Lettre de Mgr Lefebvre au Cardinal Seper du 23 juin 1979

Eminence,

Au retour de l’entretien que nous avons eu ce matin, comme je vous l’ai pro­mis, je résume les conclu­sions dans les lignes qui suivent :

En ce qui concerne les ordi­na­tions sacer­do­tales de ven­dre­di pro­chain, il me semble qu’à tous les points de vue, il est pré­fé­rable que je les fasse. Sans par­ler des diacres eux-​mêmes, de leurs familles, de leurs amis qui ont tout pré­pa­ré en vue de cette ordi­na­tion, il me semble que les remettre pro­vo­que­rait dans l’opinion publique une attente d’un geste de retour de la part du Saint-Père.

Cette attente qui serait exploi­tée par la presse met­trait le Saint-​Père dans une situa­tion désa­gréable ; soit qu’il y ait un délai, soit qu’il n’y en ait pas. Tout geste en faveur de la Tradition serait inter­pré­té comme une vic­toire d’Ecône, ce que je ne sou­haite et ne cherche nullement.

Par contre, le fait des ordi­na­tions, même s’il est inter­pré­té contre Ecône, aurait l’avantage de per­mettre au Saint-​Père d’agir libre­ment en faveur d’un élar­gis­se­ment de la Liturgie, sans qu’on puisse conclure à un avan­tage acquis par Ecône. C’est l’Eglise entière qui serait concer­née et en profiterait.

En atten­dant le pro­blème d’Ecône demeu­re­rait dans l’ombre. Mais le pro­blème litur­gique étant réglé au mieux (à ce pro­pos je me per­mets de sup­plier le Saint-​Père de ne pas limi­ter la liber­té à la seule Liturgie de la Messe, mais de l’étendre à la Liturgie des sacre­ments, sur­tout à celle de l’ordre) celui d’Ecône se résou­dra faci­le­ment. Pour y aider je m’engage à ne plus confir­mer et à retar­der les ordi­na­tions du dia­co­nat du mois d’octobre.

J’ose alors espé­rer que les fidèles auront la satis­fac­tion de pou­voir faire don­ner les sacre­ments de bap­tême et confir­ma­tion selon l’ancienne Liturgie, de rece­voir le sacre­ment de mariage, d’extrême-onction et de péni­tence de même et que les clercs reçoivent les ordres, s’ils le demandent, selon l’ancien rite.

Eminence, je suis tel­le­ment heu­reux à la pen­sée que le Saint-​Père s’apprête à prendre ce décret que je ne sau­rais assez Le remer­cier et remer­cier Dieu et la Vierge Marie de L’inspirer à faire cette œuvre salutaire.

Agréez, Eminence, mes sen­ti­ments respec­tueux et cor­dia­le­ment dévoués en Jésus et Marie.

+ Marcel Lefebvre

Source : Mgr Marcel Lefebvre et le Vatican sous le pon­ti­fi­cat de Jean-​Paul II



Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.