L’abbé Aulagnier, seul parmi les siens, dénonce « la Babel d’Assise » 2011

Dans son der­nier entre­tien don­né au dis­trict des USA, sur le cha­pitre d’Assise III , Monseigneur Fellay, a répon­du à la ques­tion « Qu’en est-​il de ? » : « Il n’y en a pas, que je sache. »

Monsieur l’abbé Paul Aulagnier nous a deman­dé de bien vou­loir publier sa réac­tion sur le renou­vel­le­ment de cette céré­mo­nie interreligieuse. 

C’est bien volon­tiers que nous en fai­sons état. Elle est tout à son hon­neur puisqu’il semble être le seul membre de ces com­mu­nau­tés, res­tées éton­nam­ment muettes, à avoir eu le cou­rage de mani­fes­ter ouver­te­ment, au moins à titre per­son­nel, sa répro­ba­tion de ce que Mgr Lefebvre appe­lait une « iniquité ».

Le 1er jan­vier 2011, à l’occasion de la prière de l’Angelus, le pape Benoît XVI a annon­cé son inten­tion de renou­ve­ler la céré­mo­nie inter­re­li­gieuse d’Assise du 27 octobre 1986 :

« En octobre pro­chain, je me ren­drai en pèle­ri­nage dans la ville de saint François, en invi­tant à s’u­nir à ce che­min les frères chré­tiens des dif­fé­rentes confes­sions, les repré­sen­tants des tra­di­tions reli­gieuses du monde et, idéa­le­ment, tous les hommes de bonne volon­té, pour faire mémoire de ce geste his­to­rique vou­lu par mon Prédécesseur et renou­ve­ler solen­nel­le­ment l’en­ga­ge­ment des croyants de chaque reli­gion à vivre sa propre foi reli­gieuse comme un ser­vice pour la cause de la paix. »

Il l’avait déjà annon­cée dans son mes­sage pour la Paix pour l’année 2011 inti­tu­lé : « La liber­té reli­gieuse, che­min vers la Paix ».Il écri­vait : « En 2011 sera fêté le 25e anni­ver­saire de la Journée mon­diale de prière pour la paix, convo­quée en 1986 à Assise par le véné­rable Jean-​Paul II. A cette occa­sion, les res­pon­sables des grandes reli­gions du monde ont mani­fes­té com­bien la reli­gion est un fac­teur d’union et de paix et non de divi­sion et de conflits. Le sou­ve­nir de cette expé­rience est un motif d’espérance en un ave­nir où tous les croyants se sentent et deviennent effec­ti­ve­ment arti­sans de jus­tice et de paix ».

On sait pour­tant que le Pape Benoît XVI, alors encore car­di­nal, n’avait pas vou­lu assis­ter à cette « jour­née de prières inter­re­li­gieuses pour la paix » en rai­son du risque de syn­cré­tisme en une telle jour­née. Aussi a‑t-​il, depuis qu’il est sur le siège de Pierre, vou­lu, à deux reprises, don­ner des pré­ci­sions sur cette jour­née, peut-​être dans cette pers­pec­tive d’anniversaire.

Dans un mes­sage adres­sé à l’évêque d’Assise le 2 sep­tembre 2006, il écri­vait ceci : « Pour ne pas se méprendre sur le sens de ce que Jean-​Paul II a vou­lu réa­li­ser en 1986 et que l’on appelle habi­tuel­le­ment, en repre­nant l’une de ses expres­sions, “l’esprit d’Assise”, il est impor­tant de ne pas oublier com­bien on a alors été atten­tif à ce que la ren­contre inter­re­li­gieuse de prière ne se prête à aucune inter­pré­ta­tion syn­cré­tiste, fon­dée sur une concep­tion rela­ti­viste. […] C’est pour­quoi, même lorsque l’on se réunit afin de prier pour la paix, il faut que la prière se déroule selon les che­mins dis­tincts propres aux diverses reli­gions. Tel fut le choix de 1986 et ce choix ne peut man­quer d’être valable aujourd’­hui encore. La conver­gence des dif­fé­rences ne doit pas don­ner l’im­pres­sion que l’on cède au rela­ti­visme qui nie le sens même de la véri­té et la pos­si­bi­li­té d’y puiser ».

Mais, simple remarque, n’a‑t-il pas prié avec les juifs et rab­bins de la syna­gogue de Rome lors de sa der­nière visite ? Autres les mots. Autres les actes.

Et, en visite à Assise le 17 juin 2007, le pape a décla­ré, de nou­veau, dans son homé­lie : « Le choix d’organiser cette ren­contre à Assise a été dic­té pré­ci­sé­ment par le témoi­gnage de François comme homme de paix, lui que beau­coup de gens regardent avec sym­pa­thie même si leurs posi­tions cultu­relles et reli­gieuses sont dif­fé­rentes. En même temps, la lumière jetée par le “Poverello” sur cette ini­tia­tive était une garan­tie d’authenticité chré­tienne, parce que sa vie et son mes­sage reposent si visi­ble­ment sur le choix du Christ qu’ils repoussent a prio­ri toute ten­ta­tion d’indifférentisme reli­gieux, qui n’aurait rien à voir avec l’authentique dia­logue inter­re­li­gieux. […] Il ne serait ni évan­gé­lique ni fran­cis­cain de ne pas réus­sir à asso­cier l’accueil, le dia­logue et le res­pect de tous avec la cer­ti­tude de la foi que tout chré­tien, comme le saint d’Assise, est tenu de pra­ti­quer, en annon­çant le Christ comme le che­min, la véri­té et la vie de l’homme et comme l’unique sau­veur du monde ».

Les inten­tions du pape sont cer­tai­ne­ment claires et honnêtes…mais elles ne peuvent empê­cher, de jure, le risque de syn­cré­tisme, de rela­ti­visme et d’indifférentisme. Comme le dit très bien Romano Amério, dans son livre « Stat veri­tas », « Ce ne sont que des mots…on ne peut pas pro­mou­voir le syn­cré­tisme et ensuite aver­tir qu’il( faut) faire atten­tion à évi­ter le syn­cré­tisme » (p 139).

Ce n’est pas, non plus, parce que cette réunion se déroule à Assise où le Poverello a impri­mé sa marque de son don au Christ que cette réunion, est de soi, assu­rée d’une juste ortho­doxie. On peut y être infidèle.

De plus, le 27 octobre 1986, avec Jean-​Paul II, on a, peut-​être, vou­lu être « atten­tif à ce que la ren­contre inter­re­li­gieuse de prières ne se prête à aucune inter­pré­ta­tion syn­cré­tiste » en cher­chant à ce que « la prière se déroule selon les che­mins dis­tincts propres aux diverses reli­gions ». Ce fut peut-​être un désir loyal. Ce désir ne fut et ne put être réa­li­sé de sorte que l’on peut par­ler, à juste titre, de la jour­née pan­chré­tienne d’Assise ou de : « l’illusion pan­chré­tienne d’Assise ».

En effet, à Assise, le 27 octobre 1986, les catho­liques n’ont pas prié, comme « les repré­sen­tants des autres reli­gions », de leur côté, comme le laisse entendre Benoît XVI, selon leurs propres rites et dans la pleine « expres­sion de leur propre foi », mais ils se sont réunis en « prière œcu­mé­nique » aux « repré­sen­tants des confes­sions et des com­mu­nau­tés chré­tiennes » dans la cathé­drale Saint Rufin. C’était clai­re­ment affir­mé par l’Osservatore roma­no du 27/​28 octobre 1986. Là, le pape, dépouillé de tout insigne de sa pri­mau­té, a mis en branle, tou­jours en sa qua­li­té d’hôte invi­tant – ce que sera Benoît XVI , le 27 octobre pro­chain – une célé­bra­tion typi­que­ment pro­tes­tante avec lec­ture de pas­sages de la Bible, entre­mê­lée de chants et se ter­mi­nant par la « prière uni­ver­selle », celle « de toute Eglise ». Vous trou­vez ce témoi­gnage dans l’Osservatore roma­no cité à la page 3.

La salu­ta­tion adres­sée à l’assemblée, lue par « l’hôte invi­tant », Jean-​Paul II, a par­lé, sans doute, « des graves ques­tions qui nous séparent encore ». Mais il a dit aus­si que « le degré actuel de notre uni­té dans le Christ n’en est pas moins un signe pour le monde que Jésus-​Christ est vrai­ment le Prince de la Paix ». Mieux encore, il a conclu que la prière pour la paix « doit faire gran­dir en nous le res­pect des uns pour les autres comme êtres humains, comme Eglises et com­mu­nau­tés ecclé­siales » (Ibid., et DC.n° 1929 du 7 décembre 1986)

Nulle autre dis­tinc­tion, qui ne fût jus­ti­fiée par son rôle de « l’hôte qui invite » n’a été recon­nue au Pape par le céré­mo­nial œcu­mé­nique. Ce qui scan­da­li­sa tel­le­ment Mgr Lefebvre qui voyait là une injure au Vicaire de Christ. Et même, la prière finale des « pan­chré­tiens » sur la place de la basi­lique infé­rieure de Saint François a été com­men­cée par une femme « pas­teur », tan­dis que le Pape n’était que qua­trième « par­mi tant de sages ».

Mal à pro­pos, au len­de­main de la « ren­contre d’Assise », le car­di­nal Etchegaray décla­rait : « Pour moi, la prière de l’Eglise chré­tienne dans la cathé­drale Saint Rufin a été le moment, le temps fort, de toute la journée…La qua­li­té et l’intensité de cette prière était celle que tous sem­blaient épa­nouis comme par une nou­velle effu­sion com­mune du Saint Esprit ». Il s’exprimait ain­si « ridi­cu­le­ment, sen­ti­men­ta­le­ment » dans le jour­nal l’ Avvenire du 2 novembre 1986. On se sou­vient qu’il fut le grand orga­ni­sa­teur de la jour­née d’Assise.

Force est d’avouer que, dans la Babel d’Assise, les car­di­naux et le pape lui-​même ont de fait repré­sen­té non l’Eglise catho­lique mais l’ « Eglise chré­tienne » en y englo­bant les non catho­liques. Et quels étaient ceux qui com­po­saient cette « Eglise chré­tienne », qui aurait eu sa Pentecôte, à Assise au dire du car­di­nal Etchégaray ? Des « diverses Eglises et confes­sions qui ont le Christ pour fon­de­ment », nous appre­nait l’Osservatore roma­no du 27/​28octovre 1986. En pra­tique : de l’Eglise ortho­doxe, des « Eglises » réfor­mées et de l’Eglise catho­lique. Evidemment, cette « Eglise chré­tienne » n’était pas l’Eglise catho­lique, mais une super Eglise qui dépasse et inclut l’Eglise catho­lique elle-​même, à l’égale des autres soi-​disant « Eglises ». Quelle ecclésiologie !

En effet, la prière de l’ « Eglise chré­tienne » à Assise n’a pas été celle de l’Eglise catho­lique dont la foi s’exprime plei­ne­ment dans la sainte Messe, « sacri­fice véri­table et authen­tique » comme l’enseigne le saint Concile de Trente à l’encontre des auteurs de ces « confes­sions et com­mu­nau­tés chré­tiennes » assem­blées avec les catho­liques à Saint Rufin. Le rite de la Nouvelle Messe a été célé­brée le 27 octobre de bon matin, par le pape, Jean-​Paul II, à Pérouse avant de se trans­por­ter à Assise dont le céré­mo­nial l’a œcu­mé­ni­que­ment mêlé à ses « frères sépa­rés » – et cela Benoît XVI mal­gré son inten­tion ne pour­ra pas phy­si­que­ment l’éviter – pour prier « œcu­mé­ni­que­ment » avec eux et « sans triom­pha­lisme », dépouillé de la digni­té du Vicaire du Christ, oubliant que l’Eglise catho­lique ne fait qu’un avec le Christ qui doit régner éter­nel­le­ment sur toutes choses, tous biens et tous êtres. Cela lui revient de droit divin. Mais cela ne pour­ra pas être confes­sé par le Pape. C’est pour­tant sa fonction !

Mais plus encore, à Assise, l’Eglise catho­lique a été mise non au niveau des fausses reli­gions, qu’elles se disent chré­tiennes ou non, mais au des­sous d’elles. On a rap­pe­lé au car­di­nal Etchégaray qu’il a été per­mis à tous de « s’exprimer dans la plé­ni­tude de leur propre foi » (DC du 7/​21 sep­tembre 1986), mais cela n’a pas été per­mis aux catho­liques ; « que la prière de cha­cun a été res­pec­tée », mais celle des catho­liques ne l’a pas été. Et lorsque, met­tant en branle le car­rou­sel final sur la place au bas de saint François, il a triom­pha­le­ment décla­ré : « Nous nous sommes réunis en pleine fidé­li­té à nos tra­di­tions reli­gieuses, pro­fon­dé­ment conscients de l’identité de cha­cun de nos enga­ge­ments de foi » (l’OR cité p. 4). C’était vrai pour tous sauf pour les catho­liques ni dans leur prière ni dans leur Pontife, Lui, pour­tant Vicaire du Christ…

Enfin, alors qu’on avait pour­vu avec grand soin à ce que les repré­sen­tants des fausses reli­gions se tinssent, selon leur désir, « ensemble pour prier, mais sans prier ensemble » (Radio Vatican), les repré­sen­tants offi­ciels de l’unique vraie reli­gion ont prié en s’unissant aux repré­sen­tants des fausses reli­gions soi-​disant chré­tiennes. La pra­tique pan chré­tienne d’Assise suf­fit à démon­trer, entre autres choses, que qua­rante ans de faux œcu­mé­nisme ont suf­fi pour que prît pied par­mi les catho­liques, à com­men­cer par leur hié­rar­chie, l’indifférentisme pan chré­tien. Tout paraît aujourd’hui légitime.

Pour toutes ces rai­sons, la « jour­née d’Assise » ne peut ni être renou­ve­lée ni être com­mé­mo­rée ; elle n’est pas « com­mé­mo­rable » ; elle n’est pas digne de l’Eglise catholique.

Abbé Paul Aulagnier, 22 février 2011