­ment néces­saire à la liturgie ?

Abbé Beauvais : De manière stricte, non, mais il nour­rit la litur­gie. Il contri­bue à la splen­deur du culte, il donne le ton, il unit les voix, il fédère les cœurs et il aide à éle­ver les âmes. Il vient avant tout magni­fier la litur­gie et, par là, la gloire de Dieu. C’est pour­quoi il accom­pagne nos céré­mo­nies, en par­ti­cu­lier les messes chan­tées ou lues avec orgue, le dimanche à 9 H 00, 10 H 0030, 12 H 45, 18 H 30 et les vêpres (ain­si que l’antienne à la Vierge Marie à la fin de la messe basse de 8 H 00). En semaine, il reten­tit lors des fêtes de 1ère et 2nde classes. Secondairement, on peut l’entendre lors des concerts spi­ri­tuels qui contri­buent au rayon­ne­ment de la paroisse. Le pro­chain aura lieu le jour de Noël. Avant cette res­tau­ra­tion, des orga­nistes refu­saient de jouer sur cet orgue en rai­son de son triste état. Désormais, le calen­drier des concerts est pré­vu jusqu’en 2011 !


Mgr Bernard Fellay – Messe d’i­nau­gu­ra­tion des Grandes Orgues – Samedi 7 novembre 2009

La Porte Latine : Poursuivons pré­ci­sé­ment sur ce rayon­ne­ment. Depuis que vous êtes nom­mé, deux évé­ne­ments ont mar­qué la vie de l’Église, atti­rant l’attention sur le monde tra­di­tio­na­liste : le Motu Proprio Summorum Pontificum d’une part, et la levée des excom­mu­ni­ca­tions des évêques de la Fraternité Saint-​Pie X d’autre part. Quelles sont les réper­cus­sions ici à Saint-Nicolas ?

Abbé Beauvais : Le Motu Proprio nous a ame­né quelques per­sonnes que l’on pour­rait comp­ter sur les doigts de la main. Avec l’honnêteté la plus grande, on a eu du mal à faire une dif­fé­rence. En revanche, au cours des deux mois qui ont sui­vi la levée des excom­mu­ni­ca­tions, nous avons noté une aug­men­ta­tion très sen­sible du nombre de com­mu­nions, de deux cents par dimanche. Ce phé­no­mène s’est estom­pé par la suite. Depuis, notre église a retrou­vé sa vitesse de croi­sière et les conver­sions se mul­ti­plient dans la dis­cré­tion.

La Porte Latine : En 1977, Saint-​Nicolas du Chardonnet était une des rares églises à assu­rer la messe tra­di­tion­nelle en Île-​de-​France. Depuis, votre église a essai­mé : Versailles, Fontainebleau, Pontoise, Conflans, Courbevoie, Noisy, etc. Le rayon­ne­ment de ce phare de la Tradition est-​il intact, trente ans après ?

Abbé Beauvais : Oui, ce rayon­ne­ment est tou­jours bien pré­sent, avec une nou­velle géné­ra­tion, avec des nou­velles géné­ra­tions qui se renou­vellent. C’est là le fruit des pre­miers com­bat­tants. En toute hon­nê­te­té, on retrouve tou­jours la même fer­veur avec une aug­men­ta­tion très nette de gens nou­veaux. Quelqu’un qui n’aurait pas mis les pieds à Saint-​Nicolas depuis dix ans ne recon­naî­trait plus per­sonne. Il existe beau­coup d’explications, comme les phé­no­mènes de trans­hu­mance, l’étalement de l’agglomération pari­sienne. Nous per­dons aus­si beau­coup de familles qui s’éloignent géo­gra­phi­que­ment car la vie dans Paris intra-​muros est deve­nue très difficile.

La Porte Latine : Un récent ouvrage donne la parole à une dizaine de fidèles qui ont trou­vé ou retrou­vé la foi dans votre église : Je me suis conver­ti à Saint-​Nicolas, éd. Clovis, 2009. Quel accueil a été réser­vé à ce livre ?

Abbé Beauvais : Il a été très appré­cié. Il a don­né conscience aux fidèles qu’ils n’étaient pas tou­jours les mêmes à tour­ner en rond. Il les a invi­té à por­ter atten­tion aux nou­veaux fidèles, à déve­lop­per la cha­ri­té. À cet égard, un point d’accueil sera d’ailleurs éta­bli à par­tir de demain sur le par­vis. Son but est de per­mettre, à ceux qui le dési­rent, d’apprendre à suivre la messe. Par ailleurs, ce livre pré­sente un cer­tain nombre de cas de conver­sions. Il y en a beau­coup plus, demeu­rées dans l’anonymat. Je le vois lors des cours de caté­chisme pour adultes que je dis­pense le jeu­di et, à par­tir de cette année, le same­di. Pour la séance d’aujourd’hui, j’avais tiré qua­rante cours pour les dis­tri­buer et il n’y en n’avait pas assez. La plu­part de ces nou­veaux fidèles sui­vant ces cours sont des gens nou­veaux comme un fidèle non bap­ti­sé que j’ai ren­con­tré récem­ment. Il venait à Saint-​Nicolas depuis un an. Il avait hési­té à faire le pas. Il est fina­le­ment entré sans connaître personne.

La Porte Latine : Quelles furent vos rela­tions avec la Maison Aubertin qui fut char­gée de la res­tau­ra­tion de l’orgue ?

Abbé Beauvais : Une extra­or­di­naire entente nous a unis. Aucun pro­blème ne s’est mani­fes­té, que ce soit au point de vue maté­riel, finan­cier, ou autre. Une confiance réci­proque s’est ins­tal­lée. Les employés de cette mai­son avaient un grand res­pect de l’esprit de l’église. Leur équipe était tou­jours dis­crète et aimable, leur chef tou­jours enjoué.

La Porte Latine : Pour conclure, com­ment résumeriez-​vous la fina­li­té de ce projet ?

Abbé Beauvais : Ce tra­vail a avant tout été réa­li­sé pour la gloire de Dieu et le rayon­ne­ment de Saint-​Nicolas et par là le rayon­ne­ment cultu­rel de l’Église. Il est un élé­ment impor­tant de la culture chré­tienne. Quand les catho­liques veulent sau­ver leur patri­moine, ils n’ont pas for­cé­ment besoin de l’État pour le faire. Nous en avons la preuve. Au début du XXe siècle, saint Pie X avait espé­ré sur la géné­ro­si­té des fidèles. Il fut exaucé !

Propos recueillis à Saint-​Nicolas par JRC pour La Porte Latine, le 7 novembre 2009