Ce Siège est-​il vacant ?

Chers lec­teurs,

Sur ce grave sujet Mgr Lefebvre, écri­vit l’article sui­vant, le 8 Novembre 1979, pour Cor Unum, le bul­le­tin inté­rieur de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X. :

Au cours de ces dix der­nières années j’ai eu l’oc­ca­sion de répondre maintes fois à ces ques­tions qui sont très graves. Je me suis tou­jours effor­cé de demeu­rer dans l’es­prit de l’Église, confor­mé­ment à ses prin­cipes théo­lo­giques qui expriment sa foi et à sa pru­dence pas­to­rale expri­mée dans la théo­lo­gie morale et dans l’ex­pé­rience de son his­toire. Je crois pou­voir dire que je n’ai pas varié d’o­pi­nion sur ces sujets et que cette pen­sée est heu­reu­se­ment celle de la grande majo­ri­té des prêtres et des fidèles atta­chés à la Tradition indé­fec­tible de l’Église. II est clair que ces quelques lignes sont insuf­fi­santes pour faire une étude exhaus­tive de ces pro­blèmes. Mais il s’agit plu­tôt d’ex­po­ser les conclu­sions net­te­ment de telle sorte qu’on ne se trompe pas sur les orien­ta­tions et les pen­sées de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X.

A l’occasion du 25ème anni­ver­saire de cette décla­ra­tion, je vou­drais appor­ter à nos fidèles quelques outils qui les aide­ront à une meilleure com­pré­hen­sion de la posi­tion offi­cielle de la Fraternité Saint-​Pie X, expri­mée de la bouche de son fon­da­teur. Bien des évé­ne­ments se sont pas­sés au cours des vingt der­nières années, et il nous semble que la situa­tion de l’Église aujourd’­hui est bien pire qu’en 1979. Au fur et à mesure que les années passent, le nombre d’é­vé­ne­ments inouïs et cho­quants s’est mul­ti­plié à grande vitesse. Qu’on me per­mette d’en men­tion­ner quelques uns : la réunion inter­re­li­gieuse d’Assise en 1986, qui fut renou­ve­lée en 2002 ; en 1993 l’ac­cord de Balamand par lequel l’Église catho­lique renon­ça offi­ciel­le­ment à l’a­pos­to­lat de conver­sion des Orthodoxes ; en 1999 le docu­ment sur la jus­ti­fi­ca­tion catholico-​luthérien ; et plus récem­ment, en mai 2004, la pro­fa­na­tion de la basi­lique de Fatima par un groupe Hindou. A la vue de ces évé­ne­ments cho­quants, quelques uns d’entre nous pour­raient se deman­der si Mgr Lefebvre aurait gar­dé en 2004 la même posi­tion qu’il avait en 1979.

Revenons aux paroles de Mgr Lefebvre :

Passons au deuxième sujet non moins impor­tant : avons-​nous vrai­ment un Pape ou un intrus assis sur la Siège de Pierre ? Bienheureux ceux qui ont vécu et sont morts sans avoir à se poser une sem­blable ques­tion ! Il faut recon­naître que le Pape Paul VI a posé et pose encore un sérieux pro­blème à la conscience des catho­liques. Sans recher­cher ni connaître sa culpa­bi­li­té dans l’af­freuse démo­li­tion de l’Église sous son Pontificat, on ne peut pas ne pas recon­naître qu’il en a accé­lé­ré les causes dans tous les domaines. Comment un suc­ces­seur de Pierre a‑t-​il pu en si peu de temps cau­ser plus de dom­mages à l’Église que la Révolution de 89 ? On peut se le demander.

Des faits pré­cis comme les signa­tures appo­sées a l’ar­ticle VII de l’Instruction concer­nant le Nouvel Ordo Missae, ain­si qu’au docu­ment de la « Liberté Religieuse » sont scan­da­leux et sont l’oc­ca­sion pour cer­tains d’af­fir­mer que ce Pape était héré­tique et que du fait de son héré­sie il n’é­tait plus Pape. Les consé­quences de ce fait seraient que la plu­part des Cardinaux actuels ne le seraient pas et sont donc inaptes à élire un autre pape. Les papes Jean-​Paul Ier et Jean-​Paul II ne seraient donc pas élus légi­ti­me­ment. Il est donc inad­mis­sible de prier pour un Pape qui ne l’est pas et de conver­ser avec celui qui n’au­rait aucun titre à sié­ger sur la chaire de Pierre.

1. Exposé de la thèse sédévacantiste

Qu’on me per­mette d’abord de citer un auteur sédé­va­can­tiste : « Le sédé­va­can­tisme est une posi­tion théo­lo­gique sou­te­nue par un cer­tain nombre de catho­liques tra­di­tion­nels qui recon­naissent cer­tai­ne­ment la papau­té, l’infaillibilité du pape, et la pri­mau­té du Pontife Romain, mais qui ne recon­naissent plus Jean-​Paul II comme un vrai pape. Le mot sédé­va­can­tisme est com­po­sé de deux mots latins qui signi­fient que « la Chaire est vacante ».((Sedevacantism, par Mgr Mark A. Pivarunas, Cmri. Mgr Pivarunas est le supé­rieur de la Congregatio Mariae Reginae Immaculatae (Congrégation de Marie Reine Immaculée). Mgr Pivarunas a reçu son épis­co­pat d’é­vêques de la lignée de Mgr Thuc. Les prêtres de la CMRI sont en charge de l’é­cole du Mont Saint-​Michel, à Spokane, WA, USA.)) Le sédé­va­can­tisme appa­raît alors être une posi­tion théo­lo­gique ou une théo­rie tenue par quelques catho­liques tra­di­tion­nels qui pensent que les papes les plus récents, ceux du concile Vatican II, ont per­du leur auto­ri­té pon­ti­fi­cale à cause des héré­sies graves qu’ils ont répan­dues, et de la crise qui s’en est suivie.

1.1. Argument théologique des sédévacantistes

Il consiste à dire : « Un héré­tique ne peut pas être à la tête de l’Église, or Jean-​Paul II est un héré­tique, donc il ne peut pas être pape. » Un sédé­va­can­tiste notoire, le Frère Michael Diamond, O.S.B., du Monastère de la Sainte-​Famille, NY, USA, a éta­bli une liste des « 202 héré­sies de Vatican II » et des « 101 héré­sies de Jean-​Paul II ». Soit dit en pas­sant, le Frère Michael Diamond pense que la FSSPX, la FSSPV (Fraternité Sacerdotale St Pie V) et la CMRI (Congregatio Mariae Reginae Immaculatae) sont héré­tiques parce qu’ils croient au bap­tême de désir qui, selon lui, est une néga­tion du dogme « hors de l’Église, point de salut ». Le Frère Michael Diamond a une répu­ta­tion éta­blie pour ses posi­tions extrêmes dans plu­sieurs domaines. De fait, il s’at­tri­bue une auto­ri­té quasi-​magistérielle qui lui per­met de faire des juge­ments infaillibles où il a rai­son et tous les autres ont tort. Il agit comme un pape.

1.2. Arguments canoniques des sédévacantistes

Il s’a­git de consi­dé­rer que les lois de l’Église inva­lident l’é­lec­tion d’un héré­tique, et que le car­di­nal Wojtyla était un héré­tique lors de son élec­tion, donc il ne peut pas être pape. Les sédé­va­can­tistes citent la Bulle Papale Cum ex Apostolatus Officio du pape Paul IV qui dit que si quel­qu’un était héré­tique avant l’é­lec­tion papale, il ne pou­vait pas deve­nir un pape valide, même s’il était élu à l’u­na­ni­mi­té par les car­di­naux. Ils basent aus­si leur argu­men­ta­tion sur le droit canon((Toutes mes réfé­rences au droit canon sont basées sur le Code de Droit Canon publié en 1917 sous le Pape Benoît XV)), Canon 188 §4 : « Tout office devient vacant ipso fac­to et sans aucune décla­ra­tion par tacite rési­gna­tion recon­nue par la loi elle-​même et, dans le cas d’un clerc… §4 : s’il renonce publi­que­ment à la foi catho­lique. »

2. Sommaire des opinions théologiques sur le pape hérétique

Pour cette étude, je sui­vrai le tra­vail d’Arnaldo Xavier de Silveira dans son livre « La Nouvelle Messe de Paul VI, Qu’en pen­ser ? » (Ci-​après : LNM)((LNM : j’u­ti­li­se­rai cette abré­via­tion pour le livre La Nouvelle Messe de Paul VI : Qu’en pen­ser ?)) Après avoir expo­sé com­ment la Nouvelle Messe s’écarte de l’enseignement tra­di­tion­nel de l’Église, cet auteur fait une étude appro­fon­die de l’hypothèse théo­lo­gique d’un pape héré­tique. Une telle étude était très appré­ciée de Mgr Lefebvre qui la qua­li­fia « d’étude très objec­tive de Xavier de Silveira ». A ma connais­sance, c’est l’é­tude la plus com­plète et la plus claire sur le sujet. Elle fut d’a­bord publiée dans une série d’ar­ticles du maga­zine Catolicismo au Brésil, de 1969 à 1971. Cette publi­ca­tion était sous le contrôle du mou­ve­ment TFP((TFP (Tradition, Famille, Propriété) est un mou­ve­ment qui a été fon­dé au Brésil dans les années trente par le Professeur Plinio Correa de Oliviera qui, pen­dant 40 ans, a été un ami proche de Mgr Antonio de Castro Mayer. Plinio a écrit un livre fameux sur la réforme agraire au Brésil, où il défen­dit avec suc­cès les prin­cipes catho­liques. Cependant, au début des années 80, Mgr Antonio de Castro Mayer se sépa­ra publi­que­ment de la TFP quand il fut convain­cu que la TFP était deve­nue une secte basée sur le culte de la per­son­na­li­té, et ayant pour but la glo­ri­fi­ca­tion du fon­da­teur bré­si­lien, le Dr. Plinio Correa de Oliveira. Des jeunes de ten­dance idéa­liste et reli­gieuse ont été atti­rés par ce pro­gramme très convain­quant. Ces appels à la tra­di­tion morale dog­ma­tique et litur­gique, très atti­rants en nos temps dif­fi­ciles, sont mal­heu­reu­se­ment uti­li­sés comme appâts pour atti­rer des indi­vi­dus dans la secte.)) (Tradition, Famille, Propriété). Une tra­duc­tion fran­çaise fut publiée en 1975. Puis la TFP inter­dit toute autre publi­ca­tion ou tra­duc­tion de ce livre. Le fait que LNM fait un inven­taire de 136 auteurs qui parlent de la pos­si­bi­li­té d’un pape héré­tique, ajou­té au sens théo­lo­gique raf­fi­né de Xavier de Silveira, rend cette étude inap­pré­ciable et inégalée

2.1. Les cinq opinions de saint Robert Bellarmin

Opinions rap­por­tées dans LNMLeur rang selon saint Robert BellarminPrincipaux défen­seurs
1. Le pape ne peut jamais tom­ber dans l’hérésie.1e. Opinion selon St. Robert BellarminPighi, Suarez St. Robert Bellarmin, Matthaeucci, Bouix, Billot
2. Théologiquement, on ne peut exclure l’hypothèse du pape héré­tique (voir ci-dessous)
2.1. En rai­son de son héré­sie, le pape ne perd jamais le pontificat.3e Opinion selon St. Robert BellarminBouix
2.2. Le pape héré­tique perd le pon­ti­fi­cat (voir ci-dessous)
2.2.1. La perte du pon­ti­fi­cat arrive au moment même où le pape tom­be­rait dans l’hérésie interne, c’est à dire avant sa mani­fes­ta­tion extérieure.2e Opinion selon St. Robert BellarminTorquemada
2.2.2. Il perd le pon­ti­fi­cat lorsque son héré­sie devient manifeste.5e Opinion selon St. Robert BellarminSt. Robert Bellarmin,
Billot, Cano
2.2.3. Il perd le pon­ti­fi­cat seule­ment sur décla­ra­tion d’hérésie par un concile, les car­di­naux, des groupes d’évêques, etc.
2.2.3.1. Cette décla­ra­tion serait réel­le­ment une déposition.Cette opi­nion est condam­née par l’Église comme hérétique
2.2.3.2. Cette décla­ra­tion ne serait pas réel­le­ment une dépo­si­tion, mais sim­ple­ment un acte consta­tant la perte du pon­ti­fi­cat par le pape hérétique4e Opinion selon St. Robert BellarminCajetan, Suarez

1re opinion

« Dieu ne per­met­trait jamais qu’un pape tombe dans l’hé­ré­sie ». Les défen­seurs de cette opi­nion prouvent que Notre-​Seigneur ne per­met­trait jamais à un pape de tom­ber dans l’hé­ré­sie. Pour le Cardinal Billot, la pos­si­bi­li­té théo­lo­gique d’un pape de tom­ber dans l’hé­ré­sie ne devien­drait jamais une réa­li­té, selon la pro­messe de Notre-​Seigneur : « Et le Seigneur dit : “Simon, Simon, voi­ci que Satan t’a récla­mé pour te cri­bler comme le fro­ment ; mais j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point ; et toi quant tu seras conver­ti, affer­mis tes frères” » (Luc XXII, 31–32). Pour Billot, cette pro­messe s’ap­pli­que­rait non seule­ment à saint Pierre, mais aus­si à ses suc­ces­seurs, comme cela a tou­jours été com­pris par la Tradition. A l’en­contre de cette opi­nion, nous avons le cas du pape Honorius (625–638), qui a été condam­né en 680 par le 3e Concile de Constantinople à cause de ses lettres au Patriarche Sergius, les­quelles étaient favo­rables à l’hé­ré­sie monothélite((L’hérésie mono­thé­lite pré­tend qu’il n’y a seule­ment une volon­té chez Notre-​Seigneur, niant par là l’exis­tence de ses volon­tés humaines et divines.)). Qu’on me per­mette de citer ce concile : « Ayant trou­vé que (les lettres d’Honorius) sont en com­plet désac­cord avec les dogmes apos­to­liques et les défi­ni­tions des saints conciles, et de tous les Pères de renom ; et que, au contraire, ils conduisent aux fausses doc­trines des héré­tiques, nous les reje­tons et les condam­nons comme étant un poi­son pour les âmes… Nous affir­mons aus­si qu’Honorius, qui fut pape de l’an­cienne Rome, a aus­si été reje­té de la Sainte Église Catholique de Dieu et est ana­thé­ma­ti­sé à cause des lettres qu’il envoya à Sergius, où il adop­ta ses idées per­ni­cieuses et réaf­fir­ma ses prin­cipes impies. »((LNM, p 246)) Il faut remar­quer qu’une telle condam­na­tion arrive 42 ans après la mort d’Honorius. Par ailleurs, peu importe quelle sorte de juge­ment est por­té sur le pape Honorius, c’est un fait éta­bli que nous avons un docu­ment pon­ti­fi­cal offi­ciel qui admet qu’un pape peut tom­ber dans l’hé­ré­sie. Il s’a­git d’un docu­ment du pape Adrien II, daté de plus de 200 ans après la mort d’Honorius : « Après sa mort, Honorius a été ana­thé­ma­ti­sé par l’Église d’Orient ; mais nous ne devons pas oublier qu’il était accu­sé d’hé­ré­sie, le seul crime qui ren­dait légi­time la résis­tance des infé­rieurs aux ordres de leurs supé­rieurs et le refus de leurs doc­trines mali­cieuses. » Comme nous le voyons, la 1ère opi­nion de saint Robert Bellarmin a des rai­sons en sa faveur et d’autres contre elle. Nous devons donc affir­mer que cette 1ère opi­nion est seule­ment probable.

2e opinion

« S’il tombe dans l’hé­ré­sie, même interne, le pape per­drait son pon­ti­fi­cat ipso fac­to. » Cette opi­nion est main­te­nant aban­don­née par les théo­lo­giens. Parce que l’Église est visible, il est néces­saire que son gou­ver­ne­ment soit visible et ne dépende pas d’actes internes.

3e opinion

« Même s’il tombe dans une héré­sie notoire, le pape ne perd jamais son pon­ti­fi­cat. » Xavier de Silveira com­mente ain­si : « par­mi les 136 auteurs que nous avons consul­tés (pour le livre LNM), Bouix est le seul à défendre cette opi­nion. » Nous pou­vons dire comme saint Robert Bellarmin que cette opi­nion est très impro­bable, car elle va contre le consen­te­ment una­nime de la Tradition de l’Église.

4e opinion

« Le pape héré­tique per­drait effec­ti­ve­ment son pon­ti­fi­cat seule­ment sur une décla­ra­tion offi­cielle d’hé­ré­sie. » Il est clair qu’une telle décla­ra­tion ne peut être juri­dique, car le pape n’a pas de supé­rieur sur la terre qui soit capable de le juger. Ce serait seule­ment un acte non juri­dique par lequel Jésus-​Christ lui-​même démet­trait le pape de ses fonc­tions. Même si une telle opi­nion est défen­due par de sérieux théo­lo­giens comme Cajetan et Suarez, elle n’est pas rete­nue par saint Robert Bellarmin. Je vois deux dan­gers poten­tiels dans cette opi­nion : le risque de tom­ber dans l’hé­ré­sie du conci­lia­risme – qui a été condam­née par l’Église – ou, du moins, de tom­ber dans le sub­jec­ti­visme. Qui pour­ra nous dire, pour sûr, qu’une décla­ra­tion d’hé­ré­sie venant d’un groupe d’é­vêques n’est pas une ten­ta­tive de déposition ?

5e opinion

« S’il tom­bait dans l’hé­ré­sie le pape per­drait son pon­ti­fi­cat ipso fac­to. » Quelques auteurs disent que le pape per­drait son pon­ti­fi­cat ipso facto au moment pré­cis où son héré­sie devien­drait externe ; d’autres main­tiennent que le pape héré­tique per­drait son pon­ti­fi­cat seule­ment quand son héré­sie devien­drait notoire et répan­due publi­que­ment. Parmi les cinq opi­nions étu­diées par saint Robert Bellarmin, cette 5e opi­nion appa­raît la plus probable.

3. Conséquences de l’hérésie d’un pape

3.1. Est-​ce qu’un pape peut être hérétique ?

Plusieurs papes ont ensei­gné qu’un pape peut ensei­gner des héré­sies contre la foi. Le pape Adrien VI († 1523) dit que : « Si dans l’Église romaine, on consi­dère la tête ou le pon­tife, il est hors de ques­tion qu’un Pape peut errer dans les domaines tou­chant à la foi. Il le fait quand il enseigne une héré­sie par son juge­ment propre ou par ses décrets. En véri­té, beau­coup de pon­tifes romains ont été héré­tiques. Le der­nier en date était le pape Jean XXII (†1334). » Le bien­heu­reux pape Pie IX (†1878) a recon­nu le dan­ger qu’un pape soit héré­tique et « enseigne (…) contrai­re­ment à la foi catho­lique », et il a ordon­né : « ne le sui­vez pas ». Il dit encore : « si, dans le futur, un pape enseigne quoi que ce soit contre la foi Catholique, ne le sui­vez pas. » (Lettre à Mgr Brizen).

3.2. Incompatibilité entre l’hérésie et la juridiction ecclésiastique

L’Écriture Sainte et la Tradition enseignent clai­re­ment qu’il y a une pro­fonde incom­pa­ti­bi­li­té in radice (dans la racine) entre la condi­tion d’hé­ré­tique et la pos­ses­sion d’un titre de juri­dic­tion ecclé­sias­tique, parce qu’un héré­tique cesse d’être un membre de l’Église. Cependant une telle incom­pa­ti­bi­li­té n’est pas abso­lue, c’est pour­quoi les théo­lo­giens uti­lisent l’ex­pres­sion in radice (à la racine). De la même manière qu’une plante peut res­ter verte un cer­tain temps après avoir été déra­ci­née, de même la juri­dic­tion peut être main­te­nue, quoique de manière pré­caire après que le clerc soit tom­bé dans l’hé­ré­sie (cf. Suarez). Les théo­lo­giens basent leur argu­men­ta­tion sur le Droit Canon, Can. 2314 : « Tous les apos­tats de la foi chré­tienne, et chaque véri­table héré­tique et schis­ma­tique encourent l’ex­com­mu­ni­ca­tion ipso fac­to. S’ils ne res­pectent pas les aver­tis­se­ments, ils seront pri­vés de leur béné­fice, digni­té, office… et, s’ils sont clercs, après les aver­tis­se­ments néces­saires, ils seront dépo­sés. » Puis, le Can. 2264 déclare illi­cite, mais pas auto­ma­ti­que­ment inva­lide, les actes de juri­dic­tion posés par quel­qu’un qui a été excom­mu­nié : « Un acte de juri­dic­tion posé par une per­sonne excom­mu­niée, que ce soit au for interne ou au for interne, est illi­cite ; cepen­dant si une sen­tence condam­na­toire a été pro­non­cée, il devient inva­lide, sans por­ter pré­ju­dice aux pres­crip­tions du Can. 2261 ; sinon il est valide. » Donc le clerc héré­tique ne perd pas auto­ma­ti­que­ment ses fonc­tions, mais doit être dépo­sé en bonne et due forme par l’au­to­ri­té légi­time. Nous pou­vons en conclure que l’hé­ré­sie, même externe, n’en­lève pas auto­ma­ti­que­ment la juri­dic­tion. A l’en­contre de notre thèse, cer­tains pour­raient uti­li­ser le Can. 188 §4 : « Tout office devient vacant par le fait même et sans décla­ra­tion, dans le cas d’une rési­gna­tion tacite recon­nue par la loi elle-​même, si le clerc… (§4) : aban­donne publi­que­ment la foi Catholique. » Les sédé­va­can­tistes uti­lisent ce canon comme une preuve de poids pour leurs thèses, cepen­dant ce canon ne peut être consi­dé­ré comme une preuve finale que le pape a per­du son office. On doit se rap­pe­ler que le pape est tou­jours au-​dessus de la loi posi­tive, comme celle du Can. 188. Un tel argu­ment serait déci­sif seule­ment s’il pou­vait être prou­vé que les dis­po­si­tions cano­niques du Can. 188 appar­tiennent au droit divin posi­tif de l’Église. Il devrait ensuite être prou­vé que cette loi divine posi­tive s’ap­plique en bonne et due forme au cas spé­ci­fique du pape. Mais, c’est pré­ci­sé­ment sur cette ques­tion que les plus grands théo­lo­giens sont en désac­cord depuis des siècles.

3.3. Juridiction de l’hérétique

Étant cou­pée à la racine, la juri­dic­tion de l’hé­ré­tique ne dis­pa­raît pas auto­ma­ti­que­ment, mais elle res­te­ra aus­si long­temps qu’elle sera main­te­nue par l’au­to­ri­té supé­rieure. Un tel cas se pro­dui­ra si le pape main­tient la juri­dic­tion d’un évêque héré­tique qui n’a pas encore été puni selon les dis­po­si­tions des Canons 2264 et 2314. Mais, que se passe-​t-​il si le pape lui-​même tombe dans l’hé­ré­sie ? Qui a le pou­voir de le main­te­nir dans sa juri­dic­tion ? Ce n’est pas l’Église, ou même un groupe d’é­vêques, car le pape est tou­jours supé­rieur à l’Église, et n’est pas lié par la loi ecclé­sias­tique. Selon LNM((LNM, p 276- 279)), le Christ lui-​même pour­rait, au moins pour un temps, main­te­nir la juri­dic­tion d’un pape héré­tique. Quelle pour­rait être la rai­son qui pour­rait jus­ti­fier le main­tien d’un pape héré­tique dans ses fonc­tions ? Les théo­lo­giens ont consi­dé­ré dif­fé­rentes réponses à cette ques­tion. La réponse la plus sérieuse à cette ques­tion capi­tale serait de dire que le Christ pour­rait main­te­nir le pape héré­tique dans sa juri­dic­tion aus­si long­temps que son héré­sie n’est pas assez notoire et divul­guée de façon large. Entre-​temps, tous les actes de juri­dic­tion d’un tel pape seraient valides et, s’il devait pro­non­cer une défi­ni­tion dog­ma­tique, cette défi­ni­tion serait de même valide. Dans ce cas, le Saint-​Esprit par­le­rait par la bouche du pape, comme il a par­lé par la bouche de l’â­nesse de Balaam (Nombres XXII, 28–30). Cette conclu­sion de Xavier de Silveira est tout à fait en accord avec la pen­sée de saint Robert Bellarmin. Le fameux père domi­ni­cain Garrigou-Lagrange((R.P. Réginald Garrigou-​Lagrange o.p. (†1964) : Il fut l’un des plus talen­tueux théo­lo­giens du XXe siècle. Il était par­ti­cu­liè­re­ment répu­té pour sa capa­ci­té extra­or­di­naire de faire une syn­thèse de la pen­sée de saint Thomas d” Aquin. Dans ses nom­breux ouvrages, il s’est mon­tré comme un théo­lo­gien tho­miste et romain accom­pli. cf. Pour La Sainte Église Romaine, V.A. Berto, Cèdre, 1976.)) par­vient à la même conclu­sion. Basant son rai­son­ne­ment sur Billuart, il explique dans son trai­té De Verbo Incarnato qu’un pape héré­tique, bien qu’il ne soit plus membre de l’Église, peut cepen­dant en res­ter à la tête. En effet, ce qui est impos­sible dans le cas d’une tête phy­sique est pos­sible, quoiqu’anormal, pour une tête morale secon­daire. La rai­son en est que, alors qu’une tête phy­sique ne peut pas influen­cer les membres sans rece­voir l’in­flux vital de l’âme, une tête morale, comme l’est le Pontife Romain, peut exer­cer sa juri­dic­tion sur l’Église même si elle ne reçoit pas de l’âme de l’Église un influx de foi inté­rieure ou de cha­ri­té. En bref, le pape est consti­tué comme membre de l’Église par sa foi per­son­nelle qu’il peut perdre, mais il est tête de l’Église par la juri­dic­tion et l’au­to­ri­té qu’il a reçues, et celles-​ci peuvent co-​exister avec sa propre hérésie.

3.4. Hérésie publique et notoire

Ces concepts doivent être com­pris selon les prin­cipes du Droit Canon. Selon la loi de l’Église, un crime public n’est pas néces­sai­re­ment quelque chose qui est fait en public et rap­por­té par les camé­ras de télé­vi­sion, comme le pensent la plu­part des gens. Voici ce qu’en dit le fameux cano­niste Bouscaren : « Classification selon la publi­ci­té : Un crime est public, s’il est déjà connu du com­mun, ou si les cir­cons­tances sont telles qu’elles conduisent à conclure qu’il peut le deve­nir faci­le­ment ; (…) “Connu de façon publique” signi­fie qu’il est connu de la majo­ri­té des habi­tants ou de la com­mu­nau­té. Cependant cela ne doit pas être com­pris de façon mathé­ma­tique, mais selon une esti­ma­tion morale pru­dente. Un crime peu res­ter occulte même s’il était connu d’un cer­tain nombre de per­sonnes dis­crètes ; mais il peut deve­nir public s’il par­vient à la connais­sance d’un petit nombre de per­sonnes qui s’empressent de le divul­guer. »((Canon Law : A Text and Commentary, Bouscaren, 1951)) Comme le pape est le pas­teur uni­ver­sel de l’Église entière, com­ment peut-​on appli­quer ces prin­cipes au cas de son héré­sie ? Selon les cano­nistes, un acte d’hé­ré­sie du pape devient public si sa connais­sance en aura été répan­due de façon large au milieu des fidèles de l’Église Universelle ; de telle sorte qu’il soit connu de la plu­part d’entre eux, ou au moins qu’il soit pra­ti­que­ment impos­sible d’en empê­cher la divul­ga­tion. Cette héré­sie devra être publiée de façon large, et aus­si être notoire – de telle sorte qu’elle devienne publique selon les termes cano­niques. Pour que l’hé­ré­sie d’un pape soit notoire, non seule­ment l’acte héré­tique doit être connu de façon publique, comme nous l’a­vons vu, mais encore il doit être com­pris comme un acte dont la res­pon­sa­bi­li­té cri­mi­nelle a été recon­nue de façon légale. En autres termes, pour recon­naître la res­pon­sa­bi­li­té cri­mi­nelle du pape héré­tique de façon légale – de telle sorte que son héré­sie puisse être décla­rée cano­ni­que­ment notoire – non seule­ment la connais­sance de son héré­sie devra être répan­due de façon large dans l’Église, comme nous l’a­vons vu ci-​dessus, mais encore elle devra être recon­nue par­tout comme un crime mora­le­ment imputable.

3.5. Notoriété de droit et notoriété de fait.

3.5.1. Notoriété de droit

Un crime devient notoire d’une noto­rié­té de droit seule­ment quand une sen­tence judi­ciaire a été ren­due par un juge com­pé­tent – mais le pape n’a pas de supé­rieurs et nul n’a com­pé­tence juri­dique pour le juger : « Le pre­mier Siège ne peut être jugé par per­sonne. »((Canon 1556)) – Donc nul acte héré­tique de Jean-​Paul II ne peut être consi­dé­ré comme notoire d’une noto­rié­té de droit.

3.5.2. Notoriété de fait

Pouvons-​nous dire la même chose au sujet de la noto­rié­té de fait de l’hé­ré­sie du pape ? Pour que ce soit le cas, il fau­drait qu’elle soit recon­nue par­tout comme héré­tique et mora­le­ment impu­table – comme per­ti­nace (per­sis­tant et déter­mi­né jus­qu’à l’en­tê­te­ment). Ce qui veut dire que l’acte doit être non seule­ment notoire maté­riel­le­ment, en étant connu de façon large ; mais encore notoire for­mel­le­ment, l’acte étant lar­ge­ment recon­nu comme impu­table mora­le­ment au crime d’hé­ré­sie for­melle. Voyons ce qu’en disent les cano­nistes : « Une offense est notoire d’une noto­rié­té de fait, si elle est connue publi­que­ment et a été com­mise selon des cir­cons­tances qui ne per­mettent pas d’en­vi­sa­ger qu’elle puisse être cachée par quelque sub­ter­fuge que ce soit, ou excu­sée par une excuse recon­nue par la loi ; c’est-​à-​dire le fait de l’of­fense et l’im­pu­ta­bi­li­té ou la res­pon­sa­bi­li­té cri­mi­nelle doivent être connues publi­que­ment. »((A Practical Commentary on the Code of Canon Law, Woywod Smith, 1943)) Ainsi, un acte d’hé­ré­sie papale serait notoire d’une noto­rié­té de fait seule­ment s’il était “connu publi­que­ment” – et si son “impu­ta­bi­li­té ou res­pon­sa­bi­li­té cri­mi­nelle” étaient “connues publi­que­ment”. Vu qu’il n’y pas de juge qui soit com­pé­tent pour juger que le pape est cou­pable, il s’en suit que la faute serait notoire seule­ment si elle était connue du grand public – il est aus­si requis que le grand public sache que l’acte était impu­table mora­le­ment. Il est aus­si requis que l’acte ne puisse être excu­sé par un appel à un quel­conque “acci­dent”, à une sorte de “légi­time défense”, ou n’im­porte quelle autre excuse admise par la loi ; il est aus­si néces­saire qu’on ne puisse l’ex­cu­ser par n’im­porte quel “sub­ter­fuge” que ce soit.

3.6. Est-​il possible de déclarer que Jean-​Paul II est un hérétique notoire et pertinace ?

Même si les concepts de notoire et de per­ti­nace sont clairs en théo­rie, néan­moins leur appli­ca­tion concrète est extrê­me­ment dif­fi­cile, sur­tout dans le cas du pape. La rai­son prin­ci­pale en est qu’une telle per­ti­na­ci­té est déter­mi­née par la recon­nais­sance de l’hé­ré­sie par l’au­to­ri­té légi­time. Il serait néces­saire que la connais­sance que Jean-​Paul II a com­mis une héré­sie se soit répan­due à tra­vers l’Église uni­ver­selle – ce qui mani­fes­te­ment n’est pas le cas, car seule­ment une mino­ri­té très infime de l’Église, moins de un pour mille, l’af­firme – mais il serait aus­si néces­saire que la connais­sance de la faute d’hé­ré­sie for­melle et per­ti­nace du pape, se soit aus­si répan­due par­tout dans L’Église. Il serait aus­si requis qu’au­cun recours ne puisse recé­ler l’acte ou la faute : aucune excuse pro­ve­nant de tra­duc­tions tra­fi­quées du texte ori­gi­nal ou de jeux de camé­ras ; aucune excuse pro­ve­nant d’é­cri­vains mal­hon­nêtes ; aucune excuse pro­ve­nant du vieil âge ; aucune excuse par faute d’i­gno­rance, ou de confu­sion sur la doc­trine en ques­tion ; aucune excuse en rai­son d’une erreur d’é­cri­ture ou de dis­cours ; aucune excuse du fait que ces paroles étaient “en quelque sorte com­pa­tibles avec la doc­trine de la Foi, à condi­tion que l’on com­prenne son dis­cours dans le cadre de la phi­lo­so­phie moderne” ; aucune excuse basée sur une sorte de légi­time défense ecclé­siale dans un contexte social et ecclé­sial qui se trouve libé­ral et hos­tile. Même s’il était impos­sible de cacher le crime et s’il n’y avait aucune défense ou excuse qui ne puisse être prise de façon légale, néan­moins la majeure par­tie de l’Église devrait être capable de recon­naître la faute morale et le fait que l’acte n’a­vait pas d’ex­cuse légale. Il serait néces­saire que le crime ne puisse être caché aux gens de n’im­porte quelle manière, ou par n’im­porte quel stra­ta­gème, que ce soit par les prêtres ou par la presse catho­lique. C’est un fait que l’Église a de nom­breuses res­sources et que les fidèles sont très dociles et res­pec­tueux et que pra­ti­que­ment per­sonne n’a recon­nu l’hé­ré­sie du pape, sans par­ler de sa culpa­bi­li­té morale et de son inex­cu­sa­bi­li­té légale. De fait, les prêtres et les fidèles ont embras­sé les mêmes héré­sies que Jean-​Paul II et ne voient rien de mal à cela, ou encore disent qu’il est “le meilleur pape” qui ait jamais exis­té, des choses qu’on entend dire fré­quem­ment. Même la vaste majo­ri­té de la mino­ri­té qui n’a pas embras­sé les mêmes héré­sies que lui, ne voit pas ou n’ac­cepte pas que le pape soit dans l’hé­ré­sie – et la por­tion infime qui voit clair a ten­dance à l’ex­cu­ser comme n’ayant pas la per­ti­na­ci­té requise, mais essaye d’ex­pli­quer son atti­tude par la situa­tion géné­rale dans l’Église, sur­tout depuis Vatican II, qui a aveu­glé presque tout le monde sur un cer­tain nombre de vraies doc­trines de la Foi. Il est évident que l’hé­ré­sie de Jean-​Paul II est for­mel­le­ment secrète selon les cri­tères cano­niques, peu importe si elle appa­raît claire à cer­tains “tra­di­tio­na­listes” ; ses actes n’ont pas été recon­nus comme mora­le­ment impu­tables et léga­le­ment inex­cu­sables. Donc, son héré­sie ne peut être recon­nue d’une noto­rié­té de fait et, en consé­quence elle n’est pas notoire ; et les condi­tions légales par les­quelles les cano­nistes ont mon­tré la pos­si­bi­li­té pour un pape de perdre son office pour cause d’hé­ré­sie, n’ont pas été remplies.

3.7. Pourrait-​on présumer la pertinacité de Jean-​Paul II ?

A la vue de l’in­sis­tance du Pape à pro­mou­voir les voies nou­velles, qui vont à l’en­contre de la tra­di­tion et de ses témoins actuels, pourrait-​on avan­cer cette opi­nion ? En soi, peut-​être, mais cer­tai­ne­ment pas de manière sociale, de telle sorte que cela puisse conduire à la perte de l’of­fice, etc…, qui ne peut être pré­su­mée, mais doit être prou­vée, autre­ment les socié­tés ne pour­raient sur­vivre. On peut com­prendre qu’une réponse trop rapide et impru­dente à cette ques­tion dif­fi­cile pour­rait faci­le­ment entraî­ner quel­qu’un à s’en­li­ser dans les sables du sédé­va­can­tisme. Si Jean-​Paul II fait sou­vent des affir­ma­tions ou des décla­ra­tions qui conduisent à l’hé­ré­sie, il est néan­moins dif­fi­cile de prou­ver qu’il se rend compte qu’il rejette un dogme de l’Église. Il appa­raît que, dans sa conduite, Jean-​Paul II est pro­fon­dé­ment convain­cu qu’il rend le meilleur ser­vice à l’Église((Récemment, à nou­veau, le Pape Jean-​Paul II a fait les louanges de son pré­dé­ces­seur Paul VI, et du Concile Vatican II qui « a mar­qué un vrai renou­veau de l’Église. ». Il a ajou­té : « L’Église est vivante aujourd’­hui plus que jamais ! Mais : quand on y pense, il reste encore beau­coup à faire le tra­vail com­mence aujourd’­hui et ne finit jamais. » Angelus, Castelgandolfo, le 9 août 2004.)). Comment est il pos­sible pour des sujets de prou­ver avec une cer­ti­tude morale que le Pape, au plus pro­fond de son cœur (c’est-​à-​dire en lui-​même), espère et tra­vaille sciem­ment pour le mal de ses sujets, et que c’est pour cette rai­son qu’il a pro­mul­gué des lois mau­vaises ? Ce n’est pas pos­sible. Comme un libé­ral typique, Jean-​Paul II mul­ti­plie les décla­ra­tions ambi­guës, et fait des conces­sions pour plaire au monde. Il peut se pro­duire qu’il pro­nonce des décla­ra­tions héré­tiques sans même s’en rendre compte : donc, il ne peut être consi­dé­ré comme un héré­tique for­mel.((Le Sel de la Terre, n°49 (2004), p. 28. Revue tri­mes­trielle d’é­tudes théo­lo­giques de qua­li­té, publiée par les pères domi­ni­cains tra­di­tion­nels d’Avrillé, France. Cette revue est dans l’es­prit de Mgr Marcel Lefebvre et de la FSSPX dans le com­bat pour la Tradition.)) En consé­quence, aus­si long­temps qu’il nous est impos­sible de conclure avec une preuve sûre, il est plus pru­dent de s’abs­te­nir de juger. Ce fut l’at­ti­tude pru­dente de Mgr Lefebvre.

4. Problèmes avec la thèse sédévacantiste

Après l’é­tude le la pos­si­bi­li­té théo­lo­gique et cano­nique pour un pape de tom­ber dans l’hé­ré­sie, je vou­drais cou­vrir un sujet qui nous touche de près : ce que nous devons pen­ser au sujet des théo­ries sédé­va­can­tistes qui se répandent autour de nous.

4.1. Au sujet des qualités de l’Église : Visibilité et Indéfectibilité

La dif­fi­cul­té majeure du sédé­va­can­tisme est de pou­voir expli­quer com­ment l’Église peut conti­nuer d’exis­ter d’une manière visible, alors qu’elle a été dépouillée de sa tête. Saint Robert Bellarmin expose la croyance uni­ver­selle et constante dans la visi­bi­li­té de l’Église. Il dit que c’est prou­vé par la néces­si­té d’o­béir à la tête visible de l’Église, sous peine de dam­na­tion éternelle((DTC (Dictionnaire de Théologie Catholique), Dublanchy, article Église, col. 2143)). La visi­bi­li­té de l’Église est direc­te­ment liée au pon­tife romain. Le Concile Vatican I a ensei­gné que la per­ma­nence et la source de l’u­ni­té de l’Église dépendent de l’exis­tence per­pé­tuelle du pon­tife romain : « Pour que l’é­pis­co­pat fût un et non-​divisé, pour que, grâce à l’u­nion étroite et réci­proque des pon­tifes, la mul­ti­tude entière des croyants soit gar­dée dans l’u­ni­té de la foi et de la com­mu­nion, pla­çant le bien­heu­reux Pierre au-​dessus des autres Apôtres, Il éta­blit en sa per­sonne le prin­cipe durable et le fon­de­ment visible de cette double uni­té (…) Parce que les portes de l’en­fer se dressent de toutes parts avec une haine de jour en jour crois­sante contre ce fon­de­ment éta­bli par Dieu, pour ren­ver­ser, s’il se pou­vait, l’Église, Nous jugeons néces­saire pour la pro­tec­tion, la sau­ve­garde et l’ac­crois­se­ment du trou­peau catho­lique, avec l’ap­pro­ba­tion du saint concile, de pro­po­ser à tous les fidèles la doc­trine qu’ils doivent croire et tenir sur l’ins­ti­tu­tion, la per­pé­tui­té et la nature de la pri­mau­té du Siège apos­to­lique, sur lequel reposent la force et la soli­di­té de l’Église, confor­mé­ment à la foi antique et constante de l’Église uni­ver­selle, et aus­si de pros­crire et de condam­ner les erreurs contraires, si per­ni­cieuses pour le trou­peau du Seigneur. »((Constitution Pastor Aeternus, 18 Juillet 1870)) Dom Gréa uti­lise des termes très forts pour expli­quer la per­pé­tui­té du Siège de Pierre : « Si l’ins­ti­tu­tion de Saint Pierre est telle que par lui, et par lui seule­ment, Jésus-​Christ, chef de l’Église, soit ren­du visible…. Il est mani­feste qu’une pareille ins­ti­tu­tion doit durer autant que l’Église, puisque l’Église ne peut être un seul ins­tant pri­vée de la com­mu­ni­ca­tion de vie qui lui vient de son chef. Si donc l’Église ne peut se pas­ser un seul jour de la pré­sence mani­fes­tée et du gou­ver­ne­ment exté­rieur et visible de son divin époux, il a bien fal­lu pour­voir à la suc­ces­sion de Saint Pierre. »((De L’Église et de sa Divine Constitution, Dom Gréa, Paris, 1885, p. 153. Cet ouvrage donne un com­men­taire de la consti­tu­tion dog­ma­tique Pastor Aeternus du Concile Vatican I. Il contient aus­si une sec­tion très inté­res­sante au sujet de « l’ac­tion extra­or­di­naire de l’é­pis­co­pat », qui donne une jus­ti­fi­ca­tion doc­tri­nale aux actions des évêques catho­liques en temps de crise. Dom Gréa énu­mère trois rai­sons : 1. Un état de néces­si­té tel que l’exis­tence même de la reli­gion serait en dan­ger ; 2. Si le minis­tère des pas­teurs ordi­naires est anni­hi­lé ou est ren­du impuis­sant ; 3. Quand il n’y a pas d’es­poir de recours pos­sible au Saint-​Siège.)) Cette cita­tion de Dom Gréa doit être com­prise cor­rec­te­ment. Entre la mort d’un pape et l’é­lec­tion du sui­vant, il y a une période d’in­ter­règne où le gou­ver­ne­ment visible de l’Église au jour le jour est assu­ré par les offices du Saint-​Siège. Voici com­ment la per­ma­nence de l’ins­ti­tu­tion de saint Pierre se conti­nue d’un pape à son suc­ces­seur. Les papes saint Pie X, Pie XI, Pie XII, Jean XXIII, Paul VI et Jean-​Paul II éta­blirent des règles pré­cises pour le temps de la vacance du Siège Apostolique, entre la mort d’un pape et l’é­lec­tion de son suc­ces­seur. Ces règles pré­cisent les pou­voirs de car­di­naux et de la curie romaine durant l’in­ter­règne. Le plus long inter­règne de l’his­toire de l’Église ne fut que de trois ans. Maintenant, pour ceux qui suivent la théo­rie des sédé­va­can­tistes, l’Église serait sans pape pour au moins qua­rante ans. Les sédé­va­can­tistes((Sedevacantism, par Mgr Mark A. Pivarunas, Cmri, op. cit.)) pré­tendent qu’ils ne rejettent pas la papau­té, la pri­mau­té et l’in­dé­fec­ti­bi­li­té de l’Église, mais c’est un fait qu’ils ne peuvent pas nous dire de façon objec­tive qui sera le pro­chain pape, et par qui il sera élu. Voilà la dif­fi­cul­té prin­ci­pale de leur thèse.

4.2. Élection des papes récents : Jean XXIII, Paul VI, Jean-​Paul Ier et Jean-​Paul II

La Constitution Apostolique Cum ex Apostolatus du Pape Paul IV (1555 – 1559) déclare inva­lide l’é­lec­tion d’un héré­tique à n’im­porte quelle fonc­tion ecclé­sias­tique, y com­pris le pon­ti­fi­cat suprême. Cependant, cette bulle ne peut pas être uti­li­sée pour prou­ver l’in­va­li­di­té de l’é­lec­tion de Paul VI et de Jean-​Paul II. Tout d’a­bord, il faut rap­pe­ler que cette bulle était sim­ple­ment dis­ci­pli­naire, et non pas doc­tri­nale. Depuis ce temps, l’Église a jugé qu’il serait pré­fé­rable pour elle d’être gou­ver­née vali­de­ment par un héré­tique ; que de se retrou­ver dans une situa­tion où elle serait gou­ver­née inva­li­de­ment par un héré­tique, dont tous les actes seraient nuls et non ave­nus. La loi gou­ver­nant les élec­tions papales qui était en vigueur au moment des élec­tions des Papes Jean XXIII et Paul VI est celle publiée par ordre du Pape Pie XII, le 8 décembre 1945 : « Aucun car­di­nal – sous aucun pré­texte ou rai­son d’ex­com­mu­ni­ca­tion, sus­pense ou inter­dit, ou sous aucun autre empê­che­ment ecclé­sias­tique – ne peut être exclu de l’é­lec­tion active et pas­sive du Souverain Pontife. En consé­quence, nous sus­pen­dons l’ef­fet de telles cen­sures seule­ment pour les rai­sons de la dite élec­tion ; en toute autre occa­sion, elles (les cen­sures) res­tent en vigueur. »((Constitution Apostolique Vacantis Apostolicae Sedis, 8 décembre 1945)) Maintenant, la par­ti­ci­pa­tion “active” à une élec­tion signi­fie le vote, et la par­ti­ci­pa­tion “pas­sive” signi­fie la pos­si­bi­li­té d’être élu, en deve­nant le sujet “pas­sif” de l’é­lec­tion. Donc, aucun car­di­nal sujet de “n’im­porte quelle excom­mu­ni­ca­tion” n’é­tait “exclu de l’é­lec­tion active et pas­sive du Souverain Pontife”, et n’im­porte lequel d’entre eux aurait pu deve­nir pape. Donc, même si Jean XXIII et Paul VI avaient pu être excom­mu­niés pour quelque rai­son que ce soit, ils auraient néan­moins été élus vali­de­ment à la papau­té. La même conclu­sion peut être appli­quée à Jean-​Paul Ier et Jean-​Paul II, qui ont été élus sous une légis­la­tion sub­stan­tiel­le­ment iden­tique, publiée le 1er octobre 1975 par le pape Paul VI. Eux aus­si ont été élus vali­de­ment. Le Père Brian W. Harrison com­mente : « Si la loi de l’Église exi­geait qu’un car­di­nal soit libre de toute cen­sure ecclé­sias­tique pour être éli­gible à la papau­té, les élec­teurs ne pour­raient avoir aucune garan­tie qu’un can­di­dat n’é­tait de fait pas éli­gible à cause d’un crime secret par lequel il aurait encou­ru l’ex­com­mu­ni­ca­tion. Sans le réa­li­ser, ils auraient contri­bué à une élec­tion inva­lide, dans laquelle le “pape” qu’ils auraient élu ne serait pas vrai­ment pape. L’invalidité de ses actes serait alors une sorte de can­cer spi­ri­tuel, qui détrui­rait len­te­ment de l’in­té­rieur les struc­tures vitales de l’Église : les évêques nom­més par lui n’au­raient pas de droit véri­table à gou­ver­ner leurs dio­cèse res­pec­tifs ; aucune légis­la­tion pas­sée par lui n’au­rait force de loi ; et, en par­ti­cu­lier, les car­di­naux nom­més par lui ne pour­raient vali­de­ment élire un futur pape. Comment donc pourrait-​on avoir à nou­veau un vrai pape ? Qui serait com­pé­tent pour tran­cher la situa­tion ? Au moment où le fait de cette excom­mu­ni­ca­tion occulte serait révé­lé au grand jour, le chaos qui s’en sui­vrait serait inima­gi­nable. Personne ne pour­rait savoir de façon cer­taine qui aurait encore une auto­ri­té réelle dans l’Église, et un schisme – pro­ba­ble­ment une série de schismes – seraient presque inévi­tables. Pour cette situa­tion catas­tro­phique, les lois de l’Église ont donc pré­vu que, s’il est élu pape, même un héré­tique secret ou même un apos­tat pour­rait effec­ti­ve­ment mon­ter sur la Chaire de Pierre avec tous les droits de juri­dic­tion sur l’Église uni­ver­selle sur la terre. »((A Heretical Pope Would Govern The Church Illicitly But Validly, Living Tradition, Mai 2000)) Mgr Lefebvre fit aus­si allu­sion au sujet d’un autre pro­blème qui aurait pu affec­ter l’é­lec­tion des papes récents : « L’éloignement des car­di­naux de plus de 80 ans, et les conven­ti­cules qui ont pré­pa­ré les deux der­niers conclaves ne rendent-​ils pas inva­lide l’é­lec­tion de ces papes : inva­lide, c’est trop affir­mer, mais éven­tuel­le­ment dou­teux. Toutefois l’ac­cep­ta­tion de fait pos­té­rieure à l’é­lec­tion, et una­nime de la part des car­di­naux et du cler­gé romain suf­fit à vali­der l’é­lec­tion. C’est l’o­pi­nion des théo­lo­giens. »((La Nouvelle Messe et le Pape, Mgr Lefebvre, le 8 novembre 1979.))

4.3. Le cas du Cardinal Siri

Certains sédé­va­can­tistes arguent que plu­sieurs défauts sérieux ont affec­té les conclaves qui ont élu les papes Jean XXIII, Paul VI et, par voie de consé­quence, Jean-​Paul Ier et Jean-​Paul II. Il est pré­ten­du que le car­di­nal Giuseppe Siri, l’an­cien arche­vêque de Gênes en Italie, aurait été élu pape au cours des conclaves de 1958, 1963 et, peut-​être 1978. Le car­di­nal Siri était extrê­me­ment popu­laire en Italie, sur­tout en rai­son de ses impor­tantes réa­li­sa­tions dans le domaine social à Gênes. Il était aus­si consi­dé­ré comme un conser­va­teur affer­mi, bien qu’il ne se soit pas levé pour défendre publi­que­ment la Tradition durant le Concile Vatican II. Donc, appa­rem­ment, le car­di­nal Siri aurait été élu pape durant le Conclave qui a sui­vi la mort du Pape Pie XII. D’aucuns vont même jus­qu’à affir­mer qu’il aurait accep­té l’é­lec­tion de ses frères car­di­naux, et aurait pris le nom de Grégoire XVII. Peu de temps avant que l’é­lec­tion ne soit ren­due publique au monde, un groupe de car­di­naux se serait révol­té contre lui, et l’au­rait for­cé à renon­cer au pon­ti­fi­cat suprême. Puis le car­di­nal Roncalli fut choi­si et appa­rut au monde sous le nom de Jean XXIII. Certains sédé­va­can­tistes disent avoir trou­vé un rap­port du FBI qui étaye cette hypo­thèse. Ils ajoutent que le “pape Siri” a créé secrè­te­ment des car­di­naux pour pou­voir lui suc­cé­der dans le futur. 

Franchement, cette hypo­thèse n’a pas de sens, pour un cer­tain nombre de rai­sons. Tout d’a­bord, il y a une loi de l’Église qui lie sous le sceau du secret tous les par­ti­ci­pants à un conclave, sous peine d’ex­com­mu­ni­ca­tion envers qui­conque bri­se­ra un tel sceau. Même si le car­di­nal Siri avait été élu cor­rec­te­ment comme pape, c’est un fait qu’il ne le mon­tra jamais en public. Il était par­mi les car­di­naux qui ren­dirent allé­geance aux papes Jean XXIII et Paul VI. Après les conclaves de 1968 et de 1963, il retour­na à son dio­cèse de Gênes. En 1969, quoique à contre­cœur, il adop­ta le Novus Ordo Missae. Entre-​temps, un prêtre fran­çais, M. l’ab­bé Guérin, avait éta­bli une com­mu­nau­té “conser­va­trice” de prêtres à Gênes. Dans les années 70, M. l’ab­bé Guérin vivait à Paris, en France, où il célé­brait une messe Novus Ordo toute en latin, avec bar­rette et encens à laquelle j’ai assis­té quelques fois. Je connais per­son­nel­le­ment deux membres de la com­mu­nau­té de M. l’ab­bé Guérin qui ont été ordon­nés prêtres par le car­di­nal Siri. Ils ont main­te­nant un apos­to­lat en France, et disent la Nouvelle Messe. Leur ordi­na­tion eut lieu avec le Nouvelle Messe, quoique de façon plus tra­di­tion­nelle. Finalement, le car­di­nal Siri est mort en 1989. Mais la rai­son la plus impor­tante pour laquelle nous devons écar­ter la thèse du “pape Siri”, c’est le prin­cipe fon­da­men­tal selon lequel une accep­ta­tion pai­sible d’un pape par l’Église uni­ver­selle est le signe infaillible et l’ef­fet d’une élec­tion valide. Tous les théo­lo­giens sont d’ac­cord sur ce point. Le car­di­nal Billot dit : « Dieu peut per­mettre qu’une vacance du Siège Apostolique dure un cer­tain temps. Il peut aus­si per­mettre que quelque doute s’é­lève sur la légi­ti­mi­té de telle ou telle élec­tion. Cependant, Dieu ne per­met­tra jamais que l’Église toute entière recon­naisse comme pape quel­qu’un qui ne l’est pas réel­le­ment et léga­le­ment. De telle sorte que, dès qu’un pape est accep­té par l’Église et qu’il est uni avec elle comme la tête est unie au corps, on ne peut plus éle­ver le moindre doute que l’é­lec­tion aurait été viciée… Car l’ac­cep­ta­tion uni­ver­selle de L’Église gué­rit à la racine n’im­porte quelle élec­tion viciée. »((Billot, Tractatus de Ecclesia Christi, Vol. I, pp. 612–613. Avec le Père Garrigou-​Lagrange o.p., Louis Card. Billot s.j. était l’un des plus grands et plus qua­li­fiés théo­lo­giens du XXe siècle. Il était un ami proche du P. Henri Le Floch C.S. Sp., supé­rieur du sémi­naire fran­çais de Rome, où Mgr Lefebvre fit ses études. Citons M. l’ab­bé Berto, qui étu­dia aus­si dans le même sémi­naire sous le P. Le Floch, et qui fut le théo­lo­gien per­son­nel de Mgr Lefebvre pen­dant le Concile Vatican II : « Le génie du car­di­nal Billot fut d’a­voir retrou­vé, sépa­ré, dila­té, renou­ve­lé la doc­trine de l’Ange de l’École (saint Thomas d’Aquin) ; de l’a­voir ensei­gné dans sa pure­té avec un accent per­son­nel et une maî­trise incom­pa­rable. » Pour La Sainte Église Romaine, V.A. Berto, Cèdre, 1976. p. 110)) 

Maintenant, la preuve par l’ab­surde : ima­gi­nons que j’aie com­plè­te­ment tort et que, en réa­li­té, le car­di­nal Siri fut bel et bien le vrai pape qui est sor­ti des conclaves de 1958 et 1963. Allons plus loin : ima­gi­nons pour un moment que le “pape Siri” nom­ma secrè­te­ment des car­di­naux pour pou­voir lui suc­cé­der après sa mort. De tels car­di­naux nom­més secrè­te­ment sont appe­lés car­di­naux in pec­tore (près du cœur). Il arri­va un cer­tain nombre de fois dans l’his­toire de l’Église que des papes créèrent des car­di­naux in pec­tore. Pour dif­fé­rentes rai­sons, les papes n’ont pas vou­lu rendre public leurs noms, au moins pour un cer­tain temps. Habituellement, la rai­son invo­quée était pour pro­té­ger la vie de tels car­di­naux, vivant dans des pays où l’Église est per­sé­cu­tée. Ce fut le cas du car­di­nal Slipyj, tête de l’Église Ukrainienne de 1944 à 1984. Il y a cepen­dant une règle qui dit que le nom de tout car­di­nal créé in pec­tore doit être ren­du public par le pape qui l’a nom­mé. Donc, tous les car­di­naux créés en secret dont le nom n’a pas été ren­du public avant la mort du pape qui les a nom­més per­draient auto­ma­ti­que­ment leur titre((Canon 233 n°2 : « Si, cepen­dant, le Pontife Romain annonce la créa­tion de (quelque) car­di­nal en Consistoire, (mais) garde son nom réser­vé dans son cœur, celui qui a été pro­mu entre-​temps ne reçoit aucun des droits et pri­vi­lèges d’un car­di­nal, mais, quand le Pontife Romain rend son nom public par la suite, il béné­fi­cie­ra alors de ces pri­vi­lèges depuis le jour de la publi­ca­tion, mais avec le droit de pré­séance depuis (le temps) de la réser­va­tion dans le cœur. »)). Ce fut le cas du car­di­nal Slipyj, qui avait été nom­mé car­di­nal in pec­tore par Jean XXIII en 1960. Vu que Jean XXIII ne révé­la jamais son nom, le car­di­nal Slipyj ne put par­ti­ci­per au conclave de 1963. Cependant, en 1965, le pape Paul VI res­tau­ra offi­ciel­le­ment le titre du Cardinal Slipyj, lui don­nant ain­si tous les droits et pri­vi­lèges d’un car­di­nal de la Sainte Église Romaine. En consé­quence, tous et cha­cun des car­di­naux qui auraient été nom­més secrè­te­ment par le “pape Siri” per­dirent leur titre en 1989, à la mort du car­di­nal Siri, et per­dirent aus­si auto­ma­ti­que­ment le droit de par­ti­ci­per à l’é­lec­tion du suc­ces­seur du “pape Siri”. Un tel argu­ment n’est peut être pas concluant pour cer­tains. Ils peuvent essayer de nous dire que le “pape Siri” chan­gea la loi de l’é­lec­tion pon­ti­fi­cale de façon à per­mettre aux car­di­naux in pec­tore d’y par­ti­ci­per, et ain­si d’as­su­rer l’é­lec­tion de son suc­ces­seur. Quand on va si loin, la seule chose que nous pou­vons dire est que ces malades de la conspi­ra­tion ont per­du com­plè­te­ment contact avec la réalité.

4.4. Le cas de Mgr Thuc

Peu importe les divi­sions du monde sédé­va­can­tiste, c’est un fait éta­bli qu’il sur­vit sacra­men­tel­le­ment grâce aux consé­cra­tions épis­co­pales de Mgr Martin Ngo-​Dihn-​Thuc (1897–1984). Mgr Thuc était l’an­cien arche­vêque catho­lique romain de Hué, au Vietnam. À l’é­poque de la chute du Vietnam au com­mu­nisme en 1975, il dût s’exi­ler en dehors du pays, et fut plus ou moins aban­don­né par les auto­ri­tés romaines. En 1976, il consa­cra évêque Clemente Dominguez, le fon­da­teur de la secte de Palmar de Troya, en Espagne. Mgr Thuc fut alors excom­mu­nié par le Vatican à cause de cette consé­cra­tion, mais fut » récon­ci­lié » par Paul VI au cours de la même année. En 1977, il consa­cra évêque Mgr Laborie, le fon­da­teur de la secte appe­lée Église Latine de Toulouse. Puis, en 1981–1982, il consa­cra évêque Mgr Guérard des Lauriers, ain­si que trois autres évêques, en dif­fé­rentes céré­mo­nies tenues en secret dans son appar­te­ment de Toulon, en France. En 1982, il publia un docu­ment appe­lé la Déclaration de Munich par lequel il décla­ra vacant le Siège de Pierre, autre­ment dit que Jean-​Paul II avait per­du sa charge. Puis, Mgr Thuc fut fina­le­ment » récon­ci­lié » par le Vatican peu avant sa mort, en 1984. Ainsi, de 1976 à sa mort, Mgr Thuc a oscil­lé entre le sédé­va­can­tisme et la récon­ci­lia­tion avec le Vatican. Ce fait est suf­fi­sant pour qu’on s’in­ter­roge sur le sérieux de la Déclaration de Munich. Je pense que c’é­tait un homme bon, qui fut abu­sé par beau­coup en rai­son sa dis­po­ni­bi­li­té à consa­crer des évêques ; mais il ne pour­rait pas être consi­dé­ré comme celui que Dieu a choi­si comme ins­tru­ment de sa Providence, quoique son action appa­rut pro­vi­den­tielle aux sédé­va­can­tistes !((Sedevacantism – A False Solution to a Real Problem, pp. 51–57, Angelus Press, 2003)) N’oublions pas que les évêques sédé­va­can­tistes, et les prêtres qu’ils ont ordon­nés viennent tous de la lignée épis­co­pale de Mgr Thuc.

5. Attitude sédévacantiste

5.1. Messe Una Cum

Mgr Guérard des Lauriers((R.P. (ensuite Mgr) Michel Guérard des Lauriers o.p. (+1988). Dans les années 70, le P. Guérard avait été appe­lé par Mgr Lefebvre pour ensei­gner au sémi­naire d’Ecône. Plus tard, Mgr Lefebvre dût ren­voyer le P. Guérard des Lauriers à cause de ses thèses sédé­va­can­tistes. Vers la fin des années 70, le P. Guérard des Lauriers avait éla­bo­ré sa thèse du pape maté­riel, connue sous le nom de thèse de Cassiciacum. En 1981, il fut consa­cré évêque par Mgr Thuc.)) avait l’ha­bi­tude de dire que : « citer le nom de Jean-​Paul II au Te Igitur de la Sainte Messe est objec­ti­ve­ment et iné­luc­ta­ble­ment un double crime de sacri­lège et de schisme capi­tal. » Au contraire, l’ex­pres­sion Una cum du Canon de la Messe ne signi­fie pas qu’on affirme qu’on soit « en com­mu­nion » avec les opi­nions erro­nées du pape, mais plu­tôt qu’on veut prier pour l’Église et « pour » le pape, sa tête visible. Pour être cer­tain de cette inter­pré­ta­tion, signa­lons la rubrique du mis­sel pour la célé­bra­tion de la messe par un évêque. Dans ce cas, l’é­vêque doit prier pour l’Église « Una cum… me indi­gno famu­lo tuo », ce qui ne signi­fie pas qu’il prie « en com­mu­nion avec… moi-​même, votre indigne ser­vi­teur » (ce qui n’au­rait pas de sens !), mais qu’il prie « et pour…moi-même, votre indigne ser­vi­teur. » On peut donc dire que ceux qui refusent de nom­mer le pape durant le canon de la messe pensent que l’Église a per­du sa tête visible. Cette atti­tude est schismatique !

5.2. Validité des nouveaux Sacrements

Beaucoup de sédé­va­can­tistes sou­tiennent que la Nouvelle Messe et les nou­veaux sacre­ments sont tou­jours inva­lides. Ils consi­dèrent que tous les prêtres ordon­nés dans le nou­veau rite, après 1969, ne sont pas prêtres. A ce sujet, qu’on me per­mette de citer Mgr Lefebvre : « Or il est aisé de démon­trer que la messe nou­velle … mani­feste un rap­pro­che­ment inex­pli­cable avec la théo­lo­gie et le culte pro­tes­tants. Les dogmes fon­da­men­taux de la sainte messe n’ap­pa­raissent plus clai­re­ment et sont même contre­dits… Doit-​on pour autant dire que toutes ces messes sont inva­lides ? Des lors que les condi­tions essen­tielles existent pour la vali­di­té, c’est-​à-​dire la matière, la forme, l’in­ten­tion et le prêtre vali­de­ment ordon­né, on ne voit pas com­ment on pour­rait l’af­fir­mer. Les prières de l’of­fer­toire, du Canon et de la com­mu­nion du prêtre qui entourent la consé­cra­tion sont néces­saires à l’in­té­gri­té du sacri­fice et du sacre­ment mais non à sa validité…Qu’il y ait tou­jours moins de messes valides à mesure que la foi des prêtres se cor­rompt et qu’ils n’aient plus l’in­ten­tion de faire ce qu’a tou­jours fait l’Église, car l’Église ne peut chan­ger d’in­ten­tion, c’est évident. La for­ma­tion actuelle de ceux qui sont dits sémi­na­ristes ne les pré­pare pas à accom­plir des messes valides. »((La Nouvelle Messe et le Pape, Mgr Lefebvre, le 8 novembre 1979))

5.3. Confusion sur la vraie nature de l’Église

A ce point, je vou­drais pou­voir don­ner un diag­nos­tic de l’at­ti­tude sédé­va­can­tiste. « Les sédé­va­can­tistes sont vrai­ment obsé­dés par la ques­tion de la papau­té. On peut se deman­der si chez beau­coup d’entre eux, cela n’est pas dû à une sorte de trau­ma­tisme psy­cho­lo­gique. Leur véné­ra­tion ances­trale pour le pape semble avoir déclen­ché une véri­table panique à la vue du contraste qu’il existe entre – leur image idéa­li­sée et ché­rie de la papau­té – et la réa­li­té des papes Paul VI et Jean-​Paul II. Le sédé­va­can­tisme appa­raît davan­tage comme un pro­blème psy­cho­lo­gique que théo­lo­gique… Nous voyons donc trop bien les effets que ces consi­dé­ra­tions théo­lo­giques peuvent pro­duire sur des catho­liques pas­sion­nés. Ils sont deve­nus leur propre pape. Ils jugent leurs prêtres. Beaucoup d’entre eux n’ont plus recours au sacre­ment de péni­tence. Ils ne prêtent plus l’o­reille aux ensei­gne­ments infaillibles de l’Église. De façon géné­rale, ils apportent la ruine morale sur leurs familles. »((Concerning a sede­va­can­tist Thesis, SiSiNoNo, édi­tion anglaise, Novembre 1998)) Leur image ché­rie et idéa­liste de la papau­té les conduit à agir en pra­tique comme si l’Église était seule­ment une ins­ti­tu­tion divine. Au contraire, l’Église fon­dée par Jésus-​Christ, est à la fois divine et humaine. Elle est divine dans son ori­gine, dans la per­sonne de son fon­da­teur et dans sa tête invi­sible… mais elle est humaine dans ses membres, en par­ti­cu­lier dans sa tête visible, le pape. En tant que divine, l’Église est l’é­pouse du Christ sans tache et sans souillure… mais, en tant qu’­hu­maine, l’Église est com­po­sée d’hommes qui, comme vous et moi, sont des pécheurs. Ainsi donc, nous ne devrions pas être sur­pris si le pré­sent pape peut tra­hir son maître, comme le fit saint Pierre. Avec le sédé­va­can­tisme, nous voyons revivre les vielles erreurs de Jean Wycliffe et Jean Hus, qui pré­ten­daient que les pécheurs avaient ces­sé d’être membres de l’Église. Voici quelques pro­po­si­tions condam­nées au Concile de Constance (1414–1418) : « Si le pape est réprou­vé et mau­vais, et par consé­quent, un membre du diable, per­sonne ne lui a don­né de pou­voir sur les fidèles, sauf peut-​être César.« 1 et : « Si le pape est mau­vais et sur­tout s’il est réprou­vé, comme Judas l’a­pôtre, il est du diable… et il n’est pas la tête de la Sainte Église mili­tante, car il ne lui appar­tient pas.« 2.

5.4. Subjectivisme

Peu importe com­ment ils essayent de jus­ti­fier leur posi­tion, il nous faut admettre que la thèse sédé­va­can­tiste n’est pas basée sur des faits objec­tifs, mais plu­tôt sur du sub­jec­ti­visme. Le cri­tère objec­tif requis par la théo­lo­gie catho­lique pour la recon­nais­sance d’un vrai pape est la recon­nais­sance de l’é­lu par les car­di­naux, les évêques et par toute l’Église. Dans le cer­veau des sédé­va­can­tistes, ce cri­tère ne peut plus être objec­tif, mais devra néces­sai­re­ment faire appel à une source qui est fon­da­men­ta­le­ment sub­jec­tive, même si on essaye­ra de se jus­ti­fier en la fai­sant appa­raître comme objec­tive. Parce que l’at­ti­tude sédé­va­can­tiste n’est pas basée sur les prin­cipes sûrs et objec­tifs de la théo­lo­gie catho­lique, on ne doit pas être sur­pris de voir cer­tains ren­ver­se­ments et retour­ne­ments pour le moins sur­pre­nants : dans les années 80, le P. Olivier de Blignières, qui était un ardent défen­deur de la thèse sédé­va­can­tiste du P. Guérard des Lauriers, avait fon­dé en France une com­mu­nau­té. Puis, en 1988, dans la fou­lée du Motu Proprio Ecclesia Dei Afflicta du Pape Jean-​Paul II, le même P. de Blignières fit un retour­ne­ment com­plet, et se mit entre les mains de la com­mis­sion Ecclesia Dei. Sa com­mu­nau­té, sous le nom de Fraternité Saint-​Vincent-​Ferrier, fut immé­dia­te­ment recon­nue par les auto­ri­tés romaines, et obtint le sta­tut de droit pon­ti­fi­cal. Au cours des années 80, dans le domaine doc­tri­nal, le P. de Blignières pen­sait que la liber­té reli­gieuse était héré­tique. Maintenant, il écrit des livres pour jus­ti­fier la liber­té reli­gieuse de Vatican II.3

6. Jugement sur le sédévacantisme

Pourrions-​nous dire que la thèse sédé­va­can­tiste est sim­ple­ment une thèse erro­née, mais que nous devrions tolé­rer dans un esprit de cha­ri­té ? Non, je pense que le sédé­va­can­tisme est très dan­ge­reux. Il conduit à une atti­tude qui n’est pas catho­lique, mais schismatique.

6.1. Schisme

« En consé­quence, il est vrai qu’il peut y avoir quelque dis­cus­sion théo­lo­gique de savoir si les sédé­va­can­tistes sont for­mel­le­ment schis­ma­tiques ou non. La réponse à cela dépend du degré de sédé­va­can­tisme. Il y a des sédé­va­can­tistes radi­caux, qui disent que nous sommes héré­tiques puisque nous sommes en com­mu­nion avec un héré­tique (Wojtyla). Ceux-​ci sont cer­tai­ne­ment schis­ma­tiques, car ils rejettent clai­re­ment la com­mu­nion avec les vrais catho­liques, qui ne sont aucu­ne­ment moder­nistes. En fai­sant de leur sédé­va­can­tisme qua­si­ment un article de foi, ils tombent cer­tai­ne­ment dans la caté­go­rie de per­sonnes visées par le Canon 1325§ 2 qui déclare schis­ma­tique : « Est schis­ma­tique celui qui rejette la com­mu­nion avec les membres de l’Église qui lui (le Souverain Pontife) sont sou­mises. » C’est en consé­quence par leur refus d’être une par­tie de l’Église, et parce qu’ils font de fait une “église” selon leurs idées, que les sédé­va­can­tistes sont cer­tai­ne­ment schis­ma­tiques. »((Is a Sedevacantist to be consi­de­red a non-​Catholic ? Questions/​Answers, Fr. Peter Scott, Angelus maga­zine)) C’est exac­te­ment les cas du CMRI (Mont St. Michel, à Spokane), qui dit : « Est-​ce que les catho­liques tra­di­tion­nels sont sujets de la hié­rar­chie locale, et ulti­me­ment de Rome ?… Il (le sédé­va­can­tiste) recon­naît que, de fait, il n’est point sujet et sous l’o­béis­sance de Jean-​Paul II. »((Sedevacantism, par Mgr Mark A. Pivarunas, Cmri)) D’autres sédé­va­can­tistes disent que, compte tenu de la défaillance de la hié­rar­chie de Vatican II, ils peuvent main­te­nant élire leur pape. Une telle théo­rie est appe­lée concla­visme. C’est la caté­go­rie la plus radi­cale du sédé­va­can­tisme, mais de fait la plus logique. Il y a main­te­nant une ving­taine de “papes” dans le monde, par exemple “Grégoire XVII”, de Saint-​Jovite au Québec ; “Pie XIII” aux Etats-​Unis… Certainement, le concla­visme est schis­ma­tique. Cela veut-​il dire que tout et cha­cun sédé­va­can­tiste est un schis­ma­tique for­mel ? Je n’i­rai pas jusque là. Parmi les gens qui suivent les théo­ries sédé­va­can­tistes, il y a un cer­tain nombre de catho­liques per­plexes qui sont atti­rés par les réponses “simples” et “claires” des maîtres sédé­va­can­tistes aux pro­blèmes de la situa­tion dans l’Église. C’est prin­ci­pa­le­ment à ces catho­liques per­plexes que cette étude est adres­sée : méfiez vous des mirages du sédé­va­can­tisme, ils vont vous éloi­gner de l’Église et des sacrements !

6.2. Maladie spirituelle des sédévacantistes

6.2.1. Désolation spirituelle

Est-​il pos­sible de com­prendre l’é­tat d’un esprit sédé­va­can­tiste ? Je dirais qu’il est carac­té­ri­sé par une idée fixe, qui est presque une obses­sion. Apparemment, leur esprit s’est figé sur le pro­blème du pape, qui leur appa­raît comme étant très sérieux et très urgent. C’est un cas typique de déso­la­tion spi­ri­tuelle, par laquelle leur âme est trou­blée aus­si long­temps qu’une “réponse claire” n’a pas été trou­vée à ce pro­blème sérieux. Les sédé­va­can­tistes affirment qu’il y a un besoin urgent de faire un juge­ment sur les papes de Vatican II. Pour eux, c’est le pro­blème fon­da­men­tal sur lequel tous les catho­liques tra­di­tion­nels devraient s’ap­pli­quer. Par exemple, voi­ci une cita­tion de Mgr Pivarunas : « Aussi déplai­sant que ce soit, les catho­liques tra­di­tion­nels sont confron­tés aux pro­blèmes ter­ribles et aux ques­tions brû­lantes : Est-​ce que l’Église conci­liaire est l’Église catho­lique ? Est-​ce que Jean-​Paul II, en tant que tête de l’Église conci­liaire, est un vrai pape ?… Le moins qu’on puisse dire, c’est que la ques­tion du pape est une ques­tion dif­fi­cile, et qui n’est pas plai­sante ; mais c’est une ques­tion néces­saire et d’im­por­tance qui ne peut être igno­rée. »((Sedevacantism, par Mgr Mark A. Pivarunas, Cmri)) Résumons l’ap­proche sédé­va­can­tiste du pro­blème du pape :

  1. c’est une ques­tion qui leur tient à cœur ;
  2. ils réclament une réponse finale avec une cer­ti­tude absolue ;
  3. ce pro­blème est tel­le­ment urgent qu’il devient le centre le leur atten­tion, au point de perdre de vue le reste. 

Ainsi, ce n’est pas tant contre l’Église moderne – dont ils ne font pas grand cas – qu’ils dirigent leurs flèches, mais contre leurs frères catho­liques tra­di­tio­na­listes qui ne par­tagent pas leurs conclu­sions. Saint François de Sales a souf­fert une déso­la­tion spi­ri­tuelle très sem­blable. C’était au sujet de la pré­des­ti­na­tion. Son intel­li­gence était engluée dans ce pro­blème et l’an­goisse d’être réprou­vé quoi qu’il fasse ne le quit­tait jamais. Plus il étu­diait, plus des ques­tions nou­velles appa­rais­saient, et plus il déses­pé­rait. Comment saint François a‑t-​il été capable de sor­tir de cette pri­son intel­lec­tuelle ? Un jour, il tom­ba à genoux devant une sta­tue de Notre-​Dame et dit : « Ô Sainte Vierge, je sens que je vais être dam­né. Si je dois mau­dire Dieu pour toute éter­ni­té, je vou­drais au moins vous offrir cette jour­née pour rendre gloire à Dieu. » Il se rele­va gué­ri. Il était par­ve­nu à mettre son obses­sion au second plan au pro­fit de l’humble accom­plis­se­ment du devoir quo­ti­dien. Appliquons cet exemple au para­site sédé­va­can­tiste : « Qui sait si Jean-​Paul II est pape ? Qui sait si la Fraternité Saint-​Pie X est schis­ma­tique, car elle recon­naît le pape et ne lui obéit pas ? » Dans un cer­veau sédé­va­can­tiste, de telles ques­tions pro­duisent des réac­tions émo­tives pro­fondes, qui conduisent à la colère et à la panique : le sédé­va­can­tiste exige une réponse com­plète tout de suite. Cette sorte de déso­la­tion spi­ri­tuelle est très dan­ge­reuse. Elle menace des âmes pieuses, qui se sont convain­cues qu’elles tra­hi­raient leur conscience, si elles ose­raient igno­rer ces pro­blèmes fon­da­men­taux. Ce pro­blème afflige les per­sonnes qui sont ten­tées par l’or­gueil intel­lec­tuel, et qui ont une ten­dance à recher­cher les solu­tions les plus extrêmes et les plus déses­pé­rées, comme le Frère Michael Diamond, du Monastère de la Très Sainte Famille.

6.2.2. Remède

Dans le livre des Exercices Spirituels, saint Ignace de Loyola donne les règles du dis­cer­ne­ment des esprits. Voici celles qui devraient être appli­quées au cas de déso­la­tion spi­ri­tuelle des sédé­va­can­tistes : ne faire aucun chan­ge­ment aux réso­lu­tions pré­cé­dentes (5e règle) ; contre-​attaquer la ten­ta­tion par la prière et la péni­tence (6e règle) ; poser un acte de volon­té par lequel on refuse de se lais­ser enfer­mer dans une contro­verse qu’on n’est pas qua­li­fié pour résoudre (12e règle). Pour atteindre ce but, il faut pra­ti­quer une stricte dis­ci­pline intel­lec­tuelle et une mor­ti­fi­ca­tion de la volon­té propre, autre­ment dit l’hu­mi­li­té. Dans notre vie de tous les jours, il y a beau­coup de pro­blèmes que nous sommes inca­pables de résoudre, car nous ne sommes pas qua­li­fiés pour. Il nous faut savoir le recon­naître avec humi­li­té. Plus encore, je pense qu’il est néces­saire de cal­mer et de dédra­ma­ti­ser le pro­blème du pape : quand vous allez appa­raître devant saint Pierre, ne pen­sez pas qu’il vous deman­de­ra quelle opi­nion vous avez eu au sujet de l’un de ses suc­ces­seurs. Soyons clair : je ne pré­tends pas vou­loir éva­cuer le pro­blème réel de l’Église depuis Vatican II, mais sim­ple­ment don­ner quelques règles simples de dis­ci­pline intel­lec­tuelle pour dédra­ma­ti­ser la ques­tion sédé­va­can­tiste, qui appa­raît clai­re­ment comme un cas de déso­la­tion intel­lec­tuelle. Souvenez-​vous tou­jours que le démon est un men­teur. Il se sert du para­site sédé­va­can­tiste pour détour­ner cer­taines âmes pieuses des moyens de sanc­ti­fi­ca­tion, la messe et les sacre­ments. Soyez sur vos gardes !

7. La vraie nature du Magistère Infaillible

7.1. Est-​il concevable qu’on puisse trouver une hérésie dans un document du Magistère ?

Une étude super­fi­cielle des théo­lo­giens qui ont par­lé au sujet du pape héré­tique condui­rait à une réponse néga­tive à cette ques­tion. Examinée avec des lunettes sédé­va­can­tistes, on en vien­drait à la conclu­sion que l’exis­tence d’hé­ré­sies dans le magis­tère de Jean-​Paul II est une preuve de plus qu’il ne serait pas pape, et donc que tout son magis­tère serait nul et non ave­nu. Cependant, il est un fait que tous les auteurs qui ont étu­dié la pos­si­bi­li­té d’un pape héré­tique ont seule­ment consi­dé­ré la pos­si­bi­li­té du pape héré­tique en tant que per­sonne pri­vée((Le Sel de la Terre, n°47 (2003), p.73)), et ont consi­dé­ré la pos­si­bi­li­té d’une héré­sie dans un docu­ment offi­ciel comme étant hors de ques­tion, comme le rap­porte Xavier de Silveira((LNM, p 317)) En consé­quence, dans son article sur l’in­failli­bi­li­té du pape, Dublanchy dit qu’il ne peut être conclu que, par rai­son de son infailli­bi­li­té, le pape ne peut jamais tom­ber dans l’hé­ré­sie en tant que doc­teur privé.((DTC (Dictionnaire de Théologie Catholique), Dublanchy, article Infaillibilité du Pape, col. 1716))

7.2. Faillible ou Infaillible ?

Seulement récem­ment, après la défi­ni­tion de l’in­failli­bi­li­té à Vatican I, le sujet de l’in­failli­bi­li­té du magis­tère ordi­naire est ren­tré dans le débat théo­lo­gique. Il est très impor­tant d’a­voir des idées claires sur la nature du magis­tère infaillible du pape. Je vou­drais recom­man­der le livre Pope or Church ?((Pope or Church ? Angelus Press, 1998. Voici le titre fran­çais ori­gi­nal de ces études : Le Magistère pon­ti­fi­cal ordi­naire, lieu théo­lo­gique, par Dom Paul Nau, et L’infaillibilité du Magistère Ordinaire de l’Église, par le P. René-​Marie (Chanoine Berthod). Malheureusement, la ver­sion fran­çaise n’est pas actuel­le­ment dis­po­nible en librai­rie.)) qui contient deux essais sur l’in­failli­bi­li­té du magis­tère ordi­naire. Ce livre a été résu­mé dans un article publié dans le numé­ro de Janvier 2002 de la revue SiSi NoNo (ver­sion anglaise) : « La chose qui donne le plus de sou­ci aux catho­liques dans la crise pré­sente de l’Église, c’est pré­ci­sé­ment le “pro­blème du pape”. Il nous faut des idées claires à ce sujet. Nous devons évi­ter le nau­frage à droite et à gauche, d’un côté par l’es­prit de rébel­lion, de l’autre par une obéis­sance inadé­quate et ser­vile. L’erreur magis­trale sous-​jacente à beau­coup de catas­trophes actuelles, c’est de croire que le “Magistère Authentique” n’est rien d’autre que le “magis­tère ordi­naire”. » Il est très impor­tant de bien com­prendre ce qui est et ce qui n’est pas infaillible dans le magis­tère du pape. Xavier de Silveira affirme qu’on ne peut pas exclure la pos­si­bi­li­té de l’exis­tence d’une héré­sie dans un docu­ment pon­ti­fi­cal non infaillible((LNM, p 318)). Le R. P. Le Floch, supé­rieur du sémi­naire fran­çais de Rome, pré­dit en 1926 : « L’hérésie qui est en train de naître sera la plus dan­ge­reuse de toutes : l’exa­gé­ra­tion du res­pect dû au pape et l’ex­ten­sion illé­gi­time de son infailli­bi­li­té. » L’un de ses étu­diants n’é­tait rien d’autre que le futur arche­vêque Marcel Lefebvre.

7.3. Le cas du Magistère Conciliaire

Je vou­drais men­tion­ner un article très fouillé de M. l’ab­bé Alvaro Calderon, FSSPX, publié dans Le Sel de la Terre.((Le Sel de la Terre, n°47 (2003))) Dans cet article, M. l’ab­bé Calderon ana­lyse les condi­tions requises pour l’in­failli­bi­li­té du magis­tère ordi­naire. Il en conclut que le magis­tère conci­liaire (Vatican II et post-​conciliaire) n’est pas cou­vert par le cha­risme de l’in­failli­bi­li­té : « Il existe deux manières d’exer­cer le cha­risme de l’in­failli­bi­li­té, l’une extra­or­di­naire, l’autre ordi­naire et uni­ver­selle. Or, gagnées par le libé­ra­lisme, les auto­ri­tés conci­liaires n’ont pas vou­lu ensei­gner avec infailli­bi­li­té sur le mode extra­or­di­naire ; et pour cette rai­son même, elles ont empê­ché le magis­tère ordi­naire d’at­teindre l’u­ni­ver­sel. C’est pour­quoi le magis­tère conci­liaire n’est pas infaillible et ne pour­ra le deve­nir d’au­cune manière tant que les auto­ri­tés ecclé­sias­tiques ne se dépar­ti­ront pas de leur libé­ra­lisme. »((Le Sel de la Terre, n°47 (2003), p. 47)) N’oublions pas que les deux papes Jean XXIII et Paul VI n’ont pas vou­lu que le concile Vatican II soit un concile dog­ma­tique, mais un concile pas­to­ral en vue de pour­voir aux néces­si­tés du monde moderne. La peur à uti­li­ser le cha­risme d’in­failli­bi­li­té est typique des libé­raux. Mgr Lefebvre par­la du libé­ra­lisme de Paul VI : « Le libé­ra­lisme de Paul VI, recon­nu par son ami le car­di­nal Daniélou, est suf­fi­sant pour expli­quer les désastres de son pon­ti­fi­cat. Le pape Pie IX en par­ti­cu­lier a beau­coup par­lé du catho­lique libé­ral, qu’il consi­dé­rait comme le des­truc­teur de l’Église. Le catho­lique libé­ral est une per­sonne à double visage, dans la contra­dic­tion conti­nuelle. II veut demeu­rer catho­lique et est pos­sé­dé par la soif de plaire au monde. II affirme sa foi avec crainte de paraître trop dog­ma­tique et il agit en fait comme les enne­mis de la foi catho­lique. Un pape peut-​il être libé­ral et demeu­rer pape ? L’Église a tou­jours répri­man­dé sévè­re­ment les catho­liques libé­raux. Elle ne les a pas tous excom­mu­niés. »((La Nouvelle Messe et le Pape, Mgr. Lefebvre, le 8 novembre 1979))

8. Une attitude catholique pour notre temps.

8.1. Reconnaissance

Comme catho­liques, nous sommes tenus de croire tout ce que l’Église une, sainte, catho­lique et apos­to­lique croit et enseigne et nous dési­rons de tout notre cœur mou­rir dans cette foi, car hors de l’Église il n’y a pas de salut. Nous pro­fes­sons aus­si une com­mu­nion par­faite avec Pierre et avec son suc­ces­seur légi­time, et pour rien au monde nous ne nous sépa­re­rons de Pierre, le rocher sur lequel Jésus-​Christ a fon­dé son Église. Nous croyons fer­me­ment à l’in­failli­bi­li­té pon­ti­fi­cale telle qu’elle a été défi­nie par le pre­mier concile du Vatican. Nous recon­nais­sons que le pou­voir du pape n’est pas abso­lu, mais qu’il est déli­mi­té par la Sainte-​Écriture et la Tradition. A Dieu seul nous ren­dons une obéis­sance illi­mi­tée et inconditionnelle.

8.2. Résistance

Nous résis­tons aux auto­ri­tés ecclé­sias­tiques quand elles s’é­cartent de la Tradition. Soyons clairs : ce n’est pas par un juge­ment par­ti­cu­lier que nous choi­sis­sons ce que nous vou­lons suivre dans les ensei­gne­ments du pape Jean-​Paul II, mais c’est en ver­tu du cri­tère objec­tif qu’est la Tradition. La Fraternité Saint-​Pie X a pris un enga­ge­ment clair et défi­ni­tif en faveur de la Tradition. De ce fait, nous avons le droit de refu­ser les docu­ments offi­ciels qui s’é­cartent des 2000 ans de Tradition. Citons quelques théo­lo­giens de renom. Saint Thomas d’Aquin enseigne que, dans des situa­tions extrêmes, il est licite de s’op­po­ser publi­que­ment à une déci­sion papale, comme saint Paul résis­ta à saint Pierre (Galates II, 14) : « Cependant, on doit obser­ver que, si la foi est en dan­ger, un sujet pour­rait répri­man­der son pré­lat, même publi­que­ment. C’est ain­si que Paul, qui était sujet de Pierre, répri­man­da celui-​ci en public suite au dan­ger immi­nent de scan­dale concer­nant la foi et, comme le dit saint Augustin dans son com­men­taire sur Gal II, 11 : « Pierre don­na un exemple à ses supé­rieurs que, si à n’im­porte quel moment, ils devaient sor­tir de la voie droite, ils devraient s’at­tendre à être repris par leurs sujets. » »((Somme théo­lo­gique IIa IIae, Qu. 33, article 4, ad2)). Saint Robert Bellarmin dit : « Il est licite de résis­ter à un Souverain Pontife qui essaye de détruire l’Église. Je dis qu’il est licite de lui résis­ter en ne sui­vant pas ses ordres, et en empê­chant l’exé­cu­tion de sa volon­té »((De Romano Pontifice, Lib. II, c.29)). Le pape Léon XIII dit : « Mais, dès que le droit de com­man­der fait défaut, ou que le com­man­de­ment est contraire à la rai­son, à la loi éter­nelle, à l’au­to­ri­té de Dieu, alors il est légi­time de déso­béir, nous vou­lons dire aux hommes, afin d’o­béir à Dieu. »((Encyclique Libertas n°13)). Dom Guéranger : « Quand le pas­teur se change en loup, c’est au trou­peau de se défendre tout d’a­bord. Régulièrement sans doute la doc­trine des­cend des évêques au peuple fidèle, et les sujets, dans l’ordre de la foi, n’ont point à juger leurs chefs. Mais il est dans le tré­sor de la révé­la­tion des points essen­tiels, dont tout chré­tien, par le fait même de son titre de chré­tien, a la connais­sance néces­saire et la garde obli­gée. Le prin­cipe ne change pas, qu’il s’a­gisse de croyance ou de conduite, de morale ou de dogme. Les tra­hi­sons pareilles à celle de Nestorius sont rares dans l’Église ; mais il peut arri­ver que des pas­teurs res­tent silen­cieux, pour une cause ou pour l’autre, en cer­taines cir­cons­tances ou la reli­gion même serait enga­gée. Les vrais fidèles sont les hommes qui puisent dans leur seul bap­tême, en de telles conjonc­tures, l’ins­pi­ra­tion d’une ligne de conduite ; non les pusil­la­nimes qui, sous le pré­texte spé­cieux de la sou­mis­sion aux pou­voirs éta­blis, attendent pour cou­rir à l’en­ne­mi, ou s’op­po­ser a ses entre­prises, un pro­gramme qui n’est pas néces­saire et qu’on ne doit point leur don­ner. »((L’Année Liturgique, Le Temps de la Septuagésime, Volume 4, fête de St. Cyrille d’Alexandrie, Dom Guéranger, p. 321–322.)) Mgr Marcel Lefebvre : « Aucune auto­ri­té, même la plus éle­vée dans la hié­rar­chie, ne peut nous contraindre à aban­don­ner ou à dimi­nuer notre foi catho­lique clai­re­ment expri­mée et pro­fes­sée par le magis­tère de l’Église depuis dix-​neuf siècles. « S’il arri­vait, dit saint Paul, que nous-​mêmes ou un ange venu du ciel vous enseigne autre chose que ce que je vous ai ensei­gné, qu’il soit ana­thème. » (Gal. 1, 8.) N’est-​ce pas ce que nous répète le Saint-​Père aujourd’hui, Et si une cer­taine contra­dic­tion se mani­fes­tait dans ses paroles et ses actes ain­si que dans les actes des dicas­tères, alors nous choi­sis­sons ce qui a tou­jours été ensei­gné et nous fai­sons la sourde oreille aux nou­veau­tés des­truc­trices de l’Église.« 4

8.3. Prière pour le pape et pour l’Église

Ne pourrions-​nous pas dire que, en rai­son des ensei­gne­ments héré­tiques du pape Jean-​Paul II, les catho­liques tra­di­tion­nels ne sont pas tenus de prier pour lui ? Avant toute autre consi­dé­ra­tion, je dirais que le refus de prier pour le pape n’est pas un com­por­te­ment catho­lique. Quand saint Pierre a été jeté en pri­son par Hérode, toute l’Église priait pour lui : « L’Église ne ces­sait d’a­dres­ser pour lui des prières à Dieu. » (Actes XII, 5). Nous sommes main­te­nant dans une situa­tion dif­fé­rente, bien que nous puis­sions dire que les papes de Vatican II sont en quelque sorte pri­son­niers de leurs idées fausses. Leur libé­ra­lisme les empêche d’ac­com­plir plei­ne­ment leur mis­sion de confir­mer leurs frères dans la foi : « et toi, quand tu seras conver­ti, affer­mis tes frères. » (Luc XXII, 32). Nous avons besoin de prier pour le pape pour qu’il ait la force de rem­plir sa mis­sion de suc­ces­seur de saint Pierre telle que défi­nie au concile Vatican I : « Car le Saint Esprit n’a pas été pro­mis aux suc­ces­seurs de Pierre pour qu’ils fassent connaître, sous sa révé­la­tion, une nou­velle doc­trine, mais pour qu’a­vec son assis­tance ils gardent sain­te­ment et exposent fidè­le­ment la révé­la­tion trans­mise par les Apôtres, c’est-​à-​dire le dépôt de la foi. »((Constitution Pastor Aeternus, le 18 juillet 1870)) Par ailleurs, si nous vou­lons gagner des indul­gences, nous sommes tenus de prier pour les inten­tions du pape. Si nous refu­sions de prier pour le pape, nous ne serions pas capables de gagner la plu­part des indul­gences, et nous devrions rôtir pen­dant long­temps en pur­ga­toire pour cette rai­son. Le Canon 934 §1 dit : « Si pour gagner une indul­gence une prière géné­rale aux inten­tions du Souverain Pontife est pres­crite, une prière sim­ple­ment men­tale ne suf­fit pas : une prière vocale au choix des fidèles est accep­table, à moins qu’une prière par­ti­cu­lière soit assi­gnée. »

8.4. Attitude de Mgr Lefebvre

« Là encore nous devons demeu­rer dans l’es­prit de l’Église. Nous devons refu­ser le libé­ra­lisme d’où qu’il vienne parce que l’Église l’a tou­jours condam­né sévè­re­ment, parce qu’il est contraire à la royau­té de Notre Seigneur et en par­ti­cu­lier à sa royau­té sociale. Comme pour le pro­blème de l’in­va­li­di­té de la Nouvelle Messe, ceux qui affirment qu’il n’y a pas de pape sim­pli­fient trop les pro­blèmes. La réa­li­té est plus com­plexe. Si l’on se penche sur la ques­tion de savoir si un pape peut être héré­tique on s’a­per­çoit que le pro­blème n’est pas aus­si simple qu’on le croi­rait. L’étude très objec­tive sur ce sujet par Xavier de Silveira, montre qu’un bon nombre de théo­lo­giens pensent que le pape peut être héré­tique comme doc­teur pri­vé mais non comme doc­teur de l’Église uni­ver­selle. Il fau­drait donc exa­mi­ner dans quelle mesure le pape Paul VI a vou­lu enga­ger son infailli­bi­li­té dans ces divers cas où il a signé des textes proches de l’hé­ré­sie sinon héré­tiques. »((La Nouvelle Messe et le Pape, Mgr. Lefebvre, le 8 novembre 1979))

9. Conclusion

9.1. Notre-​Seigneur était-​il sédévacantiste ?

Quand il prê­chait en Palestine, et jus­qu’au moment où il fut arrê­té et condam­né à mort, Notre-​Seigneur conti­nuait à recon­naître l’au­to­ri­té du sacer­doce mosaïque. « Alors Jésus, s’a­dres­sant au peuple et à ses dis­ciples, par­la ain­si : « Les scribes et les pha­ri­siens sont assis dans la chaire de Moïse. Faites donc et obser­vez tout ce qu’ils vous disent ; mais n’i­mi­tez pas leurs œuvres, car ils disent et ne font pas. » (Matthieu XXIII, 1–3). Plus encore, Notre-​Seigneur ne ren­voya pas saint Pierre après son triple renie­ment durant la nuit de la Passion, mais le confir­ma dans ses fonc­tions après que Pierre eut fait répa­ra­tion pour son péché (Jean XXI, 15–17).

9.2. Notre-​Dame était-​elle sédévacantiste ?

Quand elle appa­rut à Fatima, Notre-​Dame deman­da que la consé­cra­tion de la Russie soit faite par le pape en union avec les évêques du monde entier. Comme nous le savons, une telle consé­cra­tion n’a pas encore eu lieu. S’il n’y avait plus de pape, cela vou­drait dire que Notre-​Dame se serait trom­pée quand elle avait pré­dit que la consé­cra­tion aurait bien lieu, mais tard.

9.3. Mots de sagesse

A la fin de cette étude, je vou­drais citer le grand Dom Marmion : « Quand nous paraî­trons devant le Christ au der­nier jour, il ne nous deman­de­ra pas si nous avons beau­coup jeû­né, si nous avons vécu dans la péni­tence, si nous avons pas­sé de nom­breuses heures en orai­son ; non, mais si nous avons aimé nos frères. Est-​ce donc que les autres com­man­de­ments seront lais­sés de côté ? Non certes ; mais leur accom­plis­se­ment n’au­ra ser­vi à rien si nous n’a­vons pas obser­vé le pré­cepte de l’a­mour fra­ter­nel, si cher à Notre-​Seigneur puisque c’est son com­man­de­ment que nous nous aimions les uns les autres. »((Le Christ, vie de l’âme, Dom Marmion, p. 433)) Permettez-​moi une para­phrase : quand nous appa­raî­trons devant le Christ, il ne nous deman­de­ra pas notre opi­nion sur la légi­ti­mi­té du pon­ti­fi­cat de Jean-​Paul II. Il nous deman­de­ra plu­tôt si nous avons gar­dé la foi, et si nous l’a­vons nour­rie en assis­tant à des messes valides et en rece­vant des sacre­ments valides. Telle est la mis­sion de la Fraternité Saint-​Pie X, de four­nir aux âmes ces moyens néces­saires de sanctification.

Abbé Dominique Boulet

Source : Communicantes n° 21 d’octobre-​novembre 2004

  1. Concile de Constance, Session VIII : erreur n°8 de Jean Wycliffe []
  2. Concile de Constance, Session XV : erreur n°20 de Jean Hus []
  3. NDLR de LPL : les esprits taquins disent de cette congré­ga­tion qu’elle est « sédé­vé­can­tiste de droit pon­ti­fi­cal ». []
  4. Déclaration du 21 novembre 1974 []