Entretien de M. l’abbé Franz Schmidberger à CNA – Il en va bien plus que de la confession

Comment la FSSPX profite du geste du pape François

Pour l’an­née de la Miséricorde, le pape a décré­té que les confes­sions peuvent être reçues « vali­de­ment et de manière auto­ri­sée » dans la Fraternité Saint Pie X. La Maison Générale de la Fraternité Saint Pie X (FSSPX) a remer­cié le Saint-​Père dans une lettre pour « son geste pater­nel ». Comment la FSSPX se situe-​elle par rap­port à ce geste ? Réponses de l’Abbé Schmidberger, rec­teur du sémi­naire du « Sacré Cœur » et ancien supé­rieur du dis­trict de la Fraternité en Allemagne et en Autriche.

CNA : M. l’ab­bé SCHMIDBERGER, est-​ce que la Fraternité Saint-​Pie X a effec­ti­ve­ment appris ce geste par la presse alors que l’on pou­vait le lire dans une lettre adres­sée à l’archevêque Rino Fisichella ?

Abbé Frantz Schmidberger : Oui, nous avons appris la nou­velle par la presse selon laquelle que le Pape François avait accor­dé aux prêtres de Fraternité Saint-​Pie X, pen­dant l’Année Sainte, la juri­dic­tion de pou­voir confes­ser tous les fidèles. Vous le savez bien, nos rela­tions avec les auto­ri­tés romaines ne sont pas si cor­diales et si proches pour que nous appre­nions tout à l’avance.

CNA : Avez-​vous eu connais­sance de réac­tions d’autres repré­sen­tants de l’Eglise ? Comment évaluez-​vous la cou­ver­ture de l’é­vé­ne­ment dans les médias qu’ils soient catho­liques ou non ?

Abbé Frantz Schmidberger : J’ai lu un article dans la presse quo­ti­dienne ; sinon les médias de masse de langue alle­mande se sont rete­nus d’en par­ler. Nous n’a­vons pas par­ti­cu­liè­re­ment leur faveur parce que nous ne sui­vons pas le cou­rant domi­nant de l’é­poque. Dans les médias de l’Eglise, j’ai lu une phrase sobre. Dans les dio­cèses, ils doivent être plu­tôt gênés que l’on accorde aujourd’­hui – et cela par un acte de sou­ve­rai­ne­té du Saint Père lui-​même – la juri­dic­tion de la confes­sion à des ecclé­sias­tiques qui se trou­vaient depuis des années et à tort en dehors de l’Eglise ou même insul­tés comme intégristes.

CNA : Comment la Fraternité a‑t-​elle reçu ce geste ? Propose–t–elle acti­ve­ment le sacre­ment de la Réconciliation, en par­ti­cu­lier aux fidèles qui ne se confessent habi­tuel­le­ment pas à des prêtres de la FSSPX ?

Abbé Frantz Schmidberger : Dans notre Séminaire du Sacré-​Cœur de Jésus1, nous avons mis en place, juste avant Noël, une jour­née de confes­sion et sus­ci­té l’at­ten­tion des fidèles par une annonce dans le jour­nal local. Nos sémi­na­ristes ont dis­tri­bué à cet effet des tracts et col­lé des affiches((Affiche annon­çant les confes­sions : )). Je sup­pose que dans nos prieu­rés et cha­pelles, des offres sem­blables ont été pro­po­sées aux fidèles qui sou­haitent se confes­ser. A cela s’a­joute les heures de confes­sion régu­lières le dimanche et les jours de fêtes aus­si que sur demande pen­dant la semaine.

Si cette jour­née de confes­sion est bien reçue des fidèles, d’autres évé­ne­ments de la sorte sui­vront, en par­ti­cu­lier pen­dant le carême, à chaque fois avec une ado­ra­tion silen­cieuse du Saint-Sacrement.

CNA : Dans son dis­cours aux évêques alle­mands, le Pape François a invi­té ces der­niers, pen­dant l’Année Sainte, à insis­ter d’a­van­tage sur l’Eucharistie et la confes­sion qui aurait pra­ti­que­ment dis­pa­ru dans de nom­breux endroits. Quelle est la régu­la­ri­té de la confes­sion des fidèles qui vivent leur voca­tion de laïcs catho­liques dans la Fraternité ?

Abbé Frantz Schmidberger : Peut-​être pourrais-​je vous pro­po­ser des chiffres concrets. Sur envi­ron 110 fidèles de l’ex­té­rieur le dimanche, nous comp­tons en moyenne 15 confes­sions, aux­quelles s’a­joutent quelques confes­sions en semaine ; ce qui donne une fré­quence de confes­sion d’en­vi­ron 6 semaines, soit un rythme nor­mal dans la vie chré­tienne. Dans les autres cha­pelles de la Fraternité, le constat est pro­ba­ble­ment le même. Ailleurs en Allemagne, la confes­sion est, à quelques excep­tions près, deve­nue un sacre­ment en voie d’ex­tinc­tion. La perte du sens du péché en est d’une part la rai­son et d’autre part la consé­quence. L’aspiration à la ver­tu et une vie selon la volon­té de Dieu sont deve­nues des mys­tères inson­dables pour les chré­tiens. Beaucoup vont à Sainte Communion sans aucune dis­po­si­tion inté­rieure, sou­vent char­gés de péchés graves. Ce n’est pas le nombre de com­mu­nions qui témoigne de la vita­li­té et du zèle d’une paroisse, mais le nombre de confessions.

CNA : Comment expliquez-​vous ce « taux » net­te­ment plus élevé ?

Abbé Frantz Schmidberger : Si, depuis des années, on ne prêche plus en ser­mon sur les com­man­de­ments de Dieu, sur les péchés qui excluent du royaume de Dieu (Gal 5,21), alors la morale chré­tienne et même le sens du péché, chez un peuple autre­fois croyant, s’effondrent.

Dans toutes nos cha­pelles, nous essayons de trans­mettre la véri­té, la beau­té et la pro­fon­deur de la reli­gion catho­lique ; nous prê­chons toute la foi catho­lique, sans conces­sion, et tenons au res­pect à l’en­contre des choses saintes, en par­ti­cu­lier à l’en­contre de la Sainte Eucharistie. A cela s’a­joute des jour­nées de récol­lec­tion et la pos­si­bi­li­té de retraites et d’exer­cices spi­ri­tuels dans les­quels le dogme catho­lique, la morale chré­tienne cor­res­pon­dante et la vie spi­ri­tuelle sont expo­sés aux par­ti­ci­pants. Nous for­mons les fidèles à une vie de prière dans laquelle ils reçoivent de Dieu la lumière concer­nant sa majes­té, sa sain­te­té, sa bon­té pater­nelle et misé­ri­cor­dieuse et concer­nant la néces­si­té de leur salut. Chez nous, le mes­sage de Notre-​Dame de Fatima est plei­ne­ment vécu.

CNA : Le geste du Pape François s’ins­crit en effet dans le cadre de l’an­née de Miséricorde. Mais com­ment le pape pourrait-​il reve­nir des­sus après le 20 novembre 2016 ? Attendez-​vous de lui d’autres gestes de ce genre, concer­nant d’autres sacre­ments par exemple ?

Abbé Frantz Schmidberger : Une limi­ta­tion à l’Année Sainte est en effet dif­fi­ci­le­ment ima­gi­nable et ne doit pro­ba­ble­ment pas être conforme à la pen­sée du Pape. Peut-​être sui­vront d’a­bord d’autres gestes de nature simi­laire. Mais à long terme, il sera cer­tai­ne­ment ques­tion pour la Fraternité Saint-​Pie X d’une nor­ma­li­sa­tion défi­ni­tive avec une struc­ture canonique.

CNA : Déjà son pré­dé­ces­seur, le Pape Benoît XVI, a cher­ché un rap­pro­che­ment avec la Fraternité. Maintenant, le Pape François écrit dans la même lettre tex­tuel­le­ment : » J´ai confiance que dans un ave­nir proche des solu­tions pour­ront être trou­vées, afin de retrou­ver la pleine uni­té avec les prêtres et les supé­rieurs de la Fraternité « . Que pensez-​vous de cette déclaration ?

Abbé Frantz Schmidberger : Le Pape François voit sans doute dans notre Fraternité une force qui peut mettre la main à la pâte à la nou­velle évan­gé­li­sa­tion récla­mée de toutes parts. Notre œuvre cor­res­pond aus­si en quelque sorte à sa demande de vivre selon l’es­prit de pau­vre­té : nous ne rece­vons pas d’im­pôt ecclé­sias­tique2 et ni aucun sou­tien de l’Etat, mais nous vivons uni­que­ment de la géné­ro­si­té et de l’es­prit de sacri­fice des fidèles. Si le Pape envi­sage vrai­ment une struc­ture cano­nique, cela nous ouvri­rait de nom­breuses portes pour un tra­vail de nos prêtres beau­coup plus vaste que ce qu’il nous est pos­sible pour le moment. Surtout, nous pour­rions par­ti­ci­per, selon notre voca­tion, à l’é­la­bo­ra­tion d’une nou­velle géné­ra­tion de prêtres pleins de foi et de zèle apostolique.

CNA : n conclu­sion : vous fêtez cette année votre qua­ran­tième anni­ver­saire sacer­do­tal. Qu’espérez-​vous pour l’Eglise catho­lique en géné­ral au cours des 40 pro­chaines années et quel rôle joue­ra à votre avis la Fraternité ?

Abbé Frantz Schmidberger : Pour les années à venir, on ne peut que sou­hai­ter à l’Eglise une réforme de sa tête et de ses membres, et œuvrer pour un tel renou­veau inté­rieur selon l’Esprit de sain­te­té. Sachant qu’il s’a­git sur­tout d’un renou­vel­le­ment du sacer­doce catho­lique afin de conduire à nou­veau les fidèles aux sources du salut, aux sacre­ments. Il s’a­git d´une com­mu­ni­ca­tion de la foi vivante dans la pré­di­ca­tion, la caté­chèse, les récol­lec­tions et les exer­cices spi­ri­tuels, comme je l’é­vo­quais à l’ins­tant. Les moyens de com­mu­ni­ca­tion modernes tels que l’in­ter­net, les fichiers audio et vidéo pour­raient éga­le­ment être utilisés.

La crise actuelle est avant tout une crise de la foi et celle-​ci vient par l’écoute((Lettre de Saint Paul aux Romains : « Paul, ser­vi­teur du Christ-​Jésus, apôtre par son appel, mis à part pour annon­cer l’Evangile de Dieu ».)) (Rm 10,17). C’est pour­quoi nous prions sou­vent, avec toute l’Eglise, la col­lecte de la messe pour la pro­pa­ga­tion de la Foi :

« O Dieu, qui vou­lez que tous les hommes soient sau­vés et par­viennent à la connais­sance de la Vérité, envoyez, nous vous en prions, les ouvriers à votre mois­son et donnez-​leur d’an­non­cer votre parole avec une assu­rance confiante, afin que votre mes­sage se répande, qu’il soit en hon­neur, et que tous les peuples vous recon­naissent, vous, le seul vrai Dieu, et celui que vous avez envoyé, votre Fils, Notre Seigneur Jésus-Christ ».

Sources : Propos recueillis par CNA/​Traduction fran­çaise pour La Porte Latine par MPI

  1. A Zaitzkofen, en Allemagne. []
  2. En Allemagne, tout Allemand bap­ti­sé dans la reli­gion catho­lique doit payer l’im­pôt à Église. Son employeur en fait le pré­lè­ve­ment sur son salaire. Il ne peut s’en libé­rer qu’en renon­çant offi­ciel­le­ment à son appar­te­nance reli­gieuse et, du même coup, à cer­tains ser­vices four­nis par l’Église qu’il quitte. []