A propos de Mgr Fellay et de la messe, ce trésor de l’Eglise qui doit revenir le trésor de tous, par F. Colafemmina

Docteur Francesco Colafemmina, spé­cia­liste en art sacré

C’est pourquoi, permettez-​moi de dire : vive la Fraternité Saint Pie X !

Le Congrès de la Fraternité Saint Pie X orga­ni­sé à Paris par le Courrier de Rome vient de s’achever. C’est Monseigneur Fellay, Supérieur Général de la Fraternité qui en a pro­non­cé le dis­cours de clô­ture. C’est de là que je sou­hai­te­rais com­men­cer pour vous décrire ce qui s’est pas­sé au cours de ces jour­nées de Congrès. Monseigneur Fellay est un homme doté d’une dex­té­ri­té ora­toire stu­pé­fiante, mais il est sur­tout un homme dont la Foi est authen­tique. Qu’est-ce donc que la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X ? Quel est donc son cha­risme ? Son Excellence a expli­qué, en citant l’expression de Saint Paul : « fides ex audi­tu », le sens de la Foi dans le Verbe Incarné, trans­mise par la pré­sence même du Verbe Incarné, Son épi­pha­nie dans le monde. Ainsi, l’Homme, par Dieu, retourne à Dieu. Et le cha­risme de la Fraternité consiste pré­ci­sé­ment à « res­tau­rer » le Catholicisme, à décou­vrir la Foi, cachée par les ins­crus­ta­tions et par les erreurs de la moder­ni­té ; et ce, pour faire reve­nir les âmes à Dieu. Il s’agit par consé­quent, d’un cha­risme concen­tré sur la Foi et sur le Salut des âmes. Or cela signi­fie être d’authentiques Catholiques !

Et ici je vou­drais sou­li­gner le pre­mier aspect qui m’a immé­dia­te­ment frap­pé au cours de ces trois jour­nées de congrès à Paris : la Fraternité, que d’aucuns appellent avec un rien de mépris « lefeb­vriste », ne vit pas de la mémoire ou du culte de son fon­da­teur cha­ris­ma­tique. Monseigneur Lefebvre est certes évo­qué avec amour, avec pas­sion, mais non pas, comme c’est le cas dans tous les dif­fé­rents mou­ve­ments et orga­ni­sa­tions catho­liques, avec cette véné­ra­tion typique, qui est obses­sion­nelle et répé­ti­tive. Et Monseigneur Fellay quant à lui ne fait l’objet d’aucun culte pri­vé. On constate dans l’esprit de ces laïcs si nom­breux et de tous ces prêtres, le res­pect filial qui se doit à son Évêque, mais la Fraternité n’est rien d’autre qu’une com­mu­nau­té catho­lique authen­tique. Pas besoin d’autres adjec­tifs. Même pas l’adjectif « tra­di­tio­na­liste », car ce qui dis­tingue la Fraternité c’est jus­te­ment le fait qu’elle est liée à l’Église et qu’elle s’identifie à Elle, or l’Église est, de par sa consti­tu­tion, Tradition. Le Concile est un moment de l’Église, impor­tant, certes, mais dis­cu­table. Et c’est au nom du carac­tère dis­cu­table du Concile que la Fraternité a vou­lu pré­ser­ver, même au prix du plus lourd sacri­fice, tout l’ensemble de Théologie, de Liturgie, d’Ecclésiologie et de Morale qui consti­tue l’essence du Catholicisme. Et à cet égard il faut citer un détail que Monseigneur Fellay a évo­qué au cours de son inter­ven­tion : par­mi les élé­ments qui ont pous­sé Monseigneur Lefebvre à sacrer les quatre évêques en 1988, il y a eu le ras­sem­ble­ment à Assise, qui s’était tenu deux ans plus tôt.

Et de fait Monseigneur Fellay n’a pu s’empêcher de faire part de sa pré­oc­cu­pa­tion concer­nant le pro­chain ras­sem­ble­ment « Assise 2011 », que le Pape Benoît a annon­cé il y a quelques jours : « J’ai res­sen­ti un grand fris­son dans le dos. Et après, on essaie de nier ce qui s’est pas­sé lors du pre­mier ras­sem­ble­ment !» a‑t-​il dit. Avant de pour­suivre en rap­pe­lant que pour le pre­mier ras­sem­ble­ment, on a mis des églises catho­liques à dis­po­si­tion pour y pra­ti­quer le culte d’autres reli­gions, en allant même jusqu’à l’acte sacri­lège de pla­cer un boud­dha sur un taber­nacle ! Il paraît que pour la pro­chaine fois, on a l’intention de mettre à dis­po­si­tion des salles du Couvent, mais en enle­vant rigou­reu­se­ment tous les cru­ci­fix ! Et Monseigneur Fellay a ajou­té : « C’est insen­sé ! C’est ain­si que l’on sup­prime le moyen de la Rédemption de l’homme ! » Un mot du dis­cours du Pape Benoît XVI consa­cré à l’annonce du Rassemblement de 2011 a par­ti­cu­liè­re­ment frap­pé Monseigneur Fellay. C’est le mot « foi ». Ce n’est certes pas le mot en lui-​même qui laisse per­plexe, mais le contexte dans lequel il est employé. En effet, dans l’Angelus du 1er jan­vier 2011, le Pape a dit qu’il se ren­dra à Assise « pour remé­mo­rer ce geste his­to­rique vou­lu par mon Prédécesseur et pour renou­ve­ler l’engagement des croyants de toutes les reli­gions de vivre leur propre foi reli­gieusecomme un ser­vice pour la cause de la paix. »

Mais com­ment peut-​on par­ler d’autres « fois reli­gieuses » ? Car la Foi est une ver­tu théo­lo­gale, que le Catholique reçoit lors de son Baptême par la Grâce de Dieu. Or, peut-​on employer « le même terme pour des cir­cons­tances dif­fé­rentes » ? Seul le Catholique a la Foi. Le non-​catholique croit dans sa propre divi­ni­té, soit ; mais on ne peut pas uti­li­ser le concept de « foi » pour défi­nir le fait d’adhérer à sa propre reli­gion : « On risque ain­si de mélan­ger des choses tota­le­ment dif­fé­rentes ». Pour Monseigneur Fellay, Assise repré­sente « un sym­bole » ; or ce sym­bole « …même si on le cor­rige, on ne l’élimine pas ». Sa force évo­ca­trice per­sis­te­rait donc. Comment donc Assise pourrait-​il revê­tir un sens catho­lique ? « Le Vicaire du Christ devrait dire : « Il n’y a qu’un seul Dieu, et c’est Jésus-​Christ, convertissez-​vous ! » Et là, Assise, ce serait bien ! » Et avec un sou­rire amu­sé, peut-​être conscient que la chose ne pour­ra jamais se réa­li­ser, Monseigneur Fellay a conti­nué son dis­cours en décri­vant ce que la Fraternité Saint Pie X peut faire pour l’Église. Et à ce sujet il a par­lé jus­te­ment de l’Italie. Une nation dans laquelle il n’y a jamais eu une forte pré­sence de « tra­di­tio­na­listes », mais qui aujourd’hui est inté­res­sée, notam­ment par le réveil de la tra­di­tion. Monseigneur Fellay per­çoit bien le risque d’une concen­tra­tion exces­sive sur le rite, sur l’ancienne litur­gie qui, ‑et je le pense aussi‑, conduit à un esthé­tisme vide qui blesse ce « catho­li­cisme tra­di­tion­nel » qui n’est pas seule­ment une affaire de rites, mais une vie catho­lique authen­tique. Il a tenu à évo­quer à ce pro­pos la ren­contre qu’il a eue avec une tren­taine de prêtres dio­cé­sains qui sont en train de se rap­pro­cher de la Fraternité Saint Pie X. Il s’agit, oui, de trente prêtres, et ce chiffre est déjà une grande nouvelle !

Monseigneur Fellay leur a posé une ques­tion : qu’attendez-vous de la Fraternité Saint Pie X ? Et, outre les quelques-​uns uns qui ont deman­dé à « apprendre à célé­brer l’ancien rite », la majo­ri­té d’entre eux a répon­du : « Ce que nous atten­dons, c’est LA DOCTRINE ». Il en est venu ain­si à par­ler du cas d’un Vicaire géné­ral ita­lien qui a dit à l’un des membres de la Fraternité Saint Pie X : « J’ai com­men­cé à lire le caté­chisme de Saint Pie X : eh bien, j’avoue que je ne sau­rais pas répondre à ces ques­tions… parce que l’on ne me l’a jamais appris ! » Monseigneur Fellay a ajou­té que les aveux des prêtres sont tristes : « On ne nous a rien appris ! » C’est comme si bon nombre d’entre eux, mal­gré leurs diplômes uni­ver­si­taires et leurs années d’études, s’étaient rem­plis d’outils doc­tri­naux inutiles, de conte­nants et non pas de conte­nu catho­lique. Voilà pour­quoi tous, presque ins­tinc­ti­ve­ment, réclament l’enseignement de Saint Thomas !

Et à ce moment-​là, Monseigneur Fellay a ajou­té un com­men­taire qu’il m’avait déjà rap­por­té per­son­nel­le­ment alors que nous par­lions d’art sacré. Je disais à Son Excellence que les fidèles recon­naissent immé­dia­te­ment ce qui est beau et catho­lique et ils l’aiment ins­tan­ta­né­ment, même après des décen­nies au cours des­quelles ils ont été habi­tués au laid et à l’informe. Et lui m’a répon­du : « Mais cela pro­vient du Baptême. C’est dans le Baptême que le Seigneur nous donne la Foi ; nous deve­nons Catholiques et même à dis­tance de plu­sieurs années, sans avoir jamais vu la messe ancienne, même après avoir vu des œuvres d’art affreuses, lorsque nous en voyons de belles, qui sont conformes à la tra­di­tion, lorsque nous assis­tons à cette messe ancienne, c’est comme une lampe qui sou­dain s’allume et nous la recon­nais­sons : c’est ça, être Catholique ». Il en est ain­si de la messe. Les prêtres qui apprennent à célé­brer la messe de tou­jours expé­ri­mentent un renou­veau spi­ri­tuel. Par le rite, les doutes dans leur âme s’estompent, ils com­mencent à « remettre de l’ordre dans leur vie et à remettre de l’ordre aus­si dans leurs rela­tions avec les fidèles ». C’est ce que Monseigneur Fellay défi­nit comme : « le tra­vail de la Grâce sur le prêtre à tra­vers la Messe ». C’est ain­si que de la Liturgie l’on passe à la Doctrine, et de la Doctrine à la Morale, parce que « La Foi sans les œuvres est morte ». Et c’est ain­si que le prêtre découvre un moyen nou­veau et ancien d’être fidèle à son propre minis­tère. Et il le fait en redé­cou­vrant sur­tout « l’objectivité et le réa­lisme ». Le pro­blème le plus grave de notre époque, qui est aus­si le pro­blème de la crise de l’Église, c’est la perte de réa­lisme, que Monseigneur Fellay rap­porte à la révo­lu­tion de la pen­sée ratio­na­liste alle­mande à par­tir de Kant : « C’est le monde de la pen­sée qui a évin­cé la réa­li­té ». Voilà pour­quoi il n’y a plus de cohé­rence entre être et appa­raître » et « l’on accorde une impor­tance telle au sujet que l’objet n’a plus d’importance ». Mai tout « se remet en place grâce à l’objectivité ». Nous devons donc « adap­ter notre intel­li­gence au réel ». C’est ain­si que le prêtre, qui a retrou­vé l’objectivité, sera en mesure d’œuvrer vrai­ment pour le salut des âmes ; il ne se per­dra pas dans un acti­visme vide, dans ce cycle d’évènements, d’initiatives, d’élucubrations qui ne laissent rien der­rière eux et qui ont tou­jours besoin de quelque chose d’extérieur. Le prêtre revient au centre. C’est ce qui se passe en retrou­vant un catho­li­cisme tra­di­tion­nel, en retrou­vant la Messe et la Doctrine : « C’est là le tré­sor de l’Église, et ce qui importe ce n’est pas qu’il soit à nous, mais à tous ! »

Pour finir, Monseigneur a par­lé des fidèles. « Les fidèles repré­sentent non pas la tra­di­tion vivante, mais la tra­di­tion vivable ». L’erreur de l’esprit du Concile a été de s’efforcer de suivre le monde : « On sent bien que le monde s’échappe, alors il faut faire un aggior­na­men­to (une mise à jour) ».Or « ce moyen pré­co­ni­sé par le Concile a été trop humain ». Pourtant, ce n’est qu’ « en vivant les méthodes éter­nelles que l’Église a tou­jours pré­co­ni­sées que les fidèles se rendent compte que la vie chré­tienne aujourd’hui est pos­sible ». « Le monde d’aujourd’hui fait tout ce qu’il peut pour nous faire croire que c’est trop dif­fi­cile, voire inac­ces­sible » de vivre en Catholiques. Mais c’est « pour­tant réa­li­sable ! ». Et cela parce que « c’est vous, les fidèles, qui édi­fiez le Corps Mystique ! ». C’est ensuite par une prière à Notre Dame de Fatima que s’est conclu le Dixième Congrès Théologique du Courrier de Rome.

C’est sûr, quand mon article va paraître, je vais être taxé à vie de « lefeb­vriste ». J’ai hâte de faire un pied de nez à tous les indi­gnés, les ren­fro­gnés, les scan­da­li­sés de tous bords (les néo-​conservateurs, les théo-​conservateurs, les pro­gres­sistes, les « double-​face », etc.)! Si, vous, vous vous étiez trou­vés ce matin-​là dans l’église de Saint Nicolas du Chardonnet, avec près de mille per­sonnes de tous âges, vous auriez vu que la Tradition ne se com­pose pas de gens qui font des chi­chis, ni de quatre excom­mu­niés exal­tés. La Tradition est quelque chose qui émeut, qui fait pleu­rer, qui donne la joie de l’Espérance et la tris­tesse de se perdre. La Tradition est la vie qui pulse fort, ce sont des cen­taines d’yeux, de cœurs, de têtes, des per­sonnes qui se trans­mettent leur Foi et qui la vivent sans com­pro­mis, quitte à être mar­gi­na­li­sées par l’Église pro­gres­siste et « aggiornata/​mise à jour ». La Tradition, ce sont éga­le­ment les sou­rires sin­cères de Monseigneur Fellay, son calme, sa pru­dence, son amour pour l’Église. Et c’est aus­si l’esprit de fra­ter­ni­té qui règne entre les prêtres, leur façon de vivre avec sim­pli­ci­té leur minis­tère sacer­do­tal, d’être étreints par leurs fidèles qu’ils aiment et dont ils prennent soin, comme l’Église a tou­jours ensei­gné de le faire, avec cohé­rence et conviction.

C’est pour­quoi, permettez-​moi de dire : vive la Fraternité Saint Pie X !

Docreur Francesco Colafemmina

Extrait de Fides et for­ma – Traduction de l’italien par La Porte Latine