Lettre aux Amis et Bienfaiteurs du séminaire St-​Curé-​d’Ars n° 66


La Résurrection

Durant la période de désar­roi qui touche le monde et l’Église, nous sommes par­fois ten­tés de som­brer dans le décou­ra­ge­ment. Un peu comme les dis­ciples d’Emmaüs après la mort de Notre-​Seigneur, peut-​être sommes-​nous prêts à quit­ter Jérusalem, dont le nom signi­fie vision de paix.

Pour évi­ter cette ten­ta­tion, il nous faut savoir que l’Église repro­duit dans son his­toire les dif­fé­rentes étapes de la vie du Christ. Or, aujourd’­hui, les évé­ne­ments que nous vivons, spé­cia­le­ment depuis le concile Vatican II, nous inclinent à pen­ser que cel­le­ci subit sa Passion. Saint Pie X, dans l’en­cy­clique E supre­mi apos­to­la­tus, n’écrivait-​il pas déjà de son temps : « Il est à craindre qu’une telle abdi­ca­tion des esprits ne soit le com­men­ce­ment des maux annon­cés pour la fin des temps… et que le Fils de per­di­tion dont parle l’Apôtre n’ait déjà fait son avè­ne­ment par­mi nous. L’homme a usur­pé la place du Créateur en s’é­le­vant au-​dessus de tout ce qui porte le nom de DIEU ».

S’il est vrai que l’Église vit en cde moment sa Passion, nous croyons que cette étape entre dans les des­seins mys­té­rieux de la Providence et qu’elle fera place un jour à une glo­rieuse résur­rec­tion, sem­blable à celle de Notre- Seigneur.

En atten­dant, tout en fai­sant ce qui dépend de nous pour hâter l’heure de Dieu, pui­sons des forces en reli­sant les pas­sages d’Évangile ayant trait à la Résurrection de Notre-​Seigneur. En effet, ces textes de l’Église, pleins de charme par leur fraî­cheur et leur sim­pli­ci­té, sont propres à entre­te­nir en nous la belle ver­tu d’espérance.

L’ange de la Résurrection

Pour mieux nous rendre compte de ce que fut la Résurrection de Notre- Seigneur, reportons-​nous au Vendredi saint. Après la mort de Notre-​Seigneur, les Apôtres sont com­plè­te­ment décou­ra­gés. Ils sont acca­blés par le remords et para­ly­sés par la crainte d’être arrê­tés à leur tour. Les saintes femmes sont pro­fon­dé­ment attris­tées par tout ce qu’elles ont vu et enten­du. Elles attendent la fin du sab­bat pour rendre à Notre-​Seigneur leur der­nier hom­mage. Les enne­mis de Notre-​Seigneur, quant à eux, pensent qu’ils en ont fini avec le pré­ten­du Roi des juifs. Ils sont satis­faits et espèrent bien retrou­ver auprès du peuple l’in­fluence qu’ils avaient perdue.

Mais voi­là que le matin de Pâques, tan­dis que les sol­dats romains étaient au tombeau, 

« il se fit un grand trem­ble­ment de terre ; car un ange du Seigneur des­cen­dit du ciel, et s’ap­pro­chant, il ren­ver­sa la pierre et s’as­sit des­sus. Son visage était comme l’é­clair, et son vête­ment comme la neige. A cause de lui, les gardes furent atter­rés d’ef­froi, et devinrent comme morts » (Mt 28, 2–4).

Notre-​Seigneur est déjà res­sus­ci­té lorsque l’ange appa­raît, et celui-​ci est envoyé pré­ci­sé­ment pour mon­trer le sépulcre vide. La posi­tion assise de l’ange montre une atti­tude de conqué­rant qui foule aux pieds ses enne­mis vain­cus. Son visage rap­pelle celui de Notre-​Seigneur lui-​même, le jour de la Transfiguration. L’éclair évoque le ciel, la neige la terre. L’ange vient annon­cer l’u­nion retrou­vée entre le ciel et la terre. Ainsi, le double aspect exté­rieur de son visage et de son vête­ment exprime l’ef­fet de la Résurrection de Notre-​Seigneur sur nous, à savoir notre récon­ci­lia­tion avec Dieu. A la vue de l’ange, les sol­dats sont en proie à une panique irré­sis­tible. Ils sont ter­ri­fiés et se retrouvent éten­dus à terre, sans pou­voir, ou du moins sans oser, se relever.

L’arrivée des saintes femmes

Quelques ins­tants après, Marie-​Madeleine, Marie, mère de Jacques, et Salomé, qui étaient allées le soir du sab­bat ache­ter des aro­mates pour embau­mer Jésus (Mc 16, 1), arrivent au sépulcre. Elles sont par­ties de grand matin. L’amour ne traîne pas ; il n’at­tend pas d’être sol­li­ci­té pour agir. Il devine les besoins de l’être aimé et s’empresse d’y pour­voir. C’est pour­quoi elles reviennent au sépulcre les mains char­gées de par­fums. Ces par­fums sont l’i­mage de leurs ver­tus. Chemin fai­sant, « elles se disent entre elles : Qui nous reti­re­ra la pierre de devant l’en­trée du sépulcre ? » (Mc 16, 3).

Marie-​Madeleine arrive la pre­mière. Elle voit la pierre ren­ver­sée et le tom­beau vide. Que s’est-​il pas­sé ? Son pre­mier réflexe est d’al­ler cher­cher saint Pierre. Elle court vers lui et vers cet autre dis­ciple que Jésus aimait. Elle leur dit : 

« Ils ont enle­vé le Seigneur du sépulcre et nous ne savons pas où ils l’ont mis. » (Jn 20, 1–3).

Cependant les autres femmes arrivent à leur tour, lorsque le soleil se lève. Elles regardent et voient éga­le­ment le bloc de rocher, qui est énorme, rou­lé en arrière. Etant entrées dans le sépulcre, elles n’y trouvent pas le corps de Jésus : elles en sont conster­nées (Lc 24, 2–4), ou plu­tôt per­plexes (selon le texte grec). 

Mais voi­là que tout à coup, debout à côté d’elles, appa­raissent deux hommes, vêtus de robes res­plen­dis­santes. Tout effrayées, elles courbent le front vers la terre : 

« Pour vous, leur dit l’ange qui est assis à la droite, ne crai­gnez point ! Je sais que vous cher­chez Jésus de Nazareth qui a été cru­ci­fié. Pourquoi cherchez-​vous au milieu des morts celui qui est vivant ? Il n’est pas ici, mais il est res­sus­ci­té comme il l’a dit. Venez et regar­dez l’en­droit où il était dépo­sé. Souvenez-​vous de quelle manière il vous en a par­lé, lors­qu’il était en Galilée : « Il faut que le fils de l’homme soit livré entre les mains des pécheurs, qu’il soit cru­ci­fié, et qu’il res­sus­cite le troi­sième jour ». Et main­te­nant, allez sans retard apprendre à ses dis­ciples et à Pierre qu’il est res­sus­ci­té. Il sera avant vous en Galilée. Là, vous le ver­rez, comme lui-​même vous l’a dit. Voilà le mes­sage que j’a­vais à rem­plir auprès de vous. » 

Remarquons le contraste entre l’ef­fet pro­duit par les anges sur les sol­dats et sur les saintes femmes. Alors que les sol­dats sont effrayés par les anges, les saintes femmes sont au contraire ras­su­rées par eux : « Pour vous, ne crai­gnez pas ». Les mêmes esprits angé­liques pro­duisent sur les âmes des effets oppo­sés ! C’est bien ce qui se pas­se­ra à la fin des temps : le jour du juge­ment der­nier, Notre-​Seigneur sera source de grande joie pour les justes mais source d’ef­froi pour les pécheurs.

« Ne crai­gnez pas : je sais que vous cher­chez Jésus. » Nous n’a­vons rien à craindre tant que nous cher­chons Notre-​Seigneur, d’où l’ex­hor­ta­tion de l’Église au temps de Pâques : 

« Si vous êtes res­sus­ci­tés avec le Christ, cher­chez les choses d’en haut, où siège le Christ à la droite de Dieu, goû­tez les choses d’en haut, non celles de la terre » (Col 3, 1–2).

Les anges annoncent aux femmes la Résurrection de Notre-​Seigneur et en démontrent la véra­ci­té par des argu­ments irréfutables : 

« Il est res­sus­ci­té comme il l’a dit ». Notre-​Seigneur avait pré­dit sa Résurrection. Il vient d’ac­com­plir cette pro­phé­tie. « Venez et regar­dez l’en­droit où il avait été déposé. » 

Le tom­beau vide prouve qu’il est bien res­sus­ci­té. Les femmes se res­sou­viennent alors des paroles de Jésus (Lc 24, 8). 

L’ange peut main­te­nant confier aux saintes femmes la mis­sion de trans­mettre la bonne nou­velle aux Apôtres. Cependant, « tout émues et trem­blantes de crainte et de joie, elles sortent en hâte du tom­beau, et l’ef­froi les empêche de rien dire à per­sonne » (Mc 16, 8). Elles quittent le tom­beau sous l’ef­fet de ce double sen­ti­ment de crainte et de joie. Une fois retrou­vé leur calme, elles s’ac­quit­te­ront de leur mis­sion auprès des Apôtres.

Saint Pierre et saint Jean au tombeau

« Cependant, Pierre et l’autre dis­ciple [aver­tis par Marie Madeleine] étaient par­tis aus­si­tôt, et tous deux se mettent à cou­rir pour aller au sépulcre. Mais l’autre dis­ciple court plus vite que Pierre et arrive le pre­mier au monu­ment » (Jn 20, 3–4).

Saint Jean, plus jeune que saint Pierre et dont la conscience n’est pas alour­die par le remords, arrive le premier.

« S’étant pen­ché, il voit les linges posés à terre ; mais il n’entre pas. Pierre qui le suit arrive bien­tôt et pénètre dans le sépulcre. Il s’in­cline et voit les linges posés à terre et aus­si le suaire qui cou­vrait la tête de Jésus, plié et pla­cé, non avec les linges, mais dans un lieu à part. Alors le dis­ciple qui est arri­vé le pre­mier entre à son tour » (Jn 20, 5–8).

Saint Jean s’ar­rête, sai­si d’é­ton­ne­ment et de cette émo­tion que pro­duit l’ap­proche du divin. Il attend saint Pierre pour entrer dans le sépulcre, à la fois en rai­son de son émo­tion et par res­pect pour le chef des Apôtres. Saint Pierre, lui, n’hé­site pas un ins­tant, il entre aus­si­tôt avec son impé­tuo­si­té accou­tu­mée et en homme réso­lu. La des­crip­tion du sépulcre par saint Pierre exclut le vol du corps de Jésus. Des voleurs bri­sant les sceaux, fai­sant effrac­tion et pres­sés de s’en­fuir avec le corps n’au­raient pas agi avec cette déli­ca­tesse. Ils auraient d’a­bord dû se rendre maîtres des lieux et vaincre les sol­dats qui menaient la garde du tom­beau. Ils n’au­raient pas pris le temps de ran­ger le suaire et le linceul.

« Il voit et il croit. Ils ne com­pre­naient pas encore, en effet, l’Écriture annon­çant que Jésus devait res­sus­ci­ter d’entre les morts » (Ibid., 8–9).

Cette vision du sépulcre est comme un éclair révé­la­teur. Saint Jean se sou­vient des pro­phé­ties de l’Ancien Testament, de celles de Notre-​Seigneur, et il voit leur réa­li­sa­tion pré­sente. Il a sous les yeux trois preuves irré­fu­tables : la pierre des­cel­lée, le tom­beau vide et les linges mor­tuaires soi­gneu­se­ment mis à part. Aux dires de saint Jean Chrysostome et de la plu­part des com­men­ta­teurs, il croit en la Résurrection de Notre-Seigneur.

« Les dis­ciples rentrent chez eux » (Ibid., 10) et « Pierre demeure tout sur­pris de ce qui est arri­vé » (Lc 24, 12).

La dif­fi­cul­té que les Apôtres ont eu à croire nous confirme dans la foi. Ce n’est pas une croyance aveugle qui les a ame­nés à croire, mais des faits indé­niables. Saint Pierre médite pieu­se­ment ce qu’il vient de voir.

La pédagogie divine

Admirons en guise de conclu­sion la péda­go­gie divine : le bon Dieu ne se presse pas, il prend son temps, si nous pou­vons nous expri­mer ain­si ; il agit par étapes. En effet, les épi­sodes qui viennent d’être décrits sont bien une preuve de la Résurrection de Notre-​Seigneur, mais par une démons­tra­tion en quelque sorte néga­tive. Le tom­beau vide, les linges pliés, les pro­phé­ties de Notre-​Seigneur, tout cela annonce déjà sa Résurrection, mais le bon Dieu dans sa condes­cen­dance va faire bien plus : Notre-​Seigneur va bien­tôt appa­raître en per­sonne à sa Mère, aux saintes femmes, aux Apôtres et à bien d’autres témoins, et non seule­ment une fois, mais plu­sieurs, en divers lieux et ce, durant qua­rante jours. Et il ne va pas se conten­ter de se mon­trer phy­si­que­ment, il va man­ger devant les témoins, il va se lais­ser tou­cher : autant de preuves plus convain­cantes les unes que les autres.

En ce mois du rosaire, laissons-​nous atti­rer par Notre-​Seigneur res­sus­ci­té. Fortifions notre ver­tu d’es­pé­rance en reli­sant le récit si tou­chant des Évangiles. En voyant le bon Dieu domi­ner le cours du temps et triom­pher de ses enne­mis, croyons plus que jamais en sa Providence. Certes, nous aime­rions voir Notre-​Seigneur remettre bien vite de l’ordre dans son Église et dans le monde. Mais, au lieu d’at­tendre les bras croi­sés une inter­ven­tion mira­cu­leuse, nous devons plu­tôt pré­pa­rer cette heure en tra­vaillant fidè­le­ment là où le bon Dieu nous a placés.

Gardons confiance ! Dieu aura son heure. Aujourd’hui comme hier, le monde entier est dans sa main. Viendra l’heure où il triom­phe­ra défi­ni­ti­ve­ment de ses enne­mis. A nous de la pré­pa­rer par notre fidé­li­té à nos devoirs.

Les sémi­na­ristes et frères du sémi­naire sont un beau gage d’es­pé­rance par leur géné­ro­si­té et leur enthou­siasme juvé­nile. Ils se joignent à moi et à mes confrères dans le sacer­doce pour vous expri­mer notre recon­nais­sance pour votre sou­tien et vous assu­rer de nos prières à toutes vos intentions

Abbé Patrick TROADEC, Directeur
Le 2 octobre 2008, en la fête des Saints Anges Gardiens

Notes

(1) – Ordination sacer­do­tale, Écône, 20 sep­tembre 1980.
(2) – Ils l’ont décou­ron­né, pp. 250–251.
(3) – Homélie, Flavigny, 2 février 1988.

Chronique du séminaire 

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Entretien avec monsieur l’abbé Troadec, Directeur du séminaire 

Entretien pour La Porte Latine