Lettre de Mgr Lefebvre au Souverain Pontife du 6 mai 1980

Très saint Père,

Depuis votre acces­sion au Souverain Pontificat j’ai tou­jours nour­ri l’espoir que le dévoue­ment total de ma Fraternité et de ma per­sonne à la Sainte Eglise serait recon­nu et qu’il nous serait pos­sible de tra­vailler libre­ment, dans la soumis­sion à l’Eglise, au salut des âmes par la multi­plication de saints prêtres.

Votre désir qu’une solu­tion soit trou­vée, votre com­bat contre les erreurs dif­fu­sées par des théo­lo­giens à l’esprit imbu de moder­nisme comme Hans Küng, Shillebeeck, Pohier ; vos efforts pour rendre à la Hollande une situa­tion nor­male ; votre der­nière ency­clique rap­pe­lant les prin­cipes qui sont à la base du sacri­fice eucha­ris­tique, ont été autant d’occasions d’espérer cette solu­tion, puisqu’en tous ces domaines nous par­ta­geons entiè­re­ment vos pen­sées et vos désirs.

Bien plus le but pre­mier de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X étant la for­ma­tion de vrais prêtres de l’Eglise catho­lique et romaine, nous nous sommes réjouis chaque fois que Votre Sainteté a rap­pe­lé les prin­cipes qui doivent régir la for­ma­tion sacer­do­tale et qui sont exac­te­ment ceux qui sont mis en pra­tique dans nos sémi­naires depuis leur fondation.

On pour­rait croire à la lec­ture du der­nier docu­ment publié par la Congrégation char­gée des sémi­naires au sujet de l’année de spi­ri­tua­li­té, que c’est l’exemple don­né par nos sémi­naires qui est à l’origine de cette lettre adres­sée à l’épis­copat du monde entier.

D’autre part je crois avoir fait tout ce qu’il conve­nait de faire pour mani­fes­ter mon désir sin­cère de trou­ver une solu­tion à notre problème.

Je n’ai jamais hési­té à venir à Rome à l’appel qui m’était signi­fié par la Curie ou la Secrétairerie d’Etat. Depuis que Votre Sainteté a confié mon cas au car­di­nal Seper, je suis venu le ren­con­trer cinq fois, assez contris­té d’ailleurs de ne voir aucune amé­lio­ra­tion appor­tée à notre situa­tion. Tandis que les peines infli­gées aux théo­lo­giens héré­tiques sont très bénignes, on me dit tou­jours « sus­pens a divi­nis », alors que je pro­fesse dans toute son inté­gri­té la foi catholique.

Les enne­mis de l’Eglise, maçons, com­mu­nistes, moder­nistes, avec tous les moyens de com­mu­ni­ca­tion sociale à leur dis­po­si­tion, s’acharnent contre mon œuvre et contre moi, mani­fes­tant par le fait même que nous sommes les meilleurs défen­seurs et sou­tiens de l’Eglise qu’ils veulent à tout prix faire disparaître.

C’est pour­quoi l’urgence d’une solu­tion s’impose, pour le bien de l’Eglise. Votre Sainteté peut comp­ter entiè­re­ment sur nous et sur nos prêtres pour son œuvre de res­tau­ra­tion de la Vérité et de la Sainteté de l’Eglise, appuyée sur le roc iné­branlable de la Tradition, source d’une jeu­nesse tou­jours renou­ve­lée de l’Eglise. Votre Sainteté a pu lire dans les yeux et les visages de nos sémi­na­ristes et de nos jeunes prêtres cette jeu­nesse, fruit de la vita­li­té spirituelle.

Et puisque Son Eminence le car­di­nal Palazzini veut bien se faire le por­teur de cette sup­plique, ne pourrait-​il pas avec le car­di­nal Seper vous sou­mettre un pro­jet concret de solu­tion, concer­nant d’abord la Liturgie, puis la recon­nais­sance offi­cielle de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X, ain­si que des ins­ti­tuts de reli­gieux et de reli­gieuses qui se sont déve­lop­pés grâce au main­tien de la doc­trine et des obser­vances traditionnelles.

Confiant cette requête à la Vierge Marie, que Votre Sainteté daigne agréer mes sen­ti­ments très res­pec­tueux et filiaux en Jésus et Marie.

+ Marcel Lefebvre, Ancien Archevêque-​Evêque de Tulle

Source : Mgr Marcel Lefebvre et le Vatican sous le pon­ti­fi­cat de Jean-​Paul II